Quelle morale à l'école ?

Quelle morale à l'école ?

Messagede bipbip » 24 Mai 2013, 00:22

Communiqué union syndicale Solidaires

Pourquoi nous refusons le projet d’enseignement d’une morale laïque dans le public et dans le privé

Le ministre de l’Éducation nationale, Vincent Peillon, a confirmé sa volonté de mettre en place des enseignements de morale laïque à la rentrée 2015. Le rapport qu’il a commandé a été publié le 22 avril. Il servira de base à la préparation d’un programme par le Conseil Supérieur des Pro-grammes (CSP) durant l’année 2013-14.

on peut s’interroger sur la possibilité d’échapper aux penchants de l’idéologie dominante ou aux lieux com-muns, alors que des approches critiques des questions morales, éthiques et politiques sont déjà proposées dans les enseignements existants.
_ En outre, l’enseignement abstrait d’une morale à l’école ne peut qu’entrer en contradiction avec les inégalités de la société, qui sont le moteur du système capitaliste et que les politiques libérales que le gouvernement conti-nue de mettre en oeuvre ne font qu’accentuer. Les an-nonces présidentielles sur l’enseignement de l’esprit en-trepreneurial à l’école une semaine après la communica-tion du projet sur la morale ne peuvent que rendre mani-feste cette contradiction.

Il nous semble enfin contreproductif d’ajouter, ministre après ministres, des enseignements, qui plus est difficiles à mettre en oeuvre.

Il vaudrait mieux se poser les questions des enseigne-ments et des contenus dans le cadre global de la remise à plat des programmes (qui devrait être l’occasion pour aller vers une école égalitaire et émancipatrice), nous nous opposons à la mise en place de cet enseignement de la morale laïque.

Sur les modalités de mise en oeuvre de cet enseigne-ment le rapport prévoit pour le primaire une « moralisa-tion « de l’approche déjà existante en Education Civique et Morale dans le cadre de l’une heure spécifique déjà à l’emploi du temps. Dans le second degré les préconisa-tions plus floues entre une ECJS qui doit être revisitée au gout de la morale laïque et à construire pour réaliser des « modules interdisciplinaires ».

La question d’une nouvelle pression sur les dotations se poserait alors au collège mais aussi au lycée où les heures globalisées devraient être mises à contribution pour réaliser ces modules.

L’évaluation prévue au Diplôme National du Brevet dans le cadre de l’actuelle épreuve d’ECJS et maintenant au Bac pose d’autres problèmes : celui de l’évaluation de compétences explicitement comportementales comme « l’engagement ders élèves dans la communauté » mais aussi celui d’un nouveau pas vers l’évaluation en Con-trôle Continu au lycée après son introduction en LV et son installation dans la voie professionnelle.

Dans l’enseignement privé catholique, nous nous in-quiétons particulièrement de l’application de cet en-seignement. En effet, depuis le 18 avril 2013 l’adoption d’un nouveau statut a augmenté la tutelle de l’évêque sur les établissements catholiques. Les chefs d’établissement qui seront les garants de sa mise en oeuvre seront désor-mais nommés après l’accord de l’évêque !

Pendant ce temps-là, en toute sérénité ils affirment avoir conscience de l’énorme enjeu « pastoral » dans les établissements catholiques. Pour eux la voie est ouverte, ils vont donc continuer sans frein à mélanger le confessionnel et le professionnel.

Plus largement comment parler d’une morale laïque quand l’enseignement privé sous contrat, recrute dans la pratique sous des critères confessionnels et que des rectorats accep-tent les refus d’affectations des lauréats sous ces critères ? Comment parler de morale laïque et laisser les précaires fichés par l’enseignement catholique, ce qui est déjà inac-ceptable, mais qui plus est sous critères confessionnels ?

Comment parler de morale laïque alors que, dans l’enseignement catholique, des activités quotidiennes à caractère propre continuent à avoir lieu sur temps de cours ? Comment éviter que les élèves suivent des cours de morale à convictions confessionnelles en sachant que le Secrétariat Général de l’Enseignement Catholique (dont une délégation a été consultée pour réfléchir à l’enseignement de la morale laïque, cherchez l’erreur !), affirme : « à chaque instant un enseignant ne peut té-moigner que de sa foi en Jésus-Christ » ?

Pour nous, lutter pour la laïcité de l’Ecole ne passe pas par l’introduction d’un nouveau catéchisme, fut-il laïque ou entrepreneurial, mais bien par la réaffirmation d’une Ecole affranchie des intérêts clientélistes, locaux, cléricaux et mercantiles.

Paris le 22 mai 2013

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Re: Quelle morale à l'école ?

Messagede bipbip » 27 Mar 2015, 15:55

Nouveaux programmes et approche des savoirs

La question de la conception des programmes et des savoirs que le système éducatif se doit de transmettre est d’une actualité brûlante. Avec le projet de socle commun de connaissances, de compétences et de culture, que le ministère vient de publier ce 18 février, le projet de programme pour “l’éducation morale et civique” à l’école et au collège, publié le 4 juillet 2014, on commence à avoir quelques éléments sur les ajustements nécessaires à la mise en place effective de la “nouvelle école capitaliste”.

Sans doute, des voix ne manqueront pas de souligner que le projet actuel se démarque du socle commun et de la conception étroitement utilitariste des savoirs que la droite avait voulu imposer en 2005, et de la mise en place du Livret Personnel de Compétences en 2009.

De fortes inquiétudes

Encore que les informations qui ont pu filtrer concernant le projet de réforme du collège ravivent les inquiétudes. Les atermoiements du ministère au sujet de l’évaluation, pour tenter de surmonter l’opposition que susciterait la suppression autoritaire des notes au profit de la seule évaluation par compétences, ne sont pas faits non plus pour rassurer. D’autant plus que les lecteurs et lectrices attentifs/ves à la presse syndicale auront certainement été surprisEs par le communiqué du SNES du 29 janvier dernier, exprimant des critiques d’une virulence à laquelle nous n’étions plus habituéEs, le projet y étant qualifié d’inacceptable, “imposant une riposte forte” !
En effet il s’agirait d’appliquer au collège les principes de la réforme Chatel des lycées, en réduisant les enseignements obligatoires, en globalisant les horaires de certaines disciplines, pour libérer du temps qui serait consacré à des enseignements complémentaires variables d’un établissement à l’autre.

Des anciens programmes très critiqués

Les programmes ont toujours été un sujet de mécontentement des enseignantEs, particulièrement dans ma discipline, l’Histoire-Géographie. Ceux de 1983-86 étaient unanimement jugés infaisables, trop lourds, et d’ailleurs ils n’étaient jamais terminés. Lorsque des coupes sombres furent opérées en 1996-1998, les protestations, justifiées, ont été générales (suppression de la préhistoire en Sixième, de la crise de 1929, de l’Italie fasciste, de la guerre civile espagnole, en Troisième, par exemple). Les programmes actuels de 2009-2012 ont à nouveau soulevé de très vives polémiques, dont la revue s’est fait l’écho, avec entre autres l’apparition du “développement durable” en Cinquième, et la mondialisation en Quatrième. Le programme de 2012 pour la Troisième a soulevé tellement de protestations, y compris de l’Association des Professeurs d’Histoire-Géographie habituellement si réservée, qu’ils n’ont en réalité duré qu’un an. En 2013, l’Inspection diffusait, en effet, des “aménagements” en attendant une réécriture officielle. Parallèlement le temps consacré à cette discipline s’est réduit d’une demi-heure par semaine, et les programmes ont été assortis de préconisations de plus en plus contraignantes. Par exemple, dans le programme de Troisième de 1998, il ne fallait pas accorder plus de cinq heures à l’étude de la Première Guerre mondiale et ses conséquences, pas plus de trois heures pour l’URSS, etc… Dans les programmes de 2009-2012, même les démarches pédagogiques ont été imposées, avec l’introduction obligatoire des “études de cas” suivies d’une “mise en perspective”, sur le modèle des programmes de lycée, eux-mêmes très contestés.

Vers une nouvelle conception des programmes

À ce jour, nous n’avons pas encore les projets des nouveaux programmes des disciplines, mais celui d’“Éducation Morale et Civique”, s’il est adopté en l’état, permet d’entrevoir ce que pourraient être les grandes lignes du projet pour l’ensemble des disciplines. Le programme y est, en effet, conçu comme un cadre général pour l’ensemble d’un cycle, et il introduit le principe du curriculum. On pourrait y trouver tout de suite un aspect positif : enfin un peu de respiration, de liberté pédagogique. Mais il faut déchanter. Le programme est présenté en quatre “dimensions”, ou domaines, déclinées ensuite en compétences, connaissances et objets d’enseignement, et exemples de pratiques. Il n’y a plus de programme annuel imposé : c’est au Conseil Pédagogique de décider les progressions pour chaque année. La “réflexion éthique se mène notamment à partir de travaux interdisciplinaires”, et la progression doit être “diversifiée selon les temps d’enseignement”. On voit ce que cela pourrait générer comme inégalités selon les territoires et les établissements. Des élèves qui changeraient d’établissement au cours du cycle pourraient avoir à étudier plusieurs fois le même objet d’étude placé différemment dans la progression, tandis que d’autres objets auraient été abordés alors qu’ils/elles n’étaient pas dans l’établissement.

Quelles revendications porter ?

La difficulté n’est pas nouvelle : comment en effet opposer un refus total face aux régressions qui se mettent en place sans se retrouver assimiléE au camp des conservateurs/trices, sans se limiter à la défense d’un existant qui devrait rester figé, alors même que nous critiquons cet existant ? Une réflexion avait été entamée lors de la semaine de l’été 2013, à partir de l’enseignement de la Révolution française. Un projet de contre-manuel avait été envisagé, mais les urgences de toute nature n’ont pas permis de s’y consacrer. Il faut pourtant bien qu’on prenne le temps de creuser ce que l’on veut mettre dans la notion de culture scolaire émancipatrice, en termes de contenus, de pratiques pédagogiques, d’organisation du temps scolaire, pour porter autre chose qu’un empilement immuable de savoirs encyclopédiques.

Raymond Jousmet, 18 février 2015

L’Émancipation syndicale et pédagogique –3/03/2015 – page 27

http://www.emancipation.fr/spip.php?article1093
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Re: Quelle morale à l'école ?

Messagede bipbip » 11 Avr 2015, 01:34

Éducation morale et civique dans l’enseignement secondaire

4 pages de la fédération SUD éducation

Rarement l’actualité a fourni autant de prétextes à une instrumentalisation de l’éducation morale et civique, puisqu’à la suite des attentats de janvier 2015 à Paris, l’école est mise sur la sellette, et sa part de responsabilité mise en question. Si l’école est si perméable à la demande sociale véhiculée par les médias, comment ne pas craindre que ces nouveaux programmes soient l’occasion, pour l’État, d’une réponse à « chaud » aux émotions suscitées ? Par ailleurs, dans un contexte où les moyens de l’État vont aux politiques sécuritaires, ce projet est révélateur des orientations éducatives du ministère.

http://www.sudeducation.org/Education-m ... ans-l.html
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Re: Quelle morale à l'école ?

Messagede bipbip » 31 Juil 2015, 02:00

Enseigner la morale à l’école

L’enseignement de la « morale laïque » doit être harmonisé pour enseigner aux enfants les principes et comportements du « vivre ensemble », réflexion engagée à la demande du ministre de l’Education nationale.

« Je n’ai pas dit instruction civique mais bien morale laïque », explique le ministre. « C’est plus large, cela comporte une construction du citoyen avec, certes, une connaissance des règles de la société, du droit, du fonctionnement de la démocratie, mais aussi toutes les questions que l’on se pose sur le sens de l’existence humaine, sur le rapport à soi, aux autres, à ce qui fait une vie heureuse ou une vie bonne. » (septembre 2012)

L’éducation à la morale à l’école

Les valeurs sociales, humanistes transmises par l’école, doivent être mises en chantier très tôt dans l’enfance.

A l’école maternelle, les petits expérimentent la vie scolaire avec les autres et font leurs premiers pas dans la vie sociale sans les parents. Leurs premières expériences de vie en société sont accompagnées par l’éducation artistique, créative et ludique : la pratique des jeux libres et des jeux à règle a favorisé la socialisation dans le plaisir, en faisant semblant, en se surpassant, en adhérant…

A l’école primaire, de 6 ans à 11 ans, les principes de base raisonnés du « vivre ensemble » vont se construire dès le CP, jusqu’au CM2. C’est ici que tout se joue, mais comment ?

Classiquement, à l’école primaire, les valeurs sociales sont enseignées dans des leçons de morale, lues par le maître, écrites au tableau et recopiées sur le cahier par l’élève. L’enseignant tente de faire participer les élèves à la réflexion qu’il a proposée, il essaie d’amorcer des petits débats philosophiques.

Dans ce contexte l’enseignant dirige la parole, décide du thème du jour, et les enfants dressés à l’obéissance et au silence, plus passifs que critiques, attendent les consignes ; les plus délurés vont lever le doigt pour répondre à l’invitation, ils illustreront, par des petites histoires, le bien-fondé de la maxime du jour ; sur le moment ils jouent sincèrement aux « bien-pensants ».

Cette transmission par l’adulte de préceptes moraux peut séduire l’auditoire enfantin : les histoires illustratives divertissent comme les récits dans les contes. Cependant l’enseignement demeure abstrait, éloigné de la réalité vécue. En reste-t-il quelque chose dans les perceptions enfantines ? Malheureusement ce qui est enseigné ne fait pas liaison avec ce qu’expérimentent les enfants entre eux – la cour de récréation en est un exemple : jeux, mais aussi querelles, brutalités, moqueries, exclusions, y ont la part belle.

Dans ces conditions, comment ces principes moraux peuvent-ils avoir du sens pour les jeunes enfants ?

Comment développer la pensée de l’enfant, son opinion, son avis ?

Pour que mes jeunes élèves acquièrent une représentation mentale des valeurs humanistes du « vivre et travailler ensemble » j’ai choisi de les faire travailler en coopération. Ainsi, ils vivent et développent ces valeurs : la gentillesse, l’écoute, l’entraide, le don de soi, la tolérance, le respect, l’amitié. Dans la classe coopérative, dès le cours préparatoire, ils apprennent à s’entraider et à coopérer dans les travaux scolaires. Ils font deux choses à la fois : ils entrent dans les apprentissages fondamentaux et ils créent du bien-être en classe en vivant par eux-mêmes les valeurs morales qu’on voudrait leur donner.

Qu’est-ce que c’est, une classe coopérative ?

C’est une classe qui s’organise en une communauté d’enfants où on apprend avec le concours des autres : ceux qui sont en difficulté ne souffrent pas de discrimination, mais se font aider par les plus rapides, ceux qui sont rapides ne s’ennuient pas car ils s’engagent dans des travaux plus complexes et dans l’entraide. L’entraide est organisée et la solidarité devient une valeur importante et nécessaire pour avancer dans son travail, quel que soit le niveau où en est l’élève, sans humiliations. Aider mon copain à corriger son exercice, montrer comment faire une addition à son voisin, s’associer pour monter un projet de bricolage, voilà qui plaît d’emblée aux enfants : ils se sentent « grands » (responsables) et sécurisés car chacun sait dès lors qu’il sera soutenu si cela ne va pas… C’est une formation à la camaraderie, à la fraternité.

Dans la classe coopérative – initiée par la pédagogie Freinet -, pour que les valeurs de solidarité se vivent, mes élèves apprennent à devenir des communicants : l’entraide est verbalisée, intellectualisée dans le Conseil des élèves, moment de parole prévu en classe pour que les enfants-élèves développent une pensée politique : avec des prises de responsabilité, du pouvoir de décision, des prises d’initiative et, au niveau d’une école, avec des délégations d’élèves rompus à la communication par l’exercice régulier des conseils.

Qu’est-ce que c’est, le Conseil des élèves ?

Dans l’emploi du temps de la classe l’enseignant réserve une heure hebdomadaire pour que les élèves tiennent leur Conseil (l’inscrire dans l’emploi du temps est un garde-fou pour le maître, il lui est impossible d’en faire l’impasse !).

A l’heure prévue, le travail cesse, les élèves et le maître se disposent en cercle. Un élève, responsable du cahier du Conseil, affiche l’ordre du jour. Quel est-il ? Ce sont des plaintes, des propositions, surtout des plaintes – vivre et travailler ensemble cela ne va pas de soi -. Le président du Conseil annonce : « Le Conseil est ouvert ».

Ainsi, une fois par semaine les enfants y parlent de leur vie scolaire et réfléchissent à l’améliorer : « Qu’est-ce qui ne va pas dans la classe ? » ou « Comment s’entraider ? » ou encore « J’ai peur de me tromper. »… Pour apprendre ensemble, les enfants réfléchissent à leurs relations entre eux, les regardent, les critiquent. Mais ce n’est pas l’adulte qui choisit de quoi on va parler. Les enfants vont apprendre à s’écouter, ils vont « s’entendre ».

Pendant le Conseil, chacun peut parler aux autres sans moqueries. Un exemple : Mariama vient lire à voix haute sa plainte : « Samir m’a bousculé et j’ai raté mon dessin. Signé : Mariama », après discussion entre élèves (ce n’est pas l’anarchie, il y a une obligation de demander la parole en levant le bras et le président donne la parole dans l’ordre d’apparition des demandes), une règle est votée : « J’ai le droit de circuler dans la classe, mais je ne bouscule pas les tables. » Le maître est en situation de participant – comme les enfants – non de dirigeant. Son attitude : neutralité et bienveillance. C’est d’ailleurs sa posture générale dans la classe coopérative, il est un organisateur au service des centres d’intérêt de ses élèves.

C’est l’établissement de la parole de l’élève dans sa classe qui régule les relations de travail et d’entraide.

Dans ce contexte, apprendre avec les autres, apprendre par les autres devient possible et c’est très agréable : le travail scolaire se fait dans la solidarité et l’échange, cela veut dire que personne n’est oublié.

Dans la classe coopérative le travail est individualisé, les élèves n’en sont pas tous au même point et ne font pas tous la même chose en même temps, mais tous travaillent : l’individualisation des travaux s’organise avec les plans de travail personnels et les bilans de chacun en fin de journée – merveilleuses techniques de la pédagogie Freinet – donc l’entraide est également programmée.

Il est primordial d’encourager la solidarité entre les élèves et non la rivalité, d’éliminer la compétition et de valoriser le partage des savoirs et des savoir-faire. La solidarité est le fondement, l’élément essentiel d’une vie de classe correctement heureuse. Cet aspect de la classe coopérative change profondément les relations entre les enfants.

Cette formation à la citoyenneté, grâce à la régularité des Conseils d’élèves, permet d’exercer de nouvelles compétences : entrer dans la complexité (traditionnellement le maître planifie tout, prévoit, devance…), se situer, imaginer des solutions nouvelles et participer à leur mise en œuvre (ici le maître écoute ses élèves et soutien cette mise en œuvre). L’éducation à la citoyenneté ouvre de la sorte un champ probablement peu familier aux pratiques scolaires : la confrontation à l’incertitude (quel parti prendre) et aux dilemmes (choix et alternatives)… Mais ce cadre n’est cependant pas sans repères ni règles, c’est l’enseignant qui pose les limites des possibilités d’action à l’intérieur desquelles les enfants-élèves vont imaginer des systèmes solidaires, inventer des solutions pour faire, et définir leurs droits et leurs devoirs. Les élèves formulent des idées, inventent des règles qui feront loi, ils prennent en charge leur administration… Les valeurs morales ont du sens : tous collaborent à les faire vivre en classe.

Dans la classe coopérative, l’éducation à la citoyenneté se vit, elle ne s’apprend pas dans des leçons.

Le modèle du « vivre et travailler ensemble », se vit et s’édifie dès l’école primaire de 6 ans à 11 ans.

Etre reconnu comme un être pensant dès l’âge de 6 ans, être écouté dans son groupe, devenir décisionnaire, avec ses pairs, de dispositifs solidaires pour qu’aucun ne reste seul et humilié, donne une image de soi positive. Voilà qui est déterminant pour grandir sans violence.

Tous les élèves, du primaire à la terminale, devraient pouvoir étudier dans un environnement solidaire, sans compétition, sans évaluations sélectives, la classe doit être une coopération d’élèves-chercheurs, rompus aux prises de parole, capables de s’associer sans rivalité, capable d’empathie – qualité qui se construit et qui transforme en profondeur la personne – afin de surmonter ensemble les difficultés à entrer dans le travail et avancer dans l’acquisition des connaissances.

Nos élèves sont les adultes de demain.

Les pratiques scolaires vont fortement marquer leur conduite d’adulte et leur façon d’établir des liens avec les autres pour des projets de vie et de travail car ce que l’on vit dans l’enfance est un marqueur puissant. Durant les années de scolarité, qui sont longues, être habitué à apprendre avec les autres et non contre les autres, être entraîné à prendre la parole, à débattre, prévient une possible détérioration de l’estime de soi, affermit la personne, célèbre l’amitié et produit du bien-être.

http://marine.baro.free.fr/wordpress/?page_id=4949
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Messagede bipbip » 26 Nov 2015, 15:06

Education : Généalogie de la morale laïque

La morale républicaine fait, depuis la rentrée 2015, l’objet d’un enseignement qui s’étend du CP à la terminale. Quel regard libertaire peut-on poser dessus ?

L’enseignement de la morale laïque n’est pas une nouveauté en soi : introduit dans les années 1880, ces cours ne disparaissent qu’à la fin des années 1960.

De ce fait, il est intéressant de se pencher sur ce que des militants libertaires et syndicalistes ont pu écrire à ce propos. Il faut rappeler que les militants anarchistes n’ont pas été opposés à la morale. Pierre Kropotkine a consacré une grande partie de son œuvre à une réflexion sur une morale en accord avec l’anarchisme. Il est d’ailleurs l’auteur d’un opuscule intitulé La Morale anarchiste où, outre ses travaux de naturaliste sur l’entraide au sein des espèces, il mobilise l’œuvre du philosophe Jean-Marie Guyau, auteur d’Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction. Ainsi Kropotkine écrit : « Sois fort ! Déborde d’énergie passionnelle et intellectuelle et tu déverseras sur les autres ton intelligence, ton amour, ta force d’action ! Voilà à quoi se réduit tout l’enseignement moral, dépouillé des hypocrisies de l’ascétisme oriental. Ce que l’humanité admire dans l’homme vraiment moral, c’est sa force, c’est l’exubérance de la vie, qui le pousse à donner son intelligence, ses sentiments, ses actes, sans rien demander en retour. »

Propagande par le fait

Sébastien Faure, militant anarchiste, fondateur, au début du XXe siècle, d’une école alternative, la Ruche, écrit pour sa part : « La puissance de l’exemple – La plus grande force moralisatrice, c’est l’exemple. Le Mal est contagieux ; le Bien l’est aussi. L’exemple influe d’une façon quasi toute-puissante sur l’enfant, en raison même de sa malléabilité. » L’acte moral peut être inspiré chez d’autres, et en particulier chez les enfants, par l’exemple. Ce ne sont pas par des leçons que l’on apprend la morale. L’exemplarité du comportement de l’enseignant fait plus pour la morale que des discours. Cette position rejoint ce que les anarchistes ont appelé la « propagande par le fait » qui ne saurait être réduite à poser des bombes. Le « fait » désigne tout type d’action qui incite autrui à adopter l’idéal anarchiste.

L’instituteur syndicaliste révolutionnaire et libertaire, Albert Thierry, dans ses Réflexions sur ­l’éducation, va jusqu’à soutenir un enseignement de la morale : « J’aime la morale et je l’ai enseigné avec complaisance. […] S’il est bon qu’un jour grandis, ces enfants perfectionnent la justice et le devoir, comment s’y prendront-ils s’ils n’en ont pas reçu la première notion ? Neutralité morale : c’est immoralité […] Et la morale est l’espace même de la révolte. » Le cours de morale est perçu par Albert Thierry comme un temps scolaire lui donnant l’opportunité de prôner les valeurs qui sont celles des âmes révoltées. Dans un article intitulé « L’action directe en pédagogie », il ajoute : « Jadis je croyais qu’il fallait faire d’eux des hommes. Mais cette tâche est bien au-dessus du pouvoir d’un maître. (Tant mieux, d’ailleurs.) Je me consolerais si j’en faisais seulement des domestiques critiques. Par exemple (il y en a d’autres), des fonctionnaires syndicalistes. […] J’aime la morale : elle contient toute la vie. Et lorsque j’en parle, toujours je me laisse interrompre. […] Je n’ai pas menti. J’ai dit simplement : voilà ce qui existe. Mais j’ai ajouté : ça peut changer ». La leçon de morale n’a pas vocation à embrigader les élèves. Elle est un temps utilisé pour faire réfléchir les élèves au monde qui les entoure. Il s’agit d’aider à faire émerger une conscience sociale critique.

Aujourd’hui en revanche, on peut considérer l’enseignement de la morale et des valeurs républicaines comme un embrigadement. Mais est-ce à dire que prôner l’égalité entre hommes et femmes ou encore la lutte contre les discriminations et le racisme sont des valeurs qu’en tant que libertaires nous n’avons pas à défendre ? Cela serait bien étonnant. Car on peut supposer qu’une société communiste libertaire suppose la lutte contre les divisions sociales de race et de sexe.

Néanmoins, ce qui apparaît bien discutable dans cette défense des valeurs de la république, c’est que ne sont en aucun cas uniquement des valeurs de la république : ce sont des valeurs de l’humanité. En effet, la République française n’a pas le monopôle de l’exemplarité – loin s’en faut – du féminisme et de l’antiracisme. Dans toutes les sociétés, il a existé des hommes et des femmes qui ont lutté pour ­l’émancipation. Il faudrait sans doute que la République française cesse son chauvinisme et son européanocentrisme concernant les valeurs de l’émancipation. Pourquoi laisser croire à un élève que pour être du côté de l’émancipation, il doit s’acculturer et rejeter ses racines géographiques ? De ce point de vue, il est intéressant de noter que c’est au moment où ont émergé les affaires du voile dans l’espace public que la notion de pédagogie interculturelle a disparu des textes officiels de ­l’Éducation nationale.

Discours généraux sur les valeurs

L’enseignement de la morale a été pensé comme le moyen ­d’unifier autour de valeurs communes les élèves afin d’éviter les divisions sociales. Mais c’est là un projet hypocrite. En effet, s’il y a des divisions sociales, il est naïf et illusoire de prétendre les masquer par des valeurs communes. C’est la République française elle-même qui chaque jour bafoue ses propres valeurs en pratiquant une ségrégation sociospatiale dans des quartiers où se trouvent concentrés personnes d’origines immigrés et difficultés sociales. C’est également la République française qui bafoue ses propres valeurs lorsqu’elle trône en dernière place des pays de l’OCDE dans la reproduction scolaire des inégalités sociales. Si l’on veut véritablement lutter contre les divisions sociales, il faut s’attaquer à leurs racines matérielles et ne pas se contenter de discours généraux sur les valeurs.

Enfin, on peut s’interroger sur la profondeur de leçons de morale sur les discriminations raciales et sexuées de la part d’enseignants qui dans leur vie de tous les jours n’ont aucun engagement féministe et antiraciste. Comment être convaincants devant des élèves, lorsque l’on est en dehors de sa salle de classe apathique face aux injustices sociales ?

Irène (amie d’AL)

http://alternativelibertaire.org/?Educa ... -la-morale
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Re: Quelle morale à l'école ?

Messagede bipbip » 13 Nov 2016, 15:01

L’école doit-elle enseigner la morale ?

Avec les contributions de Catherine Kintzler, philosophe, Laurence De Cock, professeure en lycée et Grégory Chambat, enseignant en collège.

(...)

Nos choix pédagogiques sont aussi des choix de société par Grégory Chambat, enseignant en collège (collectif Questions de classe(s) et revue N’Autre école

Les appels au retour à l’ordre moral avancent toujours de concert avec la nostalgie d’un ordre scolaire ancien. L’instrumentalisation d’un certain imaginaire « républicain et laïque » s’inscrit aujourd’hui dans une dynamique autoritaire et identitaire. C’est le projet éducatif « réac-publicain » qui s’est donné comme objectif de liquider l’héritage de Mai 68. Un épisode de la lutte des classes qui ne fut pas seulement un combat pour la libération des mœurs – à quoi ses adversaires voudraient le réduire –, mais aussi un mouvement pour l’égalité et la démocratie. Mai 68 balaya sur son passage l’enseignement d’une morale hypocrite qui détournait les regards des injustices et des inégalités du capitalisme…

... http://www.humanite.fr/lecole-doit-elle ... ale-619527
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