Philippe Poutou, la force d’un “animal politique” singulierA 23h40, le samedi 29 octobre, il s’est passé quelque chose dans l’émission « On n’est pas couché » sur France 2. Un homme, visiblement ahuri, perdu au milieu de ce microcosme politico-artistico-journalistique, est entré de plein pied dans l’arène de la présidentielle. Philippe Poutou, candidat désigné par les militants du NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste), suite au désistement d’Olivier Besancenot, est apparu telle une souris dans la cage aux lions, une anomalie, une curiosité.
Un candidat atypique, à l’image de son électorat potentielCet ouvrier de l’usine Ford de Blanquefort qui a commencé à travailler à 14 ans, qui n’a pas eu son bac et qui n’est pas passé par l’ENA, a attisé ma curiosité.
Arrivé en chemise ouverte, jean à 10 euros et tennis, cet OPNI (Objet Politique Non Identifié) de la vie politique s’est retrouvé confronté à deux journalistes qui l’ont asséné de questions pertinentes, auxquelles M. Poutou a répondu de manière honnête, en produisant un discours de vérité et en disant clairement ce qu’il pensait. Mais, qu’entends-je ? Vérité, honnêteté… En tant que spectateur assidu de la vie politique depuis 2007, ces mots ne me disaient rien, m’inquiétaient.
Vérité et honnêteté, ce sont ces deux caractéristiques qu’il faut reconnaître à ce pauvre candidat. Celui-ci n’a parfois pas su répondre aux questions ou n’a pas hésité à dire « je ne sais pas » ou encore « je ne m’en suis pas occupé, ce sont mes camarades du NPA qui s’en sont chargés ».
En outre, il faut également lui reconnaître une originalité involontaire. C’est la première fois qu’un candidat à la présidentielle se retrouve à la télévision sans costard, sans cravate, sans langage d’énarque et surtout sans signe extérieur d’une volonté farouche de gagner l’élection.
En même temps, comment lui en vouloir ? Cet homme s’est présenté « chez Ruquier » comme il est, un homme des classes populaires, ouvrier, sans communicant, sans filet et propulsé sur le devant de la scène, tel un bébé à peine sorti du ventre de sa mère.
Des idéaux en contradiction avec le modèle de la présidentielleMais ce qui m’a le plus frappé chez cet homme, ce n’est pas l’incarnation physique de son électorat mais plutôt ses convictions. Comme l’a dit Michel Onfray dans cette émission, M. Poutou « est différent dans le sens où tous les invités politiques qui sont venus dans cette émission ont l’envie personnelle mais ont perdu les convictions, alors que vous, vous avez les convictions, les utopies mais vous n’avez pas l’envie ». Cela a l’air surprenant pour un homme qui se présente à une élection marquée par l’hyperpersonnalisation des candidats, qui se joue souvent au charisme, aux petites phrases, aux slogans.
Ce manque d’envie, de désir d’être élu président s’explique pourtant facilement : l’ensemble des militants du NPA, M. Poutou y compris, sont imprégnés de l’idéal communiste, au sens marxiste du terme, et non pas au sens détourné et trahi de l’URSS et du PCF durant la Guerre Froide. En clair, M. Poutou veut installer une République de la négociation, de la concertation à armes égales : le Président et ses ministres auront autant de pouvoir et de ressources économiques et financières que l’ensemble des autres membres de la « collectivité nationale ». Cet idéal de collectivisation, d’égalité parfaite, a tellement disparu depuis l’échec de la réalisation de l’idéal marxiste, qu’on se surprend nous même d’apprécier, voire d’admirer cet homme simple, naturel, qui tente vainement de mettre en place une utopie, condamnée à le rester depuis sa perversion par « le petit père des peuples ». Pour résumer, c’est la première fois qu’un « homme politique » incarnait aussi bien ses idées et son électorat. Il s’est donc bel et bien passé quelque chose, ce samedi 29 octobre 2011.
Thomas Giraudeau, 18 ans, rédacteur en chef de “Caractères”, journal étudiant de Sciences Po Toulouse