Mouvement et manifs, questions de stratègie

Re: Mouvement et manifs, questions de stratègie

Messagede bipbip » 08 Mar 2018, 16:51

Les luttes d'aujourd'hui ont besoin de la perspective d'un autre demain

Séance de travail ouverte à toutes et tous

Paris samedi 10 mars 2018
à 9h30, Locaux de Solidaires
3e étage, 31 rue de la grange aux belles

Co-organisé par Le réseau (AAAEF), l'Association Autogestion, ATS, l'OMOS, l'Union syndicale Solidaires.

Image

De plus en plus nombreuses sont les voix qui prônent de ne pas se limiter à dire NON.
• Le système capitaliste peut-il encore intégrer des compromis structurels de types fordiens ou keynésiens ?
• Qu'implique d'être dans le « pour » dans la pratique ?
• Suffit-il de prôner la convergence des luttes ? Quand elle se réalise dans l'urgence sur le « contre », elle ne suffit pas à donner des résultats.
• Suffit-il devant chaque situation particulière de proposer une solution en rupture avec l'état des lieux ? dans ce cas, ne continuons-nous pas à produire des mouvements catégoriels et donc émiettés ?
• Ne faut-il pas affronter chaque enjeu immédiat, non pas seulement à partir de l'urgence, mais à partir d'une conception de la société post-capitaliste ? Est-il utopique de penser que développer la perspective d'une autre société peut être une aide pour les luttes d'aujourd'hui ?

Il n'y aura pas d'intervention d'introduction de façon à ce que chacun (e) soit sur un pied d'égalité devant ce qui est pour nous tous un puzzle mental et culturel à construire.

Pour déjeuner sur place, un buffet sera proposé au prix de 12 euros, vin et boissons incluses.

https://solidaires.org/Paris-Les-luttes ... tre-demain
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Re: Mouvement et manifs, questions de stratègie

Messagede bipbip » 16 Mar 2018, 22:37

Quels enjeux ? Quel programme ?

Bataille du rail. Comment envoyer valser Macron et ses réformes ?

Dans le cadre du « cheminot bashing » orchestré par le gouvernement et relayé par les médias, la question de la dette de la SNCF est agitée pour justifier la liquidation de l'ensemble des acquis sociaux glanés durant des décennies de luttes par les cheminots. Quelles réponses, par la positive, peuvent être apportées à cette question ?

50 milliards d’euros. C’est le total de la dette de la SNCF, qu’Edouard Philippe, son gouvernement, les éditorialistes et, plus globalement, l’ensemble des médias dominants agitent comme un argument imparable pour détruire les acquis sociaux des cheminots et libéraliser le service public du rail. Une intox totale, comme nous l’explique Mathieu, cheminot et délégué Sud Rail à Strasbourg, puisque ce sont avant tout les politiques systématiques de l’état-major de la SNCF et les réformes des gouvernements successifs avec un point d’orgue en 2014, qui ont patiemment creusé la dette pour faire apparaître comme inéluctable la libéralisation d’un service public jugé trop coûteux. Un mensonge éhonté, consistant à faire endosser aux cheminots, et leurs soi-disant « privilèges », la responsabilité de la dette, qui se creuse d’année en année, alors que la SNCF fait des bénéfices ! Ainsi, en 2017, ce sont 1,33 milliards d’euros qui sont rentrés dans les caisses !

Défendre la SNCF telle qu’elle est aujourd’hui ou imposer une alternative ?

Mais en ces heures ou la pression monte chez les usagers et les cheminots - une consultation interne a mis en avant que plus de 90% des cheminots sont prêts à entrer dans la bataille et qu’une large frange de cadres seraient également disposés à entrer en grève – plusieurs questions se posent : Doit-on restreindre la lutte aux simples revendications défensives du retrait des réformes préconisées par le rapport Spinetta ? Quel service public ferroviaire, largement amoché par des années de réformes libérales, veut-on ? Comment régler définitivement la question de la dette, source des multiples restrictions d’effectif et de casse des acquis sociaux des cheminots ?

Par-delà l’écran de fumée des prétendus « avantages et privilèges » des cheminots, la réalité des travailleurs du rail est tout sauf idyllique. Burn-out du au sous-effectif, suicides, conditions de travail exécrable et accidents démultipliés, voilà quelles sont les conséquences des réformes menées jusqu’alors, et qui vont aller crescendo avec la libéralisation du rail. Cette terrible réalité a encore frappé, avec la mort début mars d’un ouvrier sur les voies du RER A à Paris. A l’évidence, il est vital (au sens strict du mot) d’exiger non seulement que le statut de cheminot soit étendu à l’ensemble des travailleuses et travailleurs du rail, et ce jusqu’au personnel assurant le service de nettoyage des rames et des gares, mais aussi qu’un plan d’embauche massif, réglant les problèmes de sous-effectif, soit mis en place.

Le rapport Spinetta préconise la suppression de 56 lignes et de 190 gares sur l’ensemble du territoire, point sur lequel le gouvernement, conscient qu’une telle mesure pourrait permettre une unité cheminots/usagers, a, sur la forme, reculé. Une opération d’enfumage car Philippe et sa clique entendent opérer un transfert de la gestion de ces lignes et gares jugées non rentables aux régions, que l’on sait dans l’incapacité financière d’opérer de telle gestion, et qui conduira donc naturellement à des fermetures différées. Mais ce sont bel et bien des centaines de lignes et de gares qui ont été, ces dernières décennies, fermées ou renvoyées à un service plus que minimal, sans agents sur place et avec une poignée de trains desservant les petites communes et les villages, souvent à des horaires inappropriés aux besoins des usagers. Loin d’une exclusive sauvegarde de ces lignes, c’est bel et bien à un re-maillage intégral du territoire, l’ouverture (et réouverture) de gares et une desserte sérieuse des « petites gares », adaptée aux besoins de la population, qu’il s’agit de revendiquer.

« Mais cela va faire exploser la dette ! Ce programme est totalement utopiste ! » s’écrieront les idéologues libéraux et autres responsables politiques, incapables de raisonner en dehors des logiques de rentabilité, à grand renfort de chiffres grandiloquents. Ceci est tout à fait vrai, si l’on reste sous le prisme de leur mode de gestion du rail et, plus largement, de la société. En effet, un tel programme, répondant aux besoins du terrain et de l’ensemble des usagers, ne peut passer du papier à la réalité que par une série de mesures renversant totalement la gestion du rail français. D’une part, la reprise intégrale de la dette par l’État français et sans intérêts, par la mise en place d’un monopole bancaire placé sous le contrôle direct des travailleurs et de la population. D’autre part, il s’agit de fusionner l’ensemble des EPIC, sortant ainsi du schéma absurde où la SNCF, par un jeu de filiation, paye pour faire circuler ses propres trains sur ses propres lignes. Enfin, il s’agit que cette nouvelle SNCF soit évidemment nationalisée et sous contrôle direct des travailleurs et des usagers. Après tout, ce sont des décennies de gestion « responsable » qui ont méthodiquement conduit le service public ferroviaire dans le mur. Cela n’a rien d’étonnant puisque celles et ceux qui connaissent réellement le terrain (les cheminots) et celles et ceux qui connaissent au plus près leurs besoins (les usagers) sont systématiquement réduits au silence tandis que ce sont des PDG, qui n’ont pas les mêmes intérêts, qui prennent l’ensemble des décisions, comme c’est le cas de Guillaume Pepy et de ses 450 000€ de salaire annuel.

Bien sûr, l’imposition de ce programme ne passera pas par des négociations dans les doux fauteuils de Matignon. C’est par le blocage total du trafic, dans la grève dure et reconductible jusqu’à l’obtention de l’ensemble des revendications, qu’il sera possible de renverser la table. Un combat qui, pour être à la hauteur des enjeux, devra être celui de l’ensemble des usagers et, plus largement, celui de l’ensemble de la classe ouvrière.


http://www.revolutionpermanente.fr/Bata ... s-reformes
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Re: Mouvement et manifs, questions de stratègie

Messagede bipbip » 07 Avr 2018, 15:33

Comment lutter ?

Edito revue Emancipation

Il ne s’agit pas ici d’avoir une réflexion générale sur la lutte de classes, ses formes et ses rythmes, même si cela n’est pas sans intérêt (1).

Plus concrètement, il s’agit de savoir comment lutter maintenant, au vu des contestations grandissantes à l’égard de la politique gouvernementale de casse des services publics, des statuts, du droit à l’éducation, voire des plus simples droits humains comme dans le cas des réfugié.e.s.

La mobilisation étudiante qui cherche à s’étendre, contre la sélection à l’université, y répond : AG massives, mise en place d’une coordination nationale. Et malgré une répression, voire l’intervention directe de nervis fascistes… qui pour l’instant ne suffisent pas à étouffer le mouvement, comme le montre l’AG importante d’étudiant.e.s de Montpellier qui vient de voter l’occupation illimitée de l’université suite aux agressions médiatisées dont ils/elles ont été victimes.

La grève cheminote en préparation y répond aussi. Voici un conflit social qui concerne toute la population. Non seulement car les usager.e.s vont être les premier.e.s touché.e.s par la contre-réforme. Mais aussi parce que la fermeture de lignes et la casse du statut, c’est ce qu’entend faire le gouvernement avec toute la Fonction publique dans le cadre d’“Action publique 2022” : plan de départs “volontaires”, développement du management, recrutement sous contrat (précaire bien entendu)… et enfin parce que le but du pouvoir est de casser une profession syndiquée et organisée, capable de mobilisations intercatégorielles puissantes. Bref, l’un des cœurs du mouvement ouvrier organisé.

L’AG des 500 cheminot.e.s de Paris-Nord donne la réponse appropriée à la question “comment lutter” : en votant la grève reconductible à partir du 03 avril, pour le retrait pur et simple de la réforme ferroviaire, dans laquelle il n’y a rien à négocier ni à discuter. C’est l’inverse d’une stratégie se contentant de journées d’action espacées, et de la volonté gouvernementale d’enfermer les syndicats dans des discussions sur les modalités d’application de sa réforme. Qu’on en juge (Le Figaro du 15 mars) : “Le texte du projet de loi présenté ce matin apparaît comme un cadre législatif dans lequel les cases n’ont pas été remplies. Les grandes lignes de la réforme sont bel et bien là… En revanche, ni les modalités ni le calendrier n’ont encore été précisés. […] Soixante-dix réunions ont été programmées avec les organisations syndicales, les dirigeants de la SNCF, les régions”. Et ce gouvernement, après la SNCF, compte utiliser la même méthode pour les retraites, la Fonction publique, les contre-réformes du bac et du lycée…

Outre les méthodes de lutte, la grève cheminote, mais aussi les autres luttes menacées par la politique de division et d’isolement du gouvernement, de dénigrement médiatique préparant la répression policière : occupant.e.s de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, personnels combattant la réforme du bac et du lycée, étudiant.e.s mobilisé.e.s… posent aussi la question de l’organisation de la solidarité active du reste du mouvement ouvrier. Motions de soutien, participation à des caisses de grève, information des personnels en donnant la parole aux intéressé.e.s, délégations auprès des AG de lutte… et surtout impulsion d’un mouvement de grève public-privé, pour la convergence et la victoire des luttes, pour la défaite de la politique de régression sociale.

Quentin Dauphiné, 28/03/2018

(1) Voir par exemple Socialisme ou Barbarie, L’expérience du mouvement ouvrier, tome 1 : Comment lutter , 10/18.


http://www.emancipation.fr/spip.php?article1766
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Re: Mouvement et manifs, questions de stratègie

Messagede bipbip » 22 Avr 2018, 11:50

«L’indispensable «Tous ensemble» et les obstacles sur son chemin

Alors que les premières journées de grève des cheminots ont été des succès, paralysant largement le transport ferroviaire, la conflictualité touche d’une manière ou d’une autre de nombreux autres secteurs, du public comme du privé (fonction publique d’Etat, filière déchets, énergie, Air France, Carrefour, Ford Blanquefort, hôpitaux, Ehpad, postiers…), sans oublier les universités où la mobilisation des étudiants et des personnels se développe, ni les retraités dont beaucoup, après leurs grandes manifestations du 15 mars, viennent renforcer les cortèges des salariés en lutte.

Pourtant le gouvernement, tout comme les patrons et directions d’entreprises, campent fermement sur leurs positions. Au grand dam des directions syndicales, ils n’offrent que des simulacres de «négociation». Jamais il n’a été aussi clair que pour faire aboutir les revendications des mouvements en cours (rejet des contre-réformes, salaires, retraites, conditions de travail, statut, service public, accès à l’université…), la lutte secteur par secteur, entreprise par entreprise ne peut suffire. Les revendications sont diverses mais l’ennemi est commun. Divisés, éparpillés chacun dans son coin, aucun de nous ne sera en mesure de gagner. Unis dans un grand «Tous ensemble», nous pouvons mettre un coup d’arrêt à l’offensive macronienne et commencer à imposer nos exigences.

On le sait, ce ne sera ni simple ni facile. Plusieurs obstacles, qu’il est nécessaire d’identifier, se dressent sur la voie de la généralisation et de l’unification.

En premier lieu, même si le néolibéralisme que le gouvernement porte en étendard ne parvient pas à imposer son hégémonie idéologique dans la majorité de la population, les défaites et reculs du passé pèsent. Les divisions sont ainsi évidentes au sein de la classe des salariés, entre ceux et celles qui conservent encore certains acquis et les autres, déjà précarisés et corvéables à merci, ceux et celles qui sont attaqués et d’autres qui espèrent passer entre les gouttes. L’affaiblissement des traditions collectives de lutte et d’organisation, au profit de la recherche de solutions individuelles, est une réalité. Cette situation est illustrée par les sondages qui montrent, à la fois, le rejet croissant du macronisme au sein des classes populaires et la difficulté à réunir un soutien majoritaire à la grève des cheminots.

Le gouvernement et le patronat, puissamment aidés de leur appareil médiatique, en jouent à fond pour tenter d’isoler et discréditer les secteurs en pointe de la lutte. A cela se combine une politique de répression que l’on a rarement vu se développer à un tel niveau – de l’offensive quasi militaire contre la ZAD de Notre-Dame-des-Landes jusqu’aux expulsions violentes d’universités occupées, en passant par les persécutions de syndicalistes comme celle dont notre camarade Gaël Quirante est victime, sans parler du traitement toujours plus inhumain réservé aux réfugiés.

La politique de la majorité des directions syndicales, qui ne se résignent pas à abandonner leurs illusions dans le «dialogue social» et à engager l’indispensable épreuve de force, continue de tirer en arrière. C’est le cas avec la forme de grève «perlée» imposée à la SNCF pour suivre le calendrier des prétendues négociations avec le pouvoir. Et que penser des organisations de la fonction publique qui, après la grève assez réussie du 22 mars, repoussent l’appel à une nouvelle journée au… 22 mai?

Les choix des partis politiques qui se situent dans le camp du mouvement ont également des répercussions. Comment à ce sujet ne pas être dubitatif devant l’appel de la France insoumise à une manifestation nationale le 5 mai, lancé sans concertation avec personne et sans lien avec le développement réel de la mobilisation sociale? Alors qu’à l’évidence le 1er Mai prendra cette année une signification toute particulière? D’autant que cet appel se double de l’intention de créer «partout en France» des «comités du 5 mai», au moment même où des collectifs unitaires de défense du service public commencent à se former dans une série de villes et quartiers.

Ces dernières initiatives, qui reprennent une expérience positive du mouvement de 2003, peuvent en revanche s’avérer très utiles: avec toutes les organisations qui le souhaitent, que l’on appartienne ou non à un parti, un syndicat, une association, se regrouper pour soutenir concrètement les grèves et mobilisations en cours, les populariser, contrer la propagande gouvernementale – et pourquoi pas, décider de manifestations.

Mais l’essentiel se joue bien sûr dans et à partir des mouvements déjà engagés: l’extension et la généralisation, l’auto-organisation, l’unification – comme on en voit les premières expressions dans les facs occupées et les assemblées générales de cheminots – sont les tâches de l’heure. Macron et ses ministres répètent sur tous les tons qu’ils «ne croient pas à la convergence des luttes». Tout l’enjeu est maintenant de leur donner tort.

http://alencontre.org/europe/france/fra ... hemin.html
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Re: Mouvement et manifs, questions de stratègie

Messagede Pïérô » 02 Mai 2018, 20:22

Comment des syndicalistes veulent rendre la grève des cheminot.es efficace

Ce texte sur la grève SNCF a été rédigé fin avril par quatre syndicalistes SUD-Rail. Ils y expriment un point de vue syndical sur le mouvement en cours avec la volonté de « le rendre plus efficace ». Auto-organisation, calendrier, propositions alternatives, caisses de grève, place des politiques, convergence des luttes : rien n’est laissé de côté.

Les rédacteurs de ce texte animent ou ont animé des syndicats SUD-Rail. Sans pour autant faire un bilan avant l’heure, ils souhaitent avec cette contribution essayer de réfléchir à la grève cheminote actuelle. Et ce à partir de leur expérience militante, de ce qu’ils ont pu vivre au cœur de l’action collective à la SNCF pendant des années. Penser la grève en même temps qu’on la vit, c'est le pari qu’ils font ici.

Le gouvernement français a lancé une attaque d’ampleur envers les cheminots et les cheminotes, mais aussi plus globalement contre le service public ferroviaire. Des milliers de kilomètres de lignes ferroviaires, dites « non rentables », sont menacées ; l’entreprise publique SNCF sera transformée en Société anonyme, la « dette ferroviaire » demeure ; le transport public de voyageurs va être ouvert au secteur privé comme cela est déjà le cas pour le transport de marchandises ; ce qu’il reste de Fret SNCF sera filialisé…

Pour le personnel de la SNCF, c’est la fin du Statut ; celui-ci définissait les « droits et devoirs » des cheminots et cheminotes. Plus avantageux que les règles communes applicables en France sur certains points, il comprend aussi des dispositions plus contraignantes, notamment pour ce qui est de la flexibilité des conditions de travail, compte tenu du caractère permanent du service public ferroviaire (365 jours sur 365, 24 heures sur 24).

Mais le Statut, c’est aussi des règles collectives en matière de rémunération et progression salariale durant la carrière, l’impossibilité de licenciement dit économique, un droit syndical construit au fil de l’histoire, et le régime particulier de retraite – déjà fortement remis en cause depuis 2007.

À la SNCF, la grève a débuté le 3 avril. Mais les fédérations CGT, UNSA et CFDT ont imposé un calendrier de 36 journées de grève d’ici le 30 juin ; sous la forme de 18 grèves de 2 jours. Leur refus d’un mouvement reconductible, défendu par SUD-Rail [Solidaires] et FO, créé une situation peu propice à la construction du mouvement dynamique, porté par la base, qu’il faudrait. Le présent texte ne se veut nullement de bilan : le mouvement est en cours, il faut y participer, le soutenir… et mener le débat pour le rendre plus efficace.

Auto-organisation, démocratie dans la lutte, assemblées générales : un recul de plus de 30 ans !

Ainsi, les fédérations UNSA et CFDT pouvaient se donner l’image de syndicats combatifs, mais à peu de frais ; quelques journées de grève, avant de s’en sortir à la moindre occasion (1) ? Ainsi, la fédération CGT peut en finir avec la pratique des assemblées générales où ce sont les grévistes qui décident réellement de leur grève ; c’était un acquis depuis plus de 30 ans à la SNCF (la plus longue grève de son histoire, 1986/1987 (2) que bien des bureaucrates syndicaux n’ont eu de cesse de combattre. Certes, pour la forme, les assemblées générales demeurent ; mais il n’y a plus rien à y discuter. Du coup, ce sont au mieux des meetings syndicaux, au pire des rassemblements de délégué.es. Dès avant la réunion interfédérale du 15 mars qui a mis en avant ce calendrier de grèves de 48 heures, le danger était perceptible. Il a été ignoré, ou à tout le moins minoré, par nombre de militants et militantes sincères et combatifs, et cela se paie depuis.

Plus d’un tiers du personnel de la SNCF doit remplir une « déclaration individuelle d’intention (DII) » de faire grève, 48 heures avant, en précisant sur quel préavis. Inévitablement, la référence la plus commune était l’unitaire (CGT/UNSA/CFDT), de 48 heures, non reconductible. A partir de là, agents de conduite, contrôleurs, aiguilleurs et autres personnels ayant déposé ainsi leur DII ne pouvaient poursuivre la grève, sauf à se trouver en situation irrégulière (3). Pour les autres, la publicité faite sur le calendrier s’étalant du 3 avril au 30 juin a poussé à choisir ses dates de grève parmi les 36 proposées. Puisque tout le monde a le programme des grèves jusqu’au 30 juin, pourquoi participer aux assemblées générales ?

La campagne menée pendant des semaines sur le thème « trouvons une forme d’action qui ne coûte pas cher aux grévistes (4) » a pesé ; d’autant plus, que la plupart du temps, la bataille idéologique pour contrer cela n’a pas été menée, au nom de l’unité qu’il ne fallait pas fragiliser. Pour le même motif, il n’y pas eu de débat réel, parmi la masse des cheminots et des cheminotes, sur la forme de l’action. Le calendrier des 18 grèves de 48 heures s’est imposé comme l’évidence de départ.

Là était le piège. Car une fois les affaires lancées ainsi, il était quasiment certain qu’on arriverait à la situation connue depuis début avril : des grèves successives qui occupent l’espace médiatique, mais un nombre de grévistes qui n’est pas à la hauteur de ce qu’il faudrait, et surtout l’impossibilité de créer une dynamique d’auto-organisation, de prise en mains de la grève par les grévistes.

Ce dernier élément est déterminant : non seulement, par rapport aux pratiques syndicales défendues et mises en œuvre, mais aussi pour l’efficacité de la lutte.

Les grèves se succèdent, mais avec quelles perspectives ?

Le 22 mars, a eu lieu une grande manifestation nationale des cheminots et cheminotes. Au-delà du nombre de manifestantes et manifestants, c’est celui des grévistes qui était impressionnant ; d’autant que la plupart des fédérations syndicales (5), explicitement, n’appelaient pas à la grève ce jour-là. Malgré l’appel interfédéral du 15, il était possible de rebondir sur cet évènement pour imposer un autre mouvement à compter de début avril. On l’a vu, cela n’a pas été fait.

Où en sommes-nous ? Sans surprise, la propagande patronale et gouvernementale consiste à expliquer que la grève faiblit. C’est aussi habituel que sans effet. Mais à l’inverse, il est ridicule d’affirmer que le nombre de grévistes est exceptionnel ; il est surtout très inégal selon les catégories. Très forte chez les agents de conduite, la grève ne prend pas à la hauteur de ce que doit être une grève nationale qui dure, parmi les agents commerciaux des gares, le personnel de la maintenance des installations ou dans les ateliers. C’est en grande partie inhérent aux modalités retenues, comme expliqué précédemment.

La forme d’action choisie permet que le sujet demeure d’actualité dans la durée sur le plan médiatique. Par ailleurs, chaque jour, toutes les fédérations publient tracts et/ou communiqués, étendant ainsi une pratique qui fut longtemps l’apanage de SUD-Rail et Solidaires. Mais nombre de grévistes commencent à exprimer des doutes, fondés : oui, le mouvement se poursuit, mais quel est son effet ? Là est le nœud du problème. Une certaine conception du syndicalisme affirme que la grève sert ponctuellement à « montrer sa force et sa colère », ensuite le patronat et/ou le gouvernement négocie et on clôt le chapitre.

Ce n’est pas le syndicalisme que nous défendons et pratiquions : pour nous, la grève c’est pour gagner ; les négociations doivent se faire sous la pression des grévistes ; c’est un moment de rupture avec le système en place qui permet d’en envisager d’autres, plus fortes. Celles et ceux qui voulaient seulement « montrer leur force » sont confrontés à un problème de taille : gouvernement et patronat n’entendent pas négocier, seul le rapport de force peut les faire craquer. Et il passe par un blocage de l’économie, un blocage dans la durée de l’activité ferroviaire.

Est-il possible de rebondir sur le mouvement actuel pour arriver à cela ? Ou bien le verrouillage est-il tel que mieux vaut reprendre l’élan nécessaire à ce rebond ? L’avenir, proche, le dira. Une chose est sure : ce n’est pas en multipliant les pertes de salaire dues à une succession de grèves non reconductibles qu’on prépare dans les meilleures conditions une grève reconductible. Ne serait-ce que l’expérience de 2016 le rappelle (6).

Les propositions alternatives pour le secteur ferroviaire

En partie pour gagner la bataille de l’opinion publique, mais aussi par souci de crédibilité vis-à-vis des adversaires sociaux (7), chaque fédération a mis en avant ses propositions alternatives pour un autre service public ferroviaire (8). Histoire de l’organisation du chemin de fer, exploitation et infrastructures, dette, transport, environnement et écologie, activités déjà privatisées, situation dans d’autres pays, etc., les thèmes abordés sont nombreux et intéressants.

Si on ne fait pas semblant de croire que ces documents vont convaincre Guillaume Pepy ou les député.es, alors on y trouve des pistes de réflexion intéressantes pour imaginer collectivement un service public ferroviaire autogéré par celles et ceux qui le font fonctionner, et par celles et ceux qui l’utilisent. Un travail à poursuivre pour remettre en cause l’hégémonie du modèle capitaliste, ouvrir les pensées collectives vers d’autres horizons.

Les organisations politiques

Des organisations « de gauche » (y compris une partie de celles qui ont collaboré aux gouvernements à l’origine d’autres reculs sociaux) affirment leur soutien aux cheminots et cheminotes. Ce ne fut pas sans intérêt pour renverser un peu le flux médiatique contre la grève. Mais plus que de déclarations médiatiques, c’est de militants et militantes organisant les grèves, sur le terrain, dont il y a besoin !

Et c’est une fois de plus la limite criante de celles et ceux qui considèrent que les organisations politiques (en réalité, « leur organisation politique ») est le débouché politique aux luttes sociales : ils et elles comptent sur d’autres pour construire ces luttes sociales ! Le vrai débouché politique ce sont les luttes elles-mêmes : qui y a participé, sait à quel point, surtout durant des mouvements longs durant lesquels les grévistes se retrouvent chaque jour, les utopies, les alternatives, les changements radicaux gagnent en crédibilité aux yeux de toutes et tous !

Le syndicalisme est politique, son champ d’action englobe, tant la défense des revendications dans le cadre de la société actuelle, que l’action pour une transformation radicale de celle-ci. Par action, il faut entendre des choses aussi différentes et complémentaires que la formation et l’information, une campagne dans la durée et une grève, l’organisation collective et le soutien aux auto-organisations… L’oppression lié au système capitaliste, l’oppression économique issu des rapports de production et du droit de propriété, est commune à toutes celles et tous ceux « d’en bas ». C’est là que se joue l’affrontement de classes : si ça, ce n’est pas politique !

Ça n’empêche pas, bien entendu, de considérer qu’il y a bien d’autres formes d’oppressions, qu’il ne s’agit d’ailleurs pas de hiérarchiser, ni entre elles, ni vis-à-vis de l’oppression économique. Les luttes contre les oppressions, et pour l’égalité, la liberté, etc., font aussi de la politique. La notion d’ « organisation syndicale et populaire » est à creuser : luttes contre le patronat, contre la hiérarchie, pour un travail différent, etc., mais aussi luttes des femmes, des personnes racisées, des LGBT, des sans-logis…

La répartition des rôles qui veut que le parti s’occupe de politique et le syndicalisme du social est une impasse. Alors que les syndicats sont, ou du moins devraient être, l’outil d’organisation autonome de la classe ouvrière (ce qui n’est pas rien !), elle les cantonne dans une fonction mineure, leur nie la capacité d’agir pour changer la société. À l’inverse, elle pousse les organisations politiques à considérer que cette tâche est leur exclusivité et donc qu’elle est déconnectée des mouvements sociaux.

Les caisses de grève

Comme lors de chaque mouvement, professionnel ou interprofessionnel, qui dure, on reparle des caisses de grève. Chaque organisation syndicale a lancé la sienne et une autre l’a été par des « personnalités ». Le montant de cette dernière 3 est remis à une association créée par les quatre fédérations syndicales « représentatives (9) » de la SNCF, le montant devant être réparti selon le résultat aux dernières élections professionnelles. Ce mode opératoire, outre qu’il élimine FO, revient à considérer qu’au bout d’un mois de grève, CFDT ou UNSA ont autant de leurs adhérent.es en grève que CGT ou SUD-Rail, ce qui n’est pas vrai. Priorité aux structures syndicales, et non aux grévistes !

Mais surtout, que représente « les sommes très importantes » dont parle les communiqués ? Un million d’euros (somme espérée pour la collecte lancée par des personnalités) ? Il y a environ 150 000 salarié.es à la SNCF, si on se base sur 50% de grévistes cela fait donc 75 000 personnes à indemniser. Soyons pessimistes et tablons sur seulement 33% de grévistes : chacune et chacune des 50 000 grévistes pourra alors toucher 20 euros. C’est un peu en décalage, pour tant de jours de grève.

Il n’y a pas trente-six solutions pour les caisses de grève :

- soit les structures syndicales en organisent dans la durée, c’est à dire en systématisant le fait qu’une part de la cotisation syndicale de chaque adhérent.e est consacrée à cela, ce qui permet d’amasser au bout d’un long moment une somme à la hauteur des enjeux (en France c’est le cas de… la CFDT, depuis un demi-siècle)

- soit, c’est organisé ponctuellement au moment de grèves, mais géré très localement, à petite échelle, ce qui permet de répartir entre grévistes les sommes recueillies (y compris par exemple les commerçant.es du coin.... mais ce sera forcément inégal à l’échelle nationale (mais utile là où ça se fera : au plan financier, mais aussi parce que ça suppose des contacts grévistes/reste de la population)

La première solution, la plus efficace, renvoie à la place de l’organisation syndicale dans le mouvement social et politique. Elle doit être centrale, dans la durée, ne pas être « redécouverte » seulement lorsque de grands mouvements sont lancés. En creux, cela pose aussi la question du rapport entre la classe ouvrière et les autres classes sociales… Ce sujet des caisses de grève pourrait être un être un excellent exercice pratique pour les collectifs militants de différentes organisations syndicales, voulant unifier le syndicalisme de luttes…

Le monde en dehors des cheminots et cheminotes

Bien sur, ces attaques s’insèrent dans un plan bien plus vaste. Les retraité.es ont vu leur pouvoir d’achat largement amputé depuis plusieurs mois, une sélection accrue est mise en place pour l’accès à l’université, nombre d’entreprises continuent de licencier pour engraisser leurs actionnaires, dans la Fonction publique et les services publics, les situations de souffrance au travail, les dépressions et les suicides se multiplient. Des grèves touchent différents secteurs : Air France, des enseignes du Commerce, etc. Sans compter des travailleurs et travailleuses Sans-papiers qui exigent leur régularisation.

Affaiblit par des défaites importantes ces dernières années, le mouvement syndical peine à organiser la riposte à la hauteur des enjeux. La CGT avait décidé d’organiser seule une journée d’actions le 19 avril ; Solidaires y a appelé aussi. Une fois de plus, cela s’est traduit par des manifestations où la participation militante domine, sans effet d’entrainement sur la masse des salarié.es. Une grève est prévue dans l’Education nationale, le 3 mai. Pour l’ensemble des fonctionnaires, ce sera le 22 mai. Pour les personnes en retraite, les manifestations dans toute la France seront le 14 juin.

L’urgence est-elle à annoncer des dates successives ou à reconstruire des outils syndicaux solides, porteurs de perspectives de rupture crédibles, capables de donner confiance aux travailleurs et travailleuses ?

Concernant le contexte actuel en France, un communiqué du Réseau syndical international de solidarité et de luttes (10) résume la situation :

« Confronté à divers mouvements sociaux, le gouvernement français montre une nouvelle fois que les États n’hésitent pas à recourir à la force policière et à des lois liberticides pour tenter de museler les mouvements sociaux. Fin mars, le procès dit « de Tarnac (11) » a rappelé comment l’appareil judiciaire, au service de la police, pouvait créer puis alimenter un mensonge d’Etat. Au-delà de cet exemple médiatisé, bien des habitants et habitantes de quartiers populaires connaissent quotidiennement discriminations et répression policières.

À Notre-Dame-des-Landes, l’Etat est intervenu violemment pour évacuer celles et ceux qui avaient maintenu la vie sur ce morceau de terre, devenue Zone à défendre. La résistance, la construction d’alternatives, la solidarité… autant de notions qui ne cadrent pas avec le système capitaliste en place. Et lorsque les gestionnaires du système le décident, ils et elles usent de violence. Il en est de même dans les Universités françaises : la police, et parfois des bandes armées fascistes, y interviennent violemment, couvertes par « l’institution ».

Face à cela, nos armes sont notre nombre, notre solidarité, nos différences comprises comme une richesse collective, nos combats respectifs. Le syndicalisme est directement concerné : à Notre-Dame-des-Landes, un collectif intersyndical existe ; dans les universités, le syndicalisme étudiant est présent. Mais au-delà de ça, l’ensemble du mouvement syndical doit être solidaire et actif contre les violences policières ; ce n’est pas un hasard si les jeunes sont particulièrement visé.es !

La présence sur les zones à défendre et les manifestations de soutien sont nécessaires. Mais pour gagner ensemble, il faut multiplier les fronts de lutte : Notre-Dame-des-Landes, mais aussi les cheminots et cheminotes ! Les universités, mais aussi les salarié.es de Carrefour de Ford ou de La poste ! Les retraité.es, mais aussi le personnel de santé ! En France, mais aussi ailleurs !

Pour que nos luttes soit Une, construisons-les ensemble ! ».

Mathieu Borie, Christian Mahieux, Frédéric Michel, Julien Troccaz, le 23 avril 2018


Notes :

1 : La récente tribune publiée dans Le Monde par les secrétaires généraux de la confédération et de la fédération des cheminots CFDT va dans ce sens. En réalité, les syndicats couramment qualifiés « d’accompagnement » sont confrontés à une politique patronale et gouvernementale qu’ils semblent n’avoir pas compris : le macronisme marque une étape nouvelle dans la « refondation sociale » voulue par une partie du patronat. Dans la logique de liquidation des « corps intermédiaires », le syndicalisme institutionnel n'a qu'une place résiduelle, il est même perçu comme inutile, voire comme un frein. La vocation du syndicalisme d'accompagnement à paraitre co-décider s'en trouve ruinée.

2 : Voir notamment, dans Les Utopiques n°3 : « La grève des cheminots 1986/87 à Paris Gare de Lyon ; le bilan de la section syndicale CFDT 3 » par Christian Mahieux et « La grève des cheminots 1986/87 vue de l’agglomération rouennaise ; une expérience d’auto-organisation 3 » par Jacques Hais.

3 : Certes, bien des grèves d’importance sont parties sans préavis, donc de manière « irrégulière », « illégale », mais encore faut-il que l’ambiance, la dynamique (et certaines organisations syndicales) poussent à dépasser ces contingences.

4 : Face à l’ampleur des attaques, on aurait pu s’attendre à un positionnement plus offensif et motivant…

5 : UNSA et SUD-Rail avaient déposé un préavis de grève national.

6 : Voir dans Les Utopiques n°3, « La grève de 2016 dans le secteur ferroviaire 3 » par Mathieu Borie, Christian Mahieux, Frédéric Michel, Julien Troccaz.

7 : D’autres disent « partenaires sociaux ».

8 : Voir notamment le document de la Fédération CGT des Cheminots 3.

9 : Il s’agit de la représentativité telle que définit par la loi reprenant la position commune CGT/CFDT/Patronat de 2008 : ne sont concernées que les organisations ayant recueillies au moins 10% des voix dans l’entreprise ; en l’occurrence, CGT, UNSA, SUD-Rail et CFDT ; pas FO par exemple, qui pourtant appelle à la grève.

10 : Voir le site www.laboursolidarity 3. Ce Réseau rassemble des organisations syndicales (nationales ou locales, professionnelles ou interprofessionnelles), des courants et tendances syndicales, de nombreux pays dans le monde.

11 : Après dix ans de dénonciations et persécutions de la part de l’appareil d’État (politique, judiciaire, policier, médiatique), des militants et militantes « d’ultragauche », si tant est que cette définition ait un sens, ont été acquitté.es.


https://blogs.mediapart.fr/theo-roumier ... s-efficace
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Re: Mouvement et manifs, questions de stratègie

Messagede bipbip » 05 Mai 2018, 10:41

Appel aux convaincu(e)s : une critique anti-autoritaire du Black Bloc

Au risque de paraître tirer sur l’ambulance, nous avons choisi la voie du dégrisement. Pour nous la manifestation du 1er mai a été un échec et la stratégie imposée de façon autoritaire par le Black Bloc n’était ni justifiée, ni n’a profité au reste de la manifestation. Collectivement, nous en prenons acte et appelons à dépasser nos pratiques ritualisées du cortège de tête.

C’est assez frappant, et ce malgré la situation sociale généralement morose, que chaque manifestation qui tourne un peu à la confrontation avec la flicaille soit saluée comme une victoire. Un peu comme si le fait de casser en nombre des vitrines égalait un but marqué par son équipe de foot préférée. Ne faisant qu’un, le groupe de supporters fait la Ola et retourne chez lui attendre le prochain match, la prochaine bagarre. Il nous apparait que l’intérêt ponctuel et circonstancié d’un Black Bloc n’est pas là et que nous sommes, peu à peu, en train de nous enfermer dans un trip égotique et autoritaire.

Loin de condamner d’une façon générale les actions directes des manifestants, Blacks Blocs ou pas d’ailleurs, nous aimerions les remettre en cause d’un point de vue stratégique, avec une perspective anti-autoritaire. En effet, pour nous, peu importe qu’on brûle un Mac Do ou un concessionnaire Renault : brûlez les tous même !

Mais, selon nous, on ne peut avancer avec une action directe sans réfléchir à 1) la pertinence de la cible 2) la finalité politique de l’action directe 3) les circonstances de la manifestation en question 4) l’inclusion et la compréhension par le reste de la manifestation ou de la population.

... https://paris-luttes.info/appel-aux-con ... -une-10146
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Re: Mouvement et manifs, questions de stratègie

Messagede bipbip » 27 Mai 2018, 17:23

Théo Roumier : « On a les moyens de défaire Macron »

Convergence des luttes, grève générale, stratégie syndicale : c’est autour de ces trois grands thèmes, en plein mouvement social, que nous rencontrons Théo Roumier, syndicaliste à SUD éducation et membre du comité éditorial des cahiers de réflexions de l’Union syndicale Solidaires, Les Utopiques. « Le "dialogue social", c’est le patronat qui impose son agenda, ses thèmes, son calendrier, son idéologie. On s’est fait assez arnaquer », lâche-t-il, assis à la table d’une salle de réunion du siège, dans le dixième arrondissement de la capitale. Face au « bulldozer » macronien, comment réorganiser la lutte par la base : le quotidien des travailleurs et des travailleuses ?

... https://www.revue-ballast.fr/roumier/
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Re: Mouvement et manifs, questions de stratègie

Messagede Pïérô » 15 Juin 2018, 11:24

Une expérience d’observation de lutte à Reims

Dans le numéro précédent de Courant Alternatif (n°280 Remarques sur le mouvement en cours), nous nous interrogions sur le mouvement social en cours en nous arrêtant plus particulièrement sur les grèves à la SNCF.

Notre constat était plutôt pessimiste. Ce que nous observions c’est ce qui était en train de se dérouler reproduisaient les shemas des mobilisations précédentes tant sur la forme (manif ballon, merguez party, intersyndicale et négociations au ministère) que sur le fond (défense du service public, décomposition/recomposition de la gôche, Mélanchon en embuscade). Nous concédions toutefois deux tares à notre analyse. La première consistait en notre relative extériorité à ce mouvement et à son animation, nous ne sommes pas en grève, nous ne sommes pas cheminots, nous ne sommes pas à la CGT (mais ça va quand même hein !). Cette extériorité nous oblige évidemment à une certaine humilité dans nos analyses. La seconde chose c’est qu’en tant que groupe politique nous souffrons de nos propres représentations des choses, évidemment nous n’attendons pas bougon sur notre colline LE mouvement social révolutionnaire dument validée qui imposera les conseils ouvriers, mais nous sommes tributaires de nos propres préjugés et stéréotypes(1). Il ne s’agit pas de faire par ce propos acte de contrition, mais d’établir un nécessaire préalable à toute discussion ou réflexion honnête et serieuse.(2)

Une expérience d’observation de lutte à Reims

Donc partir du concret et du réel avec notre pratique comme base. Nous disposons pour cela c’est notre expérience du suivi de la mobilisation d’un groupe de cheminots de notre ville. Nous avons développé dans les luttes passées une camaraderie avec le syndicat CGT cheminots. Quelques uns d’entre eux ne cachent pas un intérêt personnel pour les idées communistes libertaire.
Cela nous vaut de la part de ceux-ci un accueil chaleureux, des discussions et une confiance qui se concrétise par une ouverture peu commune. ils nous permettent d’assister aux AG de syndiqués comme à celles des grévistes où la parole nous est offerte. Nous sommes également inviter à accompagner les tournées des animateurs de la grève lors des journées de mobilisations.
Le collectif d’animation du syndicat est composé de 5/6 cheminots (pas beaucoup de femmes aux syndicats encore moins à sa direction) d’une quarantaine d’ années repartis entre aiguilleur et conducteur de TER. Il fait vivre le syndicat de manière dynamique en mélangeant le syndicalisme de service et de cogestion des organismes paritaires (la maitrise des règlements intérieurs et du droit relève quasiment de l’expertise) et une fraternité qui se décline en une solidarité matérielle réelle et concrète sur tous les plans de la vie pour les membres du syndicats. Les vocations de ces animateurs ne sont pas seulement issues des héritages familiaux (il y a peu de fils de cheminots et/ou de militants), l’adhésion au syndicat résulte avant tout d’un vécu ordinaire et d’une expérience du passé (certains ont travaillé dans le privé). Avant d’être un combat idéologique l’engagement au syndicat est avant tout le résultat d’un rapport de classe subi par des agents occupant des positions marqués socialement dans le travail (exécution, traction, contrôle, maintenance etc.) et dans la société. Le syndicat est donc tout à la fois un espace de socialisation comme d’expression politique mais si la politisatisation est de fait, elle ne s’incarne pas dans des engagements spécifiques type encartages politique alors que les cheminots sont régulièrement courtisés par l’ensemble des chapelles gauchistes de la ville, ce qui provoque un certain dédain et une goguenardise par rapport aux militants extérieurs.
Ce « rapport » a la chose politique est largement entretenu par la hiérarchie de la CGT qui vilipende régulièrement les « intellectuels » de LO ou « les milices d’ultragauches » motivés par la possibilité de foute le « bordel »(3).
Factuellement le site compte un peu plus de cinq cent travailleurs dont 470 cheminots environ, il héberge les locaux de la direction régionale et donc un certain nombre de cadres supérieurs.
La surveillance et l’intervention de la direction est donc permanente, soit forme directe, soit par l’intermédiaire d’un huissier remplissant son petit boulot de gratte papier.
Les cheminots sont très largement syndiqués. Pour prés du quart d’entre eux à la CGT, le reste se répartissant entre CFDT et UNSA, SUD rail est lui très faible et souffre d’une mauvaises réputation. Historiquement sa fondation a été perçu comme un acte d’opportunisme de la part de la majorité des autres syndiqués.
Sur le terrain la grève suscite l’adhésion, ainsi à la traction (chez les conducteurs pour faire simple) les taux de grévistes ne sont jamais descendus en dessous de 60 %. Evidemment l’impact de la grève sur le service a été fortement limité par la capacité de la direction à absorber le choc de la grève. Le service minimum matérialisé par les déclarations individuelles d’intentions (les fameuses D2I) permet à l’encadrement de mettre la pression sur les cheminots, de prévoir à l’avance les trains qui manque et donc de s’organiser en conséquence. Il y un donc un vrai écart entre la mobilisation et ses conséquences. Cet écart se manifeste également dans la réalité du mouvement et dans son affirmation.

Des capacités non exploitées.

Alors que la mobilisation d’un point de vue statistique relève d’un aspect inédit par son ampleur et sa durée, que la participation aux AG est loin d’être négligeable et que la colère est palpable les cheminots ne parviennent pas à transformer ce potentiel en force réelle. Pourquoi ?
Premièrement : La stratégie de grève planifiée est un obstacle à l’auto-organisation des cheminot-e-s et semble un pis aller pour contenter tout le monde (faire grève un peu beaucoup mais pas trop non plus). Il aura fallu attendre six semaines de conflits avant de voir l’apparition des premiers piquets visant à bloquer l’accès au lieu. Il aura fallu attendre un mois de mobilisation pour que de timides actions seront tentées à l’extérieur. Les rassemblements devant la gare n’auront été que faiblard et c’est au prix d’une initiative individuelle qu’un TGV sera bloqué au cours de l’un d’entre eux. Il ne faut pas voir ici qu’un manque de bonne volonté confronté à une éducation syndicale qui met l’accent sur l’expertise, la contre proposition (le rapport ensemble pour le fer par exemple) les travailleurs n’ont plus de référence pour la lutte. Certes les anciens les serinent avec 1995 et leurs faits d’armes, ils évoquent moins souvent les coordinations de 86 ou les grandes grèves du passée comme celle de 1920 qui aboutit à la révocation de 15 000 cheminots et à la scission de la CGT.
C’est donc tout un imaginaire subversif qu’il reste à mobiliser.
Mais un imaginaire qui se base sur ses propres références par exemple la lutte pour la bataille de l’opinion publique n’est pas négative en soi si elle participe d’une interrogation de ce concept (qui forme ce concept ?, à qui est-il destiné ?, et l’opinion de classe ?). Poser la question des droits que nous possédons, c’est se poser la question de comment nous les avons obtenu et ce qu’ils impliquent. La question de la sous traitante ou les différents statuts de travailleurs dans la SNCF comme le statut de contractuel pour les travailleurs étrangers (le fameux PS25 qui a permis la discrimination des chibanis par exemple) permet d’exploser les mythes de l’entreprise publique pour la ramener à sa vrai réalité, celle d’une exploitation entre d’un coté des capitalistes et de l’autre des prolétaires. C’est à partir de ce constat qu’une convergence des exploités est possible et que nous pouvons justifier notre présence aux cotés des cheminots en lutte.

C’est en tout cas donc à partir de ces axes que nous articulons notre intervention, ce que cela donnera, on verra bien, gardons le pessimisme pour des jours meilleurs !

Mouloud Hollywood

(1) « la production des idées des représentations et de la conscience est d’abord directement et intimement mêlée à l’activité matérielle et au commerce matériel des hommes […et des femmes ndjm]. Elle est le langage de la vie réelle. Karl MARX l’idéologie allemande.
(2) A ce sujet nous recommandons le numéro de nos camarades de la Mouette enragée dont le dernier numéro traite de la question de l’enquête ouvrière.
(3) Spéciale dédicace à André G.


http://www.oclibertaire.lautre.net/spip.php?article2089
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Re: Mouvement et manifs, questions de stratègie

Messagede bipbip » 28 Juin 2018, 22:23

France/SNCF: une succession de grèves «carrées» ne forme pas une grève reconductible!

Par Christian Mahieux

Ne reculant devant rien, la direction de la SNCF avait décidé d’effectuer les retraits pour grève comme si les 18 grèves de 48 heures ventilées sur le deuxième trimestre étaient un seul mouvement. Le Tribunal de grande instance [1] a donné tort aux patrons (qui ont fait appel). Mais le constat n’est pas que juridique, il est avant tout politique: une succession de grèves «carrées», c’est-à-dire limitées d’emblée à 24 ou 48 heures par exemple, ne forme pas une grève reconductible!

Il n’est pas facile d’écrire de nouveau à propos de la grève SNCF en France. Selon le calendrier décidé par les fédérations syndicales le 15 mars, les 18 grèves de 48 heures s’étalent entre le 3 avril et le 29 juin. Le mouvement est donc toujours d’actualité. Mais, sur l’essentiel, c’est-à-dire sur le calendrier de grèves annoncé plus de trois mois auparavant, sur la neutralisation ainsi effectuée de toute dynamique vers une grève reconductible, sur les assemblées générales dépossédées de leur rôle, sur la place ainsi offerte à l’UNSA et la CFDT au détriment d’une possible alliance CGT/SUD-Rail/FO refusée par la CGT, sur la politique gouvernementale… que dire de plus que ce qui est dans les articles du 24 avril et du 27 mai?

Car le paradoxe de ce mouvement est bien là: oui, il dure; mais dans quelles conditions et avec quelles perspectives? Il est notable que nombre d’animateurs et d’animatrices de la grève ont le sentiment d’aller dans le mur: alors que le nombre de grévistes diminuait, les fédérations syndicales, mais aussi la plupart des syndicats locaux, n’ont jamais voulu remettre en cause «le calendrier», c’est-à-dire les grèves de 48 heures sans débat sur la reconduction du mouvement.

La grève reconductible n’a pas de vertu magique, et y appeler n’est nullement la garantie qu’elle existe. Il faut la préparer, l’organiser, l’animer, la renforcer, etc. Et ça ne marche pas toujours! Mais les grèves «carrées», fussent-elles de 48 heures au lieu des plus habituelles de «24 heures», présentent des différences essentielles avec les mouvements reconductibles: l’assemblée générale perd son sens puisque les grévistes n’ont pas à décider de leur grève. Ils et elles doivent suivre le calendrier des fédérations syndicales. Les grèves non reconductibles ne créent pas les conditions du débat permanent, et de la créativité individuelle et collective qui en sort, que favorisent au contraire l’AG quotidienne, les discussions tout au long de la journée sur le lieu de grève.

Bien évidemment, ce n’est pas après plus de 30 journées de grève non reconductibles qu’un mouvement reconductible peut s’envisager: le slogan demeure juste, mais il reste à l’état de slogan car les grévistes sont épuisé·e·s. Epuisé·e·s financièrement, ce qui n’est pas rien, mais aussi moralement: «tout ça pour ça?»

Le gouvernement a fait voter sa loi. Sans surprise, UNSA et CFDT organisent leur sortie du mouvement. CGT et SUD-Rail disent continuer durant l’été. Mais les conditions sont floues, l’absence d’unité (pourtant prétexte à l’alignement sur «le calendrier» durant trois mois) pèse, et bien des grévistes se demandent si le durcissement annoncé à travers des grèves lors des journées de départs en vacances ne vient pas trop tard… volontairement. D’autant qu’il s’accompagne aussitôt de déclarations parlant de «calendrier [de grèves] allégé».

Les grévistes méritent tout notre respect et ont besoin de tout notre soutien. C’est ce que tentent d’apporter certaines forces syndicales interprofessionnelles, mais aussi associatives et politiques. Chacun et chacune comprend qu’il ne s’agit pas seulement d’une grève des cheminots et des cheminotes, ni même d’une grève pour le service public ferroviaire. C’est cela, et c’est déjà énorme, mais il y a un enjeu politique qui dépasse ces cadres. C’était une raison de plus pour ne pas s’enfermer dans le piège des grèves non reconductibles!

Au niveau interprofessionnel, une journée nationale est programmée pour le 28 juin. Décidée par les confédérations CGT et FO, elle n’enthousiasme guère dans les syndicats locaux. Elle apparaît bien trop artificielle au regard de la situation réelle dans les entreprises et les services. Solidaires y appelle, sans avoir signé l’appel CGT/FO rempli de références au «dialogue social», aux «valeurs républicaines», etc. Plus que jamais, les priorités sont sans doute ailleurs: reconstruire un tissu militant au plus près du terrain, organiser le travail commun des militants et militantes défendant et pratiquant un syndicalisme où l’affrontement de classe est mis en avant, en s’appuyant sur une pratique démocratique de masse. (26 juin 2018)

Christian Mahieux est membre de Sud Rail et participe au comité de rédaction de la revue Les utopiques. Cahier de réflexions, de l’Union syndicales Solidaires


[1] Le 21 juin, le Tribunal de grande instance de Bobigny a condamné la SNCF à payer les jours de repos des grévistes dont elle avait retenu le paiement. (Réd. A l’Encontre)


http://alencontre.org/europe/france/fra ... tible.html
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Re: Mouvement et manifs, questions de stratègie

Messagede bipbip » 14 Juil 2018, 21:19

Femmes travailleuses au coeur des luttes victorieuses et des convergences

Dans cette nouvelle analyse des luttes sociales, Jacques Chastaing met en évidence que beaucoup de grévistes ressentent cet été moins une impression de défaite que de ne pas y avoir mis toutes les forces. Ce double sentiment peut résumer la situation de ces derniers mois et le rôle que les femmes au travail y ont joué.

Cet été s'ouvre sur un drôle de sentiment. Les luttes importantes des cheminots, électriciens et gaziers qui ont eu ou ont encore une portée nationale sont affaiblies mais continuent malgré tout cependant sans les confédérations syndicales. Après avoir poussé aux grèves perlées inefficaces, elles partent en vacances, abandonnant les grévistes à la dispersion et ne proposant de se retrouver que fin septembre alors qu'elles vont rencontrer centralement patronat et gouvernement en juillet !

Il y a donc une espèce de défaite mais pas vraiment quand même. Beaucoup de grévistes ressentent moins une impression de défaite que de ne pas y avoir mis toutes les forces. Ce double sentiment peut résumer la situation de ces derniers mois et le rôle que les femmes au travail y ont joué

L'importance de la lutte des Ehpad dans la situation actuelle

Après les échecs de la mobilisation contre les ordonnances à l'automne 2017, la fin janvier 2018 a ouvert une période de lutte, avec la mobilisation de multiples secteurs peu liés aux appareils syndicaux et sur de multiples revendications: étudiants et lycéens, paysans, motards, gardiens de prison, retraités et surtout par les femmes travailleuses des Ehpad.

Ce mouvement de luttes de femmes au travail avait déjà marqué l'automne/hiver 2017 avec les luttes longues et victorieuses dans le nettoyage des gares de la région parisienne ou des femmes de ménage des hôtels. Le mouvement des Ehpad avait lui-même commencé à l'automne 2017 à peu près au moment où les confédérations syndicales renonçaient à la lutte contre les ordonnances, ce qui est significatif de ce que porte ce mouvement.

Il n'est pas étonnant que ce soient des femmes travailleuses qui aient initié ce nouvel élan social du printemps 2018.

D'une part, elles échappent, plus que les secteurs professionnels où les hommes sont plus nombreux, à l'emprise des directions syndicales et de leurs tactiques, étant moins organisées. D'autre part, elles sont au centre des reculs considérables qu'impose Macron à la société dans les secteurs santé, vieillesse, protection des jeunes enfants, éducation... Elles sont donc au cœur des solidarités que le gouvernement veut casser; leur générosité, leur dévouement et leur courage sont au cœur du service public et de son esprit que la bande du Medef souhaite éradiquer.

C'est pourquoi, c'est dans le secteur de la santé qu'il y a certainement le plus de luttes, les plus déterminées, les plus longues et les plus victorieuses contre les politiques de Macron. C’est en même temps le secteur où il y a le moins de journées d'action syndicales (une seule en mars 2017 très réussie) car la révolte des femmes au travail a quelque chose de subversif et d'entraînant pour tout le monde, comme d'ailleurs dans tous les grands mouvements, de 1789 à 1917 en passant par 1848 ou 1871.

La grève du 30 janvier 2018 des Ehpad, très suivie avec 2 000 sites dans la lutte, puis encore le 15 mars, pouvait donc entraîner tout le pays et l'a partiellement fait mais de manière rampante et peu consciente.

Elle pouvait entraîner tout le pays car c'est une lutte dans un des secteurs de la santé le plus exploité et en ce sens extrêmement parlant pour tous les travailleurs du rang et les exploités et opprimés en général ; cette spécificité a soulevé un large mouvement d'opinion par les témoignages de l'horreur des conditions de travail mais aussi parce que tout le monde se sent concerné par le sort lamentable réservé aux plus âgés.

Les agents des Ehpad ne bloquent rien au niveau économique contrairement aux cheminots ou électriciens, mais il était difficile pour les médias de les faire passer pour des privilégiés menant une lutte dépassée et les couper ainsi des autres secteurs de travailleurs pour les pousser par là-même dans un combat corporatiste.

Le combat des agents des Ehpad est au cœur des questions politiques actuelles de société.

Le mouvement d'opinion engendré par cette lutte, accompagnée des autres grèves citées plus haut, a déclenché un nouvel espoir de gagner et une nouvelle vague de luttes malgré la défaite face aux ordonnances. Cette lutte montrait alors que les salariés n'étaient pas démoralisés et que ce n'étaient pas tant eux qui avaient perdu mais la tactique syndicale des grèves saute moutons.

Dans cette nouvelle vague de luttes, le rapport global des forces a changé dans beaucoup d'Ehpad, voire plus globalement dans la santé, entraînant de nouvelles grèves de femmes au travail dans ces secteurs... qui gagnaient assez souvent, comme la lutte emblématique du centre hospitalier du Rouvray l'a montré mais aussi bien d'autres luttes victorieuses de femmes au travail moins médiatisées.

Ce que la lutte des femmes au travail des Ehpad ouvrait comme possibilités

Cette nouvelle vague de luttes n'ouvrait pas seulement à une possibilité de mouvement d'ensemble pour la défense des services publics mais exprimait aussi un changement d'état d'esprit latent chez bien des salariés et grévistes. On passait d'un moment où on attendait tout des directions syndicales voire de secteurs économiques clefs dont on espérait une espèce de grève par substitution, à un autre moment où ayant pris la mesure de la faible volonté des directions syndicales à mener la lutte d'ensemble, on commençait à tester ses forces, à vérifier si les autres salariés étaient prêts à la lutte globale contre Macron - que tout le monde sait nécessaire - et avec quelle détermination.

Or, faute d'organisation relayant ce changement d'état d'esprit, sa prise de conscience a été seulement diffuse et variée suivant les secteurs professionnels.

Contre cette prise de conscience et ce mouvement issu des Ehpad, ou plus exactement de manière complémentaire pour contrôler ce qui était en train de leur échapper, les directions syndicales ont initié la journée nationale d'action de la fonction publique du 22 mars afin que celle du 15 mars lancée par le secteur des Ehpad appuyée par les retraités perde de sa capacité d'attraction.

Les directions syndicales ont réussi la prise de contrôle de ce qui naissait mais en même temps le succès du 22 mars a initié lui-même et marqué les mobilisations qui vont suivre au delà de ce que voulaient les directions syndicales et politiques, celles des cheminots, électriciens et postiers, en même temps que le mouvement étudiant lui-même.

En effet, dans cette nouvelle période de lutte, l'initiative n'était plus vraiment totalement aux mains des directions syndicales, ce qu'on avait déjà vu, mais qu'un tout bref moment au début 2016 au démarrage de la lutte contre la loi El Khoury. Plus que diriger comme auparavant, les directions syndicales se sont contentées d'accompagner ce qu'elles n'avaient pas initié. C'est pourquoi dans cette période on a jamais autant entendu parler de "Convergence" des luttes, d'un nouveau mai 68. L'initiative de F. Ruffin du 5 mai reflétait d'une certaine manière l'espoir nouveau et la convergence a été possible et suivie de succès... mais pour la mener dans les voies de garage institutionnelles, voire électorales, du 26 mai.

Ceci dit, ce printemps des luttes des femmes au travail a quand même marqué les grandes grèves des cheminots et électriciens mais chacune de manière différente.

Les cheminots ont été certainement les moins touchés par cette atmosphère, même si la décision des directions syndicales de parler au début de grève longue et dure n'y est pas pour rien. Il fallait à la fois pour elles, pour que la situation ne leur échappe pas dans ce contexte général né en janvier, affirmer publiquement leur détermination – une grève longue – et en même temps ne pas en perdre le contrôle - en organisant une grève perlée, d'où cette grève paradoxale.

La grève des électriciens et gaziers, elle, a pris par surprise les directions syndicales.

Elle est partie de la base, des très jeunes en particulier. Contre cette grève particulièrement dangereuse, démarrant en effet à un moment où la grève des cheminots était encore forte, il y a eu une complicité de fait entre médias et directions syndicales. Les premiers faisaient totalement silence sur cette grande grève qui a quand même touché près de 430 sites d'une manière ou d'une autre dont 200 bloqués ou occupés pendant que les seconds accompagnaient la grève sans la freiner mais en la faisant dériver peu à peu en ne lui donnant pas de perspectives centrales et encore moins celles de coordination avec les cheminots, ce qui lui aurait permis de peser sur la situation générale.

Comme au moment de la grève des étudiants, cette jonction cheminots-étudiants puis cheminots-électriciens se faisait pourtant spontanément à la base mais pas au sommet, sinon par des déclarations purement platoniques. Ainsi le courant global donné par l'élan énorme de la grève des électriciens se dispersait dans une multitude de conflits locaux où les directions syndicales s'empressaient de "suspendre" la grève jusqu'en septembre dés que les directions locales de l'énergie cédaient un petit quelque chose. Au total, les électriciens et gaziers auront certainement obtenu pas mal d'embauches et d'améliorations diverses, mais sans que cela ne se voie ni que les succès ne puissent en entraîner d’autres.

Nous en sommes donc là : la situation est globalement profondément marquée par la question sociale et les femmes au travail en sont-elles mêmes à la pointe sans pour autant que cela soit consciemment vécu et perçu, ni par elles-mêmes ni par les autres.

Cependant, l'été, les grosses chaleurs et le manque de personnel dans les établissements de santé aggravé par les congés, vont probablement mettre à nouveau la question de la santé publique au centre de l'actualité.

Alors que les mouvements de femmes marquent et transforment même parfois la situation politique aux USA, en Espagne, en Argentine, aux Chili... faisons tout pour que les femmes travailleuses au combat en France puissent se saisir de ce faux semblant de pause estivale et ce vide bureaucratique qui l'accompagne afin de faire entendre leurs voix particulières dans cet été qui pourrait être ainsi brûlant pour Macron et pas que par la chaleur du soleil.

Jacques Chastaing, le 9.07.2018


https://blogs.mediapart.fr/jean-marc-b/ ... nvergences
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Re: Mouvement et manifs, questions de stratègie

Messagede bipbip » 29 Sep 2018, 20:22

Jupiter n’est plus… Mais que font les directions syndicales ?

Alors que Macron semble plus affaibli que jamais la stratégie des directions syndicales pourrait au contraire lui permettre de se relégitimer. Exigeons la fin des négociations !

Macron et le gouvernement toujours plus affaiblis…

C’est presque devenu un lieu commun. Des enquêtes d’opinion aux éditorialistes en passant par les proches soutiens du président ou encore au sein de son groupe parlementaire, tout le monde s’accorde sur le constat : Jupiter n’est plus. Y compris au sein du gouvernement certains parlent de « fin de règne », d’autres en viennent à soupçonner le premier ministre Edouard Philippe de convoiter, en secret, la mairie de Paris et craignent qu’il ne lâche lui aussi le Président.

Jusqu’à présent, les tentatives de l’executif pour enrayer la crise sont restées inefficaces, comme en témoigne l’échec de sa communication autour du « plan pauvreté ». Ces « rééquilibrages » sont loin d’être suffisants pour décoller l’image de « président des riches » qui pèse, à raison, sur Emmanuel Macron. Pour tenter de mettre fin au cercle vicieux que traverse la macronie, les proches du président insistent pour qu’il s’adresse directement aux français dans l’espoir qu’un peu de « pédagogie », pour reprendre leur mot, suffise à redorer l’image de Jupiter.

Mais c’est sans compter sur les difficultés plus structurelles qui pèsent sur Macron et qui sont loin de se résumer à une question de communication. Lors de sa première année de mandat, la stratégie de celui-ci consistait grosso modo à passer en force pour imposer ses attaques anti sociales en s’appuyant sur son image de président tout puissant tout en promettant des résultats rapides, aux patrons et à la bourgeoisie française, mais également à sa (faible) base sociale en se donnant une image de « président du pouvoir d’achat ». Mais comme c’était à prévoir les marqueurs économiques révèlent que la croissance est plus basse que prévue, le chômage plus haut, et que les travailleurs et les jeunes doivent faire face à une hausse des prix et une baisse des aides sociales.

Aujourd’hui, cette question du pouvoir d’achat devient un véritable test pour l’executif. Or, là où le bât blesse c’est qu’au-delà de la guerre des chiffres à laquelle s’adonnent les politiciens, de la majorité à l’opposition, le problème principal c’est que ces chiffres ne correspondent pas au ressenti des français. Ainsi, au contraire de ce que promettait Macron, 86% des français jugent que leur pouvoir d’achat a baissé au cours de cette année. Cette question est de loin celle qui inquiète le plus les Français (59% selon le dernier sondage du baromètre HEC). Cette préoccupation témoigne du refus de voir s’aggraver encore la précarité qui touche de plus en plus de ménages, quand dans le même temps le gouvernement fait des cadeaux à une minorité de très riches.
… mais que font les directions syndicales ?

Dans ce contexte, on pourrait s’étonner de voir Macron continuer, bon an mal an, à poursuivre dans son agenda de contre réformes, à commencer par celle sur l’assurance-chômage, dont les négociations avec « les partenaires sociaux » devraient commencer dès la semaine prochaine. Une lettre de cadrage a été envoyée par Matignon pour fixer les grandes orientations de la réforme envisagée, qui doit notamment permettre d’économiser près de 3,9 milliards d’euros, ainsi que de réformer le système et les règles d’attribution. Le gouvernement affirme sa volonté de faire des économies sur le dos des chômeurs, qui vivent déjà dans des conditions d’extrême précarité. Laurent Berger, le numéro 1 de la CFDT n’a surpris personne en acceptant d’aller négocier avec Matignon, mais c’est maintenant au tour du chef de Force Ouvrière, Pascal Pavageau, qui a lui aussi fait savoir que son syndicat serait présent aux tables des négociations. Reste à savoir ce que fera la CGT, mais il y a tout à parier qu’elle s’y rendra elle aussi.

Nous avons déjà écrit sur cette stratégie de négociation dont font preuve les directions syndicales et sur le fait qu’il s’agissait d’une politique délétère pour le monde du travail et pour l’ensemble de la population. En effet, en choisissant le terrain de la négociation, le message qui est envoyé aux travailleurs c’est qu’il serait possible de trouver un terrain d’entente avec le gouvernement et les organisations patronales autour d’une table. Les directions syndicales révèlent leur adaptation totale à l’illusion du « dialogue social », expression utilisée en réalité pour désigner l’institutionnalisation des organisations du mouvement ouvrier et leur soumission à une logique de collaboration de classe.

Pourtant, si le mouvement ouvrier est fort c’est d’abord par son nombre et par ses propres méthodes de lutte, c’est-à-dire celles de la lutte des classes. Les travailleurs ont tout à perdre à aller négocier à la table des « partenaires sociaux », qui n’ont rien de partenaires mais qui sont en réalité des ennemis de classe qui ont des intérêts tout simplement antagoniques à ceux de la grande majorité de la population. De plus la date du 9 octobre apparaît déjà comme ce qu’elle est : une énième date isolée et très peu préparée, qui ne ressemble en rien à une politique susceptible de faire reculer le gouvernement. A l’inverse, il faudrait taper fort dès cette rentrée pour proposer un véritable plan de bataille avec des appels à la grève dans les différents secteurs attaqués, en organisant des assemblées générales sur les lieux de travail, et en l’articulant à la perspective de la grève générale pour mettre en échec Macron.

C’est pourquoi la stratégie des directions syndicales n’est pas simplement erronée mais elle s’apparente à une véritable traitrise. La régression sociale ne se négocie pas. En effet, dans un moment où l’exécutif et Macron lui-même se retrouvent extrêmement affaiblis et isolés, accepter le terrain du « dialogue social » revient à redorer la légitimité du gouvernement, quand il faudrait plutôt chercher à approfondir sa crise. Si les directions du mouvement ouvrier ne rompent pas immédiatement avec cette stratégie, les brèches qui se sont ouvertes au sein de la macronie pourraient bien se refermer. Et si pour le moment il n’existe aucune fatalité à ce que la crise de l’exécutif profitent aux forces réactionnaires, la politique des directions syndicales pourraient conduire à ce que la colère légitime qui s’exprime contre la politique du gouvernement soit capitalisée par l’extrême droite.


http://www.revolutionpermanente.fr/Jupi ... syndicales
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Re: Mouvement et manifs, questions de stratègie

Messagede bipbip » 19 Oct 2018, 18:46

L’autonome, le syndicaliste et la merguez

Hier est paru sur le site d’informations militantes Rebellyon un article hargneux https://rebellyon.info/Le-temps-des-mer ... ecit-19642 s’indignant que les prolétaires ne fassent pas la révolution et ne comprenant pas pourquoi les manifestations de la semaine dernière (le 9 octobre) n’ont pas conduit à l’insurrection tant promise.

En bref, plutôt qu’une critique politique pertinente de l’absence de débouchés de cette journée (qui jouait plus un rôle cosmétique qu’une véritable relance de la mobilisation sociale), nous avons droit à la logorrhée gauchiste habituelle dénonçant l’inaction des « privilégié.e.s » alors que, visiblement, les conditions subjectives sont réunies et tout le monde devrait avoir envie de tout péter.

Cet énième pamphlet rageur serait passé complètement inaperçu au milieu des centaines d’autres auxquels nous avons droit après chaque manifestation si une phrase particulièrement indécente n’avait pas attiré l’attention (et la colère) de certain.e.s camarades :

« Pendant que des personnes se suicident sur leur lieu de travail, les représentant.es syndicaux.les se gavent de merguez. »

Que « la CGT » (encore faut-il comprendre ce qu’est une fédération syndicale et comment ça fonctionne avant de considérer la cégétte comme un bloc homogène) se révèle incapable de s’adapter à la restructuration du rapport de classe et aux nouvelles modalités de lutte qui l’accompagnent, c’est une chose. Que les syndicats majoritaires aient passablement abandonné les salariés des TPE et les chômeurs et que le soutien aux précaires (notamment Deliveroo) et aux travailleurs sans-papiers soit encore trop faible, on peut aisément l’admettre. Qu’un manque de solidarité flagrant puisse advenir dans les manifestations voire même vis-à-vis de syndicats trop « radicaux » (on se souvient de la polémique autour de l’affiche de l’Info Com’ dénonçant les violences policières, de l’exclusion de SUD de l’intersyndicale cheminote à cause de son préavis de grève reconductible ou encore des réprimandes suite aux sabotages de la CGT-Energie), c’est également à déplorer.

Mais peut-être que la personne qui a écrit cette stupidité (réduire le syndicalisme à « manger des merguez » c’est comme réduire l’autonomie à lancer des cailloux et écrire ACAB au tipp-ex sur son sac à dos) ferait bien de réfléchir au nombre de suicides qui ont été évités grâce à l’action syndicale de classe, à la grève et aux luttes qui ont empêché des licenciements, des harcèlements moraux et sexuels et permis d’améliorer des conditions de travail invivables et inhumaines.

On apprend également que si les syndicats ne lancent pas d’appel à la grève générale reconductible, c’est tout simplement qu’ils « n’osent pas » le faire (les pleutres !). Exit le rapport de force et la conjoncture politique, il suffirait d’une bonne dose de « rage » – mot cité 4 fois en 10 lignes, on comprend que c’est le point central de l’analyse – pour bloquer le pays si ces salauds de traîtres de Martinez et Pavageau ne faisaient pas barrage de leur corps pour retarder la révolution.

Sauf qu’il ne suffit pas de crier très fort dans un mégaphone, même quand on est secrétaire général de la CGT, pour déclencher la grève générale. Surtout dans un pays où le taux de syndicalisation est inférieur à 10%. Et quand bien même ce serait le cas, car les dirigeants syndicaux maîtriseraient des pouvoirs occultes comme l’hypnose de masse des travailleurs, encore faut-il comprendre que la fonction d’un syndicat dans le mode de production capitaliste n’est pas de faire la révolution mais ni plus ni moins que négocier le prix de la force de travail et les conditions de l’exploitation. Ils ont déjà du mal en ce moment à faire face à l’offensive patronale en cours, n’allez pas leur demander la lune, l’abolition de la valeur et le jus d’orange apporté au lit en supplément.

Oui, les syndicats « débattent avec l’Etat ». Ce sont des organisations paritaires, et ils puisent leur légitimité de ce rapport, conflictuel mais néanmoins ininterrompu, aux instances de pouvoir, car ils ne peuvent pas exister sans leur reconnaissance légale.

Les syndicats, qui sont des institutions n’ayant de validité que par la reconnaissance par l’Etat de leur caractère légitime, ne peuvent pas se placer d’eux-mêmes hors la loi. Dans toute grève et toute occupation, il y a des débordements. Les syndicats peuvent dans une certaine mesure se cacher derrière des actes individuels (« les gars en ont ras-le-bol »), les couvrir, ou parfois « dénoncer les violences ». On ne peut leur demander d’organiser les débordements, parce que ce n’est pas leur rôle. Leur rôle, c’est à la limite et dans le meilleur des cas de couvrir ces débordements grâce à la légitimité dont ils disposent.

Alain Corne

Mais admettons. T’aimes pas la CGT, FO et les autres centrales bureaucratisées ? C’est compréhensible.

Même SUD et la CNT c’est pas assez radical pour toi, toi t’es un vrai autonome, t’as lu deux bouquins sur la horde d’or italienne ? Pourquoi pas.

Alors vas-y, construis des solidarités de classe effectives sur ton lieu de travail, lutte, organise-toi avec tes collègues au sein de comités autonomes et indépendants des organisations préexistantes.

En attendant, le combat syndical, il se vit au jour le jour. Au contact des travailleurs. Et c’est pas facile : on doit affronter la répression policière et patronale, la misère financière, tenir les piquets de grève dès 6h du matin et rassurer la mif’ qui voit pas la paie arriver à la fin du mois. Ca paie pas toujours, et voir un collègue mettre fin à ses jours, détruit par la dépression, ça s’oublie pas en bouffant des saucisses.

Mais ça, tu le saurais si tu savais de quoi tu parlais, connard.

« Moi j’ai les mains sales. Jusqu’aux coudes. Je les ai plongées dans la merde et dans le sang. »


https://agitationautonome.com/2018/10/16/274/
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Re: Mouvement et manifs, questions de stratègie

Messagede bipbip » 25 Nov 2018, 18:05

Tribune
Mouvements sociaux : « Les “gilets jaunes” sont aussi le produit d’une succession d’échecs du mouvement social »

Pour un collectif de membres d’Attac et de la fondation Copernic, le mouvement de revendications fera date en dépit de certains dérapages, car il peut permettre de dépasser une crise généralisée, qui touche également la gauche.

La colère sociale a trouvé avec le mouvement des « gilets jaunes » une expression inédite. Le caractère néopoujadiste et antifiscaliste qui semblait dominer il y a encore quelques semaines et les tentatives d’instrumentalisation de l’extrême droite et de la droite extrême ont été relativisés par la dynamique propre du mouvement, qui s’est considérablement élargi, et la conscience que les taxes sur l’essence étaient « la goutte d’eau qui fait déborder le vase ».

Quelques dérapages homophobes ou racistes, certes marginaux mais néanmoins détestables, et des incidents quelquefois graves n’en ternissent pas le sens. Ce mouvement d’auto-organisation populaire fera date et c’est une bonne nouvelle.

Le mouvement des « gilets jaunes » est d’abord le symptôme d’une crise généralisée, celle de la représentation politique et sociale des classes populaires. Le mouvement ouvrier organisé a longtemps été la force qui cristallisait les mécontentements sociaux et leur donnait un sens, un imaginaire d’émancipation. La puissance du néolibéralisme a progressivement affaibli son influence dans la société en ne lui laissant qu’une fonction d’accompagnement des régressions sociales.
Situation mouvante

Plus récemment, le développement des réseaux sociaux a appuyé cette transformation profonde en permettant une coordination informelle sans passer par les organisations. L’arrogance du gouvernement Macron a fait le reste avec le cynisme des dominants qui n’en finit pas de valoriser « les premiers de cordée », contre « ceux qui fument des clopes et roulent au diesel ».

Le mouvement se caractérise par une défiance généralisée vis-à-vis du système politique

Les « gilets jaunes » sont aussi le produit d’une succession d’échecs du mouvement social. Ces échecs se sont accentués depuis la bataille de 2010 sur les retraites jusqu’à celle sur les lois Travail ou la SNCF, et ont des raisons stratégiques toutes liées à l’incapacité de se refonder sur les plans politique, organisationnel, idéologique, après la guerre froide, la mondialisation financière et le refus de tout compromis social par les classes dirigeantes. Nous sommes tous comptables, militants et responsables de la gauche politique, syndicale et associative, de ces échecs.

Dans cette situation mouvante, la réponse de la gauche d’émancipation doit être la politisation populaire. C’est sur ce terreau qu’il nous faut travailler à la refondation d’une force ancrée sur des valeurs qui continuent à être les nôtres : égalité, justice fiscale, sociale et environnementale, libertés démocratiques, lutte contre les discriminations. Le mouvement des « gilets Jaunes » se caractérise par une défiance généralisée vis-à-vis du système politique, en particulier vis-à-vis des partis et des syndicats.
Ancrer une gauche émancipatrice dans les classes populaires

On ne combattra pas cette défiance, ni l’instrumentalisation par l’extrême droite, ni le risque d’antifiscalisme, en pratiquant la politique de la chaise vide ou en culpabilisant les manifestants. Il s’agit bien au contraire de se donner les moyens de peser en son sein et de gagner la bataille culturelle et politique de l’intérieur de ce mouvement contre l’extrême droite et les forces patronales qui veulent l’assujettir.

Deux questions sont posées par ce mouvement : celui de la misère sociale grandissante notamment dans les quartiers populaires des métropoles et les déserts ruraux ou ultrapériphériques ; celui de la montée d’une crise écologique et climatique qui menace les conditions d’existence même d’une grande partie de l’humanité et en premier lieu des plus pauvres.

Il faut répondre à ces deux questions par la conjonction entre un projet, des pratiques sociales et une perspective politique liant indissolublement la question sociale et la question écologique, la redistribution des richesses et la lutte contre le réchauffement climatique. L’ancrage d’une gauche émancipatrice dans les classes populaires est la condition première pour favoriser une coalition majoritaire pour la justice sociale et environnementale.

Les signataires de cette tribune sont Annick Coupé, Patrick Farbiaz, Pierre Khalfa, Aurélie Trouvé, membres d’Attac et de la Fondation Copernic.

P.-S.
• « Les “gilets jaunes” sont aussi le produit d’une succession d’échecs du mouvement social ». Le Monde.fr. Publié le 20 novembre à 15h30, mis à jour à 15h30 :
https://www.lemonde.fr/idees/article/20 ... _3232.html


http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article46926
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Re: Mouvement et manifs, questions de stratègie

Messagede bipbip » 01 Déc 2018, 02:49

(Paris) Réunion-Débat "Que manque-t’il à nos luttes pour être victorieuse ?"

Image

Réunion - débat
Samedi 1er décembre 2018, de 9h30 à 17h
31, rue de la Grange aux Belles 75010 Paris
Métro ligne 2, Colonel Fabien ; bus 75 ou 26

co-organisé par l’Association Autogestion (AA), l’Association des communistes unitaires (ACU), les Amis de Tribune socialiste (ATS), Cerises, l’Observatoire des mouvements de la société (OMOS), le Réseau pour l’autogestion, les alternatives, l’altermondialisme, l’écologie et le féminisme (AAAEF), le Temps des lilas et l’Union syndicale Solidaires.

La rentrée se fait avec le souvenir de l’échec des cheminots au printemps dernier. Comment interroger les échecs de luttes pourtant déterminées, massives, souvent soutenues par une part importante de la population ?

Si la protestation peut mobiliser, elle ne suffit pas pour vaincre. Ne croit-on pas trop que ce qui est du ressort d’une visée post-capitaliste est à renvoyer à plus tard, obérant de fait la possibilité de changement ?

Les mouvements de lutte se limitent toujours ou presque à l’expression du « contre ». Parallèlement les partis politiques sont les seuls dédiés à avancer des solutions. Au nom du réalisme, ces solutions aménagent le système, travaillent à sa perdurance. Ne faut-il pas interroger cette répartition des tâches ?

Ces aménagements sous-entendent que l’on pourrait aujourd’hui comme il y a cinquante ans, raisonner les capitalistes, freiner leur ardeur destructrice et les contraindre à lâcher du lest pour ne pas tout perdre. Mais leurs menées sont-elles uniquement dictées par un rapport de forces ou le sont-elles aussi par la nécessité vitale d’agir à leur perpétuation ?

Pouvoir et richesses peuvent-ils accompagner le développement de la société, comme durant l’après-guerre ? Les capitalistes ont-ils encore des marges pour passer des compromis de type fordien avec la société ? Que peuvent apporter, un éclairage post-capitaliste, substituant les valeurs d’usages aux valeurs marchandes, de même qu’un éclairage faisant du monde du travail l’alpha et l’oméga de l’organisation sociale ? Enfin, qu’apporterait une conception autogestionnaire de l’action ?

Nous pourrions, à partir de l’expérience des cheminots, de la question de la protection sociale et de la retraite ou de l’assurance chômage, explorer ce que cet énoncé implique.

https://solidaires.org/Paris-Reunion-De ... ictorieuse
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