Nordine Mahroug, syndicaliste, pas voyou ! Laurence Sauvage, Sn en charge des luttes sociales et Philippe Juraver, animateur secteur luttesAu début de l’année 2009, EDF-GDF étaient en proie à l’un des plus importants mouvements de grève qu’ait connu le secteur des industries électriques et gazières. Le détonateur avait été l’annonce des stock-options versées aux dirigeants de GDF-Suez pour des montants exorbitants, dont 7,8 millions d’euros pour Gérard Mestrallet, alors PDG du groupe.
A l’heure ou les services publics étaient déjà largement en danger, les syndicalistes, outrés par le « hold-up » manifeste au seul profit des actionnaires, décident de résister, de dénoncer le projet d’externalisation d’une partie des activités d’ErDF/GrDF ainsi que les atteintes au pouvoir d’achat et à l’emploi.
Parmi les grévistes, Nordine Mahroug, alors agent gazier depuis 12 ans à GrDF à l’agence rue Trudelle, prend part à toutes les actions organisées par les organisations syndicales, et sa parole est portée, comme pour d’autres, par les médias. A la fin de ce mouvement social, c’est plus de 240 syndicalistes, dont Nordine, qui sont touchés par une vague de mesures disciplinaires pour leur implication dans la grève ERDF-GRDF du printemps 2009. Ils sont alors victimes de lourdes représailles de la part de leur direction : sanctions diverses, refus de récupérer les effets personnels, mutation d’office, rétrogradation, et pour 6 d’entre eux, des décisions de licenciements pour « fautes professionnelles graves », annulés par la suite lorsque les salariés auront saisie la justice.
Pour GrDF, Nordine Marhoug faisait donc parti des « hommes à abattre ». Le dossier disciplinaire le concernant débouche le mardi 15 décembre 2009 sur son licenciement avec prise d’effet à compter du mercredi 16 décembre 2009, sans indemnité de préavis ni de licenciement.
Pour « cadeau de fin d’année », et contre un loyer se montant à 2500 € par mois, la Direction, « autorise » Nordine à rester dans son logement mis à sa disposition, et ce jusqu’à la fin de la trêve hivernale, soit le 16 mars 2010, en « oubliant » que le montant de ce loyer est totalement incompatible avec ses revenus et qu’il va mettre une famille, dont deux petits enfants, dans la précarité absolue !
Après avoir plaidé sa cause face à une direction dure et irraisonnée, qui refuse toute réintégration, Nordine se met en grève de la faim le 14 décembre 2009, rejoint ensuite, par d’autres camarades, Yann Cochin et René-Michel Millambourg, responsables syndicaux de SUD-ENERGIE.
Nordine, dont la grève de la faim a duré 18 jours, est contraint, sur ordre des médecins, de se réalimenter pour raisons médicales, son état de santé l’exigeant. Pour autant, il est resté jusqu’au bout aux côtés de Yann Cochin et de René-Michel MILLANBOURG dans le local syndical. La direction de GDF Suez installe alors un groupe de vigiles pour interdire tout contact entre les grévistes de la faim et le monde extérieur, interdisant même une visite familiale au moment des fêtes de Noël.
Le 16 décembre, malgré le refus de la direction de laisser entrer toute personne extérieure à l’entreprise, une délégation du parti gauche, emmenée par Jean-Luc Melenchon et Martine Billard, s’est rendue auprès des grévistes.
LJM_Nordine.jpg Jean-Luc Mélenchon en appelait, « à un grand pôle public de l’énergie, précisant que ce sont toutes les résistances ouvrières et tout d’abord le facteur humain qui sera décisif pour redéployer cette grande entreprise ». Martine Billard a souligné « les caractères symboliques et fondamentaux de cette action de défense des libertés syndicales et du droit de grève ».
Le mouvement de grève s’interrompra après l’hospitalisation de Yann Cochin à la suite d’un malaise qui va révéler le mal profond qui devait l’emporter définitivement un peu plus tard. L’action a continué de susciter un vaste soutien et la visite de diverses personnalités du monde politique. Mais GDF Suez ne cédera pas. Bien que la situation de santé de Nordine continue à se dégrader pendant de longs mois, la ténacité qui l’anime lui permettra de retrouver un travail aux égoutiers de Paris.
Le 31 mai 2011, le conseil des prud’hommes déclare le licenciement de Nordine sans cause réelle et sérieuse mais n’ordonne pas la réintégration.
C’est la cour d’appel de Paris qui vient quatre ans plus tard par un arrêt du 17 décembre 2013 d’ordonner à GRDF de réintégrer Nordine, licencié pour fait de grève et de lui allouer 79 000 euros d’indemnité.
Au moment où de nombreux syndicalistes subissent des campagnes de harcèlement, et où la justice sociale fait terriblement défaut dans notre pays, la victoire de Nordine Marhoug démontre qu’il ne faut jamais perdre espoir et continuer la lutte pour le respect des libertés syndicales et le droit à la dignité.
Aujourd’hui plus que jamais, le Parti de Gauche exige la Loi d’amnistie sociale des syndicalistes et des acteurs des mouvements sociaux.
Syndicalistes, pas voyous !
http://www.sudenergie.org/site/2013/12/ ... -reintegre