https://jeunessesyndicaliste.org/textes/Mouvement lycéen et étudiant de novembre / décembre 2018
Quel bilan de cette première vague de mobilisation ?
Quels outils pour la deuxième vague ?Le vendredi 30 novembre, des dizaines d’établissements scolaires généraux et professionnels ont été touchés par une mobilisation lycéenne. Blocages et manifestations se sont répandus comme une traînée de poudre avec comme point de départ un appel du syndicat lycéen UNL sur les réseaux sociaux. Pendant les trois premières semaines de décembre, les lycéens se sont mobilisés en ordre dispersé, alternant chacun dans son coin mobilisation et reprise des cours. Les étudiants, tout aussi divisés et isolés, n’ont pas réglé leurs problèmes d’organisation déjà très préoccupant l’année dernière. Retour sur un déroulement problématique et propositions pour une meilleure organisation.
« Démerdez-vous comme vous le pourrez ! »Si des initiatives intéressantes peuvent voir le jour avec les réseaux sociaux, force est de constater que sans outils matériels adéquats et sans formation préalable, il est impossible d'en faire sortir quelque chose d’efficace. A travailler n'importe comment on produit n'importe quoi, telle est la loi ancestrale du monde ouvrier. Cela est aussi applicable pour tous les domaines du travail, y compris pour la construction des mouvements sociaux et les luttes revendicatives. Le mouvement des gilets jaunes, pour rester dans l'actualité, fut un exemple parmi tant d'autres des inconvénients de la spontanéité, du manque de préparation et d'organisation. Pas besoin de sortir de Saint-Cyr avec une formation en stratégie militaire pour comprendre que des batailles, ça se prépare un minimum si on veut minimiser les dégâts dans son propre camp. Mais surtout pour frapper l’adversaire tous ensemble, au même moment et de façon coordonnée.
L'UNL a lancé un appel au mouvement, moins d'un mois avant des vacances scolaires, sans aucun moyen de l'organiser ni de le soutenir efficacement. Pire, aucun matériel ni support n'avait été prévu pour accompagner les lycéen-n-e-s dans leurs premières opérations de débrayage des établissements. Pas de textes, de tracts ou d'argumentaires pour organiser des assemblées générales, prendre la parole et expliquer contre quoi on se mobilise, répondre aux pressions des équipes administratives et éducatives ou faire face aux forces de l'ordre ; pas de conseils rappelant les bases pratiques pour l'organisation de manifestations, la création de comités de lutte ou la prise en charge de la sécurité des manifestant-e-s.
Bref, que dalle ! Et le résultat est là : une mobilisation nationale qui n'a pas pris, faute de coordination et de communication nationale ; des lycées mobilisés ne sachant même pas que d'autres lycées étaient également mobilisés dans la même ville. Dans bien des localités, les organisations syndicales de salariés ont réussi à limiter les dégâts et ont apporté leur soutien en faisant preuve de réactivité pour répondre aux difficultés, demandes et attentes de la jeunesse en lutte et livrée à elle-même. En leur proposant des lieux pour faire leurs AG de coordination inter-lycées (les bourses du travail, les locaux syndicaux), une présence physique en particulier lorsque les violences policières se déchainaient dans certaines villes, etc. C’est leur rôle et ces exemples doivent se multiplier.
Cassons les murs et créons l’unité...Depuis des années, le mouvement lycéen et étudiant peine dans les mobilisations. Le temps de la « génération CPE » avec les mobilisations contre la Loi Fillon (2004-2005), le CPE/CNE (2006), la LRU de Pécresse (2007-2009) et le mouvement des retraites (2010) est suffisamment loin pour constater aujourd'hui la rupture générationnelle qui s'est créée.
Cette précédente génération avait vu grand lors de ses mouvements, privilégiant des coordinations lycéennes et étudiantes sans étiquette et en toute indépendance des organisations existantes, ce qui a permis de mettre dans les rues des centaines de milliers de jeunes manifestant-e-s. Mais faute de relation et de travail régulier avec, notamment, les confédérations syndicales, la génération CPE s'est majoritairement rangée aujourd'hui.
Très peu continuent le combat. La « convergence des luttes » qu'on agite en permanence pour les étendre et les intensifier ne résout donc pas la question de la « continuité » et de « l'organisation » de ces mêmes luttes. Bien au contraire, car entre temps, les organisations de jeunesse (syndicats lycéens, étudiants, partis) privilégient le repli corporatiste ou philosophique.
Ces organisations ne sont plus sociales, c'est-à-dire qu'elles ne créent plus de liens entre les personnes et ne savent pas construire des organisations de masse en proposant l’adhésion à un maximum de jeunes. Au contraire, elles privilégient des regroupements sectaires ou corporatistes (en divisant les lycéens, les étudiants, les apprentis et autres jeunes en activité). Alors comment pourraient-elles construire et soutenir un mouvement social ?
… par une vraie coordination dans l’urgence !La raison principale de ces échecs successifs des mobilisations, notamment celles des jeunes, vient du fait que la jeunesse est cloisonnée. Elle est en même temps désorganisée et désocialisée.
Cloisonnée par les modes d'organisation qui lui sont majoritairement proposés : syndicats spécifiquement lycéens, syndicats spécifiquement étudiants, groupes politiques repliés sur des problématiques groupusculaires, parfois même un syndicat ou un groupe politique uniquement sur une ville ou deux...
Désorganisée car la nature limitée de ces organisations idéologiques et spécifiques rend difficile la création d’une véritable coordination.
Désocialisée, car le manque de coordination ne permet pas d'entrevoir des débouchés sociaux en matière d'échanges, de partages et d'activités collectives.
En ce début d’année 2019, l’UNL et les autres syndicats lycéens, se « félicitant » de la première vague de décembre, ont publiquement appelé à la relance d’un mouvement de blocages et de mobilisations dès le 8 janvier. Or il apparaît évident que si nous continuons dans la même voie, c’est-à-dire la désorganisation et le manque de coordination au niveau national, il y a peu de chances que les victoires attendues se réalisent. La création d’une coordination est donc la priorité et une urgence pour construire la mobilisation nationale. Nous demandons donc la convocation d’une telle coordination. Elle doit regrouper des délégués jeunes mandatés par des syndicats locaux (étudiants, lycéens, salariés), par des assemblées générales de lycées, par des comités de lutte ou des coordinations locales.
Nous pourrons ainsi élaborer tous ensemble une plateforme de revendications unitaire et définir un plan d’action à l’échelle nationale.
… par une vraie organisation syndicale pour passer à l’offensive !Nous devons également tirer un bilan et ne plus nous enfermer dans des luttes défensives. Depuis 20 ans, c’est l’adversaire qui nous impose son agenda. Nous ripostons dans l’urgence sans jamais prendre le temps de réfléchir à notre avenir, c'est-à-dire de passer à l’attaque.
Nous sommes condamnés à cette domination car nous ne disposons pas d’une organisation syndicale, unitaire et de masse.
C’est à partir de ce constat que des jeunes syndicalistes, mobilisés l’année dernière, ont décidé de reconstruire les Jeunesses Syndicalistes cet été 2018. Au contraire d'être une énième organisation spécifique, nous voulons reconstruire une fédération qui regroupe les syndicats et les jeunes non syndiqués qui désirent sortir de leur isolement. Une fédération qui assure un lien direct et permanent entre les différents secteurs et les différentes organisations. Une fédération qui mutualise la formation syndicale, qui produit du matériel d’information et d’éducation, qui impulse des campagnes permanentes.
C'est-à-dire qui permet une action syndicale durable et efficace pour rompre avec un activisme ponctuel, corporatiste et sans résultat.
Pour cela nous avions préparé dès septembre une base de textes, à disposition des jeunes et de leurs organisations, alliant filières générales et filières professionnelles sur la question des réformes en cours mais aussi sur la question du logement et de la précarité. Le but d'une organisation étant d'anticiper, notre préparation a porté ses fruits. Dans pas mal d'endroits, et avec l'aide des syndicats, cette base écrite a été l'un des rares supports que le mouvement lycéen a pu trouver dès le début, et utiliser à son compte pour établir des revendications, prendre la parole, ou réaliser des tracts et affiches.
Cette activité démontre la pertinence d’une organisation syndicale unitaire et permanente. Nous invitons donc tous les syndicats déjà constitués à nous rejoindre. Nous appelons également ceux qui ne sont pas encore syndiqués à constituer des sections des Jeunesses Syndicalistes dans leur établissement de formation (Lycées, Universités, CFA), dans leur profession (syndicat de salariés) ou dans leur ville.
La Fédération des Jeunesses Syndicalistes mettra toutes ses forces dans la construction de la coordination nationale. Nous contactons toutes les organisations syndicales existantes afin de leur proposer de soutenir ce projet.
Mais cette coordination doit être la plus massive et démocratique possible. Un maximum de délégués locaux doivent y participer. Nous invitons donc tous les lycéens, étudiants et jeunes salariés mobilisés à nous contacter afin de contribuer à la construction de cette coordination.