Quand l’État français commémore Mai 68
Cinquante ans après Mai 68, ses barricades et sa grève générale, les « républicains » de tout poil, en marche, tout court, compagnies républicaines de sécurité… commémorent à leur manière l’événement. Avec un mot d’ordre : marche arrière toute !
Dans les universités…
L’intervention de la police à la Sorbonne, le 3 mai 1968, puis la nuit des barricades, une semaine plus tard, ont abouti le 13 mai à la plus grande grève générale en France depuis juin 1936. Des universités, la contestation s’est ainsi répandue aux usines et à l’ensemble du monde du travail.
Quand, en ce printemps 2018, les étudiant∙es se sont mobilisé∙es contre la sélection à l’université, au moment où d’autres secteurs entraient en lutte sur des revendications propres mais avec de belles possibilités de convergences (cheminots, postiers, EHPAD, Air France…), la plupart des présidents d’université confrontés aux occupations n’ont pas hésité à en appeler aux CRS. On pensait que c’était révolu, mais manifestement non. Et quand la police intervient, on sait ce que cela signifie : violence, arrestations arbitraires, poursuites sur la base du seul témoignage des policiers… les plus zélés des présidents y ajoutant des mesures disciplinaires à l’encontre d’étudiant∙es ou de personnels mobilisé.es.
L’Université de Lorraine n’a pas échappé à la règle. Après un mois et demi d’occupation d’une partie de la fac de lettres, à Nancy, l’équipe présidentielle a fait intervenir la flicaille… le 3 mai. Joyeux cinquantenaire ? Le symbole de la date leur aura probablement échappé. En revanche, ils n’auront pas perdu la maîtrise de l’intervention, désignant six étudiant∙es pour arrestation, faisant interpeller un septième chez lui, le lendemain matin, et appuyant leur propagande de vidéos soigneusement prises par leurs agents. La grande classe. Bilan local : trois étudiant∙es poursuivi∙es pour dégradation, trois autres pour rébellion… la présidence de l’université refusant à ce jour de retirer ses plaintes.
… et ailleurs
Finalement, c’est bien plutôt dans le camp des CRS et des gendarmes mobiles qu’on semble fêter Mai 68, à grands coups de matraque et de gaz lacrymogènes. Aux interventions contre les étudiant∙es dans les facs vient s’ajouter la répression violente des manifestations dans de nombreuses villes, où la moindre velléité de devancer les cortèges syndicaux se traduit par nassages, gazages et arrestations. On a ainsi vu des dizaines de lycéen.nes du lycée Arago, à Paris, traîné∙es en comparution immédiate pour avoir « occupé » illégalement leur établissement… pendant une demi-heure, à l’issue d’une manifestation, le 22 mai. Car la machine judiciaire fait aussi son travail : elle seconde efficacement la police dans la répression généralisée des mouvements sociaux.
Du côté des migrant∙es, ce sont de multiples témoignages d’exactions policières, à Calais notamment, et la politique absurde et criminelle de chasse aux sans-papiers qui est poursuivie, dans la lignée de TOUS les gouvernements précédents, par la droite décomplexée au pouvoir. Aujourd’hui, ce sont aussi les soutiens qui sont dans le collimateur de la justice, avec la nouvelle loi « Asile et Immigration », tandis que les identitaires qui empêchent les migrant∙es de traverser les Alpes à pied ne sont pas inquiétés, bien qu’ils soient en pleine illégalité.
Un sommet dans la répression a sans conteste été atteint à Notre-Dame-des-Landes. 2500 gendarmes mobiles, des milliers de grenades explosives lancées sur les zadistes et leurs soutiens, qui ont pour seul défaut de vouloir vivre dans des collectifs autogérés, sur des bases alternatives à celles de la société capitaliste. Un jeune de 21 ans a eu la main arrachée. L’été dernier à Bure, c’était un pied. Les flics ne s’y trompent pas : systématiquement couverts par les donneurs d’ordre, ils tirent dans le tas pour décourager celles et ceux qui veulent vivre autrement.
Le fascisme qui s’installe
On n’a pas besoin de redouter les héritières Le Pen quand on a la République en Marche aux affaires. Pilotée par le sinistre Collomb, la répression des étudiant∙es, des zadistes et des migrant∙es bat son plein… dans une relative indifférence majoritaire. Car le terrain a été bien préparé ces derniers temps : délire sur l’identité nationale sous Sarkozy, menace de déchéance de nationalité sous Hollande ; délire sécuritaire sous la gauche ou la droite, depuis les années Jospin jusqu’aux années Bataclan. Le régime policier réservé aux banlieues s’est étendu à l’ensemble de la société par un état d’urgence permanent avec, aujourd’hui, l’annonce explicite de la « judiciarisation » des manifestations. La nation et l’ordre sont ainsi devenus les étendards des politiciens français, avec l’appui de leurs pires représentants à l’Intérieur et le relais d’une police gangrenée par les valeurs de l’extrême droite.
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