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Inspection du travail, réforme et luttes

MessagePosté: 14 Fév 2014, 06:11
de Pïérô
la réforme Sapin s'attaque à l’inspection du travail
Un entretien qui explique bien les enjeux, sur La Rotative

Inspection du travail : « La réforme est dangereuse »

Le 3 février, à l’appel de plusieurs organisations syndicales, les agents de l’inspection du travail étaient en grève contre la réforme Sapin, qui devrait entraîner une baisse du nombre d’agents de contrôle et fait peser un risque sur leur indépendance. Quelques jours avant la grève, on a rencontré Marcel Poletti et Carole Deveau, inspecteurs du travail en région Centre.

Vous pouvez nous rappeler quel est le rôle de l’inspection du travail ?

M.P. : Sa principale mission est de contrôler l’application des lois, règlements, dispositions conventionnelles, etc. relatives au travail au sein des entreprises. Elle a aussi des missions annexes de « veille sociale » : on doit faire remonter à l’administration centrale les difficultés que l’on constate dans l’application des lois, proposer des améliorations, etc. Cependant, l’administration centrale ne tient aucun compte des propositions que nous pouvons être amenés à faire pour améliorer l’application de la législation.

On peut aussi être amenés à intervenir dans les conflits collectifs, essentiellement pour faire en sorte que la discussion puisse avoir lieu et permettre des avancées.

L’inspection du travail est organisé en sections teritoriales. Les agents de contrôle (inspecteurs et contrôleurs) se voient affecter un territoire sur lequel ils exercent leurs activités. En principe, les sections comprennent un inspecteur du travail, qui est chef de service, deux contrôleurs du travail, qui s’occupent chacun d’une partie du territoire de la section, et des agents de secrétariat. Cette cellule de base de l’inspection du travail est aujourd’hui remise en cause par le projet Sapin, qui est présenté à l’Assemblée nationale.

C.D. : Notre principale préoccupation, c’est la perte d’indépendance des agents de contrôle. Notre activité sera surveillée par une hiérarchie qui sera beaucoup plus présente. Le projet de loi prévoit la création d’une nouvelle strate hiérarchique, occupée par des personnes choisies parmi les agents de contrôle. Cela entraînera une réduction du nombre d’agents de contrôle, et les agents de contrôle auront désormais un supérieur hiérarchique direct qui orientera leur action.

J’ai cru comprendre que la réforme entraînerait une baisse des effectifs de secrétariat et la disparition du poste de contrôleur.

M.P. : La baisse des effectifs de secrétariat est indépendante de la réforme Sapin : dans toute la fonction publique, le nombre d’agents de catégorie C est en diminution. Il n’y quasiment pas de concours ouverts, et ceux qui partent en retraite ne sont jamais remplacés. Cela a une répercussion sur la charge de travail des agents de contrôle, mais il s’agit d’un élément de contexte, pas d’une conséquence de la réforme.

C.D. : La suppression des secrétariats est une façon d’éloigner les agents de contrôle des entreprises, puisqu’ils doivent désormais réaliser des tâches administratives qui ne relèvent ni de leurs compétences, ni de leurs missions.

Je veux revenir sur la question de l’indépendance. Dans le monde entier, les systèmes d’inspection du travail sont protégés par un principe d’indépendance établi dans la convention 81 de l’Organisation Internationale de Travail. Ce principe doit permettre aux inspecteurs de travail de réaliser leurs missions sans subir des pressions du pouvoir économique et politique. La réforme est dangereuse, parce qu’elle remet en cause notre indépendance.

M.P. : Aujourd’hui, ceux qui ont autorité sur la section d’inspection, ce sont les inspecteurs du travail, qui sont essentiellement recrutés par concours. La réforme Sapin prévoit la substitution de l’autorité de l’inspecteur du travail par celle exercée par une nouvelle strate hiérarchique composée d’agents qui seront choisis par l’administration centrale ou régionale. Ce choix ne procédera d’une prise en compte de critères liés à la compétence, et il y a donc un problème de garantie de l’indépendance. Il est clair que certains ne seront pas choisis, quelles que soient leurs compétences.

J’estime que ma mission consiste surtout à répondre à la demande sociale. Il ne s’agit pas nécessairement de décliner des politiques nationales, décidées en fonction de l’actualité. Par exemple, aucun des appels que j’ai reçus aujourd’hui ne concernait une problématique nationale : c’était des problèmes de représentants du personnel qui m’ont soumis des projets, demandé des conseils ou des interventions, etc. Cela ne correspond en rien à ce que nous demande l’administration centrale dans le cadre du plan « Santé au travail ». Je n’exclus pas pour autant les problématiques abordées par ce plan, mais l’autonomie et l’indépendance dont je dispose aujourd’hui me permettent de répondre d’abord à la demande sociale. Ce sera beaucoup plus difficile si le projet de réforme est mis en œuvre.

Le projet de réforme renforce aussi la culture du résultat : il s’agira de réaliser tant de contrôles, de cocher tant de cases… Sans tenir compte du fait qu’il faut plus de temps pour contrôler la durée du travail dans une entreprise que pour contrôler la présence de l’affichage obligatoire.

M.P. : La même question s’est posée dans la police, où des organisations syndicales ont dénoncé une course aux chiffres complètement déconnectée des réalités et qui n’a aucun sens. L’exigence de notre hiérarchie est la même : chacun d’entre nous devrait réaliser 200 interventions par an. Mais ce chiffre n’a aucun sens : le contrôle du respect de l’affichage obligatoire et les problématiques d’heures supplémentaires, de travail dissimulé ou de souffrance au travail ne demandent pas le même temps, alors même qu’ils comptent chacun pour une intervention. La création d’une nouvelle strate hiérarchique sera un élément de contrôle supplémentaire dans cette course au chiffre. D’autant que les primes représentent 25 % de la rémunération des inspecteurs du travail.

Dans le projet de réforme pour le Loir-et-Cher, on a vu apparaître des objectifs comme « deux contrôles par mois et par agent sur la durée du travail dans les transports ». C’est aussi précis que ça ! Et c’est complètement illusoire, sauf si l’on contrôle uniquement la durée du travail d’un chauffeur sur une journée. Cela permettra de cocher une case, mais cela ne correspondra pas à un réel contrôle permettant de relever toutes les infractions. C’est une pure escroquerie intellectuelle. Alors qu’on intervient dans les entreprises à propos des risques psychosociaux et de la perte de sens, on nous fait subir cette même perte de sens.

François Hollande avait annoncé une augmentation des effectifs de l’inspection du travail pendant sa campagne présidentielle. Or, on se dirige vers une diminution des effectifs, alors même que le nombre d’inspecteurs est très faible au regard du nombre d’entreprises au sein desquelles ils doivent exercer leur contrôle.

M.P. : Lorsqu’on n’y regarde pas de trop près on peut penser que la promesse d’augmenter les effectifs d’inspecteurs du travail va être tenue, puisque le projet Sapin prévoit de transformer les postes de contrôleurs du travail en postes d’inspecteurs du travail. Mathématiquement, on constatera donc une augmentation du nombre d’inspecteurs. Mais, là encore cela relève de l’escroquerie intellectuelle car globalement, le nombre d’agents de contrôle (contrôleurs du travail et inspecteurs du travail) va baisser. Principalement parce que la nouvelle hiérarchie mise en place sera prise sur les effectifs d’agents de contrôle.

C.D. : Les effectifs vont également baisser en raison du non remplacement des départs en retraite.

M.P. : Il y a aussi la création d’un groupe national de contrôle dédié au travail illégal, dont les effectifs seront ponctionnés parmi les agents de contrôle sur le terrain. Pour prendre un exemple concret, à Châteauroux, il y a actuellement 11 agents de contrôle : après la réforme, il n’y en aura plus que 8 !

C.D. : C’est énorme. La charge de travail sera répartie sur les autres agents restants, alors que les effectifs étaient déjà insuffisants. La situation sera difficilement tenable pour les agents, et les salariés des entreprises du département n’obtiendront pas les réponses qu’ils attendent. Nous avons récemment rappelé au directeur régional que deux suicides d’inspecteurs du travail (reconnus en accidents de service) avaient eu lieu en 2011 et 2012, et que ces suicides étaient liés aux conditions de travail.

M.P. : Aujourd’hui, on constate chez certains inspecteurs et contrôleurs un désespoir profond. J’entends certains dire : « On n’a plus rien à faire dans ce ministère. On va se barrer. Soit on se barre ailleurs, soit on se barre les pieds devant ». La perte d’autonomie entraînera une perte de sens. On devra se bagarrer en permanence, car on sera confrontés d’une part aux employeurs dans les entreprises, et d’autre part à notre hiérarchie.

Les contrôleurs du travail seront également mis en difficulté. Le projet prévoit de transformer tous les postes de contrôleur du travail en section en poste d’inspecteurs du travail. Or, tous les contrôleurs ne veulent pas devenir inspecteurs : ce n’est pas le même travail. Et puis, ce n’est pas les mêmes compétences. Les contrôleurs qui refuseront de devenir inspecteurs ou qui ne le pourront pas devront donc quitter l’inspection du travail.

C.D. : La réforme fabrique une incompétence de l’inspection du travail. On va envoyer sur le terrain des agents qui sont moins formés et ne sont pas à même d’affronter les équipes de DRH et de juristes qu’alignent les entreprises du CAC40 et les groupes internationaux. Un agent qui n’est pas formé pour ça ne pourra pas se sentir bien. On risque d’assister à des dérapages. Les contrôles ne sont pas toujours faciles. Et les positions que prend le ministère vis-à-vis des employeurs peuvent encore nous fragiliser.

M.P. : On est souvent mis en cause par les employeurs, notamment sur la question de notre impartialité. Derrière, il faut que la hiérarchie suive. Il est hors de question de se laisser insulter sans réagir, et on demande à la hiérarchie de nous appuyer. Mais ce n’est pas toujours le cas… loin de là. A Châteauroux, deux collègues inspecteurs du travail ont été violemment mis en cause par une organisation patronale ; malgré le soutien que ces collègues ont reçu de la part de toutes les organisations syndicales de salariés du département, l’affaire s’est terminée par leur mutation « dans l’intérêt du service ».

Il y a aussi le cas de Gérard Filoche…

M.P. : Non seulement il n’avait pas été soutenu par la hiérarchie, mais l’administration centrale a contribué à ce qu’il soit poursuivi devant le tribunal correctionnel pour entrave au fonctionnement d’un comité d’entreprise, accusation dont il a été blanchi par les jugees [1]. Auparavant, il avait déjà été mis en cause parce qu’il s’exprimait trop librement dans les médias ; cela avait donné lieu à la publication d’une circulaire surnommée « ferme ta gueule », en partie contestée en justice. Cela révèle l’ambiance délétère qui règne dans les services.

En région Centre, on connait des cas dans lesquels le directeur régional de la DIRRECTE [2] est manifestement intervenu pour freiner l’action de l’inspection du travail : ça a été le cas à Châteauroux ou à Bourges.

C.D. : Quand on signale des non-conformités de machines à l’origine d’accidents graves voire mortels, on ne sait pas ce que deviennent ces signalements. Quand on interroge le ministère sur l’interprétation d’un texte, on n’a jamais de réponse.

Pour illustrer les vertus du projet de réforme, le gouvernement met en avant le fait que les DIRECCTE pourront désormais prononcer des amendes administratives.

M.P. : Le projet prévoit effectivement un renforcement du volet « sanctions ». Tout n’est pas négatif, même s’il faudra voir quel sera le contenu des décrets d’application de la loi. Cependant, les amendes administratives et les possibilités de transactions pénales seront quasiment laissées à la discrétion du directeur de la DIRECCTE. Or, le directeur est nommé – ou limogé – par le pouvoir politique, sans que celui-ci ait besoin de se justifier. Et puis, la fonction première du directeur est l’aide aux entreprises : dans l’acronyme DIRECCTE, les entreprises passent avant le travail et l’emploi. On assistera donc à une forme de schizophrénie : le directeur sera à la fois celui qui devra sanctionner et aider les entreprises. Cela pose vraiment un problème d’indépendance.

Pour nous, la sanction doit être prononcée par une autorité indépendante, qu’il s’agisse du juge judiciaire ou d’un agent de l’inspection du travail présentant des garanties d’indépendance équivalentes. C’est fondamental. Et puis, le détournement de la procédure judiciaire au profit de la procédure administrative pose problème. Dans le deuxième cas, les conditions de sanction sont quand même beaucoup plus sympathiques. L’employeur qui passe devant un juge, entre celui qui a bu un coup de trop et le petit délinquant à la sauvette, ça avait une fonction d’exemplarité qui va disparaître.

C.D. : En plus, la procédure judiciaire est publique, ce qui n’est pas le cas de la procédure administrative.

M.P. : On nous dit souvent que la justice pénale ne répond pas de façon satisfaisante aux procédures de l’inspection du travail, parce que beaucoup de procédures sont classées sans suite. Mais c’est comme si l’on proposait de supprimer les feux de signalisation parce que beaucoup d’automobilistes grillent les feux rouges. Il y a une défaillance, mais plutôt que de la régler, on profite de la défaillance pour orienter autrement les suites que l’on donne aux constats d’infractions établis par l’inspection du travail.

Au-delà de la grève prévue le 3 février, quelles sont les prochaines étapes ?

M.P. : On demande que le projet de réforme de l’inspection du travail soit sorti du projet de loi sur la formation professionnelle. Cela permettrait d’entamer un débat sur le fond du projet. La réforme est tellement importante qu’elle ne peut être noyée dans un projet de loi global : 18 millions de salariés sont concernés. D’autant que le projet va être examiné en urgence par l’Assemblée nationale, avec des débats très resserrés.

C.D. : Nous incitons les gens à écrire à tous les députés et sénateurs pour que la réforme de l’inspection du travail soit retirée du projet de loi sur la formation.


Le 3 février, environ 10 % des agents du ministère du Travail étaient en grève dans toute la France.


Notes

[1] Pour plus de détails sur cette affaire, lire http://www.filoche.net/2012/07/10/victo ... le-14-a-0/

[2] Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi

http://tours.mediaslibres.org/inspectio ... forme.html

Re: Inspection du travail, une réforme dangereuse

MessagePosté: 14 Fév 2014, 23:08
de mimosa rouge
Mais ce chiffre n’a aucun sens : le contrôle du respect de l’affichage obligatoire et les problématiques d’heures supplémentaires, de travail dissimulé ou de souffrance au travail ne demandent pas le même temps

c'est là que les syndicats ont une carte à jouer : se reconstituer par branche localement et être en capacité de monter eux même les dossiers ... l'institution d'Etat à fait faillite ( ... et bah nous les révolutionnaires on a va profiter de cette situation pour rappeler aux copains que "notre émancipation sera notre oeuvre propre !" .et le ministere le reconnait en demandant aux organisations syndicale de faire leur boulot a travers des "conventions de lutte contre le travail dissimulé" ... (le frein semble être les bureaucrates qui ont peur du taf a fournir et de la responsabilité à engager ... )
par contre va falloir être un peu mieux organisé qu'actuellement et dans un autre état d'esprit "stratégique" (je sais pas si ça se dit ça ?! ).
J'aime bien Marcel Poletti (et Deveau ), mais les pauvres sont bien dépassé malgré leur volonté et leur disponibilité, même avec l'organisation actuelle de l'inspection du travail .... et se reposer sur eux est déjà une erreur (qu'on paye cher, y compris par la mort )

On n’a plus rien à faire dans ce ministère. On va se barrer. Soit on se barre ailleurs, soit on se barre les pieds devant
qu'ils viennent militer dans les ul et forment les copains qui remontent des syndicats de branches ... qu'ils viennent on rigole bien et en plus a la fin : on gagne

Re: Inspection du travail, une réforme dangereuse

MessagePosté: 28 Fév 2014, 11:47
de bipbip
La réforme de l’inspection est rejetée par le Parlement
Communiqué SUD Travail Affaires sociales
http://www.solidaires.org/article47428.html

Re: Inspection du travail, une réforme dangereuse

MessagePosté: 12 Mar 2014, 02:23
de Pïérô
Inspection du travail: l'Assemblée contournée

«Acharnement», «passage en force», «fuite en avant», «bricolage», «abracadabrantesque»… Estomaqués, les syndicalistes de l’inspection du travail semblent ne pas trouver de mots assez forts pour dénoncer la dernière trouvaille du ministre du Travail, Michel Sapin, pour imposer coûte que coûte sa réforme des services, lancée à l’été 2012, et fortement contestée en interne depuis, pour la menace qu’elle fait peser sur les effectifs et sur l’indépendance des agents chargés de contrôler l’application du Code du travail. La semaine dernière, ils ont pu éprouver un court sentiment de victoire. Après son adoption par l’Assemblée nationale, puis son rejet par le Sénat, la commission mixte paritaire décidait, le lundi 24 février, d’écarter de la loi sur la formation professionnelle son article 20, un cavalier détaillant les « nouveaux pouvoirs » attribués à l’inspection du travail, ainsi que la réorganisation de ses services. Mais trois jours plus tard, le ministre est revenu à la charge. Jeudi soir, il a annoncé une proposition de loi au printemps pour le volet « nouveaux pouvoirs ». Et un décret « dans les jours qui viennent » pour le volet « restructuration ». Dès lundi, il a transmis aux syndicats le projet de décret, en vue d’une consultation en comité technique ministériel le 14 mars.

Un passage en force à haut risque

Contourner l’obstacle du débat parlementaire, en transformant un projet de loi en projet de décret échappant à toute discussion, la méthode choque. « Le décret, c’est la dernière invention de nos hiérarques, qui montre à quel point ce pouvoir s’assied sur les règles les plus élémentaires de la démocratie, s’emporte Pierre Mériaux, du syndicat SNU (FSU) de l’inspection du travail. C’est choquant et irresponsable. Pour n’importe quelle institution, surtout si elle a une fonction régalienne, on ne doit pas pouvoir modifier son fonctionnement sans débat devant le Parlement ! » Un passage en force à haut risque juridique. Le projet de loi définissait clairement le nouvel échelon hiérarchique des « directeurs d’unité de contrôle », justement dénoncés par les syndicats comme une manière de reprendre en main les agents et de réorienter leur activité, au détriment de leur mission au service des travailleurs. Avec la contrainte de rester sur le terrain réglementaire, le projet de décret louvoie sur la question de ce nouvel échelon. « Sapin veut faire rentrer par la fenêtre ce qui est sorti par la porte du Parlement, cela aboutit à une rédaction du décret abracadabrantesque, appuie Anthony Smith de la CGT. Écrire un décret en deux jours, c’est une fuite en avant qui frise le ridicule. »

"On va riposter"

Autre aberration, le ministère a décidé de ne pas soumettre ce nouveau projet de décret au Conseil national de l’inspection du travail (Cnit), au motif que ce conseil de « sages » avait déjà examiné le projet de loi et les décrets afférents, alors qu’il s’agit de textes différents… Des points d’appui pour les syndicats, pour un recours devant le Conseil d’État pour faire annuler le décret. « On va riposter, confirme Pierre Mériaux du SNU. Mais vu l’acharnement de Sapin et sa clique, le risque est qu’ils réorganisent tout de même les services. Et si dans un an le Conseil d’État nous donne raison, ce sera le grand bazar. C’est ce qu’on appelle détruire sciemment un service public, par la désorganisation ! » Pour éviter cette « catastrophe », il faut « retirer ce décret, et ouvrir des négociations sérieuses pour un renforcement réel de l’inspection du travail et pour un Code du travail protecteur, estime Anthony Smith de la CGT. Le ministre doit enfin comprendre qu’on ne peut pas faire une réforme contre l’ensemble du corps ».

Une réforme malgré les agents, c’est pourtant bien l’objectif du ministre Sapin, comme le montre son discours devant les directeurs régionaux, le 12 février dernier. Une harangue les encourageant à porter le projet, impressionnante par le nombre d’occurrences de l’idée de « force » : « C’est à vous de porter le ministère fort, et donc à vous d’être forts dans ce mouvement. Assumez cette force, vous qui vous êtes tant désolés de la faiblesse de ce ministère. Vous n’avez pas le droit de reculer ! C’est à vous de jouer ! » Pour Pierre Mériaux du SNU, « si dans une entreprise je tombais sur un tel discours d’employeur qui galvanise ses cadres pour leur dire de ne pas écouter les voix dissonantes, les râleurs, les syndicalistes, dans une situation de forte tension interne avec plusieurs suicides, ça relèverait du délit de harcèlement ». Contacté par nos soins, le cabinet du ministre Sapin n’a pas donné suite.

http://www.humanite.fr/social-eco/trava ... -la-560453

Re: Inspection du travail, une réforme dangereuse

MessagePosté: 15 Mar 2014, 16:44
de bipbip
Soutien à un adhérent de la CNT-AIT de Bordeaux (courageux)

La CFDT attaque un travailleur

Pour répondre à une énième provocation de la CFDT sur la justification de sa présence à la table de négociations de la réforme "Sapin" de l’inspection du travail, un contrôleur du travail a diffusé en interne au sein de son administration, la DIRECCTE Aquitaine, un mail accompagné d’une photo des accords de Munich. Il est à rappeler que la CFDT est la seule, avec l’UNSA, à participer à toutes les réunions de négociation au Ministère du Travail.

En réponse, la CFDT n’a rien trouvé de mieux que d’assigner ce travailleur au tribunal de police pour "diffamation non-publique" - contravention de 1ère classe . Pour avoir simplement exprimé son opinion au sein de son administration, cet agent encourt une amende de 38€, mais la facture totale pourra en réalité s’élever à 4538€, soit 1000€ de dommages et intérêts, 2500€ de frais d’avocat de la CFDT et 1000€ pour le sien, quand son salaire s’élève à 1500€.

Par ce geste, la CFDT réussit l’exploit de s’attaquer à la fois :
- à la liberté d’expression
- aux travailleurs qu’elle prétend défendre
- aux principes même du syndicalisme
- à une autre organisation syndicale puisque ce travailleur est également militant de la CNT-AIT.

Nous dénonçons le comportement antisyndical et liberticide de la CFDT qui a choisi son camp : celui des oppresseurs.

Nous, militants de la CNT-AIT, soutiendrons notre compagnon, Damian KAWE, le jour de l’audience.

RDV nombreux le jeudi 27 mars 2014 à 8h30, Tribunal de police de Bordeaux, 180 rue Lecoq.

http://cntaitgironde.free.fr/spip.php?article157

Re: Inspection du travail, une réforme dangereuse

MessagePosté: 15 Mar 2014, 20:38
de SchwàrzLucks
Solidarité avec lui, certes, mais je vois mal ce qu'il y a de courageux à faire ça... :?

C'est sans réel intérêt (même s'il a raison) et ça le met en danger d'un point de vue légal. Si ça relève du courage, je pourrais citer un bon quart de mes collègues parmi les gens courageux au vu de ce qu'ils ont pu faire au taf.

Re: Inspection du travail, une réforme dangereuse

MessagePosté: 16 Mar 2014, 01:59
de Pïérô
Je pense que "courageux" se rapporte à la fois à la manière du combat mené, et au syndicat d'affiliation, parce que dans les deux domaines c'est pas loin du suicide. :wink:
Du coup, je pense que la solidarité ne peut souffrir ce type de commentaire acide. Je pense que cet appel à soutien mérite d'être entendu et être relayé, et être soutenu.

Re: Inspection du travail, une réforme dangereuse

MessagePosté: 16 Mar 2014, 13:03
de SchwàrzLucks
Au delà du soutien à lui apporter (sur lequel je n'ai rien à redire), il y a quand même une question de fond à régler. Sommes-nous réellement sensés devenir des martyrs pour rien ?

Si un inspecteur du travail se servait des informations qu'il récolte pendant ses heures du travail au profit d'un syndicat de branche, il se mettrait en danger mais au moins cela servirait la cause. Là, il se met en danger, mais à part se faire plaisir, quel est l'intérêt ?

Re: Inspection du travail, une réforme dangereuse

MessagePosté: 17 Mar 2014, 00:03
de Pïérô
C’est bien pour cela que je parle de courage, car ne pas rentrer à la CGT en recette clefs en mains portée en petit donneur de leçon à la petite semaine en mode CSR, cela permet de se positionner au moins surement hors champ de la collaboration de classes. C’est en mode acide, et je peux faire aussi, sauf que je n’ai pas la prétention d’avoir la recette, ni de faire la leçon. :wink:

Re: Inspection du travail, une réforme dangereuse

MessagePosté: 17 Mar 2014, 19:44
de SchwàrzLucks
Le "petit donneur de leçons" n'a aucun mandat syndical (et donc aucune heures de délégation), bosse au smic, à temps partiel, dans une branche où il est l'un des deux seuls syndiqués dans la région à la CGT et tente de monter une SSE dans sa boîte sans avoir un soutien formidable de son UL, et ne parlons même pas de syndicat de branche. En plus, il n'est pas tant "donneur de leçons" que ça, puisqu'il est conscient d'avoir fait deux erreurs grossières qui le mettent aujourd'hui dans la merde, et un bilan sera formulé. Je ne vais bien sûr pas détailler ici, sur un forum public. Et je tiens à préciser qu'à ce jour mes pratiques sont encore loin d'être révolutionnaires.

Alors désolé, mais quand un mec, contrôleur du travail (qui est donc loin d'être parmi les plus à plaindre, soyons sérieux deux minutes, syndicalement parlant un fonctionnaire n'a AUCUNE excuse pour ne pas se donner), joue au suicidaire (parce que c'est clairement ça) et se fait son petit plaisir sans réel intérêt, je me permets de critiquer, oui. Parce que des trucs du genre, mes collègues en font tous les jours (dons de produits supplémentaires aux client-e-s, pertes volontaires pour faire chier le patron, moqueries envers le patron et la direction à tout bout de champ, etc.), et je le dis clairement : ça n'a aucun intérêt si c'est détaché d'une stratégie réfléchie collectivement. On se fait plaisir, c'est tout. Par contre, mes collègues ont le malheur de ne pas se déclarer révolutionnaires... Dommage, on aurait pu balancer un appel à soutien pour leur "courage" si tel avait été le cas.

Je vois mal le rapport "CGT = collaboration de classes" d'ailleurs. Des collabos, il y en a partout, et probablement presque autant chez SUD ou à la CNT qu'à la CGT (non pas qu'il n'y en a pas à la CGT, la propreté des Ports et Docks est une cata par exemple). Toute une fédération SUD à la jaunisse dans mon département d'origine, d'ailleurs il me semble que c'est la même branche que toi. On se retrouve à devoir construire en opposition à SUD dans certaines boîtes, si ça ne relève pas de l'aberration je ne sais pas.

Tout ça pour dire que tu peux me critiquer, mais fais-le sur mes pratiques ou mes discours, pas sur mon appartenance aux CSR, que tu t'amuses à remettre systématiquement sur le tapis quand un membre des CSR s'exprime, alors que ce n'est pas le sujet.

Alors réponds donc sur le fond : quel intérêt a l'acte de ce militant cénétiste pour l'avancée de notre combat ? Alors ? Plaisir personnel ou débouché d'une réflexion collective qui pourra aboutir à des avancées ? Comme je l'ai dit et redit, je n'ai rien contre le fait que ce militant s'amuse ainsi, et le soutiens, mais je réaffirme que ça reste un suicide et un plaisir strictement personnel, ça ne fait pas avancer le schmilblick.
Pour moi, les vrais "héros" (quoi que je n'aime pas tellement ce terme) sont ceux qui font le taf syndical au quotidien et construisent petit à petit, en acceptant avoir fait des erreurs et en en apprenant, en élaborant collectivement des stratégies, en construisant au-delà de leur boîte et même au-delà de leur branche. Généralement, ce ne sont pas les plus grandes gueules...

Re: Inspection du travail, une réforme dangereuse

MessagePosté: 01 Avr 2014, 00:53
de bipbip
Rencontre avec des inspecteurs du travail en lutte contre la réforme Sapin

Deux inspecteurs du travail syndiqués à Sud et à la CGT exposent les tenants et aboutissants de la réforme de leur administration voulue par le ministre socialiste Michel Sapin et expliquent en quoi cette réforme vise à casser ce service public indispensable à la défense des droits des salariés.

Emission à écouter sur SONS EN LUTTES : http://www.sonsenluttes.net/spip.php?article719

Re: Inspection du travail, une réforme dangereuse

MessagePosté: 23 Mai 2014, 05:45
de bipbip
Communiqué
Le crépuscule du droit pénal du travail

Le 27 février 2014, le Sénat rejetait la réforme de l’inspection du travail – curieusement incluse dans le projet de loi sur la formation professionnelle – contraignant le ministre du travail à retirer son texte. Pour autant, le gouvernement n’a pas renoncé : malgré l’opposition des parlementaires et la mobilisation des organisations syndicales, dénonçant l’atteinte portée à l’indépendance de l’inspection du travail, il a commencé par recourir à un décret pour imposer aux 2230 inspecteurs et contrôleurs le volet de la réforme consacré à la réorganisation du corps d’inspection.

Restait le volet de la réforme relatif à leurs pouvoirs : il revient plus discrètement sous la forme d’une proposition de loi, actuellement en cours d’examen à l’Assemblée Nationale, évidemment selon la procédure d’urgence.

L’objectif est vertueux – « renforcer l’efficacité des contrôles » – et le postulat commode : la justice pénale est notoirement inefficace pour sanctionner les infractions au code du travail. Les dispositions de la proposition de loi pourraient donc sembler de bon sens puisqu’il s’agit d’abord de court-circuiter, en pratique, le procureur de la République en créant des amendes administratives pour sanctionner les infractions au « socle de base en matière de respect des droits des salariés ». Mais que l’on se rassure : les apparences seront sauves puisque les incriminations pénales existantes resteront virtuellement dans le code. Il s’agit ensuite de mettre en place un mécanisme de transaction pénale pour l’essentiel des infractions au code du travail.

En dépit de bien maigres avancées, comme l’extension de la possibilité de faire cesser des travaux en cas d’atteinte à la santé et à la sécurité des travailleurs, cette proposition organise donc la dépénalisation rampante du droit du travail : la justice sera exclue, en droit ou de fait selon les cas, des mécanismes de sanction, lesquels relèveront du directeur régional du travail (DIRRECTE) alors même que son statut ne lui confère aucune garantie d’indépendance.

Au mépris du principe fondamental d’égalité devant la loi pénale, ce transfert de compétence offrira aux employeurs une alternative commode pour échapper au risque des poursuites pénales qui nuisent tant à leur image. Ils pourront ainsi négocier avec l’administration, à l’abri des regards, les conséquences de leurs choix dans des domaines aussi importants pour les droits des travailleurs que les règles régissant le contrat de travail, le recours à l’intérim, le droit disciplinaire, la durée du travail, la rémunération. Et, mis à l’écart de ces procédures, ni les travailleurs ni les organisations syndicales qui défendent leurs intérêts ne pourront faire entendre leur parole et faire valoir les droits des victimes de ces infractions.

Ainsi les graves carences de la justice dans la mise en œuvre du droit pénal du travail – toujours sacrifié au profit de la sacro-sainte comparution immédiate des auteurs d’infractions de droit commun – servent de prétexte à sa démission. Renonçant à une réflexion ambitieuse pour restaurer le respect de l’ordre public social dans l’intérêt de la société, le gouvernement préfère transférer à l’administration la répression de ces infractions.

Alors que les impératifs de protection sociale sont de plus en plus forts, le Syndicat de la Magistrature, le Syndicat des Avocats de France, et le Syndicat National CGT Travail Emploi Formation Professionnelle dénoncent les choix du gouvernement et la banalisation des violations du droit du travail qu’ils entérinent. Il appelle les parlementaires à résister à ces projets qui, après la loi dite « de sécurisation de l’emploi », relèguent au second plan les missions de contrôle et de sanction incombant au juge judiciaire en même temps qu’ils dévaluent le droit du travail au détriment de la protection des salariés.

Syndicat de la Magistrature
Syndicat des Avocats de France
Syndicat National CGT Travail Emploi Formation Professionnelle


Re: Inspection du travail, une réforme dangereuse

MessagePosté: 20 Sep 2014, 02:09
de bipbip
Mardi 23 septembre

Appel unitaire CGT, Solidaires, CNT, FSU

POUR UNE INSPECTION DU TRAVAIL AU SERVICE DES TRAVAILLEURS
POUR LA DEFENSE DES DROITS DES SALARIES DANS LES ENTREPRISES
Le 23 SEPTEMBRE 2014 soutenons les agents du ministère du travail en grève contre le Plan Sapin et les réformes des services !

A l’occasion d’un séminaire portant sur la nouvelle organisation de l’inspection du travail,
les organisations syndicales du ministère appellent à se rassembler à l’Institut National du Travail
(1498 route de Sain Bel, 69280 Marcy l’Etoile)
Le mardi 23 septembre 2014 à 10h.

tract, pdf : http://www.solidaires.org/IMG/pdf/Tract ... e_conf.pdf

Re: Inspection du travail, une réforme dangereuse

MessagePosté: 25 Sep 2014, 08:18
de bipbip
Inspection du Travail : des agents convoqués par la police suite à une plainte de la direction

Face à la contestation sociale, le ministère du travail et du dialogue social porte plainte contre ses propres agents.

Quatre personnels de l’inspection du Travail sont convoqués au commissariat de Villeurbanne le jeudi 2 octobre à 10h. Un rassemblement est appelé par l’intersyndicale à la même heure devant le commissariat de Villeurbanne.

Le 8 octobre 2013 une grande manifestation intersyndicale de contestation du projet de réforme de l’inspection du travail, dit « ministère fort », a eu lieu devant le centre de formation des inspecteurs du travail (INT). Le séminaire initialement prévu lors de cette journée, regroupant l’ensemble de la hiérarchie du ministère et présidé par le Ministre, a été légèrement chahuté par les manifestants.

C’en était trop pour notre ministère qui manifestement ne supporte même plus la contestation sociale. Le directeur de l’Institut National du Travail, après avoir envoyé les gendarmes mobiles contre les agents, a fait le choix, sur instruction du ministère, de porter plainte contre les inspecteurs et contrôleurs en lutte pour de supposées dégradations afin d’intimider les agents et empêcher toute manifestation à venir.

Aujourd’hui 4 de nos collègues sont convoqués par la police pour être entendus dans le cadre de cette plainte.
Nous nous élevons contre cette volonté de criminaliser l’action syndicale
Nous exigeons le retrait de la plainte de l’INT
Nous appelons à nous rassembler le 2 octobre à 10h00 devant le commissariat de Villeurbanne afin de soutenir nos collègues.

Une conférence de presse aura lieu le jour du rassemblement à 12h00 à l’Unité Territoriale de la DIRECCTE (8-10, rue du nord à Villeurbanne).

Texte de l"intersyndicale composée de CNT, FO, FSU, CGT et SUD
http://rebellyon.info/IMG/pdf/communiqu ... _int-1.pdf

http://rebellyon.info/Inspection-du-Tra ... gents.html

Re: Inspection du travail, une réforme dangereuse

MessagePosté: 08 Oct 2014, 07:08
de bipbip
Retour et communiqué suite au rassemblement contre la criminalisation de l’action syndicale

Un rassemblement de solidarité avec nos collègues de l’inspection du travail avait lieu devant le commissariat ce vendredi 3 octobre. Nous remercions la centaine de personnes qui s’était déplacée pour l’occasion.

Vous trouverez ci-dessous le communiqué intersyndical rédigé à l’issu de cette mobilisation.

La lutte contre la criminalisation de l’action syndicale continue.



SOLIDARITÉ AVEC NOS COLLÈGUES CONVOQUÉS AU COMMISSARIAT

Compte-rendu de la journée du 3 octobre 2014.

80 personnes ont répondu présents à l’appel à soutenir nos 4 collègues mis en cause suite au dépôt de plainte par le ministre suite à la journée de grève et de mobilisation du 8 octobre 2013.
Étaient présents dès 8h30 des collègues de la région Rhône-Alpes, ainsi que l’interprofessionnelle : UD CGT, UL CGT, Solidaires 69, UL FO, UD CNT.

Les deux collègues convoqués ont été entendus durant 1heure pour « délit de dégradation en bande organisée ».
Au cours de l’audition il a été confirmé que les personnes ont été identifiées par la direction régionale de notre ministère, et que l’enquête sera élargie afin d’auditionner d’autres collègues de Rhône-Alpes (42, 73, 74…).
Il est reproché la dégradation d’un laurier, d’un grillage pour le montant de 3800 euros et la non distribution de plateaux repas.

D’ores et déjà, deux autres camarades de Lyon vont être entendus le mardi 14 octobre à 10h30 et le jeudi 16 octobre à 14h30. Nous appelons l’ensemble des collègues à être présents afin d’exprimer notre solidarité.

Nous assistons aujourd’hui à une criminalisation de l’action syndicale qui a pour objet de freiner toute contestation et expression syndicale au sein du ministère.

Ces accusations ridicules ne doivent pas entamer notre détermination à rester mobiliser contre la réforme et ses effets.

http://rebellyon.info/Rassemblement-con ... ation.html