Les autoréductions, une pratique de lutte en pleine croissance ?
Une autoréduction, c’est quoi ?
Ce mot sert à qualifier, en France, des pratiques diverses, mais qui ont un point commun : satisfaire nos besoins de manière gratuite ou moins chère, dans une démarche collective. S’y rattachent donc les actions, parfois nommées réquisitions, que les collectifs de précaires mènent souvent avant les fêtes de fin d’année pour obtenir de quoi alimenter leur réveillon sans débourser l’argent qu’ils n’ont pas (voir ci-dessous le récit des actions à Rennes et Buenos Aires en décembre 2008), les grèves de loyer utilisées par les locataires de logements sociaux ou les résidents de foyers, les luttes pour obtenir des réductions ou la gratuité pour les transports en commun, l’électricité et le gaz, la culture et les loisirs...
Cette forme de lutte est aussi vieille que le mouvement ouvrier : les "déménagements à la cloche de bois" pratiqués à la fin du 19ème siècle (quitter son logement sans payer son loyer et avant que le propriétaire fasse saisir les meubles) en sont un exemple.
Les autoréductions ont connu un développement important dans l’Italie des années 1960-70, périodes d’intenses luttes sociales qui ont largement débordées le strict cadre du lieu de travail. Des quartiers entiers de Rome ou Milan étaient squattés, des dizaines de milliers de personnes recalculaient leurs factures de gaz et d’électricité en s’appliquant le tarif réservé aux grosses entreprises, et ceux qui ne payaient pas du tout ne risquaient guère la coupure, cette opération était devenue impossible en raison de la réactivité des voisins et de la solidarité collective. Les salariés italiens se sont mobilisés également sur le coût des transports, en partant du principe que s’ils prenaient le train tous les jours, c’était pour bosser, pour le bénéfice de leur patron et que donc ce coût-là ne devait plus leur incomber...
Ces formes de lutte ont l’intérêt de partir d’une autre base que la défense d’intérêts catégoriels (que les catégories se nomment "chômeurs", "salariés" ou autres), et de se pratiquer sur d’autres lieux que ceux de l’exploitation et du contrôle social quotidiens : le supermarché ou l’agence EDF, où tout un chacun est susceptible de passer, et non plus uniquement l’espace insertion réservé aux Rmistes, l’Assedic pour les chômeurs ou l’entreprise pour les salariés... D’autant plus que ces lieux-là ne suffisent pas pour se retrouver (ce qui ne veut pas dire qu’il est inutile de s’y organiser) : horaires décalés au boulot, contrats précaires trop courts pour tisser des liens, éparpillement des structures destinés à suivre qui ne sont pas ou pas assez dans l’emploi...
Mais aussi, tout simplement, les autoréductions sont une forme de lutte qui fait du bien, parce qu’il s’agit d’une pratique offensive et pas seulement défensive. Nous avons besoin, ne serait-ce que pour survivre (et en réalité, pour beaucoup plus : mettre un frein à la culpabilisation, à l’infantilisation et à ces micro-humiliations qui pourrissent la vie), de faire annuler une radiation ou un trop perçu, de résister à une modification des conditions de travail ou de gratter un peu plus de fric lors d’un licenciement économique.
Mais les autoréductions ouvrent des perspectives plus larges. Nous partons de nous, en tant que classe sociale, de nos besoins, de nos désirs. Nous nous réapproprions, ou nous cherchons à le faire, une bonne partie de ce que le capitalisme nous vole ou nous refuse : le fric qui part dans des tickets ou de l’essence pour nous rendre à un rendez-vous ANPE ou aller au boulot, la bouffe de qualité devenue inaccessible, le temps libre, quand il y en a, dont on ne peut pas faire grand chose, tellement le cinéma ou les voyages sont chers, et on ne parle même pas des activités pour les gamins...
Les autoréductions ne sont pas une solution miracle. Comme toute forme de lutte, la manière de les organiser, la façon de poser les problèmes et de les relier aux autres, les rapports collectifs qui se mettent en place peuvent les orienter différemment. Mais quand même, à lire les textes ci-dessous, ça ne vous donne pas envie ?
Si vous voulez en discuter, si vous avez des expériences à partager, envoyez un mail à collectif.rto@gmail.com
Postez les actions dont vous avez connaissance
Aujourd'hui, une trentaine de personnes (chômeurs, précaires, autres…) a envahi le monoprix rue Lafayette à Grenoble, aux alentours de 18h30-19h.
Par petits groupes, diverses courses ont été faites, en vue de redistributions notamment, dont des denrées « de fête » ; puis arrivés aux caisses,
blocage, alors qu’une banderole était déployée et des slogans criés : « Face à la crise, nous réquisitionnons, nous partageons »
Le gérant (« directeur adjoint ») est bientôt descendu, et après négociation, s’est entretenu avec la police arrivée sur les lieux qui est repartie ; le
gérant nous a laissé sortir avec notre quinzaine de sacs, nous « donnant sa parole » qu’il ne porterait pas plainte et que tt ceci demeurerait ss suite
pour nous...
Les clients présents ont plutôt bien réagi, certains à la fin sont venus nous voir en nous disant « bravo ».
RV lundi à 12h pour fêter ça devant l’ANPE de la gare, rue Denfert-Rochereau … Ci-dessous le tract diffusé lors de l’action…
(Pour rappel : le chiffre d'affaires du groupe Monoprix (dont le capital est détenu 50/50 par les groupes Galeries Lafayette et Casino)
est de 3575 millions d'euros. Monoprix vante sa politique de recrutement des jeunes étudiants par des CDI à temps partiels, pour
s'adapter à "leurs impératifs universitaires..." C'est bien évidemment pour couvrir l'amplitude d'ouverture de ses magasins et pour augmenter
ses bénéfices que Monop recherche une main d'œuvre précaire et flexibilisée…)
Ensemble et pas sans rien ! Tout est à nous ! Nous réquisitionnons et nous redistribuons
Avec ou sans emploi, avec ou sans papiers, nous voulons vivre
On entend claironner ici et là que la crise, qui s'annonce grave voire gravissime, n'affectera heureusement pas les fêtes de fin d'année. Certes on se serrera un petit peu la ceinture, mais le budget qui est ordinairement consacré à ces fêtes (600 euros par foyer) ne variera guère. Et l'on voit fleurir sur les postes de télévision les sourires éclatants des gérants de la grande distribution, qui vont réaliser en cette période une grande partie de leur chiffre d'affaires annuel (de l'ordre des 15%). Ouf. On respire. Il en a fallu de peu que ces instants magiques de détente, de bonne humeur ne soient gâchés par la sombre réalité sociale et économique… Rassurez-vous, ces 600 euros iront bien enrichir gérants et actionnaires.
Pourtant, nombre d'entre nous continuent à être excluEs des festivités : allocatairEs des minima sociaux, bénéficiairEs de la maigre prime de noël grâce à laquelle certaines factures en souffrance pourront être réglées ; intérimairEs, en CDD de trois mois, en CDI payé au SMIC, voire à temps très partiel, dont les salaires ne permettent pas de vivre; chômeurs et chômeuses, intermittentEs du spectacle, saisonniers et saisonnières dont les droits ont été réduits; personnes sans papiers sans suivi social ni hébergement ; sans logis et mal logéEs qui font plus que jamais les frais de la spéculation à l'origine d'une crise du logement qui explose ; salariéEs de la grande distribution corvéables à merci car dans la nécessité de tout faire
pour garder leur emploi et compléter un salaire insuffisant par des heures supp, payées aux abords du SMIC horaire par des entreprises ultra bénéficiaires ; bref, précairEs, salariéEs et autres exploitéEs de tout poil qu'on plume.
Notre sort, bien entendu, ne va pas aller en s'améliorant…
La convention UNEDIC, qui fixe les règles d'indemnisation du chômage, sera renouvelée début 2009. Elle prévoit de réduire les durées d'indemnisation. L'ANPE et les Assedic fusionneront dans le Pôle emploi avec pour seul objectif celui de la rentabilité : plus de radiations, chantage à l'emploi précaire… L'ANPE appliquera en effet la réglementation sur l'Offre Raisonnable d'Emploi (nouveau système de contrôle et de sanctions). Au total, une diminution des dépenses du régime d'assurance chômage de 2,5% en moyenne par an sur la période 2010-2012. ORE et RSA vont développer en outre encore plus d'emplois précaires, dont les patrons dans cette période de crise, se régaleront.
Un autre partage des richesses produites par toutes et tous devient vital.
Voilà pourquoi, ensemble et solidaires, nous réquisitionnons et nous partageons !
Cette action n'est pas isolée… elle s'inscrit dans une lutte globale contre ce monde qui nous étouffe…
A Rennes le 20 décembre. A Grenoble aujourd'hui.
Étendons ces pratiques, organisons nous !
Une cinquantaine de chômeurs, précaires, intermittents de l'emploi, intermittents du spectacle, étudiants... bloquent actuellement les
caisses du Monoprix de la rue Saint Antoine. Des négociations sont en cours avec la direction.
Partage de l'autoréduc ce soir à la cip-idf...
Nous ne paierons pas
C’est la crise. Médias et professionnels de l’économie ne cessent de nous répéter qu’elle va s’amplifier. Et nous devrions la subir chacun
de notre côté, regarder silencieusement les loyers et le prix de la bouffe continuer d’augmenter.
Pourtant, en cette période de Noël et de passage à un nouvel an, la richesse matérielle de l’Occident s’expose partout face à la misère du
monde ; elle déborde dans les rues à côté des sans-logis, elle scintille dans les publicités pour nous enjoindre à consommer. S’auréolant d’un espoir de croissance et de regain du CAC 40, elle se veut la seule promesse d’avenir radieux par ces temps frigorifiés.
Et cette richesse est bien gardée, vigilée, il faut être respectable pour y accéder, travailler plus pour gagner plus ou moins, être raisonnable et accepter n’importe quel emploi gracieusement offert, se mobiliser pour un quart de SMIC ou pour un RMI mini mini sous contrôle condamné à devenir RSA LE FERA PAS.
Vive la crise
Cette crise montre (si c’était encore nécessaire) la débilité d’un système où certains misent la vie des autres au casino. Et quand ils perdent c’est encore à nous de renflouer leurs bourses. D ‘assister les entreprises.
Pour fêter le nouvel an, nous serions censés dépenser des miettes de salaires ou une maigre prime de Noël dans les supermarchés. Qu’est ce qu’ils croient ? Ce soir nous ne jouerons pas cette fable. Nous ne paierons pas.
Pour la première fois depuis longtemps, cette crise rend palpable que le capitalisme comme période de l’histoire humaine peut arriver à sa
fin. Ici et maintenant, dans ce supermarché, nous arrêtons le flux de marchandises un temps, afin que nous soient concédées les victuailles
nécessaires pour fêter cette bonne nouvelle.
D’autres ont d’ailleurs eu la même idée et se sont organisés pour se réapproprier des richesses, à Rennes la semaine dernière, à Grenoble
il y a quatre jours, ou encore presque chaque jour en Grèce, où des assemblées en révolte organisent des autoréductions dans les supermarchés pour nourrir le mouvement.
Nous appelons ça une autoréduc de Noël, tradition de lutte des mouvements de chômeurs et de précaires que nous entendons bien
développer cette année qui s’annonce riche en révoltes joyeuses.
étendons ces pratiques, organisons nous !
À plus.
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