Rupture (UCL) - Réflexion sur la Plate-forme

Rupture (UCL) - Réflexion sur la Plate-forme

Messagede arvn d » 24 Aoû 2009, 11:21

LE petit rappel historique est intéressant, par contre la fin montre une certaine auto-satisfaction assez détestable et au moins une contre-vérité plutôt affligeante.

http://anarkismo.net/article/13899

Un texte du hors-série de la revue Ruptures (mai 2009)

La Plate-forme d'organisation des communistes libertaires ou la Plate-forme d'Arshinov, écrite en 1926, eut beaucoup d'écho au sein du mouvement libertaire. Ce texte se présentait non pas comme une bible, ou un programme dogmatique, mais plutôt comme un guide suggérant aux anarchistes une voie d'organisation et d'efficacité.

Mais quelles étaient les raisons qui ont motivé à l'époque un groupe d'exilés russes et ukrainiens, ayant participé à l'un des épisodes les plus riches en enseignements révolutionnaires, pour ouvrir le débat sur l'organisation anarchiste?

Historique de la Plate-forme d'Arshinov

Mise en contexte
En 1926, un groupe d'anarchistes russes en exil en France, le groupe Dielo Trouda (Cause Ouvrière), publia dans son numéro de juin la première partie de la Plate-forme organisationnelle pour une Union Générale des Anarchistes. La publication de la Plate-forme se poursuit à travers les pages des numéros subséquents. Ce texte, contrairement à beaucoup de textes cruciaux du mouvement révolutionnaire, émergeait non pas d'une étude académique mais bien de leur expérience révolutionnaire en Russie et pour beaucoup de la guérilla qu'ils et elles avaient menée en Ukraine, dans un premier temps contre les blancs puis finalement contre les bolcheviques.

L'histoire a souvent omis le rôle crucial que le mouvement anarchiste a joué dans la révolution russe. À l'époque il y avait environ 10 000 militants et militantes anarchistes en Russie, en plus du mouvement en Ukraine dont la figure la plus emblématique fut Nestor Makhno. D'ailleurs, il est à noter que le Comité militaire révolutionnaire, dominé par les bolcheviques, qui organisa la prise du pouvoir en octobre 1917 à Moscou, comptait en son sein au moins quatre anarchistes. De plus, les anarchistes étaient impliqués dans les soviets, qui s'étaient multipliés après la révolution de février. Les anarchistes étaient particulièrement influents dans les mines, sur les docks, dans les postes, dans les boulangeries et ont joué un rôle important lors du Congrès pan-russe des conseils ouvriers qui s'est réunit à la veille de la révolution. C'étaient ces comités que les anarchistes voyaient comme base de la nouvelle autogestion qui serait mise en place après la révolution.

Dès 1918, les bolcheviques trahirent la révolution et les intérêts de classe des travailleuses et travailleurs, en éliminant toutes les tendances qui pouvaient s'opposer à eux. En avril, plus de 600 anarchistes furent emprisonnés et beaucoup furent assassinés par la Tchéka. À partir de ce moment, une partie des anarchistes joignirent les bolcheviques sur la base de l'efficacité et de l'unité contre la réaction, et une autre partie continua la lutte pour défendre la révolution. Le mouvement makhnoviste en Ukraine et l'insurrection de Kronstadt furent leur dernières grandes batailles, et toutes les deux se terminèrent dans un bain de sang face aux bolcheviques. Beaucoup d'anarchistes à ce moment quittèrent la Russie et s'exilèrent un peu partout en Europe, notamment en France. En 1925, plusieurs d'entre eux dont Nestor Makhno, Piotr Arshinov et Ida Mett fondèrent la revue Dielo Trouda.

L'échec russe et la nécessité organisationnelle
Les exilés russes décidèrent d'entamer un intense travail de réflexion afin de trouver des solutions pour qu'un tel désastre n'arrive plus. Un travail qui permettrait de tirer les conclusions de la défaite des anarchistes, du mouvement ouvrier et paysan révolutionnaire afin de comprendre comment il n'avait pu réussir à être majoritaire et efficace dans la révolution. Pour ces anarchistes, le confusionnisme théorique des anarchistes russes fut l'élément principal qui les empêcha d'avoir une structure organisationnelle efficace dans l'action. Les auteurs y soulignent d'ailleurs qu'il est temps pour l'anarchisme de « sortir du marais de la désorganisation, de mettre fin aux vacillations interminables dans les questions théoriques et tactiques les plus importantes, de prendre résolument le chemin du but clairement conçu, et de mener une pratique collective organisée ». Leurs conclusions constituèrent la Plate-forme organisationnelle pour une Union Générale des Anarchistes

De manière générale, la Plate-forme arrive à des conclusions somme toutes évidentes. Elle conclut sur l'absurdité d'avoir une organisation contenant en son sein des tendances antagonistes et contradictoires du mouvement libertaire. Elle souligne de plus le besoin de structures formelles efficaces et reposant sur la démocratie directe. La Plate-forme est avant tout un tentative pour résoudre une tâche pratique déterminée, c'est-à-dire la mise en place d'une société communiste libertaire.

Cette Plate-forme se divise en trois grandes parties: la partie générale, qui réaffirme les principes fondamentaux du communisme libertaire : la lutte des classes qui fut, à travers l'histoire, le principal facteur qui détermina la forme et les structures de ces sociétés, la nécessité d'une révolution sociale violente, la négation de l'État et l'autorité, le rôle des anarchistes et des masses dans la révolution, la période transitoire et le syndicalisme. Puis la partie constructive traite des problèmes de production et de consommation et de la défense de la révolution. Enfin, la partie organisationnelle traite des principes d'organisation anarchiste qui doivent reposer sur l'unité idéologique, la méthode collective d'action, la responsabilité collective, le fédéralisme et la démocratie directe.

Une première rencontre de discussion autour de cette ébauche de Plate-forme permit d'amener une proposition sur les concepts essentiels de celle-ci dont la primauté de la lutte des classes. Ils se résument en 5 points:

- Reconnaître la lutte de classe comme la facette la plus importante de l'idée anarchiste;
- Reconnaître l'anarcho-communisme comme la base du mouvement;
- Reconnaître le syndicalisme révolutionnaire comme la méthode principale de lutte;
- Reconnaître la nécessité d'une "Union Générale des Anarchistes" basée sur l'unité théorique, l'unité tactique et la responsabilité collective;
- Reconnaître la nécessité d'un programme positif pour réaliser la révolution sociale.


La Plate-forme et les propositions qui en découlèrent, même si elles ne correspondent plus tout à fait à notre réalité actuelle, demeurent toutefois en avance sur le mouvement anarchiste quant aux outils et aux formes d'organisation à préconiser afin de parvenir à une nouvelle société libertaire.

La critique
Évidemment, ils s'attirèrent de nombreuses critiques des anarchistes. Mais la plupart se résumeront à une critique superficielle et abstraite se limitant souvent au vocabulaire utilisé, sans rien apporter de plus au débat sur la nécessité organisationnelle. L'une des principales critiques fut celle des synthésistes, courant principalement représenté par Sébastien Faure.

Leur argument reposait sur le fait que le mouvement anarchiste est divisé en plusieurs tendances auxquelles il faut trouver un lien organisationnel (une synthèse théorique) plus ou moins vague « afin de faire vivre ensemble » les trois tendances (le communisme libertaire, l'anarcho-syndicalisme et la tendance individualiste). La notion de synthèse implique de lier des éléments différents en trouvant une base commune, un concept pour lequel Faure s'inspira de la chimie. Il est donc simple de réfuter l'argument qu'une synthèse entre le communisme libertaire et l'anarcho-syndicalisme est un non-sens, puisque ces deux mouvements ne s'opposent pas nécessairement. Il est absurde de parler de synthèse, puisque cela signifierait que le communisme et le syndicalisme, du moins dans sa forme révolutionnaire, s'opposent dans une certaine mesure. La plupart des communistes libertaires considèrent le syndicalisme révolutionnaire ou l'anarcho-syndicalisme comme complémentaire à l'organisation politique. On peut penser à l'Espagne de 1936, pour ne citer que cet exemple. Par contre, tenter une synthèse avec la tendance individualiste, un courant philosophique niant la lutte des classes, en opposition avec les deux autres tendances implantées au sein d'un mouvement social large, est une aberration. Selon les anarchistes organisationnels, la lutte des classes est un des principes de base de l'anarchisme et le nier revient à « rejoindre le libéralisme radical et le confusionnisme de l'humanisme petit-bourgeois qui n'ont pas compris l'esprit révolutionnaire du Travail. » Pour citer Marx dans l'Idéologie allemande: « Les philosophes n'ont fait qu'interpréter diversement le monde, ce qui importe c'est de le transformer. »

Malgré cet effort de critique de la désorganisation du mouvement anarchiste et de son manque de perspectives claires, le débat s'embourbera dans une discussion sans fin et la Plate-forme sombrera partiellement dans l'oubli. Le mouvement libertaire poursuivra tranquillement son glissement vers une multitude de tendances philosophico-littéraires, à quelques exceptions près, sans tenter de résoudre l'impasse organisationnelle.

La Plate-forme inspire d'autres groupes
La Plate-forme continuera par la suite à susciter l'intérêt de différents groupes, qui rechercheront à leur tour une alternative à l'impasse organisationnelle, au marasme et aux lacunes du mouvement libertaire.

Elle sera tout d'abord adoptée en France par l'Union anarchiste communiste révolutionnaire (1927) puis en 1934 par la Fédération communiste libertaire. Les Italiens aussi adoptèrent la Plate-forme via la 1re section de la Fédération internationale anarcho-communiste(1927). Puis la Fédération des anarcho-communistes bulgares (1945) l'adopta à son tour. Par la suite les communistes libertaires des Fédérations anarchistes française et italienne l'adopteront en 1949 et 1950, les Groupes anarchistes d'action révolutionnaire (GAAR) en 1957 et l’Organisation révolutionnaire anarchiste (ORA) en 1965-67. Ceux et celles de l’ORA britannique l'adopteront en 1973. L'ORA française deviendra par la suite l'Union des travailleurs communistes libertaires (UTCL), qui gardera ses affiliations plateformistes. De nombreuses autres organisations se revendiquant de la Plate-forme apparaîtront à cette époque. Puis les années 80 verront l'apparition de l'Anarchist Communist Federation (ACF) en Angleterre, qui reprendra des positions plateformistes assez rigides et du Workers Solidarity Group (WSM) en Irelande. En parallèle une tendance similaire se développa de manière autonome en Amérique latine, l'Especifismo.

En 2009, de nombreux groupes se réclamant ou s'inspirant de la Plate-forme existent toujours un peu partout au niveau international, de l'Italie à l'Afrique du Sud en passant par la Russie, le Liban, le Pérou et bien d'autres. Il est évident que l'anarchisme lutte-de-classiste et plus particulièrement notre mouvement, se revendiquant de la Plate-forme, est encore bien vivant et demeure toujours une approche nécessaire et actuelle.

La Plate-forme en 2009: aspects théoriques

La Plate-forme de Dielo Trouda est-elle toujours d'actualité?
Si on lit l'introduction de la Plate-forme de 1926, on ne peut qu'être frappé par la ressemblance avec l'époque actuelle, la seule chose ayant changé concerne la question de la révolution russe. Il semblerait qu'à cette époque comme aujourd'hui, le mouvement libertaire se trouvait dans un état plutôt amorphe et végétatif. La nécessité d'une organisation spécifique anarchiste se faisait sentir. Les constats théoriques que faisait le groupe sont aussi encore valides présentement.

La partie générale de la Plate-forme reste encore d'actualité. Les principes politiques énoncés ici forment encore un « programme politique » clair et précis dont l'anarchisme avait par le passé été privé. L'anarchisme lutte-de-classiste trouve alors tout son sens. La Plate-forme prouve qu'il est possible à la fois d'être anarchiste et organisé sur des bases claires et rigoureuses.

La société de classes n'ayant pratiquement pas changé dans les cent dernières années (bien que certains prolétaires aient vu leur revenu augmenter, la situation d'employés soumis et exploités demeure la même). Tant qu'il y aura de la misère et de l'exploitation, la révolution sera une nécessité. Et tant que la révolution sera une nécessité, l'organisation des anarchistes sera essentielle. L'un ne va pas sans l'autre.

Par ailleurs, la faillite du socialisme étatique (soviétique, cubain ou chinois) expose clairement que la révolution ne peut pas et ne doit pas se faire dans un cadre autoritaire. Le non-aboutissement de certaines révolutions (Espagne 36, Mai 68, par exemple) démontre que l'organisation reste la seule voie possible afin d'atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Nous n'avons donc d'autre choix que d'opter pour une organisation qui allierait efficacité et respect de nos valeurs libertaires.

C'est cette fameuse efficacité qui manque par-dessus tout au mouvement anarchiste actuel et qui fait qu'il reste dans un état stagnant et embryonnaire, sans impact réel sur le quotidien. La question de l'organisation est par ailleurs essentielle pour cette gestion quotidienne d'une société. Nous devons y répondre adéquatement, non seulement dans le cadre d'une activité révolutionnaire, mais aussi dans le cadre plus global de répartition du travail et de la richesse.

Comment la Plate-forme s'est-elle réactualisée?
Ce qui apparaît le plus clair aujourd'hui, c'est que la cassure entre synthésistes et plateformistes s'est élargie. Aujourd'hui, si on excepte des organisations comme la FA, les tendances synthésistes regroupent tout ce que nous, plateformistes, ne considérons même pas comme faisant partie du mouvement libertaire. Le plateformisme d'aujourd'hui regroupe d'abord (mais pas uniquement sur ces bases) des gens en réaction à la tendance qu'a l'anarchisme à attirer tout ce qui n'est pas autoritaire.

Cette polarisation se fait maintenant, contrairement à l'époque de Makhno, tout autant sur la question de l'organisation que des grands principes politiques. De nombreux anarchistes aujourd'hui soutiennent des idées que Voline n'aurait pas voulu synthétiser dans son groupe. Globalement, le plateformisme d'aujourd'hui tend à regrouper la majorité des anarchistes sociaux qui croient dans l'obligation de mener jusqu'au bout la lutte de classes. Ceci démontre par ailleurs l'échec de la position de Voline et la pertinence de la création d'un pôle organisé sur une unité tactique et théorique plutôt que sur un assemblage d'idées ayant en commun une appellation.

La phrase issue de la Plate-forme qui résume le mieux cette situation nous semble par ailleurs encore valide aujourd'hui, trois quart de siècles plus tard: « Une telle organisation (synthésiste) ayant incorporé des éléments théoriquement et pratiquement hétérogène ne serait qu'un assemblage mécanique d'individus concevant d'une façon différente toutes les questions du mouvement anarchiste, assemblage qui se désagrégerait infailliblement à la première épreuve de la vie. » Peut-on mieux résumer la situation actuelle?

Il va de soi que ce qui nous distingue du reste du mouvement anarchiste, c'est que nous condidérons que nous devons aller de l'avant, dans une démarche révolutionnaire. Il ne suffit pas de l'appeler de nos vœux. Il faut aussi nous impliquer solidement dans les luttes de notre classe, afin que cette vision devienne réalité. Ceci, aucune autre tendance ne le fait de façon concertée avec un objectif clair: la révolution sociale.

Aspects organisationnels

Pourquoi s'organiser sur des principes plateformistes?.
Sans entrer dans les détails (la Plate-forme originale répond quand même bien à cette question), il va de soi qu'une organisation doit se donner les moyens de ses fins. L'idée même de faire une révolution sociale, politique et économique implique qu'une masse importante de gens agissent dans ce sens. Face à un ennemi fort et puissant, plein de ressources, notre principale force tient dans notre unité et notre capacité de nous organiser pour répondre d'une seule voix aux attaques.

Les tâches matérielles et militantes qui doivent mener à une révolution ne peuvent être prises à la légère. Il est impossible d'espérer avoir une efficacité si chaque personne rame dans une direction contraire, surtout quand le courant dominant est presque indomptable. Il ne s'agit pas uniquement d'une accumulation de forces; chaque effort mis dans une direction se trouve multiplié par les autres mis dans le même sens. Seule une organisation sans faille permet d'arriver à ce résultat.

Nous avons une autre raison de vouloir tenter l'expérience organisationnelle: en soi, nous avons besoin de cette pratique quand arrivera le temps de transformer le vieux monde en un monde tout nouveau. Cette tâche colossale demandera que nous soyons prêts. Les gestionnaires du passé, ceux qui profitent du système, n'y seront pas pour nous donner un coup de main; il va falloir prendre nous-mêmes en charge toute la logistique de la société à refaire. Notre organisation pourra y être pour quelque chose, car elle fournira expérience et conseils.

Plus concrètement, cette idée d'auto-formation, de partage des ressources et d'aide collective est nécessaire présentement. Des tâches qui paraissent insurmontables pour des individus isolés se retrouvent tout à coup faciles à réaliser. Les lacunes personnelles de certains sont comblées par les forces des autres. Ceci n'est possible que dans une organisation où tout un chacun travaille dans une direction commune, avec des buts communs et un discours commun.

Pourquoi notre tendance est essentielle?
Notre tendance est essentielle parce qu'elle est la seule qui prend en compte tous les aspects qui devront mener à une révolution. Nous ne rejetons pas par exemple le syndicalisme, comme le syndicalisme peut souvent rejeter l'organisation politique.

Nous sommes par ailleurs les seuls qui opposent au système capitaliste un projet de révolution communiste libertaire, et qui veulent se donner des outils non seulement au cœur de la bête (sur les lieux de travail) mais aussi dans tous les aspects de notre vie. Le travail politique et organisationnel ne doit pas être négligé; il mènera à la révolution, si révolution il doit y avoir, plus que tout autre.

Plus concrètement, le travail qui reste à accomplir est immense. Le terrain est fertile, mais nous sommes peu nombreux. Les récents résultats aux élections montrent que les gens sont de plus en plus nombreux à déserter le terrain électoral; la crise économique affaiblit les bases du capitalisme (mais ne les sape pas); le terrain politique est occupé par des groupes ou des partis tous plus insignifiants les uns que les autres, qui n'ont rien à proposer d'autre que les vieilles promesses issues du sempiternel débat Keynésiens/Hayek, etc.

Pour conclure, il est évident que nous sommes parvenus à la croisée des chemins en tant qu’organisation communiste libertaire. Nous arrivons à une période charnière, où il est plus qu’improbable que toute œuvre réformiste puisse encore faire son chemin. Dans un avenir rapproché, notre tâche première sera d'abord de diffuser l'idée de la révolution libertaire et pour ce faire nous devrons continuer à nous consolider sur des bases idéologiques solides et sur une unité d'action efficace. Bref, nous devons plus que jamais poursuivre la construction de notre mouvement sur la base d’une plate-forme organisationnelle.
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Re: Rupture (UCL) - Réflexion sur la Plate-forme

Messagede chaperon rouge » 25 Aoû 2009, 00:40

Ta critique m'intéresse beaucoup, de quoi parles tu plus précisément (ou en ensemble) quand tu parles d'"auto-satisfaction assez détestable et au moins une contre-vérité plutôt affligeante"?
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Re: Rupture (UCL) - Réflexion sur la Plate-forme

Messagede fu hsang » 25 Aoû 2009, 05:15

Pourquoi notre tendance est essentielle?
Notre tendance est essentielle parce qu'elle est la seule qui prend en compte tous les aspects qui devront mener à une révolution. Nous ne rejetons pas par exemple le syndicalisme, comme le syndicalisme peut souvent rejeter l'organisation politique.


puis bon apres revenir sur ce bon vieux debat plateforme /synthese ... alors que les deux ont montre leur impasse organisationelle , bon ça fait plaisir a tout le monde ^^
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Re: Rupture (UCL) - Réflexion sur la Plate-forme

Messagede JPD » 25 Aoû 2009, 08:31

Contribution au débat et information, un texte paru dans le numéro spécial de Courant Alternatif en 2001 : "unité des libertaires, mythes et réalités du mouvement anarchiste". http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article602



NI PLATE-FORME, NI SYNTHÈSE


La forme d'organisation des anarchistes a bien souvent été au centre de bien des polémiques même si «l'unité» du mouvement a toujours été le vœu des uns et des autres. Depuis les années 1920 jusqu'à la fin des années 70 (au moins), le mouvement anarchiste français se définira en grande partie comme partisan soit d'une «synthèse des tendances traditionnelles de l'anarchisme» soit d'une «plate-forme» dite «d'Archinov» ; deux formes organisationnelles spécifiques inconciliables. Aujourd'hui, quasiment plus personne ne se réclame intégralement de la plate-forme historiquement dépassée ; quant à la synthèse, elle semble aujourd'hui entrée dans une période de tourmente à tel point que certains voudraient la réactualiser.


LA PLATE-FORME DITE D’ARCHINOV

Les anarchistes russes rescapés du mouvement makhnoviste se retrouvent en exil en France à partir de 1922. Certains d'entre eux, communistes libertaires, se regroupent au sein d'une revue «Dielo Trouda» («La cause du travail») dans laquelle ils essaient d'analyser les causes de l'échec du mouvement anarchiste en Russie et du triomphe des léninistes dans la révolution russe. Pour eux, il ne fait aucun doute que la cause principale est à rechercher dans la «désorganisation générale chronique» de leur mouvement, son manque d'unité et de continuité.

Ils rédigent alors, en 1926, une plate-forme organisationnelle connue sous le nom «d'Archinov».18

Pour eux, l'anarchisme doit «rallier ses forces en une organisation générale constamment agissante, comme l'exigent la réalité et la stratégie de la lutte des classes». Ils rejettent la «recette de la synthèse» des différents courants de l'anarchisme, prônée par certaines figures connues de l'anarchisme en France, comme étant un «assemblage hétérogène qui se désagrégera à la première épreuve de la vie». L'unique méthode menant à la solution du problème d'organisation est le ralliement des militants actifs de l'anarchisme sur la base de positions précises : théoriques, tactiques et organisationnelles... appelé «programme homogène». La plate-forme est présentée comme étant l'armature d'un tel programme et ce sera à «l'Union Générale des Anarchistes de l'élargir, l'approfondir plus tard afin d'en faire un programme définitif pour tout le mouvement anarchiste».19

Ce texte est évidemment à resituer dans cette période et est complètement dépassé au niveau économique. Une certaine exaltation mythique du travail peut d'ailleurs faire peur ou... sourire. Mais, dans cette période de montée de l'humanisme inter-classiste, du nationalisme, elle a le mérite de se placer résolument sur un terrain de classe et elle invite les anarchistes à exister politiquement c'est à dire à intervenir socialement sur une base cohérente.

Néanmoins ce qui nous semble déjà contestable ce sont les fondements de cette plate-forme où l'échec des révolutions, en particulier en Russie, serait essentiellement dû à un manque d'organisation des anarchistes. Il s'agit là d'un mode de pensée qui attribue un rôle potentiellement plus important à «l'avant-garde» qu'au mouvement et à la volonté réelle (souvent malencontreusement appelée «conscience») des classes opprimées quant à la réussite ou à l'échec d'un mouvement révolutionnaire. Comme si la révolution se résumait en une sorte de bras de fer entre des militants et le pouvoir ! On retrouve là en filigrane la vieille conception blanquiste jamais complètement éradiquée dans le mouvement anarchiste. C'est en outre un mode d'analyse idéaliste qui omet de passer en revue tous les faits matériels et objectifs d'une situation sociale pour s'en tenir qu'à un aspect particulier, important certainement, mais pas unique, des raisons de l'échec des anarchistes.

Car cette plate-forme est marquée par la défaite du mouvement anarchiste et plus généralement de la révolution russe et on y retrouve inévitablement des traces de l'idéologie des vainqueurs (Les bolcheviks), dans certains aspects centralistes de l'organisation.

Cette plate-forme prône, pour une organisation, l'unité idéologique, stratégique et tactique et donc le vote à l'intérieur de l'organisation. Ce n'est pas fondamentalement cela qui nous gêne si les points qui constituent cette unité sont un moment de la cohésion de l'organisation. En effet à l'O.C.L., nous essayons, par des débats, des textes, des rencontres, des engueulades, des expériences, des pratiques, de tendre vers une homogénéité tactique, stratégique et idéologique plus grande. Notre désaccord fondamental est plutôt basé sur le fait que cette Union Générale des Anarchistes avait la volonté de rassembler en son sein TOUS les anarchistes révolutionnaires. C'est à partir de cette volonté accolée à une conception quasi avant-gardiste du rôle de l'organisation vis-à-vis des masses, que l'unité tactique et idéologique peut dériver vers des aspects forts peu libertaires proche des conceptions léninistes.

La dernière organisation se réclamant explicitement de cette plateforme sera l'Organisation Révolutionnaire Anarchiste (1967-1976). A sa suite, L'O.C.L., créée en 1976, va rompre rapidement et définitivement avec cette plate-forme. En effet, à la fin des années 70, l'O.C.L. se définit comme n'étant qu'un des lieux du mouvement ; elle ramène le rôle d'une organisation révolutionnaire à une fonction d'agitation, de proposition, d'initiatives, mais pas de guide ni d'avant-garde.








Malgré tout cette plate-forme a marqué, notamment en France, le rejet du mouvement de synthèse prétendant concilier l'anarchisme social avec une conception de l'individualisme qui rejetterait la lutte des classes... alors que dans d'autres pays une telle clarification n'a jamais été nécessaire à ce point car l'anarchisme révolutionnaire s'est toujours manifesté de façon organique au travers de syndicats ou de mouvements spécifiques (Espagne, Italie, Argentine, États-Unis...). Dans ces pays, le mouvement anarchiste a été davantage lié à la lutte des exploités, les problèmes organisationnels qui se poseront seront d'avantage entre l'organisation spécifiquement anarchiste et l'organisation syndicale à vocation de masse. Il en va autrement en France depuis l'effondrement d'avant 1914 de la CGT d'inspiration anarcho-syndicaliste. Mais, même en France, tous ceux et toutes celles qui exprimeront leurs désaccords avec cette plate-forme ne seront pas forcément anti-organisationnels, ni même individualistes.

LA SYNTHÈSE

Cette conception organisationnelle des anarchistes est née elle aussi entre les deux guerres. Elle part d'un constat : les querelles entre les trois grands courants anarchistes (l'anarcho-syndicalisme, le communisme libertaire et l'individualisme anarchiste) ont eu pour conséquence d'affaiblir le mouvement anar. Pour Sébastien Faure qui sera le premier à coucher sur le papier une synthèse : «Le mal est grand; il peut, il doit n'être que passager, et le remède se trouve à la portée de notre main». Le remède est la synthèse de ces courants qui seraient faits pour se combiner et qui doivent coexister pacifiquement au sein d'une même Union. «Plus nous sommes divisés et plus nous sommes faibles ; plus nous redeviendrons unis et solidaires et plus nous redeviendrons forts».20 Sa démarche est œcuménique. De plus la systématisation de ces trois tendances est l'œuvre de S. Faure pour les besoins de sa synthèse.

Cette synthèse de Sébastien Faure n'en serait pas une pour J.M. Raynaud qui écrit dans la brochure «Unité — Pour un mouvement libertaire», qu'elle se contenterait de «juxtaposer des identités particulières au sein d'une même organisation». Une autre synthèse existe et fut écrite par «Voline» qui sera longtemps bien moins connue que celle de «S. Faure». Voline s'appuie sur les essais d'unification du mouvement anarchiste qui avait débuté en Ukraine en novembre 1918, dans une période révolutionnaire juste avant qu'il ne soit trahit puis écrasé par les bolcheviks. En exil, il cherche à donner un corps théorique à cette ébauche. En fait, ce qu'il propose est coupé de tout contexte politique, économique et social. Sa théorie part de considérations philosophiques a-historiques : L'anarchisme aspire à la vie, «la vie (l'univers, la nature) est un équilibre (une sorte d'unité) dans la diversité et dans le mouvement», en conséquence l'anarchisme doit être une synthèse et tant que les anarchistes ne l'auront pas créée, ils resteront en dehors de la vie. Voline propose à la fin de son texte de commencer immédiatement un travail théorique et parallèlement de créer «l'organisation unifiée sur la base de l'anarchisme compris synthétiquement».21

Cette synthèse semble avoir actuellement les faveurs d'un certain nombre d'initiateurs de l'appel à l'unité. En effet elle «se fixe pour objectif de faire émerger une nouvelle approche de l'anarchisme.»22 Tout en datant des années 1920-30 ?! Pour nous ces deux synthèses sont très proches et aboutissent à la paralysie de l'organisation ou du groupe donc à la victoire de fait des conceptions individualistes et opposées à la lutte des classes.

Une première remarque s'impose sur l'existence de ces trois grands courants de l'anarchisme (communistes, syndicalistes et individualistes). Il y en a déjà eu bien d'autres et il y en a d'autres aujourd'hui, sans oublier ceux et celles qui étaient ou qui sont un peu tout à la fois, pendant que d'autres refusent de se situer. Cela semble dépassé et on peut même se demander si ce fut historiquement réellement déterminant et pertinent car, comme on l'a dit, ces trois tendances sont spécifiques au mouvement français.

Comme pour la plate-forme, cette «synthèse» est marquée par la défaite (éclatement du mouvement face à la guerre de 14, incapacité de s'y opposer, dispersion du mouvement après la guerre) et par le reflux du mouvement social (largement dominé maintenant par le Parti Communiste). Ses partisans vont essayer de recoller les diverses variantes de l'anarchisme pour tenter de le faire exister de nouveau. Inévitablement le libéralisme franc-maçon, en grande partie vainqueur dans le mouvement socialiste (au sens large du terme) à partir de l'entre-deux guerres, va déteindre. Certains tenants de la «synthèse» iront même jusqu'à participer activement à la franc-maçonnerie aux côtés de la bourgeoisie «éclairée». Il semblerait même que cette pratique ait encore cours de nos jours. Dans les unions, groupes se réclamant de la synthèse on parlera d’une manière abstraite de la liberté, de l'Homme, de l'humanisme, de l'anticléricalisme, de l'antimilitarisme..., le tout au-dessus des classes. Les divers regroupements nationaux auront pour principale fonction de faire vivre des outils maintenant en vie une idéologie sur le déclin. A chaque fois que des groupes de militants essaieront en leur sein d'émettre des propositions allant dans le sens de peser politiquement dans une situation sociale mouvante..., ce sera une fin de non-recevoir car pour décider quelque chose il faut que personne ne s'y oppose. C'est ainsi que s'explique la majeure partie des innombrables scissions et départs qu'a connu ce mouvement synthétiste.

DES CONCEPTIONS À REJETER

Malgré leur contenu, ces deux conceptions organisationnelles ont des points communs. Comme nous l'avons signalé plus haut, elles sont bâties sur une constatation de défaite, dans une période de recul et de reflux général. Mais, elles ont en commun un autre point essentiel : c'est qu'elle se donne pour fonction de regrouper en une seule structure tous ceux et toutes celles qu'elle considère comme véritablement anarchistes dans le cas de la synthèse ou de véritablement révolutionnaires dans le cas de la plate-forme. Dans les deux cas, on a affaire à une conception élitiste : avant-gardiste classique «révolutionnaire» pour la plate-forme, élitisme moral et éthique de l'être anarchiste exemplaire dans la synthèse (que l'on retrouve aussi dans la franc-maçonnerie !). Cela explique l'ignorance ou le mépris que pouvait avoir telle structure par rapport à telle autre. Cela explique aussi les relations de pouvoir d'un certain nombre de groupes ou d'individus se réclamant de l'idéologie anarchiste vis-à-vis d'un quelconque mouvement social en lutte. Ces conceptions organisationnelles ne sont d'ailleurs plus d'actualité si elles l'ont jamais été.

Nos futures structures ne pourront se considérer comme ne pouvant apporter que des contributions partielles au mouvement des exploités.




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Re: Rupture (UCL) - Réflexion sur la Plate-forme

Messagede arvn d » 25 Aoû 2009, 09:10

Il va de soi que ce qui nous distingue du reste du mouvement anarchiste, c'est que nous condidérons que nous devons aller de l'avant, dans une démarche révolutionnaire. Il ne suffit pas de l'appeler de nos vœux. Il faut aussi nous impliquer solidement dans les luttes de notre classe, afin que cette vision devienne réalité. Ceci, aucune autre tendance ne le fait de façon concertée avec un objectif clair: la révolution sociale.


Ce qui apparaît le plus clair aujourd'hui, c'est que la cassure entre synthésistes et plateformistes s'est élargie. Aujourd'hui, si on excepte des organisations comme la FA, les tendances synthésistes regroupent tout ce que nous, plateformistes, ne considérons même pas comme faisant partie du mouvement libertaire. Le plateformisme d'aujourd'hui regroupe d'abord (mais pas uniquement sur ces bases) des gens en réaction à la tendance qu'a l'anarchisme à attirer tout ce qui n'est pas autoritaire.


L'UCL a donc le pouvoir de distinguer le bon grain de l'ivrée en divisant encore plus le mouvement et à donner le label "libertaire".
Avec un petit laius pour ne pas se fâcher avec la FA. J'aimerais savoir si l'UCL met dans les tendances synthésistes qui ne sont pas libertaires les autres organisations membres de l'IFA....
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Re: Rupture (UCL) - Réflexion sur la Plate-forme

Messagede vroum » 25 Aoû 2009, 10:24

ma contribution au débat, voici un texte que j'ai recopié il y a quelques temps :


Critique de la Plate-forme et de la Synthèse

Par les groupes d'Angers de la Fédération anarchiste

in Volonté anarchiste # 12 « L'organisation » publié par le groupe Fresne-Antony de la F.A. en 1980


L'essentiel de la critique porte ici non pas sur la partie relative aux principes généraux et celle dite constructive, mais sur la partie organisationnelle de la Plate-forme. Comme nous aurons l'occasion de la constater, grande est l'étendue du champ critique. Des personnes aux conceptions diverses s'y retrouvent : Malatesta, Voline, Joyeux, l'équipe rédactionnelle de la Lanterne Noire, le groupe Pensiero e Volonta.

Les principaux reproches formulés :

Nous commencerons par des formulations très générales. La Plate-forme veut répondre à un désir pressant d'organisation manifesté à cette époque. Y répond-t-elle ? A cette question Malatesta y répond par la négative :

« Je trouve qu'au lieu de faire naître chez les anarchistes un plus grand désir de s'organiser, elle semble faite pour confirmer le préjugé de de camarades qui pensent que s'organiser, c'est se soumettre à des chefs, adhérer à un organisme autoritaire, centralisateur, étouffant toute libre initiative. »

La Plate-forme se veut le mode organisationnel capable de mener à bie, le mouvement anarchiste, pour le triomphe de l'anarchisme, et ainsi résoudre la contradiction, entre la justesse des idées et le faible impact du mouvement. Tout le problème qui va se poser, sera celui de la justesse du choix organisationnel. Joyeux axera sa réflexion critique autour de la constatation d'une contradiction dans les propositions inscrites dans la Plate-forme. Pour lui, cette contradiction est celle d'une époque, « laquelle va voir l'autorité enterrer le socialisme au nom de la lutte des classes ». Les plate-formistes « n'ont pas compris que la proposition théorique était un tout, avec une économie, une forme d'organisation et une morale de comportement étroitement tributaires et qu'accoupler des éléments disparates du communisme avec d'autres tirés de l'anarchisme, non seulement ne conférait pas « d'efficacité à la pensée libertaire, mais lui en retirait ». Joyeux rejoint en cela Malatesta qui écrit : « Toute organisation proposée étant du type autoritaire, non seulement elle ne faciliterait pas le triomphe du communisme anarchiste, mais fausserait l'esprit anarchiste et aurait des résultats contraires à ceux que les organisateurs en attendent ». en cela Malatesta va plus loin dans sa critique. Il dépasse la simple analyse des propositions pour en arriver à critiquer le fait de proposer un tel texte. Nous sommes plus en face d'une imposition que d'une proposition.

A partir ce cet autoritarisme latent, la critique va bientôt se polariser sur l'influence léniniste dans la Plate-forme, et bien vite seule cette perception restera ainsi sans une quelconque connaissance de la Plate-forme, sans étayer leurs propos, des militants von l'affirmer léniniste. L'influence latente, plus autoritaire que spécifiquement léniniste, va être bientôt définition.

A notre avis, si l'on peut qualifier de léniniste la Plate-forme quant à son mode structurel, on ne peut néanmoins s'arrêter ici. Le faire revient à ignorer l'émanation originelle et les préoccupations de base de la Plate-forme. De plus l'organisation léniniste repose sur certains concepts ne figurant pas dans la Plate-forme. A cet abus dans la terminologie : la Plate-forme est léniniste, on devrait par souci théoique, opter pour une terminologie plus nuancée, faisant apparaître l'autoritarisme véhiculé par la Plate-forme, l'influence historico-idéologique du léninisme. Le combat de telles déformations de la pensée anarchiste au nom de l'efficacité ne passe pas par la simplification abusive.

Ces critiques générales formulées, voyons la critique dans le détail de la Plate-forme.

Bien qu'un consensus général semble s'être établi autour de la constatation de la faiblesse du mouvement anarchiste et sur la nécessité d'une organisation, dès le début de l'énoncé organisationnel, les dissentions sont apparues. Biard voit dans l'opposition de la Plate-forme et la varité des opposants, la manifestation d ela domination des tendances contradictoires. Il pense qu'en voulant sauver l'anarchisme, ils ont perpétué ses carences. Des conséquences aussi graves pour la suite du mouvement mérite l'examen de l'argumentation, cette fois dans le détail des opposants. Un tel examen permettra peut-être de vérifier si la diversité des personnes et l'unicité de la condamnation ont pour corollaire la diversité ou l'unicité dans l'argumentation.

La première critique de détail formulée porte sur l'unicité organisationnelle, à savoir : on propose la réunion de tous les anarchistes au sein d'une seule « collectivité révolutionnaire active ». Considérant la diversité des milieux et des conditions de lutte, des modes possibles d'action, de préférence, de tempérament, Malatesta voit dans une réunion générale, une possibilité d'obstacle aux activités individuelles, de luttes intestines, plus qu'un moyen de coordination et de totalisation des efforts de tous.

Ajouter à cela la condamnation des plate-formistes de l'idée de créer une organisation réunissant les diverses tendances de l'anarchisme ; « assemblage mécanique », et le problème de l'existence des autres tendances (autres que plate-formistes) se trouvent crûment posé : « Fort bien. Mais alors, s'ils reconnaissent l'existence des anarchistes des autres tendances, ils devront leur laisser le droit de s'organiser à leur tour... ou bien prétendront-ils mettre hors l'anarchisme, excommunier tous ceux qui n'acceptent pas leur programme ? »

Il s vont bien vouloir regrouper en une seule organisation tous les éléments sains du mouvement libertaire, et, naturellement, ils auront tendance à juger sains seulement ceux qui pensent comme eux. Mais que feront-ils des éléments malsains ?

Passons de ce désir de rassemblement de tous les anarchistes à un rassemblement plus modeste et voyons la conformité du mode organisationnel avec les principes anarchistes. Commençons notre étude du mode organisationnel proposé par le principe de responsabilité collective. Joyeux voit en ce principe, les structures d'un parti classique, ses congrès où se définissent sa majorité et sa minorité, ses éléments dirigeants qui, entre les congrès interprètent les décisions.

Comment peut-on être responsable d'un acte si l'on n'a pas la faculté de l'empêcher ? Malatesta pose ainsi le problème des rapports entre les individus agissants et l'organisation. Il en arrive à affirmer la nécessaire existence de surveillance d el'action de tous les membres par le comité exécutif. Autre problème de rapport individus/organisation, un individu peut-il accepter la responsabilité des actes d'une collectivité avant d'en connaître la nature, et si, désaccord il y a, comment pourra-t-il l'en empêcher ? Le terme de volonté de l'union s'il veut dire volonté de tous ses membres signifie alors, sur toutes les questions que la totalité des membres devra être consultée, et que tous ses membres tombent d'un accord commun. Penser à un perpétuel accord commun est-il raisonnable ?

Se fondant sur les textes, Malatesta y voit la volonté exprimée par le congrès, nommant et contrôlant le comité exécutif et décidant sur les questions importantes. Le congrès serait le fait de représentants élus à la majorité, des groupes qui eux-mêmes ne décideraient qu'à la majorité. « Nous sommes en plein système majoritaire, en plein parlementarisme ». Cet alignement d'une partie des associés sur l'autre peut se faire ponctuellement, si le concours de tous est nécessaire, mais il doit, « être réciproque, volontaire, dériver de la conscience de la nécessité de chacun de ne pas paralyser la vie sociale par son obstination ». nous retrouvons cette même contradiction entre l'individu et l'organisation dans la partie relative au fédéralisme. Comment concilier l'indépendance et l'initiative à partir d'une organisation unitaire dotée d'un comité exécutif chargée de l'orientation théorique et organisationnelle de l'activité dans l'organisation ? Là est toute la contradiction de la Plate-forme, dans le lien recherché entre la liberté, propre à la pensée anarchiste (le fédéralisme) et l'autorité supposée garante de l'efficacité. Le fait que la proposition plate-formiste suppose un accord global dans les congrès d'orientation est la porte ouverte, en cas de désaccord, à l'inclinaison ou au départ ds personnes minoritaires ou en désaccord. On ne peut trouver meilleur appui à cette déclaration que dans un parcours rapide de l'histoire du mouvement anarchiste français. Tous ceux qui la connaissent un tant soi peu, ont été frappés par la fréquence et la multiplication des scissions en milieu plate-formiste ou proche de cette formulation.

La plus proche fut l'O.R.A. (Organisation Révolutionnaire Anarchiste), nous connaissons ses déboires qui aboutiront à la scission en 1976 et à la création de l'U.T.C.L. (Union des Travailleurs Communistes Libertaires). Quoi de plus intéressant que cette phrase : « Une clarification sur le rôle et la nature de l'organisation entraînerait soit l'éclatement de l'O.R.A., soit la recomposition d'un axe cohérent » (Texte extrait de « Pour une alternative révolutionnaire de l'O.R.A. À l'U.T.C.L. »).
autre déclaration contenue dans cette même brochure, « la question des tendances » :

« Nous continuons à ne pas comprendre l'opposition au droit de tendances tel que nous le concevons... nous nous situons dans celui (le cadre) d'une organisation autogérée, régie selon les principes du fédéralisme libertaire. »

Autre reproche que nous formulions à l'égard de la Plate-forme, c'est la confusion entretenue entre des situations de refus quotidiennes et des attitudes spécifiquement libertaires? Ainsi est-on amené à affirmer des potentialités inexistantes en réalité. Toutefois, il se peut que des situations de refus soient les prémisses à une « anarchisation » des masses, mais en aucun cas ceci n'est absolu;

Avant d'en terminer avec la partie critique, nous souhaiterions revenir sur la conception avant-gardiste des plate-formistes. L'attribution du rôle de pionnier et de guide, non à une partie avancée, par sa conscientisation du phénomène de classe et de lutte des classes, mais à un groupe spécifique politiquement – attribution faîte qui plus est par ce groupe – relève des théories avant-gardistes léninistes. Ce mode a infailliblement constitué un pouvoir naissant qui au nom de sa meilleure intelligence, compréhension du processus révolutionnaire, s'est substitué aux masses par la création d'organes de pouvoir.

Critique de la Synthèse anarchiste

Avant d'aller plus loin, nous tenons à préciser l'historique du débat, et ceci, sur un point. Les deux discours tenus ne sont rien dans une relation d'antériorité ou de postériorité l'un par rapport à l'autre. Ces deux discours ont été tenus simultanément. Il ne faut pas voir dans la Plate-forme, une réponse à la Synthèse en tant que texte. Toutefois, au fil des publications, on a l'impression d'un dialogue, d'une joute écrite.

Une série d'articles du groupe rédacteur de la Plate-forme nous donne quelques éléments de la critique. Certains ont été repris dans une brochure « Les communistes libertaires russes et l'organisation ». En réponse d'une série d'articles de Voline et traitant de la Synthèse, le groupe Dielo Trouda n'admet pas la division en trois tendances, d'autres tendances existent (les anarchistes chrétiens, l'associationnisme...). Le reproche suivant est la non-analyse des divergences entre courants, et surtout entre les trois tendances. « L'analyse théorique ne tarderait pas à démontrer à quel point il est incohérent et absurde de vouloir synthétiser ces courants ». Prenant l'exemple du syndicalisme et du communisme, ils montrent que vouloir en faire la synthèse reviendrait à synthétiser le but et le moyen. Précisons que pour le groupe Diolo trouda « parler de la synthèse du communisme et du syndicalisme » signifie les opposer. Comment opposer le but et le moyen ? Examinant ensuite la relation individualiste/communiste libertaire, ils en arrivent à conclure que « l'analyse des tâches théoriques de la Synthèse » conduit à « un cul de sac ».

Considérant l'aspect pratique de la question, deux choses apparaissent :

ou bien les tendances mentionnées continuent à être des tendances indépendantes, alors comment pourront-elles développer leur activité commune dont la finalité consiste justement à accorder l'activité des anarchistes à une entente précise ?

ou bien alors ces tendances doivent perdre leurs traits spécifiques, en en fusionnant, donner naissance à une nouvelle tendance qui ne sera ni communiste, ni individualiste, ni syndicaliste... mais dans ce cas, quelles seraient ses positions fondamentales et ses caractéristiques ?

Biard voit dans la Synthèse plus une juxtaposition qu'une synthèse. Il dénonce : le fait que dans l'union des groupes, le plan idéologique est escamoté, les faibles prétention d'action, limité selon ses dires à notre chère propagande.

Comme le groupe Dielo Trouda, il regrette que soit escamoté le côté différentiel des tendances : « Le courant fauriste perpétue l'ambiguïté et le mythe de l'organisation anarchiste ». selon ses propres écrits : « sous le couvert de l'unité, celle-ci n'est qu'un champs clos, un lieu d'affrontement sans merci ».
« Dans l'absolue, les problèmes des structures organisationnelles peuvent être réglées en juxtaposant les données de base de ces deux orientations : autonomie dans le fédéralisme d'une part, unité tactique et idéologique d'autre part. Dans la pratique, cette jonction semble plutôt difficile à réaliser ». Cette dernière phrase de Biard a été ajoutée ici, non pour sa valeur critique par rapport à la Plate-forme, mais parce qu'une telle réflexion soutend la critique faite par Biard.

On pourrait également reprocher à la Synthèse de sous-estimer, peut-être par souci d'humanisme (d'origine ou non franc-maçonnique) l'existence de groupes affinitaires avec leurs spécificités tendantielles, primant sur la spécificité d'anarchisme. En d'autres termes, ces groupes, formels ou non, sont avant d'être (quant à leurs objectifs de création de société, de définition des modalités de vie, etc...) anarchistes, communistes libertaires, individualistes, anarcho-syndicalistes, etc... Ainsi, à la finalité et pratiques différentes correspondent des modes d'organisations différents. La différence entre plate-formistes et synthésistes pourrait, pour une partie, se situer là. La Synthèse vise l'anarchisme et l'établissement d'une société libertaire indépendamment du mode organisationnel futur, alors que la Plate-forme est dans une situation déterminée sur ce point. De nos jours, les tendances, de plus en plus, tendent à se regrouper dans des « organisations » spécifiques. L'éclatement et la parcellisation du mouvement libertaire français est significative. Précisons toutefois qu'en rien le fait énoncé ci-dessus est le seul facteur quant à cet état de fait.

En guise de conclusion

Pour conclure, il nous est apparu intéresant de reprendre un extrait de la revue de critique anarchiste « La Lanterne Noire », relatif au mouvement anarchiste français :
« Ce sont donc deux solutions organisationnelles, bâties sur une constatation de défaite, de reflux.
Elles représentent toutes les deux un désir d'exister, un refus de mourir, mais, marquées par la défaite, c'est à dire par l'absence en perspective, en filigramme, d'un mouvement autonome des masses.

Sur les deux idéologies ont déteintes :

Le bolchévisme léniniste (vainqueur en Russie) sur la Plate-forme, avec ses principes :
majorité-minorité ;
responsabilité collective ;
organisation centralisée.

Le libéralisme franc-maçon (vainqueur en Europe occidentale) sur la Synthèse, avec ses principes :
homme abstrait au dessus des classes ;
liberté abstraite ;
interclassisme ;
humanisme.

Quoiqu'il en soit, nous pensons que la Plate-forme et la Synthèse ne sont plus (si elles ne l'ont jamais été) d'actualité. En effet, les idéologies dominantes qui ont déteints sur l'une et l'autre sonten crise et en voie de dépérissement : le libéralisme et le marxisme-léninisme. »

Pourquoi ce texte ?

Cette citation en guise de conclusion, peut surprendre certains esprits, mais cela s'explique. A maints égards, elle nous a paru intéressante. Ellle est résolumment tournée vers le futur mais constitue un lieu commun actuel. En effet, elle contient une revendication chère à de nombreux militants actuels : le désir de dépasser la Plate-forme et la Synthèse, de ne plus se polariser là-dessus, la polarisation pouvant être un germe de dogmatisme et étant, cela est sûr, le constat de lacunes au niveau de l'imagination.

Nous formulerons toutefois, certains reproches à l'égard de cette citation. L'affirmation d'un recul idéologique nous en paraît empreinte. Ce recul mérite mieux qu'une simple évocation. Si, considérant l'idéologie initiale, le recul semble exister, il ne faut pas le généraliser à l'idélologie dans sa forme actuelle. L'idéologie léniniste a, par exemple, acquis une ampleur nouvelle, de par sa forme dégénérée (dégénérescence à vrai dire logique), de par se supports d'idéologie militaire, diplomatique, politique, économique, etc... Il en va de même du libéralisme franc-maçonnique qui, de récentes études le montrent, contrôle l'économie, la politique, les mouvements révolutionnaires, etc... et ceci à l'échelle mondiale. Le recul auprès des masses, de ces idéologies ne doit pas nous leurrer. Encore est-il qu'il s'agit des masses européennes et occidentales. Le problème se pose différemment en Afrique ou en Asie, où le léninisme a, de part et d'autre des biais nationalistes, une certaine puissance. Nous pensons que l'erreur majeure du texte ci-dessus est d'accorder à ces idéologies une part trop importante. En effet, on peut s'étonner de l'appréciation de l'inactualité se fasse à partir du critère : recul de deux idéologies inspiratrices.

Pour notre part, nous verrons d'autres raisons : le bouleversement interne du mouvement libertaire en liaison avec des changements sociaux (recul de l'individualisme social face à la propagation de l'idéologie « de groupe » ; apparition d'un individualisme social en réaction à l'idéologie « de groupe » ; recul de l'anarcho-syndicalisme en liaison avec le changement structurel et idéologique de l'appareil syndical ; consolidation du projet communiste-anarchiste à la suite des nouvelles structures économiques et sa perception structurée et rassurante pour les libertaires de fraîche date (ceci n'est nullement péjoratif)...

L'étude qui vient d'être faite sur ces deux formes d'organisation ne se veut qu'un commencement. Il ne faut surtout pas rester, comme depuis pas mal de temps dans la situation de polarisation qui n' a que trop duré.

De suite trouvons autre chose, la Plate-forme de par sa rigidité, son autoritarisme ne peut convenir, de par son sectarisme, elle ne peut conduire qu'à une atomisation du mouvement libertaire. La Synthèse dans sa forme initiale ne répond plus aux luttes actuelles de par sa difficile cohérence, et de par des modifications internes et externes du mouvement libertaire (cf. ci-dessus). Cette réflexion, nous devons de suite la mener sur le champs théorique et pratique. L'idée d'une organisation libertaire forte numériquement (ce qui ne peut être dans un groupement affinitaire spécifique) et forte théoriquement (par une homogénéité nécessaire) doit être notre fil conducteur. Tout le problème sera la concordance de ces deux nécessités. Nous n'avons pas de remède miracle et même si nous l'avions, nous ne le donnerions pas. L'imposition par un ou des individus d'un mode organisationnel ne nous apparaît pas comme étant une solution valable. La cohérence ne pourra être que le fruit de tous, ou elle ne sera pas.
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Re: Rupture (UCL) - Réflexion sur la Plate-forme

Messagede arvn d » 25 Aoû 2009, 10:27

Très bonne conclusion du texte au-dessus!
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Re: Rupture (UCL) - Réflexion sur la Plate-forme

Messagede vroum » 25 Aoû 2009, 10:32

et rebelotte ! :

Un processus historique déterminant

Par les groupes d'Angers de la Fédération anarchiste

in Volonté anarchiste # 12 « L'organisation » publié par le groupe Fresne-Antony de la F.A. en 1980


Il serait vain et inutile de vouloir envisager cette polémique opposant plate-formistes et synthésistes indépendamment du processus historique qui le détermine.
Ce débat a pris corps dans les années 1925-1930. son champ de répercussion est essentiellement dans le mouvement anarchiste français. Déjà avant la première guerre mondiale, les anarchistes étaient, en France comme dans d'autres pays, en proie à des problèmes organisationnels. Sans refaire l'historique, dans son intégralité, de la question de l'organisation en milieu anarchiste, il nous paraît utile de revenir sur quelques étapes précédant le débat qui aujourd'hui nous préoccupe.

Avant 1895-1914, période de l'entrée et de « l'organisation » des anarchistes dans les syndicats, les libertaires se montraient hostiles à la permanence organisationnelle, croyant plus à une définition organisationnelle ponctuelle. Pratiquement, cela se traduit par l'existence de groupes locaux sans liens entre eux.

Ce sera ensuite l'entrée dans les syndicats et pour certains l'existence d'une structure unificatrice (le syndicat). A cette structure sur le plan syndical, rien ne répondait sur le plan politique, et ceci jusqu'à la création de la F.C.R.A. (Fédération Communiste Révolutionnaire Anarchiste), en 1913. ce congrès affirmait l'indépendance individuelle et l'autonomie des groupes au sein de l'organisation.

Cet embryon organisationnel n'aura d'avenir immédiat que très bref. Bientôt ce sera la guerre, et pour le mouvement anarchiste, un cortège de déceptions. Tout d'abord, face à la course à la guerre et au déclenchement de celle-ci, les anarchistes vont se montrer dans l'incapacité de promouvoir un mouvement antimilitariste d'opposition masive à la guerre. Pis encore, certains, signataires du Manifeste des seize (Kropotkine, P. Reclus, Malato, Grave, Pierrot...) se rallièrent aux partisans de la guerre, nonobstant un combat pour la liberté universelle et pour la révolution. De même, faute (entre autre) de structures organisationnelles, les anarchistes ne purent profiter de la situation de contestation des militaires apparue en 1917, et se montrèrent que partiellement capables de créer et d'animer un mouvement authentiquement antimilitariste.

L'après-guerre vit reposer la question organisationnelle, et dès 1920 était crée un groupement national : l'U.A. (Union Anarchiste). Le problème demeurait inchangé quant aux résistances individuelles, émanation de la peur de la mutilation du Moi.

L'échec du mouvement national de grèves de l'année 1920 secoua le mouvement anarchiste en reposant le problème de l'efficacité de l'organisation.
Simultanément et touchant de près les anarchistes, l'échec de la révolution russe et l'écrasement des anarchistes par les bolcheviques à Kronstadt, en Ukraine, à Moscou en avril 1918 et l'arrivée d'exilés posèrent à nouveau le problème de l'organisation, mais cette fois d'une autre façon compte tenu du succès d'un type d'organisation au service de révolutionnaires passagers : l'organisation bolchevique.

Des processus historiques différents (1)

Il est intéressant de noter que les deux textes organisationnels que sont la Plate-forme et la Synthèse émanaient de personnes historiquement différentes.
La Plate-forme

On a longtemps et à tort, présenté ce texte comme un ouvrage personnel, celui de Piotr Archinov. Le fait que ce dernier soit aller mourir en U.R.S.S. N'est peut-être pas pour des visées discréditoires, étranger à cette présentation. Toujours est-il que cette réflexion est celle d'un groupe auquel participaient Makhno, Ida Mett..., ayant pour revue Dielo Trouda.

Ces personnes sont des anarchistes russes en exil en France. Cette précision n'est nullement motivée par un racisme latent, mais par un souci de précision du contexte historique.

On a souvent limité historiquement ces plate-formistes à la pseudo-réalité des anarchistes aveuglés par le succès des bolcheviques. Cette théorie des illuminés perd de vue une grande partie de l'origine du problème. Est ici envisagé la Plate-forme d'un point de vue historique et non idéologique. Historiquement, le groupe Dielo Trouda se trouve à une convergence historique de deux tendances :

le mouvement anarchiste français cherchant à s'organiser ;

le mouvement anarchiste russe (en partie) ayant connu maints échecs et la victoire d'une organisation révolutionnaire.

C'est avant tout l'analyse d'un vécu que ce groupe apporta au mouvement anarchiste, que celle-ci fut léninisante peu importe à ce stade de notre analyse. Il ne faut pas en effet se méprendre sur les destinataires. Ce n'est pas une plate-forme interne (ici au groupe), mais bien une proposition organisationnelle externe (destinée au mouvement anarchiste français, entre autre) (2). Est-ce un hasard si la Plate-forme marginalise les individualistes, jusque-là obstacles à toute structuration des anarchistes, de façon permanente ?

Est-ce encore le hasard que cette proposition soit le fait de personnes encore externes, peu de temps avant, au processus historique du mouvement anarchiste français ? Nous percevons cette Plate-forme comme anti-historique, dans le sens où elle va à l'encontre de la tradition (3). aux soucis individualistes sans cesse manifeste dans l'histoire du mouvement anarchiste français, elle répond par une organisation de type unitaire avec pour corollaire la marginalisation des individualistes. La rupture historique est nette ; et ne pourrait-on pas aller jusqu'à y voir la projection d'un autre processus historique : celui du mouvement anarchiste russe (4). si cela s'avérait être la réalité, de nombreuses conclusions s'en verraient ou détruites ou modifiées. Ainsi il n'y aurait plus d'opposition entre tradition et genèse d'une autre conception, mais l'opposition serait de l'ordre d'un conflit de tradition.

Le problème de l'existence d'une tendance historique individualiste est différemment résolu. Plutôt que la marginalisation par souci unitaire, elle choisit la solution de la cohabitation des tendances : anarcho-syndicaliste, communiste libertaire, individualiste. A la rupture avec la tradition, elle opte pour la continuation du processus historique. Du fait de sa connaissance : du mouvement anarchiste français, de l'importance du phénomène individualiste, des anarchistes français eux-mêmes, la Synthèse a opté pour la cohabitation des trois tendances, seul moyen d'avoir à l'époque un mouvement anarchiste français numériquement important. Si l'on ajoute à cela une constante historico-humaine qui est la possibilité d'existence chez une même personne, à des degrés différents, de ces trois courants, le problème n'a rien de simple. Admettre cette coexistence au sein d'un même être implique l'existence de la Synthèse ; l'admettre et refuser la Synthèse pour un projet unitaire excluant une des tendances reviendrait à se nier. En d'autres termes, nous pourrions ainsi résumer ce schéma de pensée : s'inscrire dans la réalité de l'époque signifiait la reconnaissance de certaines tendances au sein du mouvement (et même de l'individu), ce qui impliquait pour diverses raisons un mode organisationnel synthésiste.

(1)Cet historique ne vaut que pour le mouvement anarchiste français. Pour envisager la Plate-forme dans sa totalité, il nous faudrait voir le mouvement anarchiste italien, russe...
(2)Ce texte était selon les écrits de la Plate-forme, destiné à « toutes les organisations anarchistes russes » en exil dans divers pays. On peut toutefois s'interroger comme le fait Malatesta (« Réponse à la Plate-forme ») sur l'opportunité d'écrire en français un texte destiné à des russes.
(3)Il s'agit là de la tradition historique du mouvement anarchiste français.
(4)V. de P. Avrich, « Les anarchistes russes », Maspéro.
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Re: Rupture (UCL) - Réflexion sur la Plate-forme

Messagede arvn d » 25 Aoû 2009, 10:34

Ce serait intéressant d'avoir des élément sur l'especifismo sud-américain également, j'ai pas tout compris encore, si quelqu'un peut nous apporter des éléments...
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Re: Rupture (UCL) - Réflexion sur la Plate-forme

Messagede chaperon rouge » 26 Aoû 2009, 00:44

arvn d a écrit:
Il va de soi que ce qui nous distingue du reste du mouvement anarchiste, c'est que nous condidérons que nous devons aller de l'avant, dans une démarche révolutionnaire. Il ne suffit pas de l'appeler de nos vœux. Il faut aussi nous impliquer solidement dans les luttes de notre classe, afin que cette vision devienne réalité. Ceci, aucune autre tendance ne le fait de façon concertée avec un objectif clair: la révolution sociale.


Ce qui apparaît le plus clair aujourd'hui, c'est que la cassure entre synthésistes et plateformistes s'est élargie. Aujourd'hui, si on excepte des organisations comme la FA, les tendances synthésistes regroupent tout ce que nous, plateformistes, ne considérons même pas comme faisant partie du mouvement libertaire. Le plateformisme d'aujourd'hui regroupe d'abord (mais pas uniquement sur ces bases) des gens en réaction à la tendance qu'a l'anarchisme à attirer tout ce qui n'est pas autoritaire.


L'UCL a donc le pouvoir de distinguer le bon grain de l'ivrée en divisant encore plus le mouvement et à donner le label "libertaire".
Avec un petit laius pour ne pas se fâcher avec la FA. J'aimerais savoir si l'UCL met dans les tendances synthésistes qui ne sont pas libertaires les autres organisations membres de l'IFA....


Non arvn d, ce que voulais dire l'auteure c'est ce que distingue les militant-e-s de l'UCL d'une très large partie du mouvement anarchiste actuelle au Québec, c'est la nécessité d'une organisation (pour les buts d'une telle organisation voir les buts et principes).

Sur la deuxième citation, les tendances considérées comme en dehors du mouvement libertaire, que les synthésistes québécois-e-s ont tendance à inclurent, c'est un pot pourri de insurrectionnistes anti-organisationnels, post-gauchistes, primitivistes, anti-sociaux-ales... au travers desquels certains individus qui n'ont pour seul militantisme, la critique des autres militant-e-s libertaires. C'est un minimum de cohérence pour une organisation que d'avoir certaines lignes de définies que les gens qui ne militent pas pourront comprendre afin de comprendre un minimum ses buts et moyens. C'est dans ce sens que des exceptions comme pour la FA est posée, puisque celle-ci se rapproche tout de même d'un anarchisme social. À souligner qu'exceptions est pluriel et donc pas exclusif à la FA.


Pour ce qui est de débat plateformisme/synthésisme j'ose croire que ça a déjà été fait (voir de multiples fois), je ne reviendrai donc pas là-dessus [sur l'espeficismo consulte anarkhismo ou nefac.net]. Personnellement, je crois que la plateforme peut être une inspiration (non un modèle) pour une organisation jusqu'à ce qu'elle étoffe sa propre façon de s'organiser dans son contexte et son époque particulier/ère. C'est bien défini que la plateforme est présentement une inspiration pour l'UCL et non un modèle.
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Re: Rupture (UCL) - Réflexion sur la Plate-forme

Messagede fu hsang » 26 Aoû 2009, 04:58

ok
heureusement que vous etes la pour decider de qui est quoi ^^franchement a une autre epoque ça s appellait l inquisition ou la chasse aux sorcieres

vous les soumettez a la question ??
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Re: Rupture (UCL) - Réflexion sur la Plate-forme

Messagede conan » 26 Aoû 2009, 12:21

Non, à l'entretien préalable ! :D
Cela dit, dans la conception plateformiste, ça se comprend...
Pour ma part, je suis aussi plateformiste que l'eau tolère l'huile, mais tant que les plateformistes ne m'imposent pas à terme leur société idéale, je suis content qu'ils existent. Je préfère que des individus anarchistes soient organisés, plutôt que seuls dans leur coin. A chacun de faire son expérience.
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Re: Rupture (UCL) - Réflexion sur la Plate-forme

Messagede Phébus » 26 Aoû 2009, 13:52

L'UCL ci, l'UCL ça, faudrait faire attention. Ce texte n'est pas une position de l'UCL (*). C'est un texte de réflexion soumis par des membres dans le contexte de notre congrès de novembre dernier.

(*) La position officielle de l'UCL pour l'instant c'est tout simplement que «l'UCL s'appuie sur les apports historiques du plateformisme».
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Re: Rupture (UCL) - Réflexion sur la Plate-forme

Messagede Bibo » 26 Aoû 2009, 16:58

N'empêche, que ça me gêne toujours, ces histoire d' homogénéité idéologique. En gros, c'est un peu "je ne veut voir qu'une seule tête" ! Exclure une partie des anarchistes en les considérant comme ayant des intérêts "antagonistes" aux autres anarchistes, je trouve ça assez craignos. Et puis franchement, si la pureté idéologique marchait si bien que ça, il faudrait que les plateformistes expliquent sur quelles basent, sur quels critères, ils jugent cette efficacité.
Pour moi, c'est accentuer des divisions, au lieu de rassembler des forces sur les questions essentielles.
Pour ma part, dans mon militantisme, c'est-à-dire dans ma vie militante personnelle, j'ai toujours apprécié de pouvoir être en contact avec des gens qui sont de tendances anarchistes différentes, ou, sans se revendiquer clairement d'une tendance ou d'une autre, se donnent la liberté de "picorer" là où ils le jugent pertinent. L'inverse m'étonne, en fait. Je trouve que c'est encore plus se diviser, que c'est encore plus cloisonner les choses.
Ce message ne se veut pas polémique, mais honnêtement, au-delà des grands débats historiques rappelés ci-dessus, j'ai du mal à comprendre ce délire, surtout à l'époque actuelle (même si je conçoit l'apparition du plateformisme à une certaine époque).
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Re: Rupture (UCL) - Réflexion sur la Plate-forme

Messagede chaperon rouge » 26 Aoû 2009, 18:51

Rien à voir avec une "pureté idéologique" c'est carrément absurde. Côtoyer des gens d'autres tendances anars sociaux et d'autres tendances sociales du "militantisme anticapitaliste" (j'utilise ce terme puisque gauche sociale est tabou sur le forum), les militant-e-s le font abondamment dans les luttes quotidiennes ne t'en fait pas!! :wink:
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