La question salariale pourrait fédérer un mouvement social éclaté
“ Introuvable". Employé dans une note d'Entreprises & Personnel, un organisme qui réunit les directions des ressources humaines des plus grandes entreprises françaises, l'adjectif est pertinent. Il ne signifie pas l'absence de mouvement social. Si "le climat social paraît relativement stable", s'il n'y a pas de "collectivisation des actions ", les auteurs soulignent "la dégradation des rapports sociaux dans la société elle-même, la montée des frustrations et des ressentiments".
Le faible nombre des participants à la journée d'action internationale en faveur du "travail décent", mercredi 7 octobre, ne doit pas masquer le nombre de conflits sociaux, grèves, occupations d'usine, qui émaillent le territoire. Les auteurs de l'étude d'Entreprises & Personnel intitulée "Entre colères et fatalisme", présentée le 29 septembre, recensent aussi les phénomènes de "sous-travail", d'absentéisme, de "présentéisme contemplatif", de risques psychosociaux liés aux "impératifs de restructuration".
Le malaise social est toujours là alors que, malgré quelques signes de reprise, la crise n'en finit pas de se traduire sur le terrain par l'annonce de fermetures ou de réorganisations d'entreprises et, plus globalement, par la montée du chômage. La grogne sociale ne se mesure plus au nombre de participants aux manifestations interprofessionnelles, elle se vérifie par entreprise ou par secteur.
Les appels à l'action sont nombreux et témoignent de la diversité de ce mouvement social "introuvable" : les routiers qui bloquent des plates-formes, mardi 6 octobre, les cheminots qui s'opposent à la réorganisation du fret et sont appelés à la grève le 20 octobre, les deux millions de participants à la votation sur le statut de La Poste, le préavis de grève dans les services publics pour le 22 octobre, par ailleurs journée de manifestation organisée par la CGT pour "une autre politique industrielle". Jean-Pierre Basilien, responsable de la note d'Entreprises & Personnel, n'écarte pas que le leader du LKP guadeloupéen, Elie Domota, ou le médiatique syndicaliste CGT des Continental, Xavier Mathieu, puissent "devenir pour certains des exemples". Mais ce risque est limité tant par l'activisme présidentiel que par "la capacité de canaliser la colère" des syndicats - les auteurs parlent même de "cogestion de la crise".
En fait, les dangers sont ailleurs. Si la crise continue, "la question de la cohésion sociale se posera", explique M. Basilien. Et de rappeler "les émeutes de 2005" avec l'effet amplificateur de la crise sur les difficultés des jeunes.
Si la reprise arrive, alors "la question du pouvoir d'achat reviendra au premier plan", selon l'association. Le conflit des routiers porte bien sur la question salariale et pourrait préfigurer d'autres mouvements. "Au fur et à mesure que beaucoup de salariés se sentiront rassurés sur leur emploi, la question du pouvoir d'achat va revenir au centre des débats et annonce des négociations salariales périlleuses", écrit Entreprises & Personnel. Sur fond de débat sur la rémunération des dirigeants, de partage de la valeur ajoutée, "toute mesure pouvant susciter un sentiment d'injustice ou d'incompréhension pourrait servir de détonateur à un conflit".
Dans une étude réalisée pour la FSU par Viavoice (du 9 au 12 septembre auprès de 1 004 personnes), les Français citent en tête "les salaires et le pouvoir d'achat" comme types de revendications collectives pour lesquelles "ils seraient prêts à se mobiliser". Si un quart d'entre eux envisagent de participer à "au moins un mode d'action", ils ne sont que 7 % à parler de grève, 12 % chez les salariés et 19 % dans le secteur public. Des chiffres que les syndicats voudraient bien voir augmenter lors des prochaines mobilisations.
Rémi Barroux
LE MONDE | 08.10.09
Au delà du mouvement social "introuvable" grâce à la "cogestion de la crise" entre "l'activisme présidentiel" et "la capacité des syndicats à canaliser la colère", j’aime beaucoup les concepts de “sous-travail” et “présentéisme contemplatif”… ça carbure chez les DRH