À PROPOS DES DISCUSSIONS ACTUELLES SUR LA QUESTION DES MIGRANT.E.S
La question des migrantEs a ressurgi dans les débats durant l’été, à la faveur, notamment, de deux événements : le refoulement de l’Aquarius et la constitution, en Allemagne, du mouvement « Aufstehen » (« Debout »), avec comme figure de proue Sahra Wagenknecht.
La position que nous essayons de tenir repose sur deux principes fermes : l’accueil inconditionnel et la liberté de circulation et d’installation. Nous formulons dès lors une double critique : contre la politique de Macron (loi « asile-immigration », refus de l’accueil, pleine insertion dans des politiques européennes de plus en plus répressives) ; contre les positions de JLM et de la majorité de la FI, qui font écho à celles de S. Wagenknecht (pour l’accueil « humanitaire », mais contre la liberté de circulation et d’installation).
Contre Macron-Collomb et l’Europe-forteresse
C’est la partie la plus « facile » de notre positionnement, et nous ne la développerons pas longuement ici, ce qui ne signifie pas pour autant qu’il faille la faire passer au second plan au nom de la (nécessaire) polémique avec JLM et la FI. La chasse aux migrantEs se poursuit (expulsions, démantèlement de Grande Synthe, criminalisation de la solidarité), Macron fait semblant de donner des leçons à Orban et Salvini tout en refusant d’accueillir l’Aquarius et en s’alignant, au niveau européen, sur les positions de la droite extrême et de l’extrême droite, et la politique étrangère de la France (militaire et économique), contribue à jeter des centaines de milliers de personnes sur les voies de l’exil. Nous ne lâchons donc rien sur ce plan, en continuant à dénoncer impitoyablement les politiques criminelles de la France et l’hypocrisie cynique de Macron, à soutenir les initiatives de solidarité avec les migrantEs partout où elles existent, et à porter dans le débat public, nos revendications.
Contre JLM et le discours « raisonnable »
Depuis la fin du mois d’août, nous sommes plus particulièrement pris dans une polémique avec la majorité de la FI et JLM, entre autres et notamment par l’intermédiaire des interventions médiatiques d’Olivier. Pour résumer : OB et le NPA ont pris publiquement des positions critiques contre les propos (répétés) de JLM sur la question des migrantEs, ce qui semble intéresser une partie du champ médiatique (pas que pour des bonnes raisons, mais c’est un autre problème).
Le désaccord de fond porte sur la question de la liberté de circulation et d’installation. JLM (et d’autres « figures » de la FI, de Corbières à Girard en passant par Ruffin et Kuzmanovic, le plus trash d’entre touTEs, qui vient d’être en partie désavoué par un JLM qui a probablement senti le vent du boulet mais qui n’en demeure pas moins, sur l’essentiel, d’abord avec lui) répètent qu’il n’est pas « raisonnable » de prétendre que l’on pourrait « accueillir tout le monde », mais qu’il faut toutefois proposer un accueil « digne » à celles et ceux qui arrivent sur le sol français (sans garantie, toutefois, qu’ils et elles puissent y demeurer). Les principaux arguments avancés sont de nature économique, avec un implicite (la France n’a « pas les moyens ») et un explicite (le patronat utiliserait l’immigration pour « faire pression » sur les salaires).
Des arguments « économiques » ?
Il est important d’être en capacité de répondre à ces arguments, sans toutefois se laisser enfermer dans une discussion strictement « économique ». Roger Martelli a publié un bon texte (
http://www.regards.fr/politique/article ... kuzmanovic), qui explique notamment que ce ne sont pas les migrantEs présents dans les pays européens qui sont un moyen de pression sur les salaires, mais les centaines de millions de travailleurEs des pays où les droits sociaux et les salaires sont faibles, et que ce ne sont pas tant « les migrantEs » qui sont utilisés par le patronat pour baisser le prix du travail, mais les clandestins. On peut ajouter à cela qu’il n’y a aucun lien mécanique démontré entre arrivée de travailleurEs immigréEs et baisse des salaires (voir par exemple cet article de la Tribune :
https://www.latribune.fr/opinions/tribu ... 43639.html), et que JLM et la FI font en réalité une confusion entre, d’une part, un effet d’aubaine et l’opportunisme de certains secteurs du patronat et, d’autre part, une politique qui serait organisée par la classe capitaliste pour « faire venir » des migrantEs afin de faire pression sur les salariéEs « déjà présents ».
Une question politique, pas morale
Mais au-delà, car la discussion strictement économique ne répond pas aux enjeux de fonds, le vrai problème est que JLM laisse entendre que les logiques économiques seraient déconnectées des choix politiques. Pour notre part, plutôt que de dire que la France n’a pas, « raisonnablement », les moyens d’accueillir, nous affirmons que les moyens et les richesses sont là, et que tout est une question de choix politiques et de répartition des richesses : en réduisant le temps de travail, en redistribuant les richesses, en réquisitionnant les logements vides… il y a largement les moyens d’accueillir ! La question est fondamentalement une question de classe, et donc de construction d’un rapport de forces contre la classe capitaliste et son personnel politique. Il n’y a pas de fatalité économique qui « justifierait » un glissement vers les positions de l’extrême droite, et la revendication de la liberté de circulation et d’installation n’a rien de « moral » (la « bonne conscience de gauche », selon Wagenknecht et certains à la FI) : c’est une revendication qui s’articule, avec bien d’autres, dans tout programme politique qui pose la question du nécessaire affrontement avec la classe capitaliste pour mener une politique qui réponde aux besoins de la majorité. Tout recul sur cette revendication témoigne en réalité d’un renoncement à l’idée même d’une réelle répartition des richesses.
Internationalisme concret
Il est essentiel d’avoir à l’esprit l’ensemble de ces éléments afin de ne pas se lasser enfermer dans la position de « ceux qui ont en moralement raison mais concrètement tort ». Et c’est dans cette même logique qu’il ne faut pas se laisser piéger par le contre-feu « internationaliste » de JLM et de la FI sur le thème : « Ce qu’il faut, c’est mener une politique qui permette aux gens de rester chez eux », avec comme axes principaux la fin des traités de libre-échange et du soutien de la France aux dictatures. Cela peut paraître séduisant, mais cela pose deux gros problèmes.
Un problème politique de fond tout d’abord : la posture selon laquelle il faudrait « créer les conditions pour que les gens restent chez eux » n’est pas dénuée d’ambiguïté, entretenant l’idée que l’objectif est de « tarir les flux migratoires ». Nous préférons affirmer que nous tendons vers l’objectif de créer les conditions pour que les migrations soient libres, et non contraintes. Et nous n’oublions pas qu’une grande majorité de réfugiéEs sont et seront des réfugiéEs climatiques, et qu’il est vain de prétendre qu’il serait possible, en abrogeant les traités de libre-échange, de jeter les bases d’un ralentissement global des flux migratoires, tant le processus de réchauffement est avancé, et quand bien même on se battrait pour lutter contre le dérèglement climatique.
Un problème de cohérence ensuite : difficile en effet de trouver la logique entre la volonté affichée de « laisser les pays du sud se développer » et l’absence des revendications de l’abolition des dettes, de l’expropriation des multinationales françaises qui pillent les pays africains, du démantèlement des installations militaires qui assurent à la France un rôle de « gendarme de l’Afrique », sans même parler des discours enthousiastes sur « la France, présente sur tous les continents » ou sur « la France, deuxième territoire maritime du monde », situation qui est un héritage sans cesse actualisé du colonialisme français, contre lequel il ne faut pas tergiverser.
Donc…
Ne rien lâcher sur le fond et les revendications. Accueillir les migrantEs, touTEs les migrantEs, sans établir de hiérarchie entre « réfugiéEs politiques » et « migrantEs économiques ». Régulariser les sans-papiers, touTes les sans-papiers, sans opérer de tri entre « ceux qui travaillent » et « ceux qui ne travaillent pas ». Refuser de céder le moindre pouce de terrain aux théoriciens réactionnaires de « l’appel d’air » ou de la « concurrence déloyale ». Défendre une liberté de circulation et d’installation inconditionnelles, en rappelant qu’il ne s’agit de rien d’autre que d’une affaire de choix politiques et de lutte pour une réelle répartition des richesses.
Concrètement : chercher à faire une tribune collective de personnalités dans la presse : contre la politique anti-migrants de Macron, pour la liberté de circulation ; des articles, argumentaires, dossiers, interviews… sur cette question dans notre presse (avec un dossier dans le prochain hebdo et dans la prochaine revue) ; interventions sur le stand NPA à la Fête de l’Huma : prise de parole de migrantEs samedi en début d’après-midi, puis lors de l’intervention d’OB (avec Philippe) samedi à 16h (autour des questions internationalistes et du débat avec la FI).
Voir également les articles de Julien et Cathy sur notre site :
https://npa2009.org/actualite/politique ... -migranteshttps://npa2009.org/actualite/politique ... ionalistes