Autonomes

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Messagede Pïérô » 15 Avr 2009, 08:56

fu hsang a écrit:quant a se referer a l histoire , je pe,nse qu il ne faut pas trop en abuser

La connaître est pourtant intéressant et important.
Et çà permet de ne pas en "abuser"...
Des "autonomes" avant les "autonomes", dans les années 20 30 ??
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Messagede Antigone » 15 Avr 2009, 18:42

fu hsang a écrit:quant a savoir si l Autonomie est morte en 79 , c est comme de dire que l anarchisme est mort en sur les barricades de barcelone , c est pour moi avoir une attitude de gardien du temple et du savoir ...je pense qu une certaine forme d autonomie est morte , comme un certain anarchisme est mort en 36 , car dirent cela c est admettre qu elles sont figés et non evolutives , comme les autonomes de 70 79 n avaient rien a voir avec les autonomes de 20 30 ni l autonomie espagnoles pre cnt
quant a se referer a l histoire , je pe,nse qu il ne faut pas trop en abuser car apres on voue un culte au passé


Considérant la période actuelle de crise économique qui s'est ouverte en 1973-74, l'Autonomie ouvrière est à ce jour la dernière opposition radicale à avoir émergé, et qui a contesté l'ordre établi en posant la question de son renversement.
Mais quand on se réfère à l'histoire du XXe siècle, on s'aperçoit qu'à toute époque de telles oppositions sont apparues, crise ou pas crise, en lien étroit ou pas avec la classe ouvrière, et se plaçant toujours en position d'accusateur par rapport à une dérive, à une dénaturation ou à une "trahison".
Les Oppositions conseillistes de 1917-22 (Luxembourg, Pannekoek, Kollontai) se sont constituées en réaction à la confiscation des soviets par les bolcheviks au profit de l'appareil d'Etat. A partir de 1923 jusqu'aux années 30, des Oppositions dites "de Gauche" ont pris le relais en réaction à la stalinisation des PC et de l'IC (Trotsky, Bordiga, Korsch. Munis).
Elles ont toutes survécu à la guerre, aux 30 Glorieuses, et leurs idées sont encore représentées de nos jours dans des organisations spécifiques, même si certaines sont restées à l'état groupusculaires.
Je pense que tu faisais allusion à ce que je viens d'évoquer quand tu parles "d'autonomes de 20-30". Par contre, pour moi la CNT ne s'est pas constituée comme les oppositions qui lui étaient contemporaines. C'ést une organisation anarchiste qui s'est comportée comme une organisation anarchiste.

Les oppositions qui sont nées après la guerre, dans une période d'expansion économique, n'étaient plus en lien avec des mouvements sociaux. C'est par conséquent dans des revues élitistes (Socialisme ou Barbarie, l'Internationale Situationniste) qu'elles ont développé des théories qui mettaient en parallèle la nature contre-révolutionnaire et pourrissante du stalinisme avec le cauchemar aliénant dans lequel nous précipite la société de consommation.
Le point commun de toutes ces oppositions, c'est leur héritage marxiste.

Voila. Je pense qu'il est effectivement important de se référer à l'histoire. Et c'est en la considérant de cette façon qu'on peut affirmer sans prendre trop de risques que d'autres oppositions verront le jour dans l'avenir, influencées par des mouvements sociaux qui auront forcément des caractéristiques différentes des mouvements antérieurs.

Quand je dis que l'Autonomie ouvrière a pris fin en tant que mouvement en 1979 avec la disparition des derniers groupes d'entreprises, je ne me pose pas en gardien du temple. Je rapporte simplement les faits.
Par la suite, l'Autonomie a connu un prolongement théorique via le courant conseilliste jusqu'en 1981-82, puis déclinant avec le post-situationnisme jusqu'à la fin des années 80.
Depuis, le point de rupture d'origine qui était l'alliance implicite entre les syndicats et l'Etat, la nécessité de s'organiser en dehors de toute organisation institutionalisée, s'est estompée dans l'esprit de ceux qui aujourd'hui se disent "autonomes" au profit d'un état de rebellion aux contours encore bien imprécis.
Par contre, lorsque tu dis qu'une certaine forme d'autonomie est morte, je suis d'accord. Mais j'irai plus loin...

Je rappellerai que la langue française n'a que deux mots pour définir le fait de se placer en dehors d'un cadre établi pour s'auto-administrer: indépendance et autonomie. Les nationalistes et les régionalistes ont fait main basse sur les termes d'indépendantiste et d'autonomiste. Indépendant est un mot qui revet une connotation de droite depuis que les libéraux l'ont utilisé pour faire oublier qu'ils étaient de droite. Reste le mot autonome qui n'est pas une marque déposée...
Ceci ne veut pas dire que la prochaine opposition radicale reprendra le terme d'autonome, mais faute de mieux, on reprend les termes qui ont déjà servi.

La société a énormément changé, surtout au niveau de ses moyens de communication. Ces 30 dernières années ont vu le modèle centraliste se disloquer, des modes d'organisations plus souples et plus horizontaux apparaitre. L'individualisation s'est répandue. Des échanges par réseaux sont en train prendre leur essor. Tous ces phénomènes additionnés me laissent à penser que les prochaines oppositions radicales s'identifieront autrement.
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Messagede leo » 17 Avr 2009, 20:27

Je suis en gros d'accord avec Antigone.

Mais je ne dirais pas que l'Autonomie ouvrière est morte en 1979 : mais ce qu'on a appelé "mouvement autonome" parisien (hormis la capitale, il n'y avait qu'à Toulouse et à Caen où on a pu parler de présence notable des "autonomes") n'a pas duré deux ans, depuis sa date de naissance - la réaction collective d'un certain nombre de camarades à la mort de Baader, Ensling et Raspe (de mémoire !) avec occupation de Libé et les manifs pour Klaus Croissant - à l'automne 1977 et la fin dans la séquence 23 mars 79 (manif "offensive" des sidérurgistes)-23 avril 79 (naufrage politique de l'autonomie lors du meeting de la Mutualité).

L'autonomie ouvrière, dans sa dynamique sociale-politique, s'est sans doute effondrée parallèlement mais pour d'autres raisons : la fin d'une certain phase d'accumulation qui était aussi une phase de montée des luttes ouvrières car elles y étaient en grande partie corrélée. La fin des années 70, c'est aussi le début d'une réorganisation du capitalisme, la fin des "30 glorieuses", et une contre-offensive de la bourgeoisie autour de la réduction des "coûts" de la main d'oeuvre avec les premiers plans de licenciement et l'invention des "plans sociaux". La sidérurgie sera la première touchée (plan Dubigeon)
L'autonomie ouvrière, on l'a retrouvé encore dans des luttes "dos au mur", je pense aux sidérurgistes de La Chiers (Ardennes) qui ont gagné aussi à coup d'explosifs et de fusils (il y avait des groupes armés ouvriers dont l'un s'appelait Vireux Vaincra, VV) un des meilleurs plan social qui soit dans le contexte du moment. Et puis l'explosion de Longwy en 84. Mais là aussi, les luttes étaient défensives, déterminées, autonomes par plein d'aspects (radio de lutte, actions directes de toutes sortes...). Mais une fois les travailleurs licenciés, hors de l'usine, hors de la production.... l'activité autonome ouvrière s'éteint d'elle même. On la retrouvera aussi en 83 avec la grève des ouvriers immigrés (OS) de Talbot (Poissy) qui se sont soulevé en masse, contre la direction et le syndicat fasciste CSL. La gauche au gouvernement, Mauroy déclarant que ces travailleurs étaient "islamistes", a organisé l'isolement de ces travailleurs et aucune initiative de solidarité n'est venue du mouvement syndical "français", pas même de ses "oppositions" internes.
Le PS au pouvoir a été l'artisan de cette offensive contre l'autonomie ouvrière, en même temps qu'il donnait plus de moyens aux bureaucraties syndicales (lois Auroux) en particulier dans les secteurs étatisés, SNCF, etc., et ça c'est assez cohérent.

Quant aux "autonomes", ils n'ont jamais cessé d'exister, au long des années 80 et 90. Mais s'il y a eu de multiples expériences politiques ces 30 dernières années 'essentiellement sous la forme de collectifs), le "mouvement autonome" inaugural (avec ses AG bordéliques mais avec 500 personnes et parfois plus) est bien mort un certain 23 avril 1979 dans la grande salle de la Mutualité.
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Messagede fu hsang » 17 Avr 2009, 21:30

wé .. et bien content que ce mouvement (celui que vous decrivez ) soit mort alors ... parce que pour moi y a pas grand chose d autonome dans ce que tu dis ...c est juste des revendications salariales un plus musclé avec des armes ... wé .. aucune construction , rien de creatif ... juste avoir une plus grosse prime .. humpf .. ils leur ont filé et ils ont ferme leur gueule apres ??
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Messagede Antigone » 18 Avr 2009, 12:45

leo a écrit:L'autonomie ouvrière, on l'a retrouvé encore dans des luttes "dos au mur", je pense aux sidérurgistes de La Chiers (Ardennes) qui ont gagné aussi à coup d'explosifs et de fusils (il y avait des groupes armés ouvriers dont l'un s'appelait Vireux Vaincra, VV) un des meilleurs plan social qui soit dans le contexte du moment. Et puis l'explosion de Longwy en 84. Mais là aussi, les luttes étaient défensives, déterminées, autonomes par plein d'aspects (radio de lutte, actions directes de toutes sortes...). Mais une fois les travailleurs licenciés, hors de l'usine, hors de la production.... l'activité autonome ouvrière s'éteint d'elle même. On la retrouvera aussi en 83 avec la grève des ouvriers immigrés (OS) de Talbot (Poissy) qui se sont soulevé en masse, contre la direction et le syndicat fasciste CSL.

Les luttes "dos au mur" contre les restructurations de branches dont tu parles, même si elles étaient dures et déterminées, n'en étaient pas moins défensives et sont restées contrôlées par les syndicats du début à la fin, même si par moments, cela ne s'est pas fait sans mal.
Je ne leur trouve aucun rapport avec l'Autonomie ouvrière qui était, elle, clairement anti-syndicale, offensive, et révolutionnaire.

Pour en revenir à Longwy qui a effectivement été une lutte emblématique des années 79-84 pour ce qui concernait la défense des bassins d'emplois, j'aurais quelques remarques à faire.

La CGT a su très habillement manoeuvrer pour éviter de se faire dépasser.
Tout d'abord, au lieu de s'enfermer sur place, d'en rester à une occupation des lieux qui était dévenue traditionnelle depuis 68, elle a compris qu'il fallait permettre à la revolte de s'exprimer hors de l'entreprise parce que la pression y était devenue trop forte et qu'elle risquait de se faire piétiner.
La meilleure façon de canaliser une révolte, de la faire aller là où l'on veut qu'elle aille, c'est de l'accompagner, quitte à ce qu'il y ait ça et là des dégâts collatéraux comme les mises à sac d'une chambre patronale ou d'une sous-préfecture.
La CGT a joué la stratégie du soufflet: on popularise la lutte auprès de l'opinion, on va à la rencontre des élus ceints de leur écharpe tricolore jusqu'à un point culminant plannifié de longue date, une démonstration nationale la plus eblouissante possible (manif du 23 mars 79), après quoi le soufflet ne pourra que retomber... et c'est ce qui s'est passé.
Ceux qui voulaient affronter drectement le pouvoir étaient noyés dans cette radicalité sous contrôle, et en plus, ils étaient à la CFDT (!) qui, pour faire bonne figure face à la CGT, ne proposait, à travers des reconversions, qu'une autre manière de faire avaler la pillule.

Après 81, alors que la gauche au gouvernement poursuivait ce que la droite avait entrepris, la CGT n'a pas craint d'utiliser des méthodes violentes, de les cautionner au besoin, parce qu'ainsi elle préservait l'essentiel, son image de syndicat combattif et sa place de premier syndicat d'une part, mais aussi le contrôle entier sur les actions entreprises afin de ne pas être prise en flagrant délit de collaboration avec l'Etat.

Les luttes dont tu parles n'avaient donc rien d'autonomes.
Une barre de fer n'est pas autonome en soi, a fortiori quand on y trouve un auto-collant de la CGT. Des méthodes violentes, illégales au regard de la loi, il y en a eu. On a pu utiliser des explosifs, certes, et il y a aujourd'hui des séquestrations, mais tout est réfléchi, calculé en vue de faire avancer des négociations, diminuer la portée des plans sociaux. Tout cela est resté et reste encore sous contrôle syndical.

Voila plus d'une trentaine d'années que la crise dure et les syndicats se sont adaptés. Ils ont appris à utiliser la révolte des travailleurs pour la canaliser et la faire aller dans leur sens. Mais ce qu'ils veulent éviter à tout prix, c'est que les travailleurs se retournent contre eux, s'organisent de manière "autonome", car alors il n'y aurait plus d'intermédiaires entre le patronat et la classe ouvrière et du même coup, le système serait en danger.

°°°°°°°°°°°°°

Je me permets d'apporter mon petit témoignage sur l'Autonomie ouvrière d'entreprise telle que je l'ai vécue.

En 1978, j'ai participé à un groupe aux PTT. C'était quelques mois après la fin d'un conflit. J'avais déchiré ma carte de la CGT.
Ce groupe a été formé au mois de janvier à l'initiative de quelques militant(e)s de sensibilité revolutionnaire: ex-OCT, sympathisant OCL, ancien de la FA de 68, auxquels s'étaient joints des non-syndiqués qui avaient joué un rôle actif dans la grêve. Notre base de départ était claire: anti-syndicale, anti-gestionnaire, anti-éléctoraliste et féministe.

Nous faisions des réunions presque toutes les semaines qui réunissaient une quinzaine personnes chaque fois, et pas forcément les mêmes, avec des gens très "convenables", des ménagères mères de famille...
L'essentiel de notre activité était de réaliser un petit journal ronéotypé que nous vendions 1 franc symbolique (il n'y a eu que 2 numéros).
Notre but avoué était d'être déjà organisés, prêts à agir au moment où la prochaine grêve se déclencherait. C'était une sorte de comité de grêve en attente de grêve. Mais nos préoccupations dépassaient les limites de l'entreprise. Ainsi, avant les élections législatives, nous avons rédigé un texte qui appelait à l'abstention.

Après le premier numéro, des dissenssions sont apparues. Le problème venait que nous n'avions pas d'existence "légale" dans l'entreprise, pas de droits. Nous vivions à la merci d'une sanction disciplinaire, d'une dénonciation des petits chefs pour "activité politique non autorisée", mais aussi de la CGT qui n'acceptait pas de nous voir empiéter sur son terrain.
Malgré notre ligne anti-syndicale, certains ont commencé par évoquer la possibilité de nous constituer en "syndicat libre", puis après le 2e numéro, se rendant compte de la difficulté de la têche, ils ont décidé "d'investir en masse" la section CFDT qui sommeillait, afin d'en prendre la direction et de s'en servir comme "couverture".
Après la rentrée de septembre, ils ont mis leur plan à éxécution et notre groupe s'est dissout.
Un an après, la dite "couverture" s'était transformée en édredon, et le gaucho de l'UTCL/LCR qui tenait le secrétariat de section avant l'invasion avait réussi à défendre son fauteuil.

L'autonomie était dans l'air du temps. Cependant, notre groupe (qui d'ailleurs n'avait pas de nom) ne s'est jamais revendiqué autonome. Pourtant il l'était de fait.

Ce n'est qu'un peu plus tard, lorsque j'ai rejoint Tribune (ex-T2 de la LCR, au début proche des positions de Castoriadis) que j'ai appris qu'il y avait eu des dizaines de groupes d'entreprises en France qui s'étaient constitués au même moment.
J'ai eu l'occasion de croiser quelques un(e)s de leurs animateurs au cours des réunions inter-groupes que PIC ou le Cercle Marxiste de Rouen organisaient en 1980. Certains groupes comme à Michelin-Clermont ou Peugeot-Sochaux sont allés jusqu'à revendiquer l'abolition du salariat. D'autres ont plongé dans l'ultra-gauche conseilliste (Chantiers navals-St Nazaire) ou se sont intégrés temporairement à d'autres groupes (Téléphonie Thomson-Paris). La plupart sont morts d'épuisement, d'étouffement ou ont disparu en silence comme le mien.

Je n'ai pas grand chose à dire de l'Autonomie que j'appelais "non ouvrière", celle de la Coordination parisienne. Je n'ai assisté qu'à une AG, et je n'ai jamais rien vu d'aussi bordélique. Je n'étais donc pas présent à la Mutu pour son enterrement.
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Messagede leo » 18 Avr 2009, 15:31

Sur l'autonomie ouvrière, il y a plusieurs conceptions possibles. Pour moi, ce n'est pas seulement les petits noyaux de travailleurs politisés qui s'en revendiquent (avec comme perspective l'abolition du salariat, le communisme libertaire, etc), en gros des militants ouvriers révolutionnaires, mais un mouvement tendanciel des travailleurs tels qu'ils sont, et ils ne sont pas révolutionnaires, avec plus ou moins d'intégration, d'apathie, de suivisme vis-à-vis des organisations syndicales ou de la hiérarchie de la boîte, ou au contraire faisant preuve d'autonomie collective, de capacité de s'auto-organiser, de définir eux-mêmes quel sont leurs intérêts. Qu'il y en aient qui aient le badge CGT collé sur le blouson, où est le problème ?

Je suis d'accord, c'est pas la violence des moyens qui fait l'autonomie du mouvement. Et puis il y a violence et violence. Celle de la CGT de 83, en région parisienne était clairement une stratégie de l'appareil, avec des actions de SO préparées, comme les gauchistes (maos, Ligue) en faisaient dans les années 70. Je ne suis pas sûr qu'à Longwy, se soit le même schéma qui ait fonctionné ; c'était un peu quand même la base, avec ses militants syndicaux de base, de l'UL, qui étaient dans l'organisation de la lutte et de certains de ses débordements. Et d'ailleurs, les instances bureaucratiques, les fédérations métal (CGT comme CFDT) comme les unions régionales ont bien sagement laissé les gens se battre dans leur coin. Il y avait un facteur local très fort sur le bassin de Longwy qui explique la particularité de cette lutte, que l'on n'a pas retrouvé ailleurs, ni à Denain, ni dans d'autres sites lorrains. A Longwy, la lutte était sortie de l'usine, avec des chômeurs, d'autres travailleurs du bassin, se retrouvant dans les actions et les dynamiques collectives. Il y a avait un camarade de Longwy qui expliquait tout ça dans Courant Alternatif, avec des articles, des interviews d'acteurs de la lutte. Ces articles ont été depuis publiés (après ré-écriture) dans un bouquin édité par Acratie, dont j'ai oublié le titre, mais qu'il est facile de retrouver.

Je crois pour en terminer là qu'une des condition de l'autonomie ouvrière est le degré de révolte des protagonistes. S'ils sont un peu révoltés ou très en colère, cela ne provoque pas les mêmes effets, en terme d'intégration oui d'autonomie. Et ça, ce niveau de révolte, c'est bien quelque chose qui ne nous appartient pas, sur lequel il n'y a pas grand chose à faire.
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Messagede Antigone » 18 Avr 2009, 18:15

leo a écrit:Sur l'autonomie ouvrière, il y a plusieurs conceptions possibles. Pour moi, ce n'est pas seulement les petits noyaux de travailleurs politisés qui s'en revendiquent (avec comme perspective l'abolition du salariat, le communisme libertaire, etc), en gros des militants ouvriers révolutionnaires, mais un mouvement tendanciel des travailleurs tels qu'ils sont, et ils ne sont pas révolutionnaires, avec plus ou moins d'intégration, d'apathie, de suivisme vis-à-vis des organisations syndicales ou de la hiérarchie de la boîte, ou au contraire faisant preuve d'autonomie collective, de capacité de s'auto-organiser, de définir eux-mêmes quel sont leurs intérêts. Qu'il y en aient qui aient le badge CGT collé sur le blouson, où est le problème ?


Ce "mouvement tendanciel des travailleurs" dont tu parles a existé en Italie entre 1974 et 77.
Mais en France, s'il y a bien eu des embryons d'autonomie, il n'y a pas eu de mouvement.
Dans la coordination parisienne, il y avait des étudiants et des jeunes chômeurs et s'il y avait des ouvriers, il étaient isolés dans leur entreprise et minoritaires dans la coordination.

Toutefois, lorsque qu'en novembre 77 j'ai proposé l'dée de ce groupe d'entreprise, je ne me souviens pas avoir reçu une approbation immédiate et enthousiaste des uns et des autres, loin s'en faut.
Pour que tout le monde accepte de se retrouver autour d'une table, il a fallu au préalable faire une sorte de "paix des braves" entre des individus connus pour avoir des idées d'extrème-gauche, qui avaient chacun une culture bien marquée qui provenait du maoisme , du trotskysme, de l'anarchisme, et surtout mettre de côté les susceptibilités.
Finalement, ce qui a permis au noyau de se constituer, c'est qu'aucun de nous n'était organisé, et par conséquent ne pouvait être soupçonné de récupérer l'initiative à son profit. Mais ce qui a joué en notre faveur a joué aussi en notre défaveur puisque n'étant pas organisés, nous n'avions aucune autre information sur ce qui se passait ailleurs que ce qu'on pouvait en lire dans les journaux.

Une fois mis sur les rails, ça a créé un appel d'air immédiat comme si nous répondions à une demande et le petit noyau s'est vite étoffé. En tout cas, à ce moment-là, nous étions loin d'imaginer que des dizaines d'autres expériences autonomes étaient en cours dans d'autres entreprises.
Avec le recul, je pense que si nous l'avions su, nous aurions probablement eu la tentation d'extrapoler, nous emballer, voir ce mouvement plus gros qu'il n'était et en exagérer les enjeux...

Je pense aussi que le fait d'avoir eu cette idée précisément en novembre 77, au moment où avaient lieu des manifestations de soutien aux prisonniers de la RAF et à Klaus Croissant, n'était pas le fait du hasard... Il y avait dans l'air une sorte d'alchimie qui pouvait laisser penser que l'Etat, déjà affaibli par la crise, se trouvait dans une situation défensive et qu'il fallait être présents.
Il n'en demeure pas moins que le fait que de tels groupes radicaux se soient constitués au même moment sans aucune concertation, prouve à mon avis qu'il y avait bien les conditions pour qu'un mouvement de fond prenne naissance... mais il n'y avait pas forcément la situation, sinon ces groupes auraient trouvé des raisons et des moyens pour durer plus longtemps.

Si ce mouvement avait vraiment pris, je suis certain que celui qui aurait eu le badge CGT collé sur le blouson ne l'aurait pas gardé longtemps.

leo a écrit:c'était un peu quand même la base, avec ses militants syndicaux de base, de l'UL, qui étaient dans l'organisation de la lutte et de certains de ses débordements. Et d'ailleurs, les instances bureaucratiques, les fédérations métal (CGT comme CFDT) comme les unions régionales ont bien sagement laissé les gens se battre dans leur coin.


Je crois que des responsables syndicaux aux niveaux local et départemental ont participé sciemment à des actions de débordement (après avoir retiré leur badge). Ils l'ont fait pour montrer à leur troupe qu'ils étaient bien là à leur côté et qu'ils les comprenaient, pour ne pas être accusés d'être des planqués et en retirer plus de crédit et plus d'autorité par la suite.
Dès lors les instances supérieures n'étaient plus obligées de se montrer pour faire passer la ligne.
Les syndicats ne jouent pas seulement un rôle tampon dans l'entreprise, ils reproduisent aussi cette fonction dans leurs structures entre la base et les différents niveaux de gestion et de prise de décision.
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Re: Autonomes

Messagede lou » 29 Juin 2009, 16:06

Pour moi un autonome c'est un mec libre dans ses pensée et ses actes indépendamment de tout mandat...


Désolé les filles, l'autonomie c'est pas pour vous... :roll:
je serai post-féministe quand nous en serons au stade du post-patriarcat.
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Re: Autonomes

Messagede Seitanarchist » 07 Juil 2009, 21:35

:lol: ouais j'ai relevé aussi.

Sinon assez de choses intéressantes lues à droite à gauche, mais pas mal d'énormités.
Genre " les anars hors-orga " sont " inorganisés " et seraient " majoritaires ".
Je vois pas trop ce qui te permet de dire ça (déjà on veut les statistiques ;)) : chez les gens hors orga qu'on peut croiser il y en a pas masse qui se revendiquent "autonomes" déjà et d'une et pour ceux qui le font les anarchistes revendiqués sont rares. La plupart des gens qui se revendiquent anarchistes sont à mon sens membres d'organisations.
Je crois que les gens de non-fides seront d'accords avec moi ladessus.

Beaucoup d'anars s'organisent comme ils peuvent quand ils ne sont pas dans une organisation.
Sur la base de l'affinité POLITIQUE avec d'autres gens (à défaut de mieux) : c'est à dire sur des manières de lutter, de préférence avec des gens qui sont anarchistes, mais pas forcement.
Ou alors dans des comités, dans des assemblées générales, dans des occupations, sur les piquets de grève. Etc...

Ensuite ... pfff. manifester "pour la retraite". Bon. Comme diraient certains : qu'on nous permette de nous en foutre.
Certains organisés qui ne sont pas anarchistes considèrent aussi que c'est du réformisme et que ça ne concerne que les gens qui veulent aménager la société de classe et pas s'en débarasser.
Et ce ne sont pas forcement des jeunes, ou même des "fils de classe moyenne".
Pour l'exemple c'est un cheminot SNCF syndiqué à sud, la 40ene, qui m'a tenu ce discours à moi.
Il me disait " moi t'façon j'y crois pas aux réformes, et il y a bien un moment où il va falloir arrêter de mentir aux gens façon NPA : exiger des réformes sur la retraite sans exiger avant tout un changement de société : C'est inutile ".
Fin de citation.
Je suis d'accord avec ça et il y a pas besoin d'être "toto " pour le penser.
Après pour moi, faire grève, c'est l'occasion qui fait le larron comme on dit.

Mais qu'on me fasse pas croire que les gens de mon âge ( je suis loin de la retraite ) qui font grève y croient une seconde à ce genre de revendications...
"We can protest untill death, they won't listen, don't sit back and think It will happen. They won't give up what they've robbed, stand up and resist." Conflict
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Re: Autonomes

Messagede Bibo » 08 Juil 2009, 10:42

Ouais, j'ai quand même l'impression que l'Autonomie est méconnue par ceux qui ne s'y retrouvent pas ... tout comme ceux qui s'en revendiquent.
Je pense qu'actuellement, on met dans un gros sac "totos ou autonomes" des gens qui son radicaux et qui se bougent en dehors d'organisations anarchistes ou communistes libertaires structurées. C'est d'ailleurs mon cas. Et du coup, ça fausse le débat, car ces mots ne désignent pas la même réalité et filiation historique.
De même, parler "d'inorganisés" n'est pas juste : les gens en dehors des "grosses" orgas sont organisés, mais de façon affinitaire. (après, on peut toujours discuter si ces groupes sont regroupés autour de personnes plus influentes que les autres, voire de "petits chefs", mais là, on partirai sur des jugements de valeur, ce qui n'est pas le but ici).
Reste aussi que dans des organisations "structurées et qui se revendiquent de l'anarchisme social et organisé" (comme la FA où je suis, puisque je me contenterai de citer une orga que je connais), on trouve des principes de groupes affinitaires (soit autour de thèmes, ou d'individus qui s'apprécient, ou de formes de luttes spécifiques) et d'autonomie des groupes les uns par rapport aux autres, ce qui n'empêche pas un fédéralisme libertaire dans lequel les groupes ont la liberté de plus ou moins s'impliquer. De plus, ces individus gardent la liberté d'agir en dehors des groupes de leurs orgas, selon tel ou tel contexte, car l'un n'empêche pas l'autre. Du coup, il faut bien reconnaître que tout ça est difficile à trancher, tant au niveau des notions et de leurs ancrages historiques qu'au niveau de la réalité du terrain, elle aussi assez méconnue et/ou caricaturée. Bref, bonne chance pour continuer à débattre ...
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Re: Autonomes

Messagede Antigone » 08 Juil 2009, 19:38

Je crois que quand on parle d'"autonomes", on confond beaucoup de choses. Il y a plus qu'un problème de langage.

La première image qui nous vient à l'esprit, c'est celle qui a été véhiculée à plaisir par les médias, celle des casseurs de la fin des années 70. Par la suite, il suffisait d'être rebelle un peu punk, chômeur ou vivant en marge du système, et bien sûr inorganisé pour être appelé autonome.
Aujourd'hui la notion s'est étendue au "groupe affinitaire" (tiens tiens... une terminologie bizarre que j'ai découverte sur ce forum !). Ainsi quelques individus partageant un mode de vie, d'empathie, avec des goûts musicaux communs (sans doute ?), seraient des autonomes... C'est fou le nombre de gens qui peuvent se dire "autonomes"!
Le problème, c'est que de par sa définition, l'autonomie refuse toute classification.

Personnellement, je me réfère encore et complètement à l'Autonomie Ouvrière, 30 ans après la disparition de ce mouvement. Filiation historique puisqu'il s'agit du dernier mouvement à avoir contesté cette société et avoir cherché à l'abattre. Mais pour autant, je ne suis pas jamais revendiqué autonome parce que ça n'avait pas de sens et cela en aurait encore moins aujourd'hui.

La plupart des militants qui ont participé au mouvement de l'Autonomie provenaient de l'extrème-gauche, principalement maoiste, un peu moins trotskyste ou anarchiste, c'est-à-dire d'un milieu où l'on ne cessait d'afficher ses couleurs et de clamer haut et fort ses références et ses certitudes. L'Autonomie a marqué une rupture historique par rapport ce vieil héritage. Partant de là, il en était fini des drapeaux flottant au vent, des badges, des brassards, fini des dogmes, des programmes et des certitudes.
Il s'agissait surtout d'une rupture totale avec l'Etat, qui nous obligeait à nous organiser, pas seulement en dehors, mais contre les organisations, partis "ouvriers" et syndicats, qui s'étaient rangés de son côté, oeuvraient à le défendre et dont la seule aspiration était de participer à sa gestion.

Pour tous ceux qui ont vécu l'Autonomie même brièvement, elle a représenté un tournant dans leur vie, une cassure irrémédiable qui a rendu tout retour en arrière impossible. Parce qu'après avoir connu cette expérience, il n'était plus possible de continuer à militer comme avant. il fallait tout remettre à plat, tout reconsidérer (de la pratique à la théorie, de la théorie à la pratique), et c'est ce que certains ont fait pendant une bonne dizaine d'années.

Il y a aussi quelque chose je ne n'arrive pas à expliquer, c'est cette relation qu'on cherche absolument à établir entre l'Autonomie et l'anarchisme. Elle a été voulue par les anarchistes qui ont essayé de se l'approprier, pas par les autonomes parce qu'un autonome, s'il est anarchiste, ne peut plus être autonome... ça me parait logique. Qu'il soit inorganisé ou organisé "affinitairement" ne change rien à l'affaire. Un autonome anarchiste, ça n'existe pas, ou alors c'est n'importe quoi.
Par contre, un anarchiste autonome, c'est un anarchiste.
Bibo, quand tu parles de l'autonomie des groupes et des individus par rapport à un fonctionnement fédéraliste (type FA), pour moi, ça n'a rien à voir avec l'Autonomie.

En ce qui me concerne, je ne suis évidemment pas marxiste. Je ne suis pas non plus anarchiste. Je suis donc conséquent avec la conception que je me fais de l'autonomie. Celle-ci se moque des projections de société et autres anticipations idéalisées plus ou moins fumeuses. La seule chose qui lui a toujours importé, c'est d'en finir avec ce "vieux monde" et de faire la révolution.
Antigone
 

Re: Autonomes

Messagede conan » 08 Juil 2009, 19:55

Antigone, je ne serais pas aussi catégorique que toi dans l'espèce d'incompatibilité que tu affirmes entre autonomie et anarchisme, du point de vue philosophique, du moins. Si d'une part l'anarchisme est le refus d'être commandé ou de commander, ce qui suppose d'ailleurs un rejet de la transcendance et donc de tout dogme ; et si d'autre part, l'autonomie est l'affirmation qu'il est possible de produire soi-même ses règles et son éthique.
conan
 

Re: Autonomes

Messagede Antigone » 08 Juil 2009, 20:23

L'Autonomie ne s'est jamais placée du point de vue de la philosophie et de l'éthique.
Cette orientation n'a été le fait que que la majorité de l'ex-PIC après 1985 et surtout 1988 avec leur revue Interrogations pour la communauté humaine.. Elle aura d'ailleurs été le point final de leur trajectoire.
Ce groupe n'aura jamais fait la moindre allusion à l'anarchisme.
Antigone
 

Re: Autonomes

Messagede conan » 08 Juil 2009, 21:08

L'essence du mouvement autonome (du moins, historiquement) est certes d'avoir porté la volonté de l'autonomie vis-à-vis des syndicats et partis... mais des philosophes s'y sont pas mal intéressés, et je ne pense pas qu'ils n'aient rien apporté au mouvement autonome, même s'ils n'en sont pas l'origine pour autant - je pense à Castoriadis avec sa réflexion sur ce concept, réflexion pas détachée pourtant de ce qui se faisait à l'époque.
conan
 

Re: Autonomes

Messagede Antigone » 11 Juil 2009, 21:13

@ conan
L'Autonomie ouvrière a certes été précédée par d'autres oppositions. Celle dans les années 50 de Socialisme ou Barbarie de Castoriadis, étendue à d'autres scissions dont celle de ICO (Informations CorrespondanceS Oouvrières) de Henri Simon. Mais il s'agissait de ruptures intellectuelles faite par des élites sans lien réel avec la classe ouvrière.

@ bibo
Pour une meilleure connaissance de l'Autonomie:

Les groupes autonomes des années 77-79 ont laissé peu de traces écrites.
Cela est surtout vrai de la branche spontanéiste, tupamariste et insurrectionnaliste - les très informels résidus du maoisme, héritiers de La Cause du Peuple et de Vive la Révolution (1968-73) - qui drainait la majeure partie des effectifs du mouvement autonome, via la coordination parisienne.
L'OCL a bien accompagné l'Autonomie, y a participé, en a rendu compte dans les numéros de Front Libertaire, mais sans jamais l'avoir abordée en profondeur. L'OCL n'a jamais été autonome.
Il a existé aussi un certain nombre de groupes influencés par le Movimento, qui se sont lancés dans des actions de solidarité avec les réfugiés politiques. Ce fut le cas notamment du CINEL (Centre d'initiative pour de nouveaux espaces de libertés, 1977-81) de Felix Guattari. Après l'Autonomie, le CINEL a participé à l'essor des radios associatives en animant Radio Tomate. La radio Fréquence Paris Plurielle en est issue.

Mais si l'on veut comprendre l'essence du mouvement autonome, les documents les plus consistants viennent de revues éponymes de trois groupes organisés:

- Les Fossoyeurs du vieux monde, dits "les foss" (1977-83), groupe clandestin d'influence mao-situ, qui s'est prolongé avec Os Cangaceiros, post-situ (1983-87). J'en ai déjà parlé à plusieurs reprises... Leurs numéros sont téléchargeables à partir de la fanzinothèque (rubrique Partage).

- Marge (1974-79) de sensibilité libertaire désirante, qui s'est efforcé de rassembler les marginaux de toutes sortes, les rejetés de la "société libérale avancée" de Giscard (taulards, prostitué(e)s, junkies, squatters et autres gueux...). Son importance s'est vérifiée de manière posthume à partir des années 80 au travers des collectifs anti-expulsions, mal logés, précaires etc., des initiatives de quartiers qui ne contestaient que partiellement l'ordre social.
Comme à l'époque, les désirants avaient le don de m'horripiler, je n'ai jamais lu Marge.

- Combat pour l'Autonomie ouvrière (CPAO 1977-78) qui provenait au départ d'une fraction constituée de Lutte Ouvrière, Union Ouvrière (1974-77). CPAO était réprésenté principalement à Lille, Rouen, Paris, Sochaux, Clermont-Ferrand. Il a déployé une activité qui lui a permis de maintenir une périodicité quasi mensuelle de son journal... mais qui a aussi contribué à son rapide éclatement. Ce groupe anticipait l'évolution conseilliste prise par les groupes autonomes d'entreprises à la fin du mouvement. Toutefois, seul le groupe de Sochaux se rapprochera de PIC.
La phraséologie marxiste y est encore bien présente !!... La mise en page est à l'image du mouvement, bordélique. Nombreux sont les articles qui commencent à une page, s'interrompent et se terminent trois pages plus loin !
Les éléments moteurs de CPAO Rouen ont créé le Cercle Marxiste de Rouen (1978-80) qui a fusionné par la suite avec le groupe Tribune (1979-81) dont j'ai fait partie.

Comme leurs textes ne sont accessibles nulle part, je reproduis à la suite un texte de CPAO de novembre 1977 qui résume ses positions.


LUTTE AUTONOME DU PROLETARIAT ET INTERVENTION COMMUNISTE
(CPAO -1977)


L'optique syndicaliste, revendicativiste, défendue par tout ce que le mouvement ouvrier compte d'activistes poussiéreux au service de la logique capitaliste, mérite qu'on s'y attarde un peu, afin de règler le compte aux maniaques de l'échelle mobile, mais aussi afin de renvoyer à la niche tous les inactivistes de profession qui foisonnent dans le milieu de l'ultra-gauche.

Si la lutte pour l'amérioration des conditions salariales a été un des facteurs essentiels de la lutte prolétarienne démarrée au XIXe siècle, le cercle vicieux de cet axe de lutte dejà dénoncé par les révolutionnaires de l'époque est désormais ressenti intuitivement par la masse de la classe ouvrière... L'amélioration toute relative du "pouvoir d'achat" n'a fait que révéler plus crûment l'aliénation profonde de cette société: consommer plus n'a pas fait de l'ouvrier d'aujourd'hui un être plus émancipé que son arrière-grand-père !
Confusément, les travailleurs sont de moins en moins dupes des luttes revendicatives traditionnelles dans lesquelles, d'une part ils ne puisent aucune conscience de leur force ( les syndicats qui encadrent ces luttes étant de A à Z inféodés aux nécessités de conservation du capitalisme) (1) et surtout parce que ces luttes ne peuvent plus constituer le moteur d'un associationnisme ouvrier réellement subversif, c'est à dire rompant avec la logique des rapports capitalistes. Prévues et programmées, ces luttes sont bien souvent des soupapes de sécurité et permettent l'auto-justification des syndicats...

Il est pourtant faux de croire que les combats revendicatifs de la classe ouvrière sont totalement intégrés dans le système. Ils sont aussi porteurs d'une énergie qui dépasse le cadre du marchandage de la force de travail. La seule base matérielle qui permet aux prolétaires de passer au stade de l'affrontement ouvert avec le Capital, ce sont les liens tissés au cours des luttes, ces liens qui brisent momentanément la concurrence entre ouvriers... Seules les fractions révolutionnaires voient dans cette mise en commun des efforts une tension, un désir d'une autre vie, c'est l'associationnisme prolétarien qui crée la base de la socialisation du point de vue du communisme...
Chaque étape dans le processus de constitution d'associations combatives au sein de la classe ouvrière est une étape dans le processus de prise de conscience COMMUNISTE.

En poussant à une lutte dépassant le cadre de l'usine et s'attaquant à tous les aspects des rapports marchands, les fractions communistes, loin de dédaigner les avantages immédiats que l'on peut obtenir, ouvrent des perspectives réelles aux travailleurs, élargissent le champ d'action de la transformation sociale, approfondissent la critique du Capital comme rapport social. Ils ne font qu'exprimer pratiquement ce que l'ensemble des travailleurs sera contraint d'accomplir...

Tout ceci est bien sur une donnée générale dont la compréhension ne suffit pas à règler la difficile intervention locale. De nombreux groupes autonomes d'usine se sont enfermés dans le particularisme et n'ont pas pu s'ouvrir à une pratique plus large en direction des foyers de résistance faute de perspectives révolutionnaires générales. En se soumettant aux aspects spécifiques des lieux où l'on travaille, on se ruine dans un activisme qui conduit généralement, en période de non-lutte, au pessimisme et au mépris des prolétaires eux-mêmes dont on n'attend plus rien, ainsi la voie est ouverte au terrorisme sensé réveiller les masses de leur torpeur... Il n'est pas question évidemment de rejeter le terrorisme comme extérieur au combat prolétarien, il s'agit de la situer comme effet de la faiblesse de ce combat. Car ce n'est pas en réduisant les moyens de l'intervention révolutionnaire, qu'on fait avancer d'un pouce la capacité de combat du prolétariat dans son ensemble.

La politique liquidatrice du gauchisme, son influence désastreuse sur les éléments combatifs, le dilletantisme des groupes anarcho-conseillistes, le sectarisme ultra-gauche sont des faits matériels réels qui, jusqu'à présent, ont freiné les efforts de lutte autonome du prolétariat. C'est en mettant sur pied les moyens sociaux d'une intervention communiste véritable, tranchant avec la vieille merde revendicative que les groupes de l'AUTONOMIE OUVRIERE pourront effectivement accélérer le processus de rupture communiste qui se fait sentir dans les luttes actuelles, et cela en développant les conditions d'apparition du facteur essentiel de cette rupture: l'autonomie dans la lutte par la confiance des travailleurs en eux, par la défense d'objectifs incompatibles avec le maintien du salariat et de l'économie marchande !

Tout cela ne pourra se mener sans une critique ferme et positive des impasses proposées par tous ceux qui veulent maintenir les luttes ouvrières autour de thèmes visant à réformer le capitalisme au nom des intérêts de la classe ouvrière. Il faut clairement combattre tous ceux qui veulent faire de l'autogestion, du contrôle ouvrier sur la production en période de crise, des nationalisations, des objectifs nécessaires pour passer à l'étape supérieure de la révolution. Nous n'avons pas à dresser de plan transitoire de passage au communisme ! (2) Ce sont les exigences du prolétariat mondial lors de l'affontement révolutionnaire qui détermineront les mesures de transformation de l'organisation capitaliste du travail.

Développer cette critique au sein des luttes, ne signifie pas pour autant développer un sectarisme de boutique imbécile à l'égard des travailleurs combatifs encore influencés par telle ou telle officine de la conservation sociale. Si nous travaillons à l'autonomie ouvrière dans la lutte, ce n'est pas pour créer une division supplémentaire chez les travailleurs, c'est au contraire pour faire surgir une unité réelle des prolétaires, une unité qui dépasse les divisions corporatistes, les querelles des boutiques syndicales qui accentuent leur sabotage des luttes par la démoralisation, les tripotages et les magouilles gauchistes, etc... Nous pensons que les objectifs communistes dans une grêve sont liés à des méthodes de lutte qui unissent effectivement les travailleurs !
C'est en rompant avec le légalisme, le pacifisme, le démocratisme qui soumet les plus combatifs à l'avis des moins combatifs, voire des non-grêvistes, etc. que les travailleurs tissent entre eux des liens infiniment plus solides. C'est ainsi que les travailleurs, dans l'action, se rendent comptent de leur force de transformation sociale ! C'est ainsi que les ruptures ébauchées confusément par les travailleurs avec les agents du capitalisme et leurs propres préjugés (racisme, corporatisme, pacifisme) s'accomplissent pratiquement !

Renoncer à impulserla pratique révolutionnaire de la classe ouvrière, se refuser à peser dans la maturation de cette pratique, en croyant qu'il suffit d'apporter la bonne parole sans se "salir" les mains dans les conflits tels qu'ils sont, revient à se nier comme facteur actif de la lutte de classe, cela revient à accepter la soumission des autres prolétaires, cela en fait à sortir des contradictions réelles des luttes pour entrer dans le confort béat du dispenseur de discours idéologiques.

Ceux qui prétendront qu'une telle pratique réintroduit l'idée qu'il y aurait une différence de nature entre la base "ouvrière" des Partis et syndicats et les directions de ceux-ci, oublient qu'en période de lutte c'est l'ensemble des prolétaires qui sont tiraillés par les contradictions de la lutte de classe (3). Syndiqué, gauchiste ou ouvrier de rang, tous sont poussés par des forces antagoniques, les unes visants à casser la tension révolutionnaire, les autres à la faire émerger. Découper, au moment des luttes, le prolétariat en tranches, idéaliser une partie de celui-ci: l'ouvrier "moyen", le jeune ou l'immigré, c'est reconduire la division et sombrer dans la démagogie à l'égard d'une "base" ouvrière parée de toutes les qualités à partir du moment où elle correspond aux critères arbitraires cités plus haut... Il n'y a pas à attendre d'une catégorie de travailleurs bien particulière des vélléités communistes supérieures !
Est-ce faire du frontisme, est-ce se compromettre avec les forces capitalistes au sein du mouvement ouvrier ? Nous ne proposons pas une tactique d'alliance avec ces forces, nous les combattons toutes au même titre, et c'est parce que nous prétendons les combattre effectivement sur le terrain que nous devons développer des actions susceptibles d'ébranler réellement leur base sociale !

(1) Si les syndicats sont adaptés aux limites de la lutte revendicative, il serait faux de croire qu'ils sont pour autant les organes appropriés pour obtenir effectivement victoire pour ce terrain. Là où le prolétariat se bat pour le pain, pour des conditions de survie minimums, les syndicats se dressent contre lui. Les syndicats sont mondialement les organes du Capital à part entière. Tous sont liés aux intérêts de l'économie nationale. Leur fonction n'est pas seulement de maintenir les luttes dans le cercle vicieux de la lutte économique, elles est esentiellement de casser toute vélléité autonomes des travailleurs lors des luttes...

(2) Les fractions communistes n'avancent pas de mots d'ordre "transitoires" sous prétexte qu'ils sont plus faciles à comprendre pour les travailleurs. Les révolutionnaires accentuent les ruptures entamés par les prolétaires, ils en montrent le côté émancipateur, supérieur aux rapports sociaux en place. Les contre-révolutionnaires se distinguent par le fait qu'ils défendent ce qui est encore compatible avec le salariat et la marchandise dans les mesures prises par les travailleurs au cours de leur lutte...

(3) Les périodes de luttes ouvertes ébranlent la totalité des structures de conservation sociale, ces structures sont d'autant plus ébranlées que leurs racines sont plus profondes au sein de la classe ouvrière. Ce ne sont pas deux blocs monolithiques qui s'affrontent au moment de la révolution. La rupture communiste ne recouvre pas les divisions sociologiques, elle entraine des pans entiers de l'édifice capitaliste en dissolvant les couches sociales qui lui sont liées...

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