Un article de Patrick Mignard paru dans " le Monde libertaire " du 30 avril au 6 mai 2009 , intitulé : " Autogestion : mythes et réalités " m'a paru tout indiqué pour susciter questions et réflexions dans le cadre d'une campagne libertaire pour 2012 :
Autogestion : mythes et réalités
Patrick Mignard
mai 2009
http://fra.anarchopedia.org/Patrick_MignardAccaparé de manière tout à fait abusive par la vulgate alternative et libertaire, le concept d’autogestion sert à nommer des initiatives et pratiques de toutes sortes… dénaturant trop souvent son contenu. Pourtant, replacé dans son acceptation première, l’autogestion n’a pas dit son dernier mot et réintroduit dans la logique claire d’une stratégie de changement, il peut reprendre toute sa signification opérationnelle.
L’autogestion est hélas, aujourd’hui, plus un mythe qu’une réalité, du moins dans son sens d’alternative au rapport social dominant.
Accaparé de manière tout à fait abusive par la vulgate alternative et libertaire, le concept sert à nommer des initiatives et pratiques de toutes sortes… dénaturant trop souvent son contenu.
Comme pour toute notion dont on a abusé de l’usage, son contenu s’est dilué au point de ne plus savoir exactement de quoi il s’agit.
Pourtant, replacé dans son acceptation première, l’autogestion n’a pas dit son dernier mot et réintroduit dans la logique claire d’une stratégie de changement, il peut reprendre toute sa signification opérationnelle.
Autogestion, monde d’emploi
Une structure ou une démarche autogestionnaire se dit généralement pour signifier le décalage, la différence, voire la rupture avec le comportement économique traditionnel, autrement dit « marchand ».
L’autogestion se pare d’un halo d’autonomisation,… mais qu’en est-il réellement ?
« Autogestion » signifie « autonomie de gestion » ou « autonomie dans la gestion »,… Mais autonomie par rapport à quoi ?
Est-ce par rapport au contexte économique général ? Cela risque d’être difficile, à moins d’être dans une « niche économique », complètement isolée, d’être en autarcie par rapport au système dominant.
Est-ce par rapport à des principes de gestion. Dans ce cas lesquels ? Sur la répartition des revenus issus de la production ? Sur la gestion du personnel ? Du capital – investissement ? C’est le cas de nombreuses structures de types coopératives. Mais peut-on dire que les coopératives font de l’autogestion, ou sont en autogestion ?
Sur le plan interne, certainement, du moins dans une certaine mesure (contrainte du droit du travail par exemple), mais formellement, tout autre entreprise même « capitaliste » est en principe en « autonomie de gestion » – paradoxalement seule l’entreprise « nationalisée » ne l’est pas.
Sur le plan externe c’est encore plus problématique car, une entreprise, quelle qu’elle soit ne peut pas « isoler » sa gestion des contraintes du marché,… même les coopératives.
Qu’est ce donc, ou que pourrait être une entreprise véritablement autogérée ?
Toute unité de production dépend, sauf situation très particulière du marché, aussi bien quant aux prix pratiqués qu’aux coûts engagés. Le marché n’est pas qu’un élément extérieur à l’égard duquel on peut s’affranchir, il détermine aussi l’unité de production dans sa structure productive et donc dans une grande partie de sa manière d’être gérée.
Ce n’est donc pas de ce côté-là que l’on peut définir ce qu’est véritablement l’autogestion en temps que projet sociétal.
Autogestion et monde de fonctionnement interne
Il y a cependant une caractéristique essentielle que l’on retrouve dans les unités de production dites « autogérées », c’est celle qui fonde le principe « coopérativiste » : le producteur, le « coopérant », non seulement a un pouvoir de décision indépendant du volume de capital apporté, mais encore participe directement aux décisions et à la gestion de l’entreprise. Ce principe, en rupture avec le fonctionnement de l’entreprise classique « capitaliste », s’accompagne d’une autre condition : l’essentiel du capital est détenu, en principe, par les coopérants.
On peut dès lors parler clairement d’autogestion interne dans la mesure où les coopérateurs ont la maîtrise de l’outil de production.
Mais l’autogestion s’arrête là,… ce qui n’est pas, nous l’avons vu, sans conséquences sur le fonctionnement interne.
Autrement dit, l’entreprise « autogérée » se trouve, à la fois, devant un paradoxe et un dilemme :
être une entreprise qui veut de manière interne se libérer des principes classiques de fonctionnement de l’entreprise capitaliste, mais être totalement soumise, quant à sa vie et sa survie, à ce même système ;
être ferme d’une part sur les principes « coopératifs » de fonctionnement – en matière de gestion du personnel par exemple – et ainsi courir le risque de disparaître, et d’autre part se plier aux lois du système marchand et imiter les autres entreprises classiques.
La situation est-elle irrémédiablement bloquée ?
A priori oui, tant que ne changera pas le contexte économique dans lequel évolue l’entreprise « autogérée »… Le risque est même grand de la voir dégénérer, soit dans le sens de sa disparition, soit dans le sens de sa mutation en une entreprise classique…. Ce qui est arrivé durant le 20e siècle à de multiples « coopératives »… au point de rendre le « système des coopératives » suspect.
Autogestion et économie de marché
Il y a indubitablement opposition entre les deux, quoiqu’elles cohabitent,… par la force des choses.
La question se pose donc : l’entreprise « autogérée », au sens où nous l’avons définie, peut- elle être un instrument de dépassement de l’économie de marché ?
Nous l’avons vu, l’adversaire le plus redoutable de l’entreprise « autogérée », c’est le contexte économique, dans lequel elle évolue.
Peut-elle le faire évoluer dans le sens de son dépassement ?
Jusqu’à présent, historiquement, et en ne s’en tenant aux faits, on ne peut réponde que par la négative, le système ayant toujours réussi à soit intégrer, soit détruire les expériences tentées.
Prise isolément, l’entreprise « autogérée » est irrémédiablement condamnée,… voir en particulier l’affaire LIP en 1973.
Multipliée, généralisée, fédérée à d’autres, élément essentiel de la constitution de réseaux alternatifs de production, de consommation, d’échanges, l’entreprise « autogérée » est à la fois la pièce maîtresse de ce nouveau monde que nous voulons construire, un élément essentiel du pourrissement et de l’obsolescence du système actuel, et un lieu dans lequel doivent se former, se forger et se développer les nouvelles pratiques sociales et solidarités.
L’encensement de l’autogestion, de même que sa condamnation pour utopie, non seulement ne permettent pas d’avoir une conception objective de ce qu’elle peut-être et surtout permettre, mais encore déforme les possibilités qu’elle peut offrir dans la perspective stratégique du changement social.
dans « Le Monde libertaire » du 30 avril au 6 mai 2009
( mon commentaire personnel ) :
Pourtant, replacé dans son acceptation première, l’autogestion n’a pas dit son dernier mot et réintroduit dans la logique claire d’une stratégie de changement, il peut reprendre toute sa signification opérationnelle.
Oui car l'autogestion est la réappropriation des pouvoirs décisionnaires par celles et ceux qui auront la tâche de les exécuter .
Ce n’est donc pas de ce côté-là que l’on peut définir ce qu’est véritablement l’autogestion en temps que projet sociétal.
c'est évident car le système capitaliste s'accommode fort bien de tous ces réseaux et autres systèmes alternatifs au sein même du système en raison du service qui lui est ainsi
rendu : gestion de groupes sociaux par choix affinitaires ou " gestion de la misère " par les miséreux eux-mêmes , assurant ainsi une " relative paix sociale " !
Multipliée, généralisée, fédérée à d’autres, élément essentiel de la constitution de réseaux alternatifs de production, de consommation, d’échanges, l’entreprise « autogérée » est à la fois la pièce maîtresse de ce nouveau monde que nous voulons construire, un élément essentiel du pourrissement et de l’obsolescence du système actuel, et un lieu dans lequel doivent se former, se forger et se développer les nouvelles pratiques sociales et solidarités.
Là par contre , je souligne une certaine contradiction ou un manque de développement par rapport à ce qu'il déclare juste après ( ci-dessous )
L’encensement de l’autogestion, de même que sa condamnation pour utopie, non seulement ne permettent pas d’avoir une conception objective de ce qu’elle peut-être et surtout permettre, mais encore déforme les possibilités qu’elle peut offrir dans la perspective stratégique du changement social.
Les fondements mêmes de l'autogestion reposant sur la mainmise de l'ensemble des structures sociales par l'ensemble de la collectivité , c'est le point de rupture : la révolution !
« Simple, forte, aimant l'art et l'idéal, brave et libre aussi, la femme de demain ne voudra ni dominer, ni être dominée. »
Louise Michel