Les notes

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Messagede Kzimir » 17 Sep 2012, 17:58

Bon, je vais raconter une situation qui m'amène à me poser une question sur les notes.

Depuis quelques semaines, je donne, en plus de mon boulot principal, des cours d'histoire géo dans une école, niveau lycée. Je suis plutôt contre les notes, car elles encouragent les bons et découragent les mauvais, mais je suis quand même censé noter mes élèves à la fin de chaque trimestre, ne serait ce que pour le bulletin.
J'ai donc pensé adopter une approche mixte : faire passer à mes élèves des évaluations régulières dont l'objectif premier sera de voir dans quelle mesure le cours aura été retenu, noter ce travail sans leur communiqué la note, modérer l'ensemble par une note d'oral, et obtenir ainsi une note globale. A noter que la note globale ne serait pas simplement une moyenne des différentes notes, mais prendrait aussi en compte la progression entre elles, tout ça tout ça. En ne leur communiquant qu'une note globale à la fin du trimestre je limite un peu les désavantages des notations régulières, l'inconvénient étant que cette note risque de paraître arbitraire aux élèves.

Bref, j'étais parti sur cette idée, mais à la première évaluation des élèves ont copiées l'une sur l'autre. Ca m'empêche de me rendre compte dans quelle mesure le cours a été retenu, et je peux pas entrer dans un truc répressif de diviser la note ou de mettre zéro puisque je ne suis pas censé les noter. Bref, je sais pas trop quoi faire. Vous en pensez quoi ?
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Messagede ivo » 17 Sep 2012, 19:05

.......

quel pb ...
j'imagine que tu as fait des recherches.
y'a quoi comme "alternatives existantes" ?
(p'tet faire un systeme de "notation classique" que tu te gardes pour toi, histoire de mémoriser, garder des traces, et mixer avec ce que tu dis plus haut pour la communication ...)
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Messagede Ulfo25 » 17 Sep 2012, 19:35

Comme dis ivo tu peux te garder une "notation classique" qui serait cachée et à laquelle tu pourrais rajouter des commentaires pour plus de précisions. Ensuite pour les élèves tu peux utiliser un système de notations plus vague comme le passable, bien, très bien, etc tout en faisant des commentaires constructifs expliquant cette échelle de valeur pouvant servir aux élèves. Car je pense que le grand problème de la non-notation peut mener à un jemenfoutisme des élèves (du fait qu'ils pensent qu'ils ne seront pas vraiment surveiller sur le contenu de leur évaluation) qui leur serait préjudiciable par la suite.

Edit : De plus pour les travaux oraux j'ai connu une prof (chargée de TD à la fac mais réutilisable en lycée je pense) qui avait décidée de mettre en place un système de notation commun c'est-à-dire que les autres élèves (par groupe de 2 ou 3) notaient le groupe l'exposant selon une grille de notation préalablement établie avec la participation de tous (que ça soit les critères ainsi que la valeur de ceux-ci). La notation étant anonyme est la prof faisant une moyenne pour la note finale qu'elle pouvait réévaluée selon les autres exposés ou la notation qu'elle aurait pu elle-même faire.
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Messagede SchwàrzLucks » 18 Sep 2012, 06:52

Je sais qu'une chargée de TD dans le même cas avait décidé de donner une note collective. Elle avait son barème et en gros il y avait à chaque fois une personne pour modérer le débat autour du sujet abordé tandis qu'il fallait que tout le monde participe au débat. Ils partaient de 10 et pour chaque personne ne respectant pas le tour de parole, parlant trop, coupant la parole, etc., il y avait un malus et à l'inverse bonus quand tout le monde participait, etc.
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Messagede Kzimir » 18 Sep 2012, 13:04

Ben le truc de la notation invisible, c'est ce que je pensais faire, mais le fait qu'au premier contrôle deux élèves copient ça fout tout en l'air. Je peux pas ne rien faire parce que ça fout en l'air ma notation, et je peux pas les pénaliser, parce que ça veut dire que je leur donne une note classique. Donc je suis un peu emmerdé. Après le truc de la note collective c'est pas mal, je vais y réflechir.
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Messagede ivo » 19 Sep 2012, 20:42

sujet à l'instant sur des ecoles (primaires) sans notation en belgique au JT fr 2
pas trouvé de lien ...
trouvé ça mais tu dois connaitre
http://www.ecolechangerdecap.net/spip.php?article307
http://eduscol.education.fr/cid56152/ev ... -note.html
ah ...je crois que c'est ça
http://www.panote.org/spip.php?article6
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Messagede atheus » 24 Sep 2012, 20:07

Après tu peux pas modifier à toi tout seul tout le système de notation, le problème est bien plus profond que ça. A l'échelle d'un prof en plus y a pas moyen de faire grand chose. La racine du problème, ça n'est pas les notes, c'est le système scolaire lui-même et toute la société qu'il introduit, et comme je l'ai dit, un prof à lui tout seul ne peut pas régler tous les problèmes du monde.
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Messagede ivo » 28 Sep 2012, 08:43

Réforme scolaire
fr info
Les nouvelles propositions de la FCPE, principale fédération de parents d'élèves, ne passent pas inaperçues...

Oui, mais ce n'est pas ce qu'on croit... Vous voyez, dans cette proposition, ce qui mettrait plutôt en colère, c'est la frilosité de la FCPE... La suppression des notes jusqu'à la fin du collège, la suppression des devoirs à la maison et la fin du redoublement, il est évident que ce sont des mesures de bon sens... La fin du redoublement permet de s'inscrire jusqu'à un ou deux ans plus tôt à Pôle Emploi, une fois qu'on est sorti du système scolaire... La fin des devoirs à la maison, c'est évidemment le minimum qu'on est en droit d'attendre pour pouvoir regarder tranquillement les Anges de la téléréalité...

Parce qu'ils sont gentils, sur NRJ12, mais ils programment ça tous les jours à 17 h 15... C'est effectivement incompatible avec le carré de l'hypoténuse et le complément d'objet direct placé avant le verbe avoir... Il y a quand même des priorités dans la vie... Quant à la suppression des notes jusqu'à la fin du collège, c'est une évidence pour mettre fin à un traumatisme séculaire chez les enfants, pouvant produire, dans les cas les plus graves, des tueurs en série, des inspecteurs des finances ou des militants Europe-Ecologie Les Verts...

Mais j'allais dire, pourquoi... Jusqu'à la fin du collège ? Peut-on justifier de l'utilité des notes au lycée ? Non, le traumatisme en est renforcé, pouvant amener certains tueurs en série à militer chez Europe-Ecologie Les Verts... Vous voyez où l'on va avec ça...

Et au fond, ce que propose la FCPE est en fin de compte assez timide... Je dirais même que ça fait très petit bourgeois... On dit des choses, mais on n'ose pas aller plus loin, par peur de je ne sais quoi, d'une radicalisation qui serait assimilée à de l'irresponsabilité façon Charlie Hebdo... Non, il faut y aller... Je crois, par exemple, que le système réactionnaire de la notation trouvera davantage son utilité si ce sont les élèves qui notent les enseignants... Lesquels ont précisément oublié combien c'était traumatisant de se faire saquer pour une note injuste...

Et puis, tant qu'à faire qu'à supprimer tout ce qui encombre inutilement notre système scolaire depuis Jules Ferry et même bien avant, pouvez-vous me dire sérieusement à quoi servent les examens et les diplômes qui vont avec ? Là encore à créer des différences artificielles entre ceux qui en ont et ceux qui n'en ont pas... Sans compter qu'une préparation d'examen, c'est forcément pas mal de travail à la maison... Donc, il faut être un tout petit peu cohérent... Si on supprime les devoirs à la maison, on les supprime aussi pour les révisions d'examen... C'est pour ça que je trouve ces propositions de la FCPE vraiment petit bras... Et ça a tout pour me faire lever du mauvais pied... Mais au fond, il n'est peut-être pas trop tard pour se recoucher...
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Re: Les notes

Messagede bipbip » 10 Mai 2013, 12:24

Sur la note et son ses origines, article de Grégory Chambat pour N’autre école :

Une histoire de la note... et de sa contestation

« Qui fera l’histoire […] de l’« examen », de ses rituels, de ses méthodes, de ses personnages et de leur rôle, de ses jeux de questions et de réponses, de ses systèmes de notation et de classement ? Car dans cette mince technique se trouvent engagés tout un domaine de savoir, tout un type de pouvoir. » Michel Foucault.

Par Grégory Chambat, CNT éducation 78


La mise en perspective historique des modes de notation ayant cours au sein de notre système éducatif se révèle une approche stimulante mais ardue, tant les recherches sur le sujet sont rares. Quelques études offrent des pistes, nous livrons ici une synthèse de ce qu’il est possible de lire sur la question, en nous appuyant en particulier sur les travaux d’Olivier Maulini [1].

La note : invention des Temps modernes [2]

Nombre de nos collègues s’étonneront probablement d’apprendre que la notation est une idée neuve. Ce qui semble, aujourd’hui, une évidence admise par tous, est en réalité le résultat d’un long processus. L’idée même de hiérarchiser les élèves n’est apparue qu’assez récemment. Cette naissance tardive a de quoi interroger puisqu’elle nous laisse entendre que non seulement l’école a longtemps su se passer des notes, mais elle invite également à se demander si ce ne serait pas « la nature sélective du système scolaire qui entraînerait la hiérarchisation des performances des élèves, elle-même nécessitant l’élaboration d’un système d’évaluation ad hoc : la note scolaire et le calcul des moyennes ». Et Olivier Maulini de poursuivre en posant la question de manière directe : « Est-ce la sélection scolaire qui inventa la note ou la note qui provoqua la sélection ? ». De la réponse à cette question dépendront forcément les modalités de notre lutte contre la notation telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui.

Au commencement était la marchandisation de l’école

C’est au Moyen-Âge, dès l’époque carolingienne, que se tisse le premier réseau scolaire. Durant cette période, l’école, en particulier dans les campagnes, fonctionne sur le mode du service. Un maître offre son enseignement contre une rétribution, parfois versée directement en nature sous forme de nourriture. Un fonctionnement qui répond aux attentes d’une société féodale où la naissance définit à l’avance la trajectoire sociale des individus et où l’école n’est investie d’aucune fonction de sélection des élèves-clients « Les élèves se préoccupaient d’étudier – ou de vivre ensemble – plus que de réussir, les maîtres plus d’enseigner que d’évaluer. (…) À l’élève et à sa famille revenait la responsabilité de décider s’il y avait quelque intérêt spirituel ou quelque profit matériel à suivre un enseignement, et à quel moment il convenait de l’abandonner, peut-être pour chercher un autre maître. L’auto-évaluation l’emportait sur l’évaluation. (…) Les premiers maîtres d’école offraient leurs services sur le "marché scolaire", les premiers élèves agissaient comme des consommateurs ; comme tels il leur appartenait de savoir quels étaient leurs besoins et dans quelle mesure l’enseignement reçu leur donnait satisfaction. (Perrenoud, 1984, p. 84). Dans cette logique, chaque objectif atteint par l’élève est tarifé, mais si l’élève n’apprend pas, le maître n’est pas payé…

Les Jésuites : former contre

Si, dans certaines campagnes, ce système perdura jusqu’au milieu du xix e siècle, c’est aux jésuites que nous devons la remise en cause de ce principe marchand. Dans le cadre de la Contre-réforme, cet ordre entend sélectionner une nouvelle élite. Ignace de Loyola et ses disciples dotent leurs collèges d’un code d’enseignement, le Ratio studiorum, qui pose comme principe que l’enseignant se doit de « favoriser une honnête émulation » qui fera effet de « grand aiguillon pour l’étude » (comprendre : qui sera aussi efficace, sinon plus, que la pratique des châtiments corporels). Ce code définit un système particulièrement complexe de concours, de prix, de devoirs écrits… suivant un rythme mensuel, trimestriel, annuel. Il encourage également une concurrence à double détente, entre les élèves eux-mêmes et entre les groupes qu’ils constituent selon un modèle inspiré de l’organisation des légions romaines. Chacun est le rival de l’autre, le sens de l’honneur servant de ressort à cette compétition aux accents guerriers.

L’âge du classement

C’est un collège jésuite, au Portugal, qui invente, en 1558, la première distribution des prix. L’idée s’étend à tout le continent et, à la fin du siècle, chaque établissement verse aux plus méritants des prix en argent, puis des médailles. Dès lors, il convient d’établir un classement : le maître compte les fautes et ordonne les compositions. Les résultats sont envoyés aux familles, avec un commentaire précisant le rang de l’élève. Ces classements vont être progressivement remplacés par des indications chiffrées (au collège jésuite de Caen, on adoptera une échelle à 4 niveaux : 1 = bien ; 2 = assez bien ; 3 = médiocre ; 0 = mal.) À la fin de l’année, les « optimi » passent dans la classe supérieure (cette répartition en classe de niveaux n’existait pas auparavant, le maître allant d’un élève à l’autre). Les « inepti » sont recalés, les « dubii » (les « incertains ») seront admis dans la classe suivante, mais à l’essai. En cas de problème, ils redescendront dans leur classe de départ. Enfin, les parents seront priés de « retirer les bornés et les cancres ». Discipline, répétition et concurrence définissent la pédagogie des jésuites, une pédagogie souvent caricaturée. Le codage des résultats est variable selon les époques et les lieux, mais il repose toujours sur le même principe : ce qui permet de « juger » un élève, c’est son classement dans la hiérarchie des groupes au sein de l’établissement. Trop « méritocratique » pour l’aristocratie jalouse de ses privilèges, le système sera combattu et les écoles seront fermées jusqu’à ce que la Révolution française, bien qu’opposer à l’idéologie des jésuites, s’inspire et perfectionne ce modèle pour organiser son propre système secondaire.

« Je ne dois pas battre la campagne… »

L’évolution est bien plus lente dans les campagnes. Il faut attendre par exemple 1822 pour assister au premier prix dans le primaire. On y descerne des « prix absolus » et des « prix de progrès », puis des « prix de bonnes notes » (quand son travail est bon, l’élève reçoit des billets. Qui lui permettent, à la fin de la semaine, du mois ou du trimestre, de recevoir – déduction faite des mauvaises notes – de menus objets : couteaux, sifflets ou cravates pour les garçons ; ciseaux, dés à coudre ou peignes pour les filles – Mutzenberg, 1974). « Le classement des élèves en groupes hiérarchisés va aboutir à la “notation” de chacune des cohortes. Qu’elles se présentent sous forme de billets palpables ou de simples écritures, de lettres ou de chiffres, qu’elles se situent sur une échelle graduée de 0 à 20 ou de 0 à 6, ces « notes » découleront toutes du découpage imaginé par les jésuites et leurs contemporains » (Maulini).

Peut toujours mieux faire !

La notation, de 0 à 20, des compositions est quant à elle officialisée en France en 1890. Si la République s’inspire des systèmes de classement antérieurs, elle entend les optimiser selon une idéologie qui lui est propre. Alors que le classement des jésuites ne valait que pour un lieu et un moment, la note prétend à une valeur universelle : « Ce que la note va progressivement signifier, c’est moins le rang de l’élève dans sa classe, que sa place sur une échelle universelle : l’échelle d’appréciation. Comme la monnaie pour le produit, la note apprécie le travail de l’élève, c’est-à-dire qu’elle lui donne son prix. […] Ce que dit la note, ce n’est pas seulement le rang que l’on mesure (“5 e sur 25”), mais la valeur du “travail” ou de la “conduite” que l’on évalue. Peu importe, à la limite, que Jules soit 3 e ou 15 e sur 25. Si sa note est une bonne note, c’est que son travail est un bon travail. » (Maulini). Le système permet de dépasser le traditionnel enseignement individuel des petites écoles au profit d’autres méthodes jugées économiquement plus rentables. Avec l’enseignement simultané le maître s’adresse directement à l’ensemble des élèves regroupés de façon homogène. La méthode permet d’augmenter significativement les effectifs. Mais, pour avoir des « classes », il faut… classer : d’où l’apparition de concepts nouveaux, tels ceux de « moyenne » ou de « redoublement ».

Le versant obscur

Il existe une seconde piste pour étudier l’histoire de la notation. C’est celle qui, marchant dans les traces de Michel Foucault, s’interroge sur l’évolution des systèmes de « contrôle », dans toute l’acception du terme. On connaît la formule « surveiller et punir » qui marque le passage à notre époque moderne. Progressivement - mais il faudra quand même, en France, attendre 1834 et surtout 1918 - le châtiment physique, comme méthode pédagogique disparaît. Il avait été concurrencé puis supplanté par « divers procédés d’examen, punitions morales ou psychologiques, surveillance disciplinaire récompensant les bons/flétrissant les mauvais élèves, leur portant des marques visibles, les classant » (La Note, invention des temps modernes) « L’examen combine les techniques de la hiérarchie qui surveille et celles de la sanction qui normalise. Il est un regard normalisateur, une surveillance qui permet de qualifier, de classer et de punir. Il établit sur les individus une visibilité à travers laquelle on les différencie et on les sanctionne. C’est pourquoi, dans tous les dispositifs de discipline, l’examen est hautement ritualisé. » (Foucault, 1975, p. 187). La note, comme « punition-signe » va se substituer à la punition-expiation (qui, visant le corps, faisait expier dans et par la douleur) et s’articuler avec la punition-exercice qui vise à dresser le corps (typologie des punitions de Prairat Éduquer et punir. Généalogie du discours psychologique).

Vers la disparition des notes ?

Dès son instauration dans sa version « moderne », le système de notation ne va cesser de susciter des critiques. Critiques « externes », qu’un florilège de citations (de Claparède à Freinet, en passant par Ferrer, Freire et bien d’autres) ne saurait complètement épuiser (ainsi, Claparède, dès 1920, défendant « une école sur mesure et non de la mesure » écrit : « L’école actuelle veut toujours hiérarchiser ; ce qui importe avant tout, c’est de différencier. Cette idée fixe de hiérarchie provient de l’emploi des divers systèmes usités pour aiguillonner les écoliers : bonnes ou mauvaises notes, rangs, punitions, concours, prix… Mais il est entendu que, dans l’école de demain, tous ces expédients seront mis au rancart, ou n’auront en tout cas plus l’importance d’antan. L’intérêt, tel sera le grand levier qui dispensera des autres. » (Claparède, 1920, p. 30). La docimologie, l’étude scientifique de la fiabilité de la notation et de l’évaluation, apparaît également dans ces mêmes années 20 avec les travaux d’Henri Piéron (1922). Aujourd’hui, les travaux sur la constante macabre (André Antibi, 2003) sont significativement encouragés par le ministère de l’Éducation nationale.

C’est que la critique « interne » de la notation a également une longue histoire. Pour Olivier Mauline « Ce que montre l’histoire de la notation, c’est une lente érosion de la quantification. En 1910, les enseignants genevois calculaient et répertoriaient environ 10 moyennes mensuelles pour chacune des 12 disciplines scolaires et pour la conduite, soit 130 informations chiffrées pour un seul bulletin scolaire. En 1966, on ne comptait plus que 5 moyennes bimestrielles pour 12 disciplines, la conduite et l’application, soit 70 notes. En 1980, 3 moyennes pour 10 disciplines, soit 30 notes. En 1992, 3 moyennes pour 5 disciplines, soit 15 notes. Demain, ou après-demain, seules devraient rester 3 “notes globales” de fin d’école primaire. Le mouvement est régulier, et il semble irréversible : l’école obligatoire réduit les classements ». Comment le comprendre ? Les réponses sont multiples. La mutation des procédures de sélection, mises à jour par Bourdieu, est une piste. La cause essentielle de l’apparition de la note, le classement, ayant disparu au profit de systèmes de distinction plus subtiles et plus feutrés, la note perd sa première raison d’être. Autre piste féconde, les travaux sur Le Nouvel Esprit du capitalisme (Boltanski et Chiapello), dont Jacques Guigou propose une intéressante application aux questions scolaires [3]. Il est facile de voir dans l’acte d’évaluation l’opérateur essentiel de la naissance du capitalisme. Jusque dans les années 1960, le système va chercher à perfectionner techniquement les méthodes d’évaluation pour répondre au plus près aux besoins de la société. Il faut mesurer, compter, rationaliser, scientifiser l’évaluation et donc perfectionner la notation dans un souci « tayloriste ». La rupture est sans conteste les événements de 68 (Guigou, de Peretti) et le mouvement généralisé de boycott des examens. Une période définie ainsi par Guigou : « 1968 : fin de l’examen final (et de la « lutte finale ») et début du contrôle continu » (Retouche pour une histoire de l’évaluation, Jacques Guigou). De manière symptômatique, l’apparation de la distinction entre évaluation-sommative et évaluation-formative date justement de 1967 (Scriven).

Pourtant, il faut se défier d’une vision « progressiste » et « scientiste » de cette rupture « selon laquelle on serait passé des tests et des mesures – réducteurs et indifférenciés – des origines de la docimologie, aux dispositifs élargis, autonomisants, différenciés et régulateurs des évaluations-formatives et des évaluations-recherches d’aujourd’hui ». 1968, c’est la naisssance d’une école où les « éduquants » gèrent leurs ressources humaines et les éduqués leur capital humain. « L’évaluation-formative contribue intensivement à l’identification de ce qui peut-être mis en "unités de valeur capitalisables", en "crédits", en "validations". Longtemps rebelle à cette vaste computation, le qualitatif en fait désormais entièrement partie » (Guigou). Cette critique connaît un nouveau souffle avec les analyses sur la marchandisation de l’école (N. Hirrt et la critique de l’évaluation par compétences). Ironie de l’histoire, Philippe Perrenoud souligne malicieusement que les pratiques contemporaines de « consommation » scolaire ne sont pas sans rappeler l’éducation marchande du Moyen Âge. Tant et si bien que les familles qui sélectionnent aujourd’hui les établissements en fonction d’attentes et de stratégies personnelles pourraient selon lui amorcer une forme de retour aux sources.

Y a pire qu’une mauvaise note ?

« Suffit-il de jeter le thermomètre au vide-ordures pour que la fièvre (sans parler du virus) disparaisse ? » (Maulini). Si l’abolition de la note peut s’imaginer dans un système éducatif inégalitaire et sélectif, c’est bien que c’est avant tout à l’école du tri social qu’il faut s’attaquer en premier lieu.



Notes

[1] 1« Qui a eu cette idée folle, un jour, d’inventer (les notes à) l’école ? http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/ ... /note.html Petite histoire de l’évaluation chiffrée à l’usage de celles et ceux qui désirent s’en passer (et des autres) », Olivier Maulini et « L’école de la mesure – Rangs, notes et classements dans l’histoire de l’enseignement (L’éclairage de l’Histoire) » in L’Éducateur, n° spécial « Un siècle d’évaluation en Suisse Roamnde, mars 2003. Deux textes en lien sur le site de la revue.
[2] 2 Titre d’un article http://www.revuedeshep.ch/pdf/vol-1/2004-1-bugnard.pdf de Pierre-Philippe Bugnard
[3] 3 « Retouche pour une histoire de l’évaluation » http://recherche.univ-montp3.fr/cerfee/ ... rticle=395 , Jacques Guigou.

http://www.cnt-f.org/nautreecole/?Une-h ... e-et-de-sa
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Re: Les notes

Messagede sebiseb » 11 Mai 2013, 21:17

Je découvre ce fil de discussion seulement aujourd'hui, mais il y a des alternatives aux notes ... Comme l'évaluation par compétences qui vise non pas à "classer" par ordre de résultat les élèves mais à vérifier qu'ils ont acquis ou non une notion - par exemple en histoire "situer un évènement dans une époque". Cela évites que les élèves se comparent ... Tu peux même les faire s'auto-évaluer par ce système, et le faire un parallèle avec ta propre évaluation.

Tu peux fixer des objectifs de tant de compétences acquises par trimestre, et faire un barème de notation avec le nombre de compétences acquises (en %) ... parce qu'il faut remplir le bulletin en fin de trimestre. S'ils ont le Bac à la fin de l'année, tu peux faire un truc "blanc" une fois par trimestre pour qu'ils puissent aussi se situer.

Bon, Ok mes conseils viennent un peu tard, mais peut-être valable pour l'année prochaine ???
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Re: Les notes

Messagede Denis » 11 Mai 2013, 21:21

Qu'y'en a pas un sur cent et qu'pourtant ils existent, Et qu'ils se tiennent bien bras dessus bras dessous, Joyeux, et c'est pour ça qu'ils sont toujours debout !

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Re: Les notes

Messagede Kzimir » 11 Mai 2013, 23:01

Pour l'année prochaine je pensais organiser des travaux de groupe qui serviraient de base pour la notation, et profiter des vacances pour essayer de mettre en place un barème "participation-progression", mais c'est encore flou dans ma tête. Le truc de l'auto-notation peut être intéressant aussi.
Par contre mon truc de note invisible, ça a été un gros fail : Mes élèves ont clairement réclamées des notes, disant que ça leur permettait de se situer, de savoir ou elles avaient des lacunes, etc.
En fait j'ai découvert un problème plus grave dans ma classe que mes états d'âme concernant les notes. C'est les grosses différences de niveau entre élèves. J'ai des élèves qui ont pas acquis les notions de base (notamment une qui, en seconde, ne sait pas situer la France ou l'Europe sur une carte), et d'autres qui sont plutôt en avance sur le programme (voire très en avance), et pour que les premières aient une chance de rattraper la seule méthode que j'aie trouvé c'est de leur faire des cours à la mode des années 30, avec du par coeur des notions de base (chronologie + cartes) pour qu'elles aient une chance de situer un peu le reste du programme quand on en parlera. Et si c'est un type de cours qui est efficace pour acquérir les notions de base, c'est plutôt une méthode d'apprentissage aliénante.
Cette année je leur ai jamais fait de devoirs à la maison non plus, parce que j'aime pas l'idée d'école corvée, et que je pense que leurs journées sont déjà assez chargées, mais en y réflechissant j'ai peur que ça favorise celles qui chez eux ont un accès privilégié à la culture (par leur famille notamment), donc je sais pas trop comment je vais faire pour l'année prochaine.
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Re: Les notes

Messagede sebiseb » 26 Juil 2013, 16:44

Kzimir a écrit:Pour l'année prochaine je pensais organiser des travaux de groupe qui serviraient de base pour la notation, et profiter des vacances pour essayer de mettre en place un barème "participation-progression", mais c'est encore flou dans ma tête. Le truc de l'auto-notation peut être intéressant aussi.
Par contre mon truc de note invisible, ça a été un gros fail : Mes élèves ont clairement réclamées des notes, disant que ça leur permettait de se situer, de savoir ou elles avaient des lacunes, etc.
En fait j'ai découvert un problème plus grave dans ma classe que mes états d'âme concernant les notes. C'est les grosses différences de niveau entre élèves. J'ai des élèves qui ont pas acquis les notions de base (notamment une qui, en seconde, ne sait pas situer la France ou l'Europe sur une carte), et d'autres qui sont plutôt en avance sur le programme (voire très en avance), et pour que les premières aient une chance de rattraper la seule méthode que j'aie trouvé c'est de leur faire des cours à la mode des années 30, avec du par coeur des notions de base (chronologie + cartes) pour qu'elles aient une chance de situer un peu le reste du programme quand on en parlera. Et si c'est un type de cours qui est efficace pour acquérir les notions de base, c'est plutôt une méthode d'apprentissage aliénante.
Cette année je leur ai jamais fait de devoirs à la maison non plus, parce que j'aime pas l'idée d'école corvée, et que je pense que leurs journées sont déjà assez chargées, mais en y réflechissant j'ai peur que ça favorise celles qui chez eux ont un accès privilégié à la culture (par leur famille notamment), donc je sais pas trop comment je vais faire pour l'année prochaine.

Mouais, c'est la confrontation entre la théorie (enfin nos idéaux) et la pratique (ou plutôt les mécanismes bien ancrés dans la tête des élèves, des parents, et du système en général).
Je pense que tu ne renonces pas à tes idéaux parce que tu appliques des méthodes de la belle époque (souviens toi que c'est l'époque de Freinet). En gardant les méthodes plus "libres" et moins "stigmatisantes" en tête tu les mettras d'ici de là en œuvre et trouveras le bon compromis entre ce qui s'impose à toi, et ton idéal d'éducation !
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Re: Les notes

Messagede FreeWorld » 27 Juil 2013, 14:59

Moi même qui suis lycéen je me partage là-dessus je me dis que les notes ne montre pas les réelles capacité d'un élève, en faite ça dépend juste de l'envie de l'élève à fournir un travail et à l'intérêt qu'il porte au sujet étudié. Moi même dans certains cours je m'ennuie tellement que j'y porte aucun intérêt et donc je me ramasse littéralement ! L'idée ça serait d'analyser l'intérêt de chacun (oui je rêve) parce que moi qui n'aime pas les mathématiques quand je suis en cours de maths je trouve que c'est du temps perdu (enfin même si c'est important d'avoir quelques notions).
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Re: Les notes

Messagede Blackwater » 27 Juil 2013, 15:46

Ben après au lycée, effectivement, tu peux être en âge de savoir si les maths sont ta vocation ou pas. Après, je pense qu'il y a des limites à faire fonctionner l'éducation par "intérêts". Un collégien qui n'aime pas les maths peut très bien trouver sa voie plus tard et il se peut que ce soit justement...les maths. La spécialisation par intérêts vient plus tard, et ce n'est pas forcément là-dessus que je verrai des défauts dans l'éducation, mais bien plus sur les méthodes. Mais de toute façon, ce n'est pas le sujet. Pour ce qui est des notes, je n'ai pas d'avis complètement tranché dessus, mais l'article de la CNT posté par bibip m'a beaucoup intéressé.
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