Re: solidarité kanaky
Posté: 11 Sep 2009, 12:26
Un article sur la Nouvelle-Calédonie et l'USTKE dans le dernier Monde libertaire # 1563 :
LA SAISON FRAÎCHE a été chaude en Kanaky!
Affrontements sur un aérodrome en mai, mandat de dépôt prononcé à l’encontre d’un responsable syndical en juin, une énorme manif de droite et des gendarmes cibles de tirs d’armes à feu en août… Au-delà des caricatures dressées de toute part, il est important de rétablir certaines vérités afin d’éviter de néfastes confusions.
L’USTKE et son dirigeant Gérard Jodar ne sont pas soutenus par tous les indépendantistes, loin de là. Beaucoup gardent le silence mais des voix s’élèvent pour refuser la valorisation de l’affrontement, jusqu’au responsable du Palika, une des deux principales composantes du FLNKS, Paul Néaoutyine.
L’USTKE a certainement perdu beaucoup de ses soutiens lorsqu’en juin dernier Gérard Jodar a prédit des événements semblables à ceux des années quatre-vingt, quand la Kanaky était au bord de la guerre civile.
L’immense majorité de la population, y compris kanak, ne veut surtout pas un retour à une telle époque.
L’USTKE est contre l’Accord de Nouméa, qui essaie de promouvoir une citoyenneté calédonienne et un destin commun. Les accords de Matignon, en 1988, avaient tout d’un traité de paix : il fallait mettre un terme à des affrontements très violents, la situation devenait une impasse sanglante, y compris pour les militants indépendantistes.
L’accord de Nouméa est une suite, négociée, insistant sur le respect de l’identité kanak et prévoyant une large autonomie politique et administrative pour la Kanaky, jusqu’à une possible indépendance en 2014 ou au-delà.
Affirmer une opposition aux méthodes et aux amalgames de l’USTKE ne revient pas à se ranger du côté des réactionnaires. S’il est clair que des avancées sont en cours, comme la reconnaissance de plus en plus concrète de la civilisation kanak, il est tout aussi clair que des situations intolérables perdurent.
Proclamée colonie française en 1853 la Kanaky a été pillée par la France et ses habitants ont été bafoués. De grosses fortunes côtoient une misère qui s’amplifie. Il est tout bonnement impensable, absurde, pour les principaux possédants caldoches que la Kanaky devienne indépendante et effectivement il y a un risque que l’État français arrive à diluer la revendication d’indépendance dans une série de compromis. Il se dit de plus en plus que les référendums sur l’autodétermination prévus dès 2014 ne sont pas la solution, ou arrivent trop tôt : tout, même un « pacte cinquantenaire » plutôt que l’indépendance.
Par contre les Kanaks gèrent déjà deux des trois provinces de Kanaky, celle du nord et celle des îles Loyauté. L’indépendance se conquiert donc aussi à présent dans la capacité à administrer des territoires, à valoriser concrètement une économie kanak. L’USTKE est critiquée aussi parmi les indépendantistes pour son choix de rester campée sur une logique d’affrontements, alors qu’une bonne partie du mouvement indépendantiste a pris le chemin d’une construction effective de l’indépendance, y compris par la formation de cadres, par des choix économiques lourds.
La lutte pour l’indépendance s’appuie également sur la « Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones » adoptée en septembre 2007.
La France est impliquée dans un processus de décolonisation de la Kanaky chapeauté par l’Onu. La Kanaky est inscrite sur la liste de pays à décoloniser et la France s’est engagée à réaliser cette décolonisation. Le « droit des peuples autochtones » sert évidemment la cause indépendantiste, mais là encore l’USTKE préfère ignorer cette évolution et continuer la recherche du conflit violent.
Il ne faut pas non plus oublier que l’USTKE a fondé il y a peu un parti politique, le Parti travailliste. Les actions actuelles de l’USTKE peuvent s’inscrire dans une démarche politique de valorisation du parti.
Le conflit à l’origine des nouvelles crispations a touché une société gérée principalement par des Kanaks, Aircal, dont le président fut pionnier dans la revendication indépendantiste et contre qui les responsables de l’USTKE connaissent un contentieux ancien.
Aircal desservant les îles Loyauté où vivent presqu’exclusivement des Kanaks, c’est cette population, pauvre, qui a pâti en premier lieu du long conflit. L’USTKE peut chercher à provoquer des affrontements pour diviser le camp indépendantiste, ce qu’elle réussit bien, et espérer ainsi une recomposition, en faveur de son parti.
De tout cela il faut retirer que la situation de Kanaky est complexe et qu’y plaquer nos grilles d’analyse occidentales ne peut que fausser la réalité. Le retour à un climat de violence refusé par une majorité de Kanaks est par contre clairement utile au camp anti-indépendantiste, qui peut de nouveau jouer sur les peurs pour maintenir ses prérogatives.
Christophe