La perspective d’une sélection agite la rentrée universitaire - Faïza Zerouala, Médiapart, 14 septembre 2017
La ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, entend instaurer un système de prérequis à l’entrée de la licence. La réforme reste encore floue et la concertation qui vient de débuter livrera ses conclusions à la fin octobre. D’ici là, la communauté éducative redoute l’instauration d’une sélection déguisée. Pour apaiser le débat, la ministre a annoncé une hausse du budget de 700 millions d’euros en 2018.
Le suspense est largement éventé. Les modalités d’accès en licence à l’université vont être modifiées dès la rentrée 2018. La question reste de savoir dans quel périmètre. Le terme de sélection reste tabou à l’université. Mais, peu à peu, ce totem se fissure. Ce qui est sûr, c’est que la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, reprenant ce qui a été distillé tout au long de la campagne présidentielle par Emmanuel Macron, aimerait mettre en place des « prérequis » pour chaque filière.
Interrogée le 14 septembre sur ce dossier brûlant sur France Inter, la ministre a usé de toutes les acrobaties sémantiques pour éviter de dire que le gouvernement entend introduire une forme de sélection. « L’accès à l’enseignement supérieur reste un droit », a-t-elle plaidé, avant d’expliquer que « la sélection, c’est dire oui ou dire non. L’objectif, ce n’est pas de dire non, mais de dire oui, mais… » Tout tient dans ce « mais ».
Sachant le dossier explosif, l’exécutif a lancé une concertation avec la communauté universitaire. Les réunions des onze groupes de travail ont débuté le 11 septembre. Leurs propositions sont attendues pour la fin octobre. L’un d’entre eux doit réfléchir à la réforme des modalités d’accès à l’enseignement supérieur. Pour le moment, le code de l’éducation interdit la sélection à l’entrée à l’université pour les filières dites « libres », c’est-à-dire non sélectives, accessibles sous réserve d’obtenir le bac, quelle que soit la série. L’autre élément mis en avant par l’exécutif est le taux d’échec en première année de licence. « 60 % des étudiants sont en échec », dit Frédérique Vidal. Le chiffre est vertigineux et permet de justifier une réforme d’ampleur, voire l’introduction d’une forme de sélection. La ministre reconnaît que la moitié d’entre eux sont des étudiants « fantômes », inscrits à l’université sans y aller.
Reste à trouver un moyen pour désengorger l’université, qui accueille 62 % des jeunes bacheliers. Sur France inter, la ministre a émis plusieurs pistes. D’abord les prérequis. Des stages de remise à niveaux ou une année de « remédiation », c’est-à-dire une année zéro, sont par exemple envisagés. Ou encore de travailler sur une meilleure orientation et un meilleur accompagnement des jeunes titulaires de bacs professionnels et technologiques. Une augmentation du nombre des places en BTS et IUT est prévue. Rien de plus précis n’a filtré. Le gouvernement met ainsi l’accent sur sa volonté de dialoguer et de prendre en compte les desiderata de toutes les parties en présence.
Pour le moment, la circonspection domine parmi les acteurs concernés. Hervé Christofol, du Snesup, craint que le nombre élevé de réunions, « 55 en un mois et demi », ne débouche sur rien et ne transforme le projet en usine à gaz. « On espère que ce n’est pas pour noyer le poisson et que cela ne va pas aboutir à imposer une solution, comme ce qui s’est passé avec les ordonnances. » Lilâ Le Bas, présidente de l’Unef, se dit elle aussi inquiète des débouchés de la concertation. « Rien n’est acté. Nous n’avons aucune information, résume-t-elle. Si on dénonce le tirage au sort, ce n’est pas pour avoir à la place une forme de sélection avec, de fait, des orientations par défaut. » Pour la deuxième organisation étudiante, il est hors de question d’accepter que les bacs technologique et professionnels soient empêchés d’accéder aux licences. Lilâ Le Bas considère que cela remettrait en cause la justice sociale. « Quand on trie, il y a toujours le haut de la pile et le bas. Ce serait accroître les inégalités sociales que d’introduire une différence entre les séries de baccalauréat. »
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