Clémentine Autain : “Que le CDI à temps plein redevienne la norme du contrat de travail” 02 mars 2012Deux blogueurs de 2012 est à vous ! ont rencontré Clémentine Autain, porte-parole du candidat du Front de Gauche Jean-Luc Mélenchon. Comment le Front de Gauche conçoit-il l’engagement des jeunes ? Que reste-t-il à faire pour changer la place des femmes dans la société ? Comment allier protectionnisme et fermeture des frontières ? Toutes les réponses dans cette interview du blog !
Une petite question sur le ton de l’humour pour commencer… Pour vous, Mélenchon ça rime avec ?Mélenchon, ça rime avec… La gauche pour de bon !
Le Front de gauche propose de rendre l’école obligatoire jusqu’à 18 ans au lieu des 16 en vigueur actuellement, cette mesure n’empirerait-elle pas la situation des jeunes en situation d’échec dans le système scolaire ?Cette mesure nous semble nécessaire pour consolider la formation, dans le but plus large de favoriser l’émancipation des citoyens et citoyennes. Elle permet également d’ouvrir davantage de possibilités au niveau de l’emploi, en renforçant le niveau d’éducation. Une refonte du système scolaire est nécessaire. Il faut le repenser en partant du point de vue de ceux qui s’emmerdent à l’école. Nous avons trop tendance à vouloir généraliser les méthodes pédagogiques qui marchent sur un certain type d’élèves, les plus dotés d’un point de vue social et culturel.
Une pluralité de méthodes pédagogiques est nécessaire, de façon à ce que personne ne soit laissé pour compte. Ceux qui réussissent le mieux à l’école sont ceux qui ont des parents dont le bagage éducatif est le plus conséquent. Au cours du 20ème siècle, de nombreux progrès ont été réalisés pour que tout le monde puisse avoir accès à l’école, mais aujourd’hui, nous devons réussir l’étape de la massification scolaire. Ce qui est certain, c’est qu’on ne fera pas une meilleure école avec moins de personnel et de moyens. Mais il faut également développer de nouvelles méthodes comme la valorisation du travail collectif, y compris dans la notation qui est aujourd’hui seulement individuelle, ou la fin du redoublement.
Le Front de Gauche propose de rendre le service civique obligatoire, est-ce que ça ne le dénaturerait pas ?On sait que ce qu’il y avait de bon dans le service militaire, c’était ce temps de mixité sociale et d’engagement citoyen qu’il représentait. Je n’étais pas favorable à ce que ça reste dans le cadre militaire, mais l’inscrire dans un temps fort citoyen me paraît très utile. Il faut qu’il soit obligatoire, tout comme l’école qui devrait l’être de 3 à 18 ans.
Du reste, ce qui est bien avec le Service Civique, c’est qu’il peut prendre des formes très diverses. C’est obligatoire, mais souple, car on peut s’engager là où on le désire. Sa mise en place exige des financements substantiels mais ça permet également une création de richesse - même si elle n’est pas comptabilisée dans le PIB, cette mesure si datée de la richesse !
Depuis plusieurs années, vous avez un engagement féministe très prononcé. Pour vous, que reste-t-il à faire sur la place des femmes aujourd’hui et que propose le Front de Gauche à ce sujet ?Il reste beaucoup à faire ! Pour résumer en quelques mots, il faut passer de l’égalité formelle à l’égalité réelle. Au XXème siècle, de nombreuses lois ont permis de fixer dans la loi l’égalité entre les hommes et les femmes, comme leur accès au droit de vote ou au droit à l’avortement. Cependant, on voit aujourd’hui que ça ne se traduit pas entièrement dans la vraie vie, puisqu’il reste 27 % d’écarts de salaires entre les sexes, que 80% des tâches domestiques et parentales sont effectuées par les femmes, qu’il y a un viol tout les quarts d’heure en France et encore beaucoup d’autres choses inégalités et violences… Donc aujourd’hui, pour parvenir à l’égalité réelle entre les hommes et les femmes, il faut du volontarisme politique qui doit se traduire dans un ensemble de mesures touchant à tous les domaines.
Mettre en place une vraie campagne de sensibilisation en faveur du partage des tâches domestiques et parentales et lutter contre les stéréotypes sexistes, notamment à l’école, est d’une impérieuse nécessité. Ensuite, il faut construire un service public d’accueil de la petite enfance, lutter contre l’emploi précaire dont les femmes sont les premières victimes, ce qui passe notamment par le fait que le CDI à temps plein redevienne la norme du contrat de travail. Il faut également mettre en place des lois plus contraignantes sur les écarts de salaires. Enfin, il faut un remboursement total des moyens de contraception et un soutien aux centres pratiquant l’IVG, qui ferment aujourd’hui par manque de “rentabilité”.
Que pensez-vous de l’annonce de Marine Le Pen qui déclare vouloir fermer les centres de planning familial ?Elle est fidèle à la position traditionnelle de l’extrême droite sur ces questions, profondément réactionnaire. Cette mesure se sait d’ailleurs peu, et je suis contente que vous m’ayez posé la question, car elle pourrait aider les personnes potentiellement séduites par la mascarade du Front National à comprendre que nous irions à la catastrophe avec un tel parti au pouvoir.
Il nous a semblé que le programme du Front de Gauche contenait une certaine inflexion protectionniste et une tendance à la fermeture des frontières. Cela aurait-il un impact la mobilité des jeunes ?Non, pas du tout. Nous prônons une fermeture des frontières pour les capitaux et non pour les personnes, à l’inverse de ce qui est fait aujourd’hui.
Vous êtes donc opposée à la circulaire Guéant, par exemple ?Bien sûr, on ne ferait pas de sélection de ce type là ! Il faut en outre régulariser les sans papiers qui travaillent sur notre territoire. Les personnes qui parlent d’invasion racontent n’importe quoi. Ne pas régulariser les sans papiers, c’est laisser se développer une main d’œuvre corvéable à merci et sans droits. C’est une question d’égalité et d’humanité. En revanche, mettre des barrières économiques aux frontières européennes pour lutter contre la concurrence déloyale, oui ! Au Front de Gauche, nous y sommes favorables, afin de protéger nos normes sociales et de favoriser un développement local et international plus juste.
Notez bien d’ailleurs que ça n’a strictement rien à voir avec le protectionnisme xénophobe du Front National. Nous sommes pour un internationalisme politique, nous sommes profondément européens, et c’est bien parce-que l’on aime l’Europe que l’on ne veut pas qu’elle se construise sur le dos des peuples, qu’elle soit à la botte des marchés financiers.
Pour conclure dans l’humour : si Mélenchon était un personnage Disney, qui serait-il ?Je connais assez mal Disney… Mais je pense que Robin des Bois lui conviendrait assez bien !
Propos recueillis par Léonore Moncond’huy, étudiante à Sciences Po Paris et Adrien Champougny, 16 ans, rédacteur en chef du journal “Zeugma”, lycée Michelet de Vanves