Oh My God Clovis, comment peux-tu mettre ces arguments là...
J'ai trouvé l'explication, car je suis autant surpris que Kzimir devant la contradiction. Enfait Clovis a (pardonnez-moi l'expression) le "cul entre deux chaises", entre "syndicalisme révolutionnaire pragmatique" (qui est un pléonasme) et ligne dure de "l'anarcho-syndicalisme", rien de bien novueau sous le soleil en sommes. Cette contradiction s'explique par ses connaissances et repères historiques qu'il vient de nous mettre dans sa tentive de réponse. Mais on ne peut pas lui en vouloir car effectivement ces repères sont ceux de la CNT-f. Je vais donc répondre sur deux points: un historique et un actuel.
"Ce fut le parti adopté par les fondateurs de la CGT, où cohabitaient socialistes de diverses obédiences (guesdistes, allemanistes, jauressiens, etc.) syndicalistes révolutionnaires (on disait "syndicalistes purs" à l'époque), anarchistes, etc.""En outre, la CNT possède une incontestable légitimité historique, d'une part parce que c'est une scission de la CGT en 1946, qu'elle a pris la suite de la CGT-SR (autre scission anarchosyndicaliste de 1926)"Ah bon ? Je ne savais pas qu'au sein du mouvement ouvrier et révolutonnaire on pouvait tirer sa "légitimité historique" à partir de scissions... Personnellement je dirai plutôt que c'est l'inverse
C'est quand même marrant de voir au combien la logique défensive de l'appareil replié a été absorbé tel du poison depuis la scission CGT, s'en est devenu un réflexe conditionné, c'est navrant.
Permets-moi donc de raffaichir la mémoire. Car Non, la CNT ne tire pas sa légitimité historique de scissions, elle ne la tire d'ailleurs de pas grand chose autre que le "sigle glorieux" de la CNT espagnole; et non les "syndicalistes purs" sont tout sauf des syndicalistes révolutionnaires.
Culturellement, et dans le conscient collectif, le prolétariat en France a une conscience de classe propre, spécifique, qui donna le modèle pour d'autres pays d'aller plus loin que le trade-unionisme britannique. Depuis la création de la CGT, nous savons et voyons bien que la tradition de la Charte d'Amiens fait que le développement de toute Confédération Syndicale clairement rattachée à un courant politique est condamnée d'avance. Ce n'est pas pour rien que ce célèbre texte sur l'autonomie ouvrière, l'indépendance syndicale, l'unité du prolétariat, a été voté quasi-unanimement au congrès de 1906 et a toujours été défendu jusqu'à aujourd'hui, servant de prétexte même à des scissions. Aujourd'hui encore l'indépendance syndicale est cruciale dans la réussite d'une organisation de classe et son influence de masse sur les travailleurs-euses. Et permets-moi de t'arréter tout de suite sur tes illusions concernant les "syndicalistes purs" car les syndicalistes révolutionnaires d'époque n'étaient pas appelés ainsi (tu as 20 ans d'avance sur les faits historiques), j'y reviens juste après.
Ce n'est donc pas pour rien que les anarcho-syndicalistes (l'une des deux dérives du syndicalisme révolutionnaire, l'autre étant le syndicalisme communiste pro-bolchévique) ont toujours été mis en minorité, en France, depuis leur apparition en 1921.
Car si tu analyses bien l'histoire de l'AS, l'étiquette « anarcho-syndicaliste » est un lourd handicap pour qui veut construire une organisation prolétariene de masse et unitaire (ce qu'a vocation à être un syndicat).
C'est curieux et à la fois significatif que tu me parles des "syndicalistes purs" car l'apparition de l'AS en France arrive en 1921 avec le « Pacte des syndicalistes purs », menés par Pierre Besnard (et oui la grande référence de la CNT-f) qui par « l'article 7 » de leur pacte clandestin prévoyait un putsch de contrôle et de direction dans la CGTU et le CSR au détriment de la démocratie ouvrière et du fédéralisme, et profitant de l'enfermement suite aux lancement de grèves insurrectionnelles de beaucoup de militants CSR (notamment de la tête fondatrice de l'orga).
A plusieurs reprises, dans l'histoire internationale, l'anarcho-syndicalisme a eu l'opportunité de rallier à lui un prolétariat désorienté par la politique contre-révolutionnaire de l'URSS et l'IC à la fin des années 20. En France, il aurait pu rallier à lui tous et toutes les déçues de la CGT aux mains des chefs bolchévisés qui ont abandonné l'importance et l'indépendance syndicale. En 1924, ce ne sont pas moins de 40.000 adhérent-e-s organisé-e-s qui quittent la CGTU. Mais la plupart de ces dissident-e-s resteront structuré-e-s sous la forme de puissants syndicats autonomes dits « lutte de classe », majoritaires dans certaines professions. Ils ne rejoignent pas la groupusculaire CGT-SR de 1926 (dont on établit un mythe à la CNT) en raison justement de « l'anarcho-syndicalisme » et de « l'anarchisme » affichés. Au contraire, ces milliers de militant-e-s soutiennent dès 1930 la dynamique de réunification syndicale de classe impulsée par les syndicalistes révolutionnaires, car la division des travailleurs-euses en plusieurs syndicats fait le jeu des bureaucraties, des partis, du patronat et du capital.
L'échec est principalement dû à l'étiquette « anarcho-syndicaliste » mais surtout à sa pratique. C'est encore plus voyant avec, en 1946, l'impossibilité de la CNT française à exister malgré une situation qui lui est très favorable (radicalisation de la jeunesse suite à la guerre et l'occupation, collaboration de la CGT au sommet de l'Etat, présence des exilé-e-s espagnol-e-s expérimenté-e-s, végétation de puissants syndicats autonomes qui n'attendent que de rejoindre les rangs d'une confédération combattive et indépendante). D'ailleurs la CNT atteindra plusieurs milliers d'adhérent-e-s à sa création en 1946... 4 ans plus tard, il n'y a plus personnes, que quelques groupes d'une dizaine de personnes chacun, se livrant une guerre intestine jusqu'à la scission avec l'AIT..
Le constat historique c'est que le prolétariat, notamment en France, est attaché à l'indépendance du mouvement syndical, ce qui oblige les courants hostiles à la Charte d'Amiens à intervenir discrètement sous forme de fractions déconnectées, comme les avant-gardes et les sectes politiques ou religieuses.
Donc non, la CNT ne tire sa légitimité historique de pas grand chose et surtout pas des scissions, sans quoi la CNT aujourd'hui serait une organisation de masse. Or il n'en est rien.
Ensuite:
"Mais si demain, un nouveau regroupement puissant, authentiquement révolutionnaire, lancé dans une lutte sans compromis avec le capital et son Etat, rejetant sans la moindre ambigüité toute proximité avec le système de mystification politicienne, une organisation puisant ses racines dans ce que le mouvement ouvrier révolutionnaire avait de meilleur tout en restant ouvert aux bouleversements que la domination capitaliste a fait subir au monde contemporain, si un tel regroupement voyait le jour, il est évident que la CNT Solidarité Ouvrière le rejoindrait pour s'y fondre totalement.
Malheureusement, je ne suis pas sûr que l'Union syndicale Solidaires corresponde à cette définition (et ne parlons pas de la CGT !)" Donc tu nous confirme que la CNT-SO n'a rien de révolutionnaire. Vous restez dans votre coin en attendant mieu. C'est un peu ce que Luco disait avec le réformisme libertaire, on est en plein dedans. La CNT-SO est dans l'attentisme du messie, stratégie typique de l'AS qui crée de petites confédérations radicales localistes pour être en phase avec un confort intellectuel et cas de conscience immédiat pour ses maigres équipes militantes, sans se préoccuper d'une stratégie révolutionnaire globale et rationnelle.
Comme je remarque que j'ai déjà bien assez écrit, j'ai donc deux questions/problèmatiques à te poser:
- Ne crois-tu pas qu'attendre le Messie ne rime à rien et que c'est plutôt aux syndicalistes révolutionnaires et de classe éparpillés à cause des scissions de se regrouper maintenant ? Si des scissions ont été justifiables par le passé, elles ne le sont plus aujoud'hui dans l'état de décomposition actuel du mouvement syndical.
- En effet, la CGT n'est pas une organisation révolutionnaire. En revanche, de part son histoire, son influence, son impact, sa référence dans le conscient et l'inconscient collectif, c'est une organisation incontournable pour qui veut construire la révolution. Et il y a en son sein des organisations qui se battent pour qu'elle redevienne comme en 1906. Certe c'est pas non plus énorme ce que représente la CGT à l'échelle de la population, mais la CGT cumule, soit dit en passant, plus d'adhérents que l'UMP et le PS réunis, plus que tous les partis existants qui sont censé représentés la France et qui ont pignon sur rues et institutions, plus que toutes les organisations syndicales existantes, c'est à dire qu'een somme elle est la plus représentative de toutes les associations existantes en France. Ce qu'il y a de plus représentatif en France actuellement, ce n'est donc pas une banque, ce n'est pas un parlement, c'est l'organisation syndicale de lutte des travailleurs-euses et notamment la CGT. Ce n'est donc pas rien ou pas assez, c'est LA cate à jouer, car on ne peut faire qu'avec ce qu'on a. (Et imagine alors si on rassemble CGT, FO, SUD, FSU, CNT, syndicats oppositionnels CFDT... bref toutes les scissions du syndicalisme de classe qui se réfèrent dans leur constitution à la charte d'Amiens).
Donc toi Clovis (et la majorité ici), tu comptes faire la révolution en passant à côté de la CGT, de toutes ses associations satellites et de ses 700.000 adhérents/militants ? Grand bien te fasse, mais on ne peut pas dire que ça brille par la cohérence révolutionnaire. C'est un parallèle que je fais d'ailleurs avec Kzimir qui dit
"De plus on peut très bien penser que la CGT est trop verouillée par la bureaucratie, que le combat est perdu d'avance la bas", oui mais être révolutionnaire c'est s'attaquer à ce qu'il y a de plus dur aussi (et surtout!). D'autant que l'argument du vérrouillage bureaucratique relève du mythe, entretenu par et pour ceux qui ne veulent pas se bouger.
Soit on part du principe que nous construisons, oeuvrons pour la révolution et donc que la CGT sera tôt ou tard incontournable dans ce processus de part ce que j'ai dit précédemment, soit on ne part pas du principe qu'on est révolutionnaire, qu'on n'agit pas pour la révolution et dans ce cas là on reste dans son réfomisme libertaire ou anarcho-syndicalisme qui vise à attendre dans son coin.