de leo » 29 Mai 2009, 23:41
C’est marrant comment les choses partent en vrille…
Au départ, il y a un texte qui relate une journée de grève générale au Pays basque.
Et puis ça part sur le régionalisme, l’ETA, les identitaires, l’Etat…. alors que rien dans le texte ne faisait pas référence à cela, ni au mouvement abertzale, ni à l’ETA.
Alors même que cette grève n’était pas appelée sur des revendications nationalistes, mais sur des thèmes sociaux, sur la crise et la politique économique du gouvernement espagnol.
Il convient d’ailleurs de signaler qu’à cette journée de mobilisation, des organisations non-nationalistes voire anti-nationalistes comme la CNT ou la CGT du Pays basque se sont ralliées. C’est quand même un signe de la dimension sociale de cet appel à la grève.
Mais apparemment, anonyme, même les thèmes sociaux, c’est pas ton truc.
Par contre le fait que cela se passe au Pays basque te fait réagir, c’est assez curieux… Ce serait la même chose si l’on parlait des luttes actuelles contre le TGV comme celles d’hier contre le barrage d’Itoiz par exemple. Mais c’est vrai que tu ne défends que les squats anars…. alors les autres… !
En fait, anonyme, ton anarchisme te conduit à être solidaire des anarchistes comme toi. Et à personne d’autre.
Tu défends un anarchisme complètement prévisible, replié sur lui-même, traditionnel, nombriliste et pour moi aussi inutile qu’inoffensif. Des petits clubs qui ne cessent de réciter la messe : à bas l’Etat, à bas les frontières, à bas le travail, à bas…. Et vive la pureté de nos idées ! Tout cela en reproduisant les traits de la domination ethnocentriste : tu n’es pas en compétition avec les italiens et les grecs mais tu ne supportes pas que des bretons, des basques, occitans, etc… s’organisent comme ils l’entendent et parlent dans la langue qu’ils veulent !
C’est ça qui est formidable avec certains anars : ils disent être les champions de la liberté mais ils sont non seulement les plus sectaires mais en plus parmi les plus autoritaires, les plus jacobins et les plus colonialistes ! Au moins autant que les “staliniens” tant vilipendés. Moi ça me fait penser aux “universalistes” de gauche à la Philippe Val ou Caroline Fourest qui, comme leurs ancêtres laïcards et progressistes de la IIIème république, défendent le droit de répandre les valeurs de la civilisation occidentale à coups de canons, d’ingérence pseudo-humanitaire, d’occupation militaire et de colonisation.
Eh bien moi, désolé, mais ce n’est pas ma conception de l’anarchisme.
Moi aussi, dans l’absolu, je trouve que 24h de grève c’est pas assez, que le travail salarié c’est avant tout une forme d’esclavage, qu’un Etat basque ou palestinien n’est pas plus libérateur que n’importe quel Etat. Et alors, en quoi ce point de vue est important ? En quoi le répéter en boucle pendant des années va changer quoi que ce soit ? Pour 99% de la population les idées anarchistes sont “risibles” et émises par de doux rêveurs ou de parfaits crétins analphabètes. Personnellement je n’ai pas envie de passer mon temps à savoir qui sont les vrais rêveurs et qui est le plus ridicule.
Le projet d’émancipation mis en avant historiquement pas les anarchistes, c’est l’auto-émancipation des opprimés, des dominés, ceux-là mêmes qui veulent tous aujourd’hui un Etat, des frontières, du boulot, un système de santé qui marche à peu près, un capitalisme plus juste, avec des “bons” patrons et pas des voyous…
Et pour moi, dans auto-émancipation, il y a auto-organisation, libre détermination, libre arbitre, autonomie… Si les anarchistes ont un rôle particulier à jouer, c’est de favoriser tout cela, c’est de proposer tout ce qui favorise le collectif sur l’individuel, la solidarité sur la compétition et le chacun pour soi.
Mais, avant même qu’il y ait de l’auto-organisation, il doit y avoir la volonté de se battre, le refus de la résignation et de la fatalité.
Et on en est là.
C'est un peu l'ABC du combat politique : qu’est ce qui peut faire reculer le sentiment de fatalité ?
Dire de but en blanc qu’il faut abolir l’Etat et ne plus travailler ? On n’a pas à cacher nos idées mais il y a peut-être d’autres choses à dire, des choses qui correspondent aux situations réelles et non à ce qu’on pense nous, de manière générale et abstraite.
Je fais partie de ces gens qui pensent que la domination, l’exploitation ne sont pas des concepts généraux et abstraits qui s’imposent par le truchement d’un maléfice ou d’une mystification (ou d’une aliénation ou du “spectacle” des situationnistes) mais qu’il s’agit de relations humaines précises, concrètes, de rapports sociaux contradictoires, faits de collaboration, de formes de coopération et aussi de tensions, d’intérêts contraires, d’oppositions, de rapports de force et parfois de refus de jouer ce jeu de dupes. C’est tout cela à la fois et c’est pourquoi on ne peut pas raisonner en noir et blanc sur les seules idées (les bonnes contre les mauvaises, la vérité contre le mensonge, c’est un peu court) mais sur des rapports de force qui donnent envie de lutter, de faire reculer la fatalité, qui progressivement mette le camp d’en face sur la défensive, qui rende possible ce qui semblait impossible, qui démontre dans les faits, que l’on peut se passer de partis politiques, de médiations, de représentants, des structures verticales… et que, peut-être ainsi, fasse que l'anarchisme ne soit pas une lubie ou une simple curiosité.
En sachant que ce qui compte, c’est l’épreuve des faits et pas le jugement a priori sur la justesse des idées.
Par rapport au Pays basque ? Cela m’évoque simplement ceci : si 50% ou plus de la population travailleuse a fait grève ce jour là, c’est une indication sur le degré de mobilisation. Au passage, c’est déjà plus qu’en France à l’occasion des « journées d’actions » de ces derniers mois. Et si demain, contre l’avis des syndicats majoritaires espagnols qui soutiennent le gouvernement et le patronat, une grève générale était appelé dans le cadre de l’Etat espagnol, on saurait déjà où se situeraient les lieux de plus grande mobilisation/radicalisation.
En définitive, la question est toujours la même : les anarchistes veulent-ils lutter dans leur coin, de manière séparée ou participer aux luttes collectives, sociales, politiques, en essayant à la fois de se coltiner la question des rapports de force, de gagner sur les objectifs premiers et en même temps de donner à ces luttes un caractère libertaire, assembléiste, auto-organisé, et qui tende à globaliser leurs enjeux et leurs contenus ?
Après on peut débattre sur les manières de faire, et là les appréciations ont tendance à diverger chez les anars.
Mais qu'au moins, il soit réaffirmé que l'anarchisme dont on parle est bien un mouvement révolutionnaire qui
1) tente de penser son rôle, sa place dans la société capitaliste telle qu'elle est,
2) actualise et de défende un projet de transformation politique et social visant à abolir toutes les formes d'exploitation et de domination
3) réfléchisse et rende possible l'articulation entre les deux.