Matières et enseignement

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Messagede Pïérô » 15 Fév 2011, 13:17

Une société sans classes  ? Dans les programmes scolaires  !

tant qu'à faire, en plus de nous présenter le capitalisme comme horizon indépassable, pourquoi ne pas masquer cette réalité qu'est l'exploitation, un système au profit(s) d'une classe, et la lutte des classes par là même.

Colloque d'urgence

"Une société sans classes ? Dans les programmes scolaires !"

pour défendre les sciences économiques et sociales au lycée

AECSP - AFEP - ASES

Le 15 février de 14h à 17h, EHESS - École des hautes études en sciences sociales
Grand amphithéâtre, 105 boulevard Raspail, Paris,
Métro Saint Placide ou Notre Dame des Champs


Les programmes de sciences économiques et sociales du lycée sont en ce moment l'objet d'une réforme qui remet en cause leur pluridisciplinarité et conduit à l'abandon progressif des notions permettant de saisir l'espace social tel qu'il est, avec ses différences, ses divisions, ses déterminations et ses classes. C'est pourquoi des chercheurs de disciplines soeurs ont décidé d'organiser un colloque d'urgence pour rappeler la légitimité scientifique et la justesse de la démarche pédagogique des SES, et témoigner de leur soutien envers leurs collègues de lycée.

Participants :
• André Orléan
• Anne-Catherine Wagner
• Alain Desrosières
• Laurence de Cock
• Pascal Combemale
• Marjorie Galy
• Patrick Lehingue
• Sabine Rozier
• Frédéric Sawicki
• Arthur Jatteau
• Erwan Le Nader
• Frédéric Lebaron
• Philippe Légé


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Messagede DjurDjura » 16 Jan 2012, 18:30

un pamphlet réactionaire en guise de livre d’histoire

IEP Grenoble : un pamphlet réactionaire en guise de livre d’histoire
Publié le 15 janvier


Depuis la ren­trée, les élèves pos­tu­lant pour le concours de l’l’IEP Grenoble étudient comme œuvre unique d’his­toire le livre de Daniel Lefeuvre, Pour en finir avec la repen­tance colo­niale, Flammarion, 2006. Cet ouvrage polé­mi­que s’ins­crit dans le cadre du débat public lancé par l’arti­cle 4 de la loi du 23 février 2005 [1]. A l’époque, Catherine Coquery-Vidrovitch avait pro­posé un compte-rendu cri­ti­que de cet ouvrage qui adopte une posi­tion par­ti­sane sur le fait colo­nial et ses usages publics. S’il n’est pas inin­té­res­sant de sen­si­bi­li­ser des étudiants à l’intel­li­gi­bi­lité de ques­tions mémo­riel­les, il convient, pour cela, de pré­ci­ser au mini­mum la nature spé­ci­fi­que de l’ouvrage à étudier. L’inter­pel­la­tion de notre col­lè­gue ci-des­sous nous semble donc très oppor­tune afin de cla­ri­fier les atten­tes de l’IEP Grenoble quant à l’étude de cet ouvrage.

L’auteur vise dans cet ouvrage à « démon­ter […] à l’aide des bons vieux outils de l’his­to­rien –les sour­ces, les chif­fres, le contexte- […] les contre­vé­ri­tés, bille­ve­sées et bri­co­lage [qui com­po­sent] le réqui­si­toire des repen­tants » (extrait de la qua­trième de cou­ver­ture). Le ton est donné ; Daniel Lefeuvre compte réta­blir des « véri­tés » contre les dis­cours de tous ceux (poli­tis­tes, his­to­riens, jour­na­lis­tes, poli­ti­ciens..., les « repen­tants ») qui « mènent combat pour dénon­cer le péché capi­tal que nous devons tous expier : notre passé colo­nial, à nous Français » (ibid.).

L’ouvrage pro­posé cette année au concours d’entrée de l’IEP doit-il être consi­déré par les can­di­dats et les pré­pa­ra­teurs comme un livre d’his­toire sur la colo­ni­sa­tion, comme un docu­ment his­to­ri­que sur les conflits actuels autour de la mémoire colo­niale, ou bien encore comme un essai par­ti­san ? Sans doute est-il l’œuvre d’un his­to­rien ; mais il s’agit en réa­lité d’un pam­phlet poli­ti­que, qui vise la contro­verse, et qui cher­che bien davan­tage à condam­ner ce que l’auteur per­çoit être « une pro­pa­gande repen­tante » (p. 157), qu’à offrir une his­toire de la colo­ni­sa­tion. La « pro­pa­gande repen­tante » com­prend aussi bien, pour l’auteur, les tra­vaux de nom­breux pro­fes­seurs d’his­toire, spé­cia­lis­tes de la colo­ni­sa­tion, que les dis­cours de Tarik Ramadan. Dans ces condi­tions, il semble donc néces­saire que l’IEP pré­cise clai­re­ment le statut de l’ouvrage au pro­gramme qui est conféré pour ce concours – et d’autant plus qu’il s’agit d’une année électorale, qui pro­vo­quera des débats où les ques­tions dont traite l’ouvrage ne seront sans doute pas absen­tes.

La suite à lire sur : http://cvuh.blogspot.com/2012/01/note-lattention-des-preparateurs-et.html

http://rebellyon.info/IEP-grenoble-un-pamphlet.html
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Messagede Ulfo25 » 31 Juil 2012, 09:33

Arrêt des Maths à l'école ?

Article Le Monde qui rapporte l'idée d'Andrew Hacker de supprimer les maths de l'enseignement.

Les courbes exponentielles vous donnent des boutons ? Vous n'avez jamais saisi la subtilité du dilemme de Fermat ? La simple évocation de la théorie des ensembles vous fait flancher ? Alors vous vous êtes forcément posé la même question qu'Andrew Hacker, professeur de sciences politiques, qui a publié samedi sur le site du New York Times une longue tribune intitulée "L'algèbre est-il nécessaire ?". L'Américain y expose son questionnement : faut-il arrêter d'enseigner les mathématiques à l’école ?

A grand renfort de statistiques, Andrew Hacker affirme en effet que la discipline est l'un des principaux facteurs d'échec et de discrimination dans le système scolaire américain. "La plupart des enseignants estiment que l'algèbre est la principale cause académique du fait qu'un jeune Américain sur quatre ne parvient pas à finir le lycée", note l'auteur. Selon une évaluation menée à l'échelle nationale, les élèves récoltent en effet en mathématiques deux fois plus de notes inférieures à 5/20 (D dans le système de notation états-unien) que dans toutes les autres matières.

L'accent mis sur l'apprentissage des mathématiques au détriment des matières littéraires est tel qu'Andrew Hacker parle même de "mur prohibitif des mathématiques" comme facteur de discrimination entre établissements privés et publics. Ces derniers ne peuvent en effet débourser les mêmes montants pour être sûrs que leurs élèves maîtrisent cette matière difficile. Résultat : la sélection universitaire se fait dans beaucoup de cas sur une évaluation du niveau de mathématiques.

"Ce débat est important", insiste Andrew Hacker, dont la tribune a été l'article le plus lu ce week-end sur le site du quotidien américain. Si le professeur ne remet pas en cause l’utilité des mathématiques, son propos est bien de critiquer la manière dont cette matière est enseignée à l'école. "Faire des mathématiques un élément indispensable du cursus nous empêche de découvrir et de développer des jeunes talents. Si l'intérêt est de maintenir une rigueur, nous nous privons au contraire de toute une réserve de matière grise. [...] Mon but n'est pas d'épargner aux écoliers une matière difficile, mais d'attirer l’attention sur les problèmes réels que nous causons en ne les orientant pas correctement."

Son point de vue est assez radical. S'il plaide pour le maintien d'un apprentissage "des bases de l'arithmétique", il préconise l'abandon des théories trop complexes – "il n’y a aucune raison de les forcer à comprendre les angles vectoriels et les fonctions" – au profit d'une application plus pratique de la discipline : "On dit que les mathématiques aiguisent notre capacité de réflexion et font de nous des meilleurs citoyens ? C'est vrai que les mathématiques exigent des efforts intellectuels. Mais il n'y a aucune preuve qui montre que quelqu'un capable de résoudre (x2 + y2)2 = (x2 – y2)2 + (2xy)2 aura des opinions politiques ou des analyses sociales plus développées."

Le site Slate.fr, qui relaie également cette tribune, souligne que le problème soulevé par Andrew Hacker n'est pas seulement américain. "En France, un quart des jeunes souffre d’un réel retard en mathématiques, souligne l’institut Montaigne. L’augmentation de l’échec scolaire a même poussé l’OCDE à produire un rapport pour proposer des solutions", note le site.
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Re: Arrêt des Maths à l'école ?

Messagede L . Chopo » 31 Juil 2012, 12:26

L'accent mis sur l'apprentissage des mathématiques au détriment des matières littéraires est tel qu'Andrew Hacker parle même de "mur prohibitif des mathématiques" comme facteur de discrimination entre établissements privés et publics. Ces derniers ne peuvent en effet débourser les mêmes montants pour être sûrs que leurs élèves maîtrisent cette matière difficile. Résultat : la sélection universitaire se fait dans beaucoup de cas sur une évaluation du niveau de mathématiques.

Le point nodal n'est-il pas là et exclusivement là ?
Supprimer les math, comme le présente Andrew Hacker, dans son "argumentaire, pour moi, relève de la solution "de facilité": "il y a un problème, alors on l'efface"…
"Nul en math" dans ma scolarité, j'en constate pourtant la nécessité et continue de penser que c'est sa manière d'être enseignée qui doit être revue, tout comme sa "suprématie" dans l'enseignement, considérée comme un critère discriminant. Par exemple, si vous souhaitez être pilote, alors vous devez faire impérativement des études de math… Je n''ai toujours pas compris la logique, mis à part celle imposée par une certaine "aristocratie" mise en place dans l'enseignement, comme un adoubement obligé, qui, dans la lignée des ingénieurs, doit séparer les cols blanc et les cols bleus …
Mais ceci vaut également dans les filières (dites) "littéraires", voire "artistiques où s'instaurent également des aristocraties/valorisations. Et là, c'est pas toujours idyllique le petit monde des "Artisticos-Intellos"…
Non, M. Andrew Hacker, il ne faut pas "Arrêt des Maths à l'école ", mais les enseigner différemment, comme un outil utilisable par le plus grand nombre.

Quant aux maths, comme "sélection universitaire", c'est le système de mise en concurrence mercantile des universités qu'il faut critiquer et changer, au delà d'un constat.
L. Chopo
Pour la Confédération Nationale des Travailleurs - Solidarité Ouvrière (CNT-SO)
http://www.cnt-so.org


"Il faut que la critique se dérobe à la mise en demeure permanente d'indiquer des solutions sur-le-champ." -Anselm Jappe-
L . Chopo
 
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Re: Arrêt des Maths à l'école ?

Messagede Ulfo25 » 31 Juil 2012, 14:33

Oui c'est sûr mais le principe de sélection des facs dépend aussi de la filière choisie. Beaucoup d'élèves veulent faire du marketing ou des choses comme ça, du coup les maths sont utiles. Moi, par exemple, je n'ai eu forcément besoin de cette matière pour faire sociologie et science po' ensuite. Mais c'est vrai que les sciences dites "dures" et principalement les maths sont privilégiés du fait qu'elles sont plus rentables que les sciences humaines. Du moins plus directement rentable.
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La géographie, ça sert aussi à faire la guerre sociale

Messagede bipbip » 30 Déc 2012, 01:39

Article dans le numéro 222 d’Alternative libertaire (novembre 2012)

Recherche et luttes : La géographie, ça sert aussi à faire la guerre sociale

Un vent nouveau soufflerait-il sur la géographie ? La question peut surprendre car la lecture des manuels scolaires laisse peu de place à une vision critique. Pour autant il existe des courants critiques dans cette discipline…

La géographie, ça sert aussi à faire la guerre sociale [1]

Le colloque « Espace et rapports sociaux de domination, chantiers de recherche » qui s’est tenu les 20 et 21 septembre dernier à l’Université de Marne-la-Vallée en offre un bel exemple et autorise à nourrir bien des espoirs. [2]

Il a d’abord constitué un acte fort de l’affirmation de courants critiques et radicaux non seulement au sein de la géographie, mais aussi des sciences sociales. Une cinquantaine de chercheurs et chercheuses ont fait état de leurs travaux dans des domaines variés. Ainsi l’atelier « Gérer les pauvres au lieu de combattre la pauvreté » s’est efforcé de déconstruire les politiques publiques davantage inspirées par un souci de maintien de l’ordre qu’une volonté de lutte contre les inégalités. Cette réflexion a été prolongée par un autre atelier intitulé « La fabrique capitaliste de l’espace » analysant les mécanismes de privatisation de l’urbanisation et de domination impulsés par le patronat et les édiles. Les classes dominantes poussent à la création de villes mondiales qui concentrerait des pouvoirs financiers, économiques et politiques au service d’une logique d’accumulation capitaliste ce qui est aberrant tant d’un point de vue social qu’écologique. Cela fragilise les autres territoires (espaces périurbains, villes moyennes) tout en concentrant de plus en plus de richesses dans les métropoles, ne faisant qu’accroître les phénomènes de compétitivité entre les villes, ce qui in fine favorise les phénomènes de privatisation dans l’aménagement du territoire, les politiques sociales et les services publics… Parmi les cibles des participants et participantes on trouvait aussi la notion de mobilité qui relève de plus en plus de l’injonction. Il a été démontré que la plupart des mobilités (migrations internationales, mobilités professionnelles…) sont contraintes et n’ont pas grand rapport avec la liberté de circulation et d’installation que nous pouvons défendre. D’autres d’interventions traitaient du genre et de l’imbrication des rapports de domination, ou encore de l’écologie et de ses luttes.

Perspectives prometteuses

La réflexion est allée bien au-delà d’une pensée universitaire recroquevillée sur elle-même. Tout au long du colloque, plusieurs interventions de la salle ont insisté sur le fait que mettre en cause les rapports sociaux et spatiaux de domination ne pouvait se limiter à une critique des dominants et que la question des luttes des dominé-e-s devait occuper une place centrale ; ce lien étant essentiel si on ne veut pas que la critique radicale s’enferme dans un ghetto universitaire. De ce point de vue l’intervention du géographe étatsuniens Don Mitchell [3] était éclairante. Relatant son parcours, il a expliqué comment les idées marxistes, libertaires et écologistes radicales ont pu devenir majoritaires dans certains départements de géographie aux États-Unis, mais aussi comment ce courant s’est retrouvé isolé en se coupant des mouvements sociaux dans les années 1980 et 1990. Il semble que le message ait été bien compris. C’est ce qu’on peut penser en voyant les perspectives qui se dessinent après ce colloque dont les actes seront publiés. Organiser des rencontres sous une autre forme que le colloque universitaire classique, c’est-à-dire en autogestion, dans des lieux alternatifs, avec une réflexion sur les pratiques (notamment la prise de parole), faire le lien avec les mouvements sociaux, ou encore rédiger un anti-manuel de géographie pour l’enseignement secondaire, voici un aperçu des nombreuses propositions évoquées. Il ne reste donc qu’à passer aux travaux pratiques.

Laurent Esquerre (AL Paris Nord-Est)


Pour aller plus loin : Une interview de deux des organisateurs dans un numéro de Carnets de géographes consacré à la géographie critique : http://www.carnetsdegeographes.org/


[1] Cf. Yves Lacoste, La Géographie, ça sert, d’abord à faire la guerre, 1976.

[2] L’appel à communications et le programme du colloque : http://acp.univ-mlv.fr/

[3] Don Mitchell est professeur de géographie à l’Université de Syracuse (État de New York, États-Unis) et l’une des figures de proue de la géographie radicale américaine. Voir notamment Cultural Geography : A Critical Introduction (2000) et The Right to the City : Social Justice and the Fight for Public Space (2003).
http://alternativelibertaire.org/spip.php?article5033
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Re: Matières et enseignement

Messagede bipbip » 30 Mai 2015, 12:19

Programmes d’histoire : halte aux mensonges et aux fantasmes
Pétition "Enseignement de l’histoire au collège : halte aux mensonges et aux fantasmes !"

La fédération Sud éducation relaie cette pétition car nous pensons que la démarche est plus que pertinente dans le "moment réactionnaire" que nous traversons.
Si nous partageons l’essentiel de ce qui est porté par cette pétition et ces signataires, nous ne pouvons malheureusement pas nous y associer totalement en raison du dernier paragraphe :
"Même s’ils ne sont pas parfaits, ces projets de programmes, issus du travail collectif présenté par le Conseil supérieur des programmes, nous semblent suffisamment équilibrés et ouverts, dans le choix des thèmes comme dans la liberté laissée aux professeurs de les traiter."

Nous sommes circonspect en ce qui concerne la collégialité réelle et le caractère démocratique du Conseil supérieur des programmes. De plus, nous ne pouvons considérer comme positif le maintien du carcan que représente à nos yeux le socle commun de compétences.


Programmes d’histoire : halte aux mensonges et aux fantasmes

NB : Cette tribune a été publiée dans Le Monde le 14 mai dernier. Depuis, les déclarations médiatiques et politiques n’ont pas cessé et insistent toutes sur l’opportunité d’un retour au roman national. Chercheurs/ses et enseignant.e.s refusent toute instrumentalisation et appellent à cesser ces débats délétères pour leur métier et pour la société. Le texte peut désormais être signé ici.

Historien(ne)s de métier, nous sommes consterné(e)s par la tonalité actuelle du débat public sur les nouveaux programmes d’histoire du collège. Nous souhaitons ici opposer une contradiction des plus fermes aux peurs, aux mensonges et aux fantasmes alimentés à ce sujet par différents médias.

Mensonge pur et simple d’abord sur le contenu de ces programmes, quand on cherche à faire croire que l’enseignement de l’histoire du christianisme médiéval, au contraire de celle de l’islam, ne serait plus obligatoire. Tentative éhontée d’alimenter la stigmatisation grandissante de l’islam, qui ne mérite qu’une opposition ferme. Mensonge tout aussi direct lorsqu’on s’ingénie à faire croire à nos concitoyens que la « chronologie » disparaîtrait : que chacun se rassure, le déroulé chronologique des périodes historiques est une réalité parfaitement ancrée, du primaire à l’université, dans notre système d’enseignement, et le projet actuel de programmes ne l’altère en rien.

Fantasme récurrent, enfin, lorsque l’on prétend que l’histoire de France serait sacrifiée. Il faut d’abord rappeler que la construction de la nation telle que nous la connaissons ne s’est achevée que très tardivement : vouloir enseigner l’histoire de France au Moyen Age comme si notre pays avait été déjà là n’a donc absolument aucun sens. D’autre part, il n’y a d’histoire que pour comprendre le présent : les nouveaux programmes sont ouverts sur le monde car ils répondent à des questions d’aujourd’hui et invitent à une réflexion sur les liens entre les hommes au-delà des frontières.
Résultat de multiples apports

Pour autant, ils ne tournent pas le dos à l’histoire nationale, qui demeure un des principaux fils conducteurs des programmes, pour peu qu’on les lise sérieusement. L’histoire de France elle-même est le résultat de multiples apports démographiques, économiques, sociaux, politiques, culturels, intellectuels ou religieux, et pour la comprendre réellement, il convient de retracer ces liens que notre pays a toujours entretenus avec de multiples espaces extérieurs (européens, coloniaux, internationaux), ce qui permet aux élèves de mieux comprendre les relations de plus en plus complexes entre la France, l’Europe et le monde d’aujourd’hui.

Au-delà, ces prises de position reflètent une erreur plus fondamentale. Il faut n’avoir pas mis les pieds depuis très longtemps dans une salle de classe pour croire que ce qui se joue dans un cours d’histoire est de l’ordre de l’adhésion à la nation. A lire certains, il suffirait d’apprendre à chanter La Marseillaise ou de faire cours toute l’année durant sur Louis XIV ou Napoléon pour faire « aimer la France ». Or poser la question dans ces termes est le signe le plus sûr qu’on se fourvoie, sur l’efficacité des cours d’histoire comme sur leur fonction.

N’en déplaise à beaucoup, il y a longtemps que l’inculcation du patriotisme n’est plus la mission première de l’école républicaine. Les enseignants d’histoire-géographie n’ont pas pour vocation de fabriquer la loyauté nationale de leurs élèves, quand bien même ils le pourraient, mais de les aider à se construire comme de futurs citoyens, c’est-à-dire comme des libres acteurs du présent et du futur à partir d’une connaissance critique du passé.
Discipline critique

On comprend qu’un tel horizon effraie ceux et celles qui ne voient dans l’histoire qu’une récitation nostalgique et mécanique du passé national. Comme si, dans le monde actuel, on pouvait devenir citoyen sans aborder l’histoire des grands monothéismes, de l’Asie ou de l’Afrique, ou sans affronter des héritages complexes, qu’il s’agisse des Lumières, des guerres mondiales ou de la colonisation. Comme si on ne pouvait pas faire confiance aux professeurs pour construire librement un enseignement réfléchi sur le passé dans sa richesse et sa diversité, loin des injonctions idéologiques ou patriotiques.

Contre les mensonges et les fantasmes qui dévoient comme souvent le débat sur l’école et ses évolutions, nous entendons rappeler que l’histoire n’est pas le véhicule d’une propagande inculquée, mais une discipline critique permettant de questionner le passé et d’agir librement au présent, en toute conscience. Dans ce sens nous appelons les responsables politiques à ne pas céder aux instrumentalisations médiatiques alimentant la culture de la peur, de la haine et du repli sur soi qui gangrènent actuellement la société française.

Même s’ils ne sont pas parfaits, ces projets de programmes, issus du travail collectif présenté par le Conseil supérieur des programmes, nous semblent suffisamment équilibrés et ouverts, dans le choix des thèmes comme dans la liberté laissée aux professeurs de les traiter.

Rédacteurs : Emmanuelle Picard (MCF, ENS Lyon) – André Loez (professeur en CPGE) – Laurence De Cock (chercheuse, Université Lyon-II) – Guillaume Mazeau (MCF, Université Paris-I)

Pour signer en ligne : https://programmesdhistoire.wordpress.com/

http://www.sudeducation.org/Petition-En ... -de-l.html
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Re: Matières et enseignement

Messagede Pïérô » 11 Juin 2015, 02:36

Nouveaux programmes d’histoire : ce qui a eu lieu, ce que l’on risque

J'avais ici déjà largement commenté le débat public sur les nouveaux programmes d'histoire dans lequel se sont recyclés des arguments récurrents depuis la fin des années 1970 : que faire de la chronologie ? Quelle place accorder à l'histoire de France ? L'enseignement de l'histoire sert-il davantage à tisser de l'appartenance nationale ou à accompagner l'apprentissage d'un esprit critique ?Le collectif Aggiornamento a également déjà pointé la violence de l'actuel débat ; violence que l'on peut sans doute référer à la proximité des attentats de janvier qui ont donné lieu à de multiples expressions publiques d'angoisses, notamment vis à vis d'une population héritière de l'immigration ; certains éditorialistes ou intellectuels n'hésitant plus désormais à faire tomber les digues du racisme le plus débridé, inimaginable il y encore quelques années au delà des cercles de l'extrême-droite.

(...)

"Il fut question hier, lors d’une belle journée, de liberté pédagogique, d’introduction de nouvelles thématiques et de nouvelles échelles ; il fut question surtout de faire de l’histoire en classe ; une histoire dépoussiérée de ses implants identitaires ; une histoire reconnaissante de la richesse des différences et soucieuse d’en accompagner les transformations plutôt que d’en limer les rugosités. Il fut question enfin d’esprit critique, d’émancipation, et d’un projet commun de l’école qui opte pour le risque de l’avenir plutôt que pour la sécurité mélancolique.

Si l’on pouvait s’en tenir à cette dernière gageure, et ne plus soumettre la réécriture des programmes aux impératifs électoraux et aux pressions politiciennes, je pense que bon nombre d’enseignant.e.s en sortiraient fort revigorés. "

... http://blogs.mediapart.fr/edition/aggio ... lon-risque
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Re: Matières et enseignement

Messagede bipbip » 14 Juin 2015, 13:19

« Écologie de classe contre développement durable »
Le développement durable fait durer le plaisir ou plutôt la catastrophe en cours : on baisse le feu de la grande marmite empoisonnée pour qu’elle ne déborde pas trop vite… Le développement durable est à l’opposé d’une écologie engagée et vivante dans les petites utopies concrètes quotidiennes… Écologie anti-productiviste, qui questionne la société de consommation et le gaspillage, la tyrannie technologique. Quelles pratiques concrètes de cette écologie de classe dans l’école, le collège ou les activités extra-scolaires ? Avec Marc Noyer, instit à Paris14e, ainsi que Paco Friez, salarié de l’association « Veni, Verdi » qui intervient dans le collège Mendès-France autour d’un projet d’agriculture urbaine.
Émission de la CNT éducation RP (12 mai 2015) à écouter : http://www.cnt-f.org/emission-de-la-cnt ... 2-mai-2015
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Re: Matières et enseignement

Messagede bipbip » 09 Fév 2016, 01:29

Histoire globale

« Aujourd’hui le monde est métis, bien qu’une partie de la planète, comme l’Europe, rechigne à l’admettre »

Comment enseigner l’histoire dans un pays multiculturel comme le nôtre ? Alors qu’une partie de la société française continue de se crisper sur la nature de ses identités – les débats autour de binationaux, qui seraient moins Français que les autres, en constituent une preuve supplémentaire –, l’historien Serge Gruzinski nous livre ses réflexions. Et plaide pour l’enseignement d’une histoire « globale », bien plus large que le récit aseptisé et franco-français que certains voudraient remettre au goût du jour. « L’apprentissage de l’Histoire n’est pas une mémorisation collective d’un passé commun aseptisé. Il requiert une distance critique, doit susciter un débat et impliquer l’élève dans le processus. » Entretien.

... http://www.bastamag.net/Aujourd-hui-le- ... e-l-Europe
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Re: Matières et enseignement

Messagede bipbip » 08 Juin 2016, 07:40

L’Education morale et civique et l’oubli de la question sociale

Lorsque l’on lit l’article premier de la constitution française, il est mentionné que la France est une République sociale. Néanmoins, dans les programme d’EMC chargés de porter les valeurs de la République, une réelle référence aux valeurs “sociales” de la République a disparu.

Les valeurs de la République et l’article premier de la constitution de 1958

L’article premier de la constitution dispose : “La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales”.

Il est possible de reconnaître dans cet article plusieurs des valeurs de la République qui sont portées dans le programme d’éducation morale et civique : la laïcité, la tolérance religieuse, l’anti-racisme, l’égalité homme/femme, la démocratie.

La question “sociale” et son oubli

Néanmoins l’article premier de la constitution affirme que la France est une République démocratique et sociale. Que signifie cette affirmation “sociale” ?

Sans remonter nécessairement à l’histoire de l’expression “République sociale” depuis le XIXe siècle, cela fait au moins référence aux droits sociaux qui sont inscrits dans le préambule de la constitution de 1946 et qui ont valeur constitutionnelle.

Ces droits sociaux s’inscrivent dans la continuité du programme du Conseil national de la Résistance (CNR) : “Les jours heureux”.

Quels sont ces droits ? Droit au travail, droit de se syndiquer et de faire grève, le droit à des services public, à une sécurité sociale....

Lorsqu’on le regarde le programme d’EMC, il faut attendre le cycle 4 pour que les droits sociaux soient évoqués et l’on ne peut être que surpris par le contenu qui leur est donné :

A “Connaître les principaux droits sociaux”, ce qui est énoncé, c’est : - L’engagement politique, syndical, associatif, humanitaire : ses motivations, ses modalités, ses problèmes.”
Ainsi, l’engagement syndical est évoqué, mais parmi d’autres : politique, associatif ou humanitaire…Mais les droits sociaux tels qu’ils apparaissent dans le préambule de la constitution de 1946 ne sont jamais explicitement déclinés.

Certains syntagmes pourraient les évoquer, comme “solidarité collective”, mais de manière tellement vague que l’enseignant n’est pas explicitement incité à les interpréter dans ce sens. Mettre en valeur les droits sociaux constitutionnels devient dès lors une volonté militante de l’enseignant, mais pas un contenu explicite du programme.

Dans le programme de lycée, là encore on ne lit guère de référence aux droits sociaux. La seule référence la plus approchante porte sur l’impôt : “Payer l’impôt : organisation de débats portant sur l’impôt et la citoyenneté, l’impôt et la solidarité, l’impôt et l’égalité, l’impôt et l’éthique”.

Mais si l’impôt est une prérogative du pouvoir de l’Etat, cet impôt peut être dévolu à entretenir l’armée, la police ou encore la justice. C’est à dire ce que l’on appelle l’appareil répressif de l’Etat et non pas spécifiquement à financer des services publics sociaux.

Une lecture symptomale du programme d’Education morale et civique

Une lecture de l’histoire de la citoyenneté en France se caractérise par la conquête progressive de l’égalité des droits civils, politiques et la conquête de droits sociaux.

Il est tout de même symptomatique que dans un programme d’Education morale et civique rédigé sous un gouvernement de “gauche”, les droits sociaux ont disparu ou sont redéfinis,

Lorsqu’on lit le programme d’Education morale et civique, on peut constater qu’il y est fait une part belle à la lutte contre les discriminations racistes et à l’égalité homme/femme. Il ne s’agit pas de nier ou de relativiser l’importance de ces causes.

Mais, elles ne suffisent à justifier l’oubli de la question sociale.

Il est tout à fait symptomatique que l’on veuille construire une culture et des valeurs communes en oblitérant la question sociale. Comme s’il était possible de construire du commun en s’appuyant uniquement sur des valeurs et en omettant la justice sociale.

Mais à vrai dire, il n’y a guère de raison de s’étonner de cet oubli. En effet, comment prôner la justice sociale devant des élèves alors que l’on sait que l’école est le lieu central de la reproduction des inégalités sociales.

De même, comment valoriser les droits sociaux, alors que les gouvernements successifs depuis les années 1980 ont accepté le tournant néo-libéral de l’économie et que le Président François Hollande se revendique d’une sociale-démocratie qui ressemble bien plus à un social-libéralisme qu’au socialisme.

Annexe : Préambule de la constitution de 1946

1. Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

2. Il proclame, en outre, comme particulièrement nécessaires à notre temps, les principes politiques, économiques et sociaux ci-après :

3. La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme.

4. Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République.

5. Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances.

6. Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix.

7. Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent.

8. Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises.

9. Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité.

10. La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement.

11. Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence.

12. La Nation proclame la solidarité et l’égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales.

13. La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’Etat.

14. La République française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit public international. Elle n’entreprendra aucune guerre dans des vues de conquête et n’emploiera jamais ses forces contre la liberté d’aucun peuple.

15. Sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l’organisation et à la défense de la paix.

16. La France forme avec les peuples d’outre-mer une Union fondée sur l’égalité des droits et des devoirs, sans distinction de race ni de religion.

17. L’Union française est composée de nations et de peuples qui mettent en commun ou coordonnent leurs ressources et leurs efforts pour développer leurs civilisations respectives, accroître leur bien-être et assurer leur sécurité.

18. Fidèle à sa mission traditionnelle, la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de s’administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires ; écartant tout système de colonisation fondé sur l’arbitraire, elle garantit à tous l’égal accès aux fonctions publiques et l’exercice individuel ou collectif des droits et libertés proclamés ou confirmés ci-dessus.

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Re: Matières et enseignement

Messagede bipbip » 06 Juil 2016, 00:34

Education morale et civique : les collégiens sous surveillance

Avec l’épreuve d’éducation civique infligée aux candidats de la dernière session du DNB (diplôme national du brevet, juin 2016), l’Education nationale montre que, loin de ses prescriptions de pur affichage, la pratique courante tient bien davantage de la « simple exhortation édifiante » et de la « transmission magistrale de connaissances et de valeurs. » Mais quelles valeurs au juste ?

De la théorie : former des citoyens...

2008 : « L’objectif [de l’éducation civique] est de former un citoyen autonome, responsable de ses choix, ouvert à l’altérité, pour assurer les conditions d’une vie en commun qui refuse la violence, pour résoudre les tensions et les conflits inévitables dans une démocratie. Ce sont les attitudes de respect de soi et des autres, de responsabilité et de solidarité qui sont mises en évidence à tous les niveaux de ces programmes. »

2015 : « Loin de l’imposition de dogmes ou de modèles de comportements, l’enseignement moral et civique vise à l’acquisition d’une culture morale et d’un esprit critique qui ont pour finalité le développement de dispositions permettant aux élèves de devenir progressivement conscients de leurs responsabilités dans leur vie personnelle et sociale […] Développer les dispositions morales et civiques, c’est développer une disposition à raisonner, à prendre en compte le point de vue de l’autre et à agir. L’EMC est par excellence un enseignement qui met les élèves en activité individuellement et collectivement. Il n’est ni une simple exhortation édifiante ni une transmission magistrale de connaissance et de valeurs. »

Avec l’épreuve d’éducation civique infligée aux candidats de la dernière session du DNB (diplôme national du brevet, juin 2016), l’EN montre une nouvelle fois que, loin de ses prescriptions de pur affichage, la pratique courante tient au contraire bien davantage de la « simple exhortation édifiante » et de la « transmission magistrale de connaissances et de valeurs. »

… à la pratique : réciter sa leçon

En série générale, la tâche attribuée aux candidats se ramène dans un premier temps à « identifier » deux symboles républicains, à « citer » deux droits du citoyen de l’UE, à « nommer », deux caractéristiques d’un état démocratique. « Identifier, citer, nommer » : autrement dit, un travail de simple récitation, de rabâchage d’un cours prédigéré, sans guère de rapport avec les prétentions affichées. Les candidats de la série professionnelle ne sont pas mieux traités : pour eux, il s’agit également d’ « identifier » deux symboles républicains, de citer le mot « laïcité » à propos de la loi de 1905, de cocher dans une liste de quatre propositions les principes fondamentaux de la république. Invariablement, d’une année sur l’autre, l’éducation civique des collégiens se conclut ainsi par une ode infantilisante à la république dans laquelle on chercherait en vain les marques d’ « esprit critique », de « culture morale », censées inspirer une discipline scolaire dont la finalité paraît en réalité toute autre : loin de « former un citoyen autonome », l’EMC, sous ses diverses appellations, apparaît plutôt comme un instrument de propagande politique destiné à étouffer toute contestation, toute interrogation, tout regard critique sur un régime considéré comme intouchable, quelles que soient sa nature et son évolution. Pourtant, tout spécialement dans le contexte actuel de brutalisation de la société officiellement menée au nom de la défense des intérêts supérieurs de la république, est-il illégitime que des élèves de 15 ans s’interrogent sur la conformité de la république avec sa devise proclamée ? Sur les libertés à l’abandon, une égalité de façade et une fraternité qui n’ont jamais été qu’un vœu pieux dans une société fracturée par les tensions sociales et les crispations identitaires ? Depuis la mise en accusation frontale de l’école lors des attentats de 2015, la promotion forcenée des prétendues « valeurs de la république » et de ses symboles (drapeau, hymne national) s’est imposée comme une religion officielle dans les prescriptions et les pratiques de l’EN, faisant de la soumission à un ordre politique et social considéré comme indiscutable – puisque républicain – la finalité ultime de l’éducation, une sorte d’exigence qui transcenderait toutes les autres.

Former des citoyens ou de fidèles sujets ?

Dans le cadre de cette épreuve du DNB, il ne faut pas compter sur la seconde partie, le travail sur document, pour permettre aux candidats d’exploiter d’autres compétences ni d’exercer leurs capacités de jugement. En série générale, six lignes demandées sur le service civique doivent nécessairement converger vers le point de vue officiel, aucun autre questionnement (sur l’engagement personnel, sur le chômage de masse) n’étant ici sollicité de la part des élèves. De même, en série professionnelle, une affiche sur la discrimination est une nouvelle fois l’occasion de valoriser la république censée la considérer comme une pratique illégale. Et pourtant : des jeunes qui, pour certains d’entre eux, sont déjà sélectionnés sur des critères indiscutablement ethniques, ou pour qui les contrôles policiers au faciès sont la règle, auraient sans doute beaucoup à dire sur une discrimination exercée sans état d’âme par la république. Encore faudrait-il qu’on leur permette de le dire.

Régulièrement, se pose la question de la nécessité des épreuves écrites du DNB, en plus du contrôle continu, comme conclusion de la scolarité en collège, un principe sur lequel la (prétendue) réforme du collège à partir de la rentrée prochaine, ne reviendra pas. Une question particulièrement pertinente dans le cas de l’éducation civique, un enseignement auquel une décision unilatéralement politique persiste à attribuer un horaire dédié dans les programmes scolaires (pas moins de 300 heures au total dans le cursus des élèves !) Avec un examen également dédié, des réponses « attendues », pour reprendre la formulation officielle, fortement suggérées et préparées en amont par des heures de cours tenues de s’en tenir à la morale officielle : ce ne sont manifestement pas des citoyens émancipés que vise à former cet enseignement.

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Re: Matières et enseignement

Messagede bipbip » 27 Juil 2016, 14:36

Ensauvager l’enseignement de la démocratie à l’école

Les courants de l’éducation nouvelle ont eu le mérite d’avoir contribué à introduire la formation à la citoyenneté démocratique à l’école. Mais cette conception de la démocratie gagnerait à s’enrichir des travaux contemporains en philosophie politique sur la démocratie radicale.

Éducation et régimes politiques autoritaires

Plusieurs auteurs se sont interrogés sur les conditions d’émergence des régimes autoritaires et en particulier du fascisme au milieu du XXe siècle.

Les travaux de l’école de Francfort, avec l’étude sur la personnalité autoritaire, ont mis en lumière l’existence d’un lien entre un type de personnalité et des positions politiques fascisantes.

Parmi les causes évoquées pour expliquer l’émergence de ce type de personnalité figure l’éducation. Cette réflexion rejoint les travaux de la psychanalyste Alice Miller sur la pédagogie noire (voir l’ouvrage : C’est pour ton bien). On retrouve un écho de cette réflexion dans le film de Michael Haneke, Le ruban blanc : l’éducation autoritaire en vogue en Allemagne et en Autriche avant la Seconde guerre mondiale aurait favorisé l’émergence d’un type de personnalité sadique qui aurait été prédisposé à adhérer aux idées fascistes et à participer à ces crimes.

Gregory Chambat a certainement raison d’analyser les liens entre l’extrême-droite et des conceptions réactionnaires en matière de pédagogie. Toutes les visions politiques considèrent l’éducation comme le laboratoire du type de société qu’elle désire mettre en place.

Education à la démocratie participative

Dans les années 1920, les mouvements révolutionnaires socialistes mettent en avant l’importance du conseil comme institution de démocratie prolétarienne. Dans la pédagogie Freinet, on trouve ainsi établie la prise de décision au sein du conseil de coopérative qui préfigure une institution d’autogestion ouvrière économique. Dans les années 1960, en lien avec la mise en avant de la notion d’autogestion, la pédagogie institutionnelle, par exemple Raymond Fonvielle, développe l’autogestion pédagogique. Le conseil de classe y incarne également une institution d’apprentissage de la prise de décision démocratique. L’élève y apprend que la politique repose sur des institutions établies par des êtres humains : ce n’est pas Dieu ou la nature qui institue le droit. Mais plus encore, la démocratie est un régime dans lequel il y a auto-institution des règles (Castoriadis) par le peuple et non pas par un autocrate. La classe devient alors un laboratoire de la vie démocratique.

L’apport de cette conception de l’éducation à la citoyenneté, c’est qu’elle rompt avec la tradition de l’éducation à la citoyenneté républicaine qui dans la lignée de Kant, Rousseau ou Durkheim insiste sur l’apprentissage de l’obéissance à la loi générale comme condition de la vie démocratique. Néanmoins, l’expérience du Régime de Vichy avait mis en lumière que l’obéissance à la loi républicaine ne pouvait suffire à guider l’action légitime en démocratie.

Cette conception d’une éducation à la citoyenneté comme participation directe du citoyen à la vie démocratique trouve un écho dans la philosophie politique contemporaine avec les travaux du philosophe Jurgen Habermas sur l’agir communicationnel. Ces travaux influencent à leur tour des expériences sur l’éducation à la citoyenneté à partir de la philosophie pour enfant, par exemple chez Michel Tozzi.

Cette conception de la démocratie trouve un écho dans les programmes d’éducation morale et civique de 2015 puisque les enseignants sont encouragés à mettre en place avec les élèves des « Conseils d’élèves (sens des règles, des droits et des obligations, sens des punitions et des sanctions) ».

Néanmoins, cette incitation à la participation n’est peut être pas suffisante pour préparer les élèves à l’usage de leur droits démocratiques. En effet, comme il est possible de pervertir dans le cadre scolaire les conseils d’élève, il est possible de constater que l’incitation à la participation peut être instrumentalisée à des fins de domination dans la vie politique et le monde de l’entreprise. C’est le cas par exemple des conseils de quartier qui se transforment en simulacres de démocratie participative. C’est le cas également de l’entreprise libérée qui permet de faire des économies sur l’encadrement intermédiaire et qui est au service de valeurs de performance entrepreneuriale.

De ce fait, il est sans doute utile de lutter contre les tendances réac-publicaines au sein de l’éducation, mais également contre les tendances néolibérales. Cela est d’autant plus complexe que dès les débuts de l’éducation nouvelle, une tendance libérale économiquement est présente avec des auteurs comme Herbert Spencer ou encore Edmond Demolins .

Education à la démocratie radicale

Cependant, les approches pédagogiques démocratiques sont restées largement étrangères aux travaux en philosophie politique sur la démocratie radicale qui se sont développé dans la lignée des écrits de Claude Lefort.

Dans ces travaux ce qui caractérise la démocratie n’est pas la recherche du dialogue et du consensus dans des instances de participation. La démocratie est une forme politique qui suppose possible l’expression du conflit social à la différence du totalitarisme. Or associer l’éducation à la démocratie et la conflictualité sociale est nécessaire dans une société caractérisée par l’existence d’inégalités sociales. Tant que le social est structuré par des inégalités, la conflictualité est indissociable de la définition de la démocratie.

A ce titre l’ouvrage, Le principe démocratie, co-écrit par la philosophe Sandra Laugier, avec le sociologue Albert Ogien, fournit des éléments concernant les caractéristiques d’une éducation à la citoyenneté démocratique.

- Authenticité et perfectionnisme moral

Tout d’adord, Sandra Laugier se situe dans la lignée de la philosophie transcendantaliste d’Emmerson et de Thoreau. De ce fait, une telle philosophie de la démocratie accorde une importance à l’aspiration à l’authenticité des individus. L’éducation doit donc leur permettre de développer leur voix authentique et de développer leur capacité en fonction de leur conception de la vie bonne. Elle repose sur un perfectionnisme moral.

Les élèves doivent pouvoir être encouragés à avoir suffisamment confiance en eux pour faire entendre leur voix et pas seulement pour rechercher le consensus avec le groupe.

L’attitude qu’un élève adopte face à une situation de harcèlement scolaire peut être considérée comme un exemple d’épreuve paradigmatique qui suppose la capacité à faire entendre une voix différente face au groupe.

- Le care : une voix différente

Mais cette capacité à faire entendre sa voix singulière rejoint d’autres traditions philosophiques chez Sandra Laugier. Il s’agit de la philosophie féministe du care qui implique de faire entendre une voix différente de la conception morale dominante masculine fondée entre autre sur les valeurs de compétition individuelle.

De fait, l’éducation doit permettre à l’individu d’apprendre à résister au conformisme aux normes de domination sociale. L’éducation à la citoyenneté doit donc supposer que l’enseignant joue un rôle pour aider l’élève à prendre des distances critiques avec les normes sexistes et marchandes de la société de consommation véhiculé par le spectacle des médias de masse. La formation au jugement critique est donc un aspect indissociable de l’éducation à la démocratie.

- La pédagogie, une politique de l’ordinaire

Cette voix différente que met en avant Sandra Laugier s’inscrit ainsi également dans une politique de l’ordinaire qui poursuit les travaux du philosophe Stanley Calvell. De fait, la classe et les pratiques pédagogiques de l’enseignant peuvent être analysées comme relevant d’une micropolitique de l’ordinaire c’est-à-dire qui s’inscrit dans la vie quotidienne de la classe.

Ainsi, mener un militantisme pédagogique dans le cadre de l’institution disciplinaire scolaire suppose sans doute de mettre en place des tactiques micropolitiques de résistance afin de saboter les logiques de maintien et de reproduction de l’ordre social. Celles-ci peuvent consister comme l’avait énoncer Pierre Bourdieu à « vendre la mèche » en explicitant les stratégies cognitives et sociales qui permettent aux dominants de maintenir leur domination.

- La désobéissance civile comme acte démocratique

Cette référence au transcendantalisme, dans la conception de la démocratie telle que la développe Sandra Laugier et d’une capacité à faire entendre une voix différente au risque de l’anti-conformisme, doit être comprise en lien avec la notion de désobéissance civile. En effet, dans le transcendentalisme, tel que le théorise Thoreau, c’est n’est pas l’obéissance à la loi générale qui caractérise le citoyen. Au contraire, c’est sa capacité à pouvoir désobéir à la loi injuste. La capacité à désobéir face à l’injustice constitue donc une dimension de l’éducation à la citoyenneté. Cela signifie que celle-ci inclut l’étude des mouvements de désobéissance civique des suffragettes aux faucheurs d’OGM, en passant par le mouvement noir américain des droits civils, afin d’analyser en quoi ils constituent un apport à une citoyenneté démocratique.

- La démocratie sauvage

La notion de « démocratie sauvage » est reprise par Sandra Laugier à Miguel Abensour qu’elle cite ainsi : « Se forger une « idée libertaire de la démocratie », pour reprendre les termes de Claude Lefort, c’est la penser comme sauvage. Une attitude qui ne saurait se solidifier en doctrine. Est libertaire celui qui ose parler quand tout le monde se tait, le contradicteur public qui ose rompre le mur du silence pour faire entendre la voix intempestive de la liberté. […] Résistance à la domestication, la « démocratie sauvage » désigne positivement l’ensemble des luttes pour la défense des droits acquis et la reconnaissance des droits bafoués ou non encore reconnus ».

L’éducation à la démocratie désigne ainsi la possibilité pour l’individu d’entrer dans le dissensus par rapport aux normes de domination pour s’inscrire dans des luttes collectives sociales. Là encore, cela suppose que cette histoire des luttes sociales fasse l’objet d’un enseignement explicite à l’école par des enseignants conscients.

Conclusion :

Face à la montée des inégalités sociales et aux tentatives de récupération par le management néolibéral de la pédagogie nouvelle, il est sans doute nécessaire d’ensauvager l’éducation à la démocratie. La pédagogie ne peut se contenter de développer les capacités de coopération et de participation active des élèves. Il faut également qu’elle les dote de capacité de résistance critique en rendant possible le dissensus et légitime la désobéissance à la loi injuste.

Irène Pereira


Bibliographie :

Parmi les auteurs s’inscrivant dans le courant de la démocratie radicale, il est possible de citer :

Abensour Miguel, La démocratie contre l’État, Paris, PUF, 1997.

Laugier Sandra et Ogien Albert, Le principe démocratique, Paris, La Découverte, 2014.

Lefort Claude, L’invention de la démocratique, Paris, Fayard, 1981.

Rancière Jacques, La mesentente, Paris, Galilée, 1995.

http://www.questionsdeclasses.org/?Ensa ... -a-l-ecole
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Re: Matières et enseignement

Messagede bipbip » 04 Nov 2016, 11:48

Honte au Manuel de 3ème: « L’arme nucléaire permet de soutenir la liberté et la démocratie »

incroyable, mais c’est bien dans le manuel. Ce gouvernement aura dépassé toutes les bornes du mensonge et de la décence.

Cette photo montre la façon dont on explique aux élèves de 3ème « comment l’arme nucléaire permet de soutenir la liberté et la démocratie » (sic)

Il s’agit du « cahier d’Enseignement Moral et Civique » destiné aux élèves de 3ème. L’éditeur (Hachette éducation) présente ce manuel de 64 pages comme « prêt à l’emploi pour mettre en oeuvre le nouveau programme de 3ème et traiter les 4 domaines des programmes d’Enseignement Moral et Civique : culture de la sensibilité, culture de la règle et du droit, culture du jugement, culture de l’engagement« .

... http://www.anti-k.org/2016/11/01/honte- ... BxnBWczW1t
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Re: Matières et enseignement

Messagede bipbip » 05 Fév 2017, 15:19

Les détricoteuses : l’école, c’était mieux avant ?

Sous la forme d’une conversation WhatsApp, les historiennes Laurence De Cock et Mathilde Larrère chroniquent dans Mediapart Live les tentatives d’instrumentalisation de l’histoire.

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