Je résume le texte en quelques mots.
Je pense que le NPA n'est pas à la hauteur car il n'est pas :
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totalement communiste : abolition de toute propriété privée des moyens de production, du profit, de la rente, de l'héritage, de l'argent, du processus de valorisation, de marchandisation, société fondée sur l'égalité sociale et la solidarité.
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véritablement anarchiste-libertaire : démocratie directe, autogestion, fédéralisme, etc. pour le projet de société et le fonctionnement de l'orga ; syndicaliste révolutionnaire ou syndicaliste anarchiste, contre société autonome, luttes sociales et auto-organisation pour la stratégie militante.
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clairement décroissant : difficulté à impliquer l'ensemble de l'organisation sur la thématique, pas d'homogénéité dans le projet après 6 ans d'existence et un long passif, perception caricaturale de la décroissance, ne prenant en compte que les Latouche, Ariès, PPLD, s'intéressant peu aux propositions du MOC, et ne prenant pas en compte Tertrais et la FA ; certains estiment qu'il suffit de se débarrasser du capitalisme, voir que la rupture avec le productivisme ira de soi dans la rupture avec le capitalisme, d'autres pensent satisfaction des besoins en minorant certainement la nécessité d'auto-limitation.
Que sa posture est de ce fait mauvaise.
Soit c'est un parti qui ne vise pas l'émancipation la plus aboutie, soit la seule raison valable pour que ce qu'il présente comme projet social soit aussi timoré est qu'il s'agit d'une stratégie. Or cette stratégie ne décolonise pas grand chose à l'imaginaire dominant, et ne prépare pas les clés élémentaires d'une rupture révolutionnaire (c'est à dire une transformation sociale radicale) avec la société capitaliste.
Le NPA développe aussi assez souvent une critique morale, ciblée sur des personnes, plutôt qu'une critique systémique, basée sur les mécanismes et les phénomènes inhérents au capitalisme. Il dénonce la classe capitaliste, mais aborde bien trop peu la critique de l'idéologie (hégémonie culturelle, réification, spectacle, unidimensionalité, hétéronomie, etc.) et la nécessité d'auto-émancipation de l'autre classe.
Enfin, d'un point de vue électoral, il ne se sert pas, ou pas suffisamment, ou pas assez intensément, des élections comme tribune pour dénoncer la mascadare électorale, dire que le vote ne sert à rien et que le changement viendra de la rue, des luttes, de l'auto-émancipation, et pour parler de rupture avec le capitalisme tel que définit notamment par les 3 points pré-cités. Pour faire cela, d'ailleurs, une participation au système électoral n'est pas nécessaire, et il est possible de faire des campagnes de terrain plus larges et plus efficace. Au contraire, il accepte les postes d'élus et se fait marchand d'illusions lorsqu’il revendique des élus anticapitalistes exemplaires.
Ian a écrit:Le plus délirant est tout le développement sur les 4 classes, une sorte de maoïsme (très) déformé, qui n'a rien à voir ni de près ou de loin avec les positions politiques du NPA.
Rien à voir avec les positions politiques du NPA? Le problème est que le NPA ne s'explique pas énormément sur ses positions politiques, stratégiques, théoriques. Il laisse de grandes zones de flou. La société à venir, c'est "ce qu'en feront les masses" (c'est une évidence, mais chaque courant politique peut émettre une analyse, des propositions, des critiques - sur ce point, le NPA est peu regardant), le modèle social qui en découle, peu importe sa forme, il l'appelera communisme dans l'entre soi si certains s'attachent au terme, ou il lui donnera le nom que les masses trouveront... quand bien même cette société, qui aurait exproprié les grands patrons maintiendrait toutes les catégories et les formes sociales aliénées héritées du capitalisme.
Concernant la théorie des 4 classes : on trouve une réflexion analogue sur :
http://wikirouge.net/Petite-bourgeoisieSi le NPA ne compte pas tenter de créer une alliance de classe entre prolétariat et petite bourgeoisie, alors :
Comment expliquer que le NPA (de la majo à la TC) ne compte pas socialiser l'ensemble des moyens de production, mais seulement les grands ?
Comment expliquer l'échelle mobile des salaires plutôt que l'égalité des revenus ?
Quel sens a le fait de défendre la petite propriété, si ce n'est essayer de s'attirer la sympathie d'une frange de la population qui se tournerait plus naturellement vers le fascisme que le communisme ?
Pourquoi de nombreux militants du NPA choisissent la CGT, si ce n'est pour se rapprocher de travailleurs moins radicaux et de les convaincre ? Pourquoi essaie-t-il de développer une opposition de gauche sociale et électorale au gouvernement avec le FDG, et reprend-il un certain nombre de ses analyses, si ce n'est pour aussi essayer de gagner des masses à sa cause ? Gagne-t-il du monde à sa cause s'il change de discours pour les gagner ?
Le "programme d'urgence" ? Par quoi est-il animé ? A qui est-il destiné ? S'il n'était destiné qu'a la classe ouvrière, et non aux classes petites bourgeoises, pourquoi le maintien du droit de propriété et de hiérarchies ?
Ian a écrit:En plus de ça, l'auteur semble avoir une connaissance très rudimentaire de Marx, du marxisme révolutionnaire etc, qui l'amène à des contre-sens et des contre-vérités...
Ah oui, lesquelles ? C'est sur que je n'ai pas un bac +10 en marxologie, mais la majeure partie des militants NPA non plus d'ailleurs.
J'ai quand même une connaissance plus avancée de Marx, cependant, ce n'était pas nécessairement l'objet du texte.
Je simplifie volontairement les choses, car sinon, si on traite de courant à courant, d'individu à individu, il y a certainement autant de NPA que de militants, et ça devient une réflexion incompréhensible avec des centaines de pages.
Le texte parle surtout de marxisme politique, qui se distingue de l'anarchisme par la représentation politique du prolétariat, la conquête de l'appareil d'Etat, les revendications immédiates et le programme d'urgence, et évoque le marxisme théorique, critique de l'idéologie et de la valeur, qui fait peu débat et apparait peu au NPA.
Ian a écrit:Pour le reste, oui Pierô, traiter des militants révolutionnaire de soc-dem ou de centristes, c'est de l'insulte. Et ce n'est pas non plus à partir de ce genre de caricatures que l'on peut discuter sérieusement.
Jamais ce texte ne qualifie le NPA de centriste ou social démocrate. Au contraire, il aborde la question de proximité avec la sociale démocratie tout en parlant de stratégie dont chacun jugera si elle est révolutionnaire ou pas ?
Niveau économie, le NPA est qualifié soit de socialiste (par opposition à communiste) ou de confus entre une analyse économique communiste-marxiste et sociale-keynésienne, et ça, on le retrouve dans les discours officiels du NPA, c'est indéniable.
Au niveau politique, on ne peut pas dire non plus que le NPA penche en faveur de l'anarchisme, de la fin de l'Etat. L'orientation gouvernementale anti-austéritaire avec le Front de Gauche semble se poursuivre dans la majorité, et les courants bolchévik-leninistes existent encore. Dans les débats avancés avec des têtes de tendances, après de grandes apologies de l'auto-organisation et de l'autogestion, s'affirme toujours en définitive un "oui mais un Etat de transition sera nécessaire".
Besancenot se qualifie de libertaire et aspire à se rapprocher de ceux-ci, et pourtant, il défend l'orientation gouvernement anti-austérité de la pf1, dont il est signataire (et de la pfx au dernier congrès). Comme lorsqu'il se dit communiste et affirme défendre la petite propriété, et libertaire tout en disant, "mais il faudra quand même un Etat", "oui mais le plus démocratique possible", "oui, mais un Etat quand même". Allez comprendre...
Ian a écrit:Bref, pas vraiment une base à partir de laquelle on peut débattre. C'est dommage parce qu'il y avait un vrai effort de mettre de développer une critique politique par écrit.
Enfin, le NPA n'a fait que formuler des programmes, jamais de projet de société, si ce n'est éventuellement à travers l'écosocialisme, perspective aussi diversifiée que le nombre d'auteurs et de courants qui s'en revendiquent, qui est loin ET du communisme, et de l'anarchisme, et qui peine a se positionner sur la décroissance.
C'est d'ailleurs un fait avéré que certains courants du NPA s'égosillent à demander à ce que le NPA relativise ses programmes d'urgence et aborde cette question du projet de société. La réponse de la majo est "on ne sait pas ?" et use de cet argument pour apparaitre "ouvert" face aux "sectaires"... il s'agit plutôt d'une position nébuleuse face à des courants qui défendent des convictions.
Pourquoi le NPA ne formule pas "un nouveau projet de société anticapitaliste", une sorte de manifeste, avec des précisions même minimes sur ce qu'il attend, comme l'ont fait AL, ou comme l'écrivent clairement la FA ou les CNT. Si c'était le cas, il serait peut être possible d'aller plus loin...
Poses donc la question aux différents militants du NPA :
Le NPA souhaite-t-il abolir l'Etat et le principe de gouvernement d'une minorité sur une autre, les hiérarchies du commandement, des compétences et des revenus, le salariat, le processus de valorisation, la logique marchande, l'argent et les monnaies circulantes, et l'ensemble des formes sociales qui constituent l'économie capitaliste ?
Souhaite-il la propriété collective complète, la multi activité, une rupture avec le principe d'équivalence du travail abstrait et des rapports d'échanges qui en découlent, ainsi qu'une séparation de l'économie ?
Souhaite-t-il le fédéralisme ?
Est-il en mesure de défendre une satisfaction des besoins qui prend en compte leur nécessaire autolimitation ?
Ses militants sont-ils majoritairement antiproductivistes ? Sont-ils décroissants ?
Si la réponse est affirmative :
Pourquoi n'existe-t-il pas de tendance clairement positionnée sur l'ensemble de ces points ?
Pourquoi parle-t-il d'autre chose dans son programme ? Qu'a t-il à perdre, à 1% ou 3%, à être audacieux en termes de rupture sociale ? L'argument de la stratégie est certes tenable, mais le NPA se coupe alors en partie de militants et d'organisations plus exigeantes en termes d'émancipation sociale.
Où alors, son programme reflète son projet de société, et là, oui, il y a un problème en matière d'exigence émancipatrice.
Ce qui n’empêche absolument pas une pratique de terrain commune et des convergences de mots d'ordre ponctuels, mais ça semble s'arrêter là...
Donc, comme question, Ian, tu te positionnes comment dans tout ça ?
F. ECR