Pédagogie et Révolution

Re: Pédagogie et Révolution

Messagede bipbip » 11 Sep 2016, 01:58

Humanisme et éducation : la leçon de Paulo Freire

On assiste bien souvent en éducation à des confusions problématiques entre ce qui relève de la recherche scientifique et ce qui relève des enjeux éthiques de l’éducation. Cela conduit en particulier à une réduction technicienne des enjeux humanistes en éducation.

Le paralogisme naturaliste en éducation.

On désigne, en philosophie, par paralogisme naturaliste une erreur de raisonnement qui consiste à passer de l’être (constat factuel) au devoir-être (impératif normatif). Par exemple, le fait qu’on constate l’existence du meurtre comme fait social, ne signifie pas pour autant que le meurtre doit être permis sur le plan juridique ou moral.

On trouve cette erreur par exemple dans les courants qui actuellement promeuvent l’empathie en éducation au motif que les capacités d’empathie seraient constitutives de la biologie humaine. Cependant, la réflexion philosophique ne permet pas de décider de manière évidente si la moralité se confond avec l’empathie. Le film Un monde à part (1988) raconte comment la mère de la journaliste Shwan Solvo délaisse le soin apporté à ses enfants pour combattre le régime de l’apartheid en Afrique du Sud. Tel que les faits, nous sont présentés dans le film, cette mère semble manquer d’empathie vis-à-vis de la souffrance de ses enfants. Pour autant, son action doit-elle être qualifiée d’immorale ?

La première forme du paralogisme naturaliste en éducation, on la trouve du côté de certains scientifiques qui aimeraient se voir confier le rôle de conseillers du prince (d’experts) ou de certains politiques qui vont chercher à justifier les politiques publiques par des résultats scientifiques. L’efficacité de telle méthode est prouvée scientifiquement, donc c’est cela que l’on doit mettre en place. Cette place donnée à l’efficacité interroge en outre sur le rôle social des sciences. L’étude scientifique se veut normalement une description de la réalité. Sa valeur est la vérité. L’efficacité est une valeur technique. Un mensonge peut être efficace, il n’en est pas pour autant vrai.

La seconde forme de paralogisme naturaliste en éducation, on la trouve du côté des militants pédagogiques lorsqu’ils tendent à s’appuyer sur des recherches scientifiques pour justifier leur choix pédagogiques. Cette stratégie n’est pas sans danger dans la mesure où la caractéristique même des recherches scientifiques est de changer. Se justifier en s’appuyant sur la psychologie fonctionnelle de Claparède, la psychanalyse de Freud ou le constructivisme de Piaget par exemple, cela peut paraître intéressant lorsque ces théories tiennent le haut du pavé dans leur domaine scientifique. Mais tout se complique lorsque de nouveaux courants émergent en psychologie et s’imposent au détriment des anciens.

L’éducation comme espace d’interrogation philosophique

On trouve néanmoins un deuxième type d’erreur chez certains scientifiques lorsqu’il s’agit des questions éducatives, c’est le réductionnisme positiviste. La description scientifique peut nous donner des indications sur le « comment » : « comment se déroulent les apprentissages ? ». Mais, elle ne nous dit rien du sens, du choix des finalités qui doivent être opérées (Pourquoi ? Dans quel but ?).

Comme nous l’avons déjà rappelé, la recherche scientifique s’oriente vers la technoscience lorsqu’elle essaie de déterminer la méthode pédagogique la plus efficace. L’efficacité technoscientifique peut être définie comme la recherche de l’optimisation des moyens relativement à une fin par la rationalité calculante.

Sur le plan des méthodes d’apprentissage, les technosciences pédagogiques peuvent peut être parvenir à déterminer les plus efficaces par des méthodes expérimentales. Néanmoins, se pose une autre difficulté qui est celle du passage des méthodes d’apprentissage à la pédagogie. En effet, l’acte d’enseignement se déroule toujours dans une situation particulière, et il n’est pas possible à l’heure actuelle de dire, si par exemple un enseignant efficace est efficace dans tous les contextes et s’il procède toujours de la même manière. C’est pourquoi certains travaux scientifiques privilégient l’approche écologique qui consiste à étudier l’enseignement en situation ordinaire.

Le philosophe Jürgen Habermas, dans La technique et la science comme idéologie, appelle technocratie une forme de gouvernement qui prétend s’appuyer sur la science pour court-circuiter le débat démocratique sur les finalités axiologiques. On peut ainsi considérer que les évaluations internationales PISA ou l’Evidence Based Policy (les politiques publiques par les preuves scientifiques) relèvent de cette logique.

Néanmoins, même si on admettait que l’efficacité est une finalité recherchée par la population, on pourrait se demander si l’éducation se limite à une valeur d’efficacité. On pourrait admettre que des méthodes d’enseignement behavoriste (par exemple en s’appuyant sur le sur-entrainement à des habiletées cognitives) soient plus efficaces pour parvenir à des finalités comme apprendre à déchiffrer des mots, l’orthographe ou encore apprendre à calculer.

Cependant, il n’est pas certain que l’éducation se limite à cela. Si on regarde par exemple les textes officiels de l’Education nationale, il s’agit par exemple également de former un citoyen. Dans ce cas, on peut bien se demander à quoi peut ressembler une éducation à la citoyenneté efficace. Cela ne paraît plus être réductible à la capacité de réciter sans réfléchir quelques maximes d’instruction civique. Il semble que la valeur d’efficacité perde dans ce cas de sa pertinence.

Paulo Freire, une philosophie sociale et humaniste en éducation

Lorsqu’on lit Paulo Freire, on s’aperçoit qu’il s’appuie très peu sur des références scientifiques et en particulier sur la psychologie. Cela peut lui arriver, mais ce n’est pas le coeur de son argumentation. Ce sur quoi repose sa réflexion, ce sont des références philosophiques. Il s’agit des penseurs matérialistes dialectiques ou de la philosophie existentialiste principalement.

Le second point que l’on peut constater, c’est que Paulo Freire s’intéresse assez peu en définitif aux techniques pédagogiques. On tend certes à le réduire au titre de concepteur d’une méthode d’alphabétisation pour adulte. Mais lui même à plusieurs reprises s’en défend et affirme être incompris (1) sur ce point. Cela tient au fait que pour Paulo Freire, l’éducation n’est pas avant tout une question technique, mais un projet humaniste.

L’éducation implique donc une réflexion d’anthropologie philosophique consistant à se demander ce qu’est l’être humain. L’être humain est d’abord le produit de conditions naturelles et sociales. Mais il ne se réduit pas à cela. C’est pourquoi Paulo Freire préfère, comme Sartre, affirmer qu’il est conditionné plutôt que déterminé.

Ce qui caractérise l’être humain, pour Paulo Freire, au sein du processus d’évolution, c’est la conscience réflexive. Cela induit un être-au-monde qui est spécifique. L’être humain cherche à se comprendre et à comprendre le monde.

La finalité de l’éducation consiste à faire advenir l’apprenant comme sujet de ses actions et donc de l’histoire humaine. C’est la réflexivité qui lui permet d’être un sujet et non pas seulement une sorte de robot. Le robot agit mécaniquement. L’être humain est capable de réfléchir à ses actes tant sur le plan de leur mécanique physique que de leur valeur morale. Cette réflexivité, ce retour sur ses pensées et ses actions, lui permet d’essayer d’imaginer et de comprendre comment il pourrait les changer pour ne pas être uniquement dans une répétition mécanique des habitus sociaux.

Mais l’être humain est comme cela a déjà été précisé un être conditionné socialement. Par conséquent, l’éducation doit l’aider à prendre conscience de cette condition sociale. Ce qui signifie, qu’il ne peut devenir un sujet libre que dans une société qui lui donne les conditions sociales d’exercer sa liberté. C’est pourquoi la finalité de l’éducation n’est pas seulement l’émancipation d’une conscience individuelle, mais une émancipation par la transformation sociale.

Il y a donc pour Freire une dialectique entre les conditions matérielles et la conscience humaine. C’est pourquoi on parle à son sujet de « marxisme humaniste » par opposition aux conceptions marxistes économicistes déterministes.

De la philosophie de l’éducation à une pratique pédagogique humaniste

Cet humanisme social a un impact sur la pratique pédagogique. Mais, cela ne vise pas à constituer une méthode pédagogique ou des techniques pédagogiques. Ce qui s’avère important, c’est plutôt que l’éducation ne se réduise pas à un dressage, mais qu’elle permette à chaque individu de pouvoir accéder à la dignité d’être humain. La pédagogie doit donc reconnaître à chaque apprenant son statut de personne, de sujet.

Cette question de la dignité de la personne humaine est un enjeu plus vaste dans les démocraties contemporaines sécularisées. Par exemple, le philosophe marxiste Lucien Sève a mis en avant le concept de personne humaine, au sein du Conseil national d’éthique, afin de préserver la dignité de l’être humain contre sa réduction à un objet scientifique ou sa marchandisation. La personne humaine a une valeur inestimable, elle n’a pas de prix. Elle a une valeur d’ordre qualitative, elle ne peut être réduite à une valeur quantifiable et commensurable.

Par conséquent, pour Paulo Freire, éduquer une personne, ce n’est donc pas équivalent à programmer un ordinateur. C’est pourquoi l’éducation ne peut pas se réduire à transmettre des contenus et à faire des exercices d’application pour automatiser des procédures. Cela ne signifie pas que l’éducation ne comprenne pas ce genre de dimensions, mais elle ne s’y réduit pas.

Tout enseignement que ce soit la formation des professeurs ou celle des élèves vise la réflexivité sur les savoirs et l’action. En effet, la réflexivité, comme cela a été déjà précisé, est nécessaire pour que l’être humain se constitue en sujet.

La première dimension consiste donc dans le fait que l’éducation ne doit pas seulement transmettre des savoirs, elle doit expliciter le sens historico-culturel des objets de savoir. En effet, comme cela a été déjà dit l’être humain a un rapport au monde herméneutique : il cherche à comprendre le sens. Par exemple, un cours de mathématiques ne doit pas seulement apprendre le calcul, mais il doit apprendre également pourquoi les êtres humains se sont mis à faire des opérations de calcul : quel est le sens historico-culturel de cette activité humaine ?

La deuxième dimension est que l’éducation doit être "problématisante". En effet, le questionnement est une conséquence existentielle de la condition humaine. C’est parce que l’être humain est un être réflexif qu’il se pose des questions existentielles sur le sens de l’existence. L’éducation prend appui sur cette curiosité qui est inhérente à la réflexivité de la conscience humaine. C’est pourquoi l’enseignant doit favoriser le questionnement au sein de sa classe.

La troisième dimension consiste dans la conscience critique sociale. En effet, l’anthropologie philosophique de Paulo Freire est indissociable d’une philosophie sociale. L’éducation doit permettre le passage de la conscience quotidienne à la conscience critique sociale. La conscience critique consiste dans le fait que l’individu ne perçoit pas seulement l’expérience de l’oppression sociale comme une expérience individuelle, mais comme un rapport social qui peut être analysé par les sciences sociales. En effet, l’éducation vise une praxis sociale. C’est la lutte que mènent les opprimés pour être reconnus dans leur dignité d’être humains, pour ne pas se sentir méprisés socialement : les ouvriers, les femmes, les immigrés, les minorités sexuelles, les personnes en situation de handicap...

La quatrième dimension réside dans le dialogue. Le dialogue n’est pas pour Paulo Freire uniquement une méthode pédagogique, cela correspond à une vision de l’être humain comme être social et donc communiquant au moyen du langage. Le dialogue est une expression dialectique qui se traduit par une lutte pour la reconnaissance entre l’enseignant et les apprenants. La lutte pour la reconnaissance, présente chez Hegel et repris par Axel Honneth, est un processus par lequel chaque conscience désir être reconnue par l’autre dans sa dignité de personne humaine. Mais la portée du dialogue n’est pas que morale, elle est également politique. Car il ne peut y avoir de dialogue sans reconnaissance de l’autre comme un égal : le dialogue est d’essence démocratique. On ne dialogue pas avec un inférieur : on lui commande, on lui ordonne….

La cinquième dimension, c’est prendre en compte le vécu des apprenants. C’est un point de départ. Il s’agit de respecter l’apprenant en considérant qu’il possède des savoirs liés à son expérience du social. Mais c’est également une dimension vers quoi doit faire retour ce qui a été appris à l’école. En effet, les savoirs enseignés doivent constituer des outils qui permettent aux apprenants d’analyser le monde dans lequel ils vivent afin de le transformer.

Conclusion :

L’humanisme social de la pédagogie critique de Paulo Freire prend ses distances avec les dérives technocratiques qui guettent l’éducation. La première est celle des technosciences pédagogiques qui prétendent à partir de méthodes testées expérimentalement définir comment enseigner. La seconde est la dérive technicienne des pédagogues eux-mêmes qui finissent par accorder plus de valeurs aux méthodes pédagogiques qu’aux finalités de l’éducation. Ils définissent alors leur identité pédagogiques par leurs méthodes et à faire de ces méthodes des fins en soi qu’il s’agit de défendre coûte que coûte.

Références :

(1) Rosa Maria Torres, « Les multiples Paulo Freire » (2007). URL : https://www.dvv-international.de/fr/edu ... lo-freire/

Paulo Freire, Conférences publiées dans le recueil El Grito Manso

Sève Lucien, Qu’est-ce que la personne humaine ? - Bioéthique et démocratie, Paris, La Dispute, 2006.

http://www.questionsdeclasses.org/?Huma ... ulo-Freire
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Messagede bipbip » 20 Sep 2016, 13:43

Paulo Freire et la gouvernance démocratique de l’école

Organisation, participation et autonomie

On trouve chez Paulo Freire, comme dans l’école de Francfort qui l’a influencé, une critique de la rationalité instrumentale. Celle-ci est en particulier dirigé contre le néo-positivisme des politiques publiques néo-libérales qui se présentent comme scientifiques et dépolitisées. De ce fait, la pédagogie critique marque également une nette distance avec les pédagogies néolibérales comme l’évaluation par compétences ou les pédagogies entrepreneuriales. A ces conceptions technocratiques de l’éducation, Paulo Freire opposé une gestion démocratique de l’école et de la classe. Ce qui est au coeur de sa conception de la démocratie à l’école est la possibilité pour tous de participer aux prises de décision. Mais cette participation démocratique pour qu’elle puisse être réelle ne peut se faire sans qu’elle soit consubstantiellement liée à une pédagogie dialogique critique.

... http://www.questionsdeclasses.org/?Paul ... de-l-ecole
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Re: Pédagogie et Révolution

Messagede bipbip » 22 Sep 2016, 14:07

La pédagogie critique : les écoles doivent encapaciter les élèves afin qu’ils contestent le statu quo

Dans le texte ci-dessous, Tait Coles, directeur d’une école publique et auteur, effectue une critique des orientations dominantes au Royaume-Uni sur la manière de promouvoir une culture commune. Il oppose à une conception hégémonique et techniciste de l’enseignement, la pédagogie critique conçu comme un projet philosophique, politique et moral d’empowerment et de transformation sociale.

... http://www.questionsdeclasses.org/?La-p ... fin-qu-ils
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Re: Pédagogie et Révolution

Messagede bipbip » 24 Sep 2016, 13:12

Classification des courants pédagogiques

Lorsque l’on regarde les cours de pédagogie dans les pays de langues ibériques, ils s’appuient souvent sur la classification suivante des pédagogies basées sur une distinction entre pédagogies libérales et pédagogies progressistes. Dans ce cadre, la pédagogie de Paulo Freire occupe une place tout à fait à part dans l’histoire de la pédagogie tant par ses finalités que par son approche. Sa finalité est la transformation sociale. Son approche consiste à prendre en compte les conditions de vie des opprimés et à procéder par le dialogue pour amener à un changement de conscience. Le dialogue est la condition de possibilité d’une relation éducative démocratique et de l’exercice critique de la pensée. L’approche de prise en compte du vécu et par groupe de discussion présente une grande proximité avec la pédagogie féministe. Une disposition des participants assis en cercle constitue souvent une illustration de cette approche pédagogique.

... http://www.questionsdeclasses.org/?Clas ... dagogiques
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Re: Pédagogie et Révolution

Messagede bipbip » 25 Sep 2016, 00:52

Rajout, commentaires

Je rajouterais deux tendances

- Libérale-libertaire
Les constructions cognitives s’effectuent dans la liberté d’action complète des élèves dans une organisation démocratique pré-établie et immuable : une assemblée fixe ou modifie les règles (ou lois), une autre assemblée sanctionne les dérogations aux règles (Conseil, de justice). Adultes, enfants et adolescents de l’école sont à égalité de droits et de pouvoirs.
L’autonomie de l’école en exclut les parents ou toute autre personne.
Référence : Daniel Greenberg, Peter Gray, dans une moindre mesure Neil.

- Socio-libertaire
Les constructions cognitives et sociales s’effectuent dans la même liberté complète des enfants et adolescents dans l’école mais l’auto-organisation interne qui permet cette liberté dépend seulement des dysfonctionnements à rétablir (et non pas à la simple application de règles) et il n’y a pas de sanctions.
D’autre part l’école appartient à la communauté territoriale dans laquelle elle est incluse et c’est l’ensemble de cette communauté qui participe à l’élaboration des stratégies permettant sa vie, son amélioration...
L’école reste autonome dans l’organisation de sa vie et de son activité mais elle reste ouverte à l’ensemble des parents et de la population qui peuvent en bénéficier eux aussi.
Référence : école du 3ème type.

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Re: Pédagogie et Révolution

Messagede bipbip » 29 Sep 2016, 16:01

Apprendre dans les écoles du MST

Le mouvement des sans terre (MST) au Brésil a produit une pédagogie de lutte s’appuyant sur la pédagogie de Paulo Freire. A côté du droit à la terre, le droit à l’école constitue un des autres axes des sans-terre. C’est pourquoi ils ont créé des écoles parmi lesquelles des écoles itinérantes pour les campements (URL : http://www.mst.org.br/educacao/). Le texte ci-dessous souligne certaines des difficultés auquel se heurte un tel projet.

... http://www.questionsdeclasses.org/?Appr ... les-du-MST
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Re: Pédagogie et Révolution

Messagede bipbip » 07 Oct 2016, 00:39

Rendre notre pédagogie populaire

Un entretien avec Yves Reuter à propos de Une école Freinet, fonctionnement et effets d’une école alternative en milieu populaire (L’Harmattan, 2007) paru dans le n° 2 de la revue N’Autre école.

En 2001, débutait une étude rare en France, cinq ans d’analyse d’une école publique Freinet en banlieue lilloise, avec des chercheurs et des méthodes variées. Il est parfois dit que les ponts entre les praticiens de terrain et la recherche ne sont pas assez nombreux, on a donc interrogé Yves Reuter, qui a coordonné l’étude. Même si ni le rouleau compresseur des contre-réformes Sarkozy ni la crise de 2008 n’étaient encore passés par là, il y a des éléments précieux à y prendre, pour nos élèves et pour nos luttes. Peut-être même surtout pour nos luttes.

... http://www.questionsdeclasses.org/?Rend ... -populaire
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Messagede bipbip » 08 Oct 2016, 19:44

8 octobre 1966 / 8 octobre 2016 : Célestin Freinet l’engagement social et pédagogique en héritage

Le 8 octobre 1966 disparaissait Célestin Freinet. Cinquante ans après sa mort, ses combats pédagogiques et sociaux restent d’une grande actualité : la réalisation d’une éducation réellement populaire et l’ambition d’une pédagogie socialement critique et émancipatrice sont toujours à l’ordre du jour. Ses engagements pour en finir avec « l’école fille et servante du capitalisme » sont aussi les nôtres.
À l’occasion de cet anniversaire (qui coïncide également avec les 80 ans du Front populaire en France et en Espagne qui soulevèrent l’enthousiasme de Freinet), le collectif Questions de classe(s) vient de publier, dans sa collection N’Autre école, un recueil des écrits militants du pédagogue : Célestin Freinet, le Maître insurgé, articles éditoriaux 1920 – 1939 (Libertalia, octobre 2016, 10 €).

... http://www.questionsdeclasses.org/?8-oc ... -social-et
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Re: Pédagogie et Révolution

Messagede bipbip » 16 Oct 2016, 17:56

Théories et pratiques pédagogiques de Celestin Freinet et de Paulo Freire

Les auteurs de l’article ci-dessous mettent en avant les ressemblances entre les projets de Freire et de Freinet, mais sans oublier de noter certaines de leurs différences d’approches :

« La relation dialogique et la coopération entre enseignant et apprenants sont des principes défendus par Freire et Freinet. Ces pratiques nécessaires dans la salle de classe rendent possible la problématisation, la compréhension et la transformation de la réalité. Le changement de l’espace scolaire est appréhendé par Freinet à partir de méthodes actives d’enseignement, par la coopération et la communication entre le milieu naturel et social. Quant à Freire, il met l’accent sur le travail éducatif lié à l’action et à l’organisation sociale et politique du monde adulte ».

... http://www.questionsdeclasses.org/?Theo ... ulo-Freire
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Re: Pédagogie et Révolution

Messagede bipbip » 27 Oct 2016, 14:19

Absence de structure et pédagogie invisible
Entre la bureaucratie et/ou la technocratie d’un côté et de l’autre le spontanéisme, y-a-t-il une voie démocratique pour l’éducation ?
... http://iresmo.jimdo.com/2016/09/25/abse ... invisible/

Clarifier les projets pédagogiques
Il règne une certaine confusion au sein des discours pédagogiques qui requièrent sans doute certaines clarifications.
... http://iresmo.jimdo.com/2016/09/25/clar ... agogiques/

La forme scolaire et l’aliénation cognitive
La forme scolaire impose par ses contraintes une aliénation cognitive en favorisant des stratégies d’apprentissage contre-productives chez les élèves.
... http://iresmo.jimdo.com/2016/10/09/la-f ... cognitive/
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Re: Pédagogie et Révolution

Messagede bipbip » 11 Nov 2016, 16:08

Vers une pédagogie critique en France

Courant largement reconnu à l’étranger, la pédagogie critique, issue de Paulo Freire, n’est que peu connue en France. Se pose dès lors la question de l’adaptation de cette pédagogie critique en France. Voici quelques questions qui ont été posées lors d’interventions en France sur la pédagogie critique.

La pédagogie critique affirme que l’école n’est pas neutre, que toute éducation est politique. Est-ce que cela ne conduit pas l’enseignant à sortir de l’obligation de neutralité ?

La pédagogie critique ne prône pas l’affiliation à un parti politique. Elle est orientée vers la lutte contre les inégalités sociales de classe, de sexe, de racisation… En cela, elle ne contrevient pas à la demande qui est fait aux enseignants d’être engagés dans la transmission des valeurs de la République. Au contraire, elle constitue un moyen de favoriser cette transmission.

La pédagogie critique n’entend pas s’appuyer sur des opinions individuelles, mais sur des savoirs critiques issues des sciences sociales. En outre, les pédagogues critiques affirment que le discours critique qu’ils abordent en classe ne constitue qu’une tentative de résistance contre-hégémonique face au discours mercantile qui domine la société à travers les médias de masse et dont sont abreuvés les élèves.

Peut-on pratiquer la pédagogie critique dans une classe où les élèves sont issus de milieux sociaux différents ?

Tout d’abord, il est possible de remarquer qu’il existe des zones scolaires où la mixité sociale a presque disparu. Dans ce cas, la pédagogie critique peut prendre appui sur l’analyse et la conscientisation de cette réalité.

En outre, il est possible de constater que l’on ne pose pas ces questions concernant l’inégalité filles/garçons. Les enseignants abordent bien cette question en classe, pourquoi n’aborderaient-ils pas d’autres discriminations, comme celles liées à la classe sociale ou au racisme.

En Amérique du nord, on considère qu’il s’agit de faire prendre conscience aux dominants de leur propre privilèges sociaux et que dans leur attitude et dans leur engagement ils puissent prendre la décision de lutter pour les réduire. Par exemple, il peut s’agir de lutter contre des comportements sexistes, racistes ou encore des attitudes classistes entre élèves.

A l’inverse, il s’agit d’encapaciter les élèves dominés socialement pour qu’ils puissent lutter contre les rapports sociaux de domination dont ils sont victimes.

Peut-on parler avec des élèves, mêmes jeunes, des conditions sociales et des inégalités sociales qu’ils subissent ?

Cette réticence que semblent ressentir les enseignants français à aborder ces thématiques avec les élèves, en particulier les plus jeunes, ne semble pas être partagée par les pédagogues critiques étrangers. Ils estiment qu’il s’agit au contraire d’apporter des réponses face à des situations que vivent les élèves et face auxquelles ils ont besoin d’avoir des réponses et de proposer un discours sociologique qui apporte du sens.

Que faire face aux élèves qui opposent des résistances face aux discours critiques ?

Les pédagogues critiques, comme Paulo Freire, considèrent qu’il s’agit de favoriser le dialogue et qu’il est au contraire souhaitable que les élèves puissent exprimer des objections à l’égard de ce que dit l’enseignant et qu’un dialogue puisse s’engager.

Néanmoins, la pédagogie féministe critique a émis des limites face au dialogue en disant que celui-ci pouvait aboutir à réitérer les violences sociales que subissent les dominés. Il faut sans doute, de ce fait, poser des limites dans la manière dont le dialogue se déroule en élaborant un cadre “safe”: favoriser la parole de ceux qui ne parlent pas par l’usage d’une double liste, bannir des manières de prendre la parole qui réitèrent les formes de violences sexistes ou autres… par une communication non-violente.

Quelles pratiques proposent les pédagogues critiques pour lutter pour une transformation de la société vers plus de justice sociale ?

La pédagogie critique, contrairement à d’autres approches issues de l’école nouvelle, comme par exemple la pédagogie Freinet, ne se concentre pas sur les techniques pédagogiques en classe.

Elle ne vise pas à révolutionner la classe, mais la société (dixit Paulo Feire). De même, la pédagogie critique ne s’appuie pas sur la psychologie des apprentissages. Sur ce plan, les pédagogues critiques considèrent que les enseignants doivent se former aux théories scientifiques actuelles pour appuyer leur enseignement.

La pédagogie critique se caractérise avant tout par son projet pédagogico-politique. De ce fait, elle se donne pour objet de mettre en oeuvre un savoir critique et un rapport critique aux savoirs. Cela passe en particulier par la divulgation des curricula cachés de l’école, qu’ils soient de genre, de classe ou autre…

Les pédagogues critiques s’appuient certes sur des pratiques, mais celles-ci sont la conséquence de leur projet plus que ce qui permet d’identifier la pédagogie critique: prise en compte du vécu de l’oppression, problématisation, dialogue…

La pédagogie critique, par son rapport critique aux savoirs, n’est-elle pas élitiste ?

Il est certain que les capacités critiques sont mieux maîtrisées par des élèves qui ne sont pas en difficulté scolaire. Mais en s'intéressant à la réalité de l’oppression vécue, la pédagogie critique peut être un apport pour les élèves les plus socialement dominés, qui sont également ceux qui sont le plus souvent en difficulté scolaire. Il ne faut pas oublier que la pédagogie critique s’est développée dans les pays du Sud (en particulier au Brésil), dans une perspective de lutte sociale contre les inégalités.

Mais si la pédagogie critique est développée à l’étranger, dans une certaine mesure, quel est son impact réel ? A-t-elle réussi à changer quoi que ce soit ?

Il est possible de se demander dans quelle mesure l’arrivée au pouvoir de plusieurs gouvernements très à gauche en Amérique latine au tournant des années 2010 n’est pas lié également à l’effet de la conscientisation par la pédagogie critique auprès des élèves et des étudiants.

De même, le mouvement Black Lives Matter, aux USA, a été impulsé par trois jeunes femmes se réclamant du Queer Of Colors. Il est possible également de s’interroger sur l’impact d’une pédagogie critique dans l’émergence de ce mouvement.

http://iresmo.jimdo.com/2016/11/06/vers ... en-france/
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Re: Pédagogie et Révolution

Messagede bipbip » 19 Nov 2016, 13:34

Célestin Freinet,
l’héritage pédagogique et syndical d’un « maître insurgé »


Il y a tout juste 50 ans, le 8 octobre 1966, disparaissait Célestin Freinet. Si dans l’imaginaire collectif son nom incarne la contestation des méthodes d’enseignement traditionnelles, on connaît moins la dimension syndicale et sociale de ses engagements. Elle est pourtant au cœur et à l’origine de sa pédagogie.

Une autre école... populaire et publique

L’héritage de Célestin Freinet est bien vivant et son projet éducatif et politique -non plus « développer, améliorer, réformer l’enseignement, [mais] le révolutionner »- reste toujours en chantier. Les pratiques d’expression libre et d’auto-organisation (le conseil) n’ont plus à démontrer leur potentiel (y compris auprès des enfants des milieux populaires, pour qui elles ont été pensées et pratiquées [1]), mais la révolution pédagogique et sociale peine à advenir et demeure cantonnée entre les murs de quelques classes…

Du maître insurgé au mouvement de l’École moderne

La réédition, dans la collection « N’Autre école », des textes de l’entre-deux-guerres de Célestin Freinet (Le Maître insurgé, écrits et éditoriaux, 1920-1939 [2]), met en lumière cet aspect trop oublié et pourtant d’une grande actualité : le nécessaire ancrage populaire et social de toute pédagogie émancipatrice. Ce n’est pas un hasard si c’est dans les revues syndicales et militantes de l’époque (L’École émancipée, Clarté) que Freinet appelle à mettre en cohérence les engagements militants et les pratiques pédagogiques, ne comprenant pas que « révolutionnaires hors de la classe, nous soyons d’autoritaires réactionnaires avec nos élèves ».

Une critique radicale et pragmatique de l’institution

Ce qui frappe en premier lieu sous sa plume, c’est la critique radicale de l’institution scolaire, de son fonctionnement et de ses finalités. « Fille et servante du capitalisme », écrit-il à propos de l’école de la IIIe République… sans pour autant la déserter, car il est convaincu que c’est en son sein, avec les institutrices et les instituteurs de base (les « éducateurs prolétariens », pour reprendre le titre de la revue du mouvement), avec les enfants du peuple et leurs parents, que doit se mener le combat.
Certes, la révolution ne viendra pas de l’école et Freinet dénonce « l’illusion pédagogique » de certains tenants de l’Éducation nouvelle, telle Maria Montessori qui reçoit les honneurs du régime fasciste de Mussolini… Mais Freinet condamne tout autant la « désillusion pédagogique », car il entend préparer la démocratie de demain dans l’école d’aujourd’hui et se refuse à attendre, dans sa classe, les bras croisés que le « Grand soir » advienne.

La haine de la pédagogie, une obsession de l’extrême droite

L’itinéraire de Freinet résonne aussi avec notre actualité par les combats qu’il a menés contre les forces réactionnaires. Dans l’entre-deux-guerres, la haine de l’égalité et de la démocratie vise en premier lieu celles et ceux qui veulent changer l’école... L’Action française de Charles Maurras prend pour cible « l’instituteur bolchévique » et ses méthodes pédagogiques, dans les mêmes termes que ceux employés aujourd’hui contre les pédagogues... Elle le pousse à la démission sans que l’administration ne prenne sa défense.
En 1936, c’est l’engagement aux côtés de militantes et militants espagnol-es du Front populaire. Dans son école de Vence, il accueille leurs enfants. Là encore, les combats de Célestin Freinet continuent de nous parler…
Pour celles et ceux qui ne se résignent pas à accepter l’ordre scolaire -et social- établi, cet héritage est précieux : il doit inspirer nos pratiques professionnelles et nos luttes.

Sud éducation Yvelines


[1] voir Reuter Yves (dir.). Une école Freinet. Fonctionnements et effets d’une pédagogie alternative en milieu populaire, L’Harmattan, 2007.

[2] Célestin FREINET, Le Maître insurgé, articles et éditoriaux, 1920-1939, édition établie par Catherine CHABRUN et Grégory CHAMBAT, collection N’Autre École, Libertalia, octobre 2016, 190 p., 10 €.

http://www.sudeducation.org/Celestin-Freinet.html
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Re: Pédagogie et Révolution

Messagede bipbip » 11 Mar 2017, 14:04

La critique de la pédagogie libérale par la pédagogie critique

Dans Pedagogy and the Politics of Hope, Henry Giroux distingue entre la pédagogie conservatrice, la pédagogie libérale et la pédagogie radicale. Il réfère cette dernière à Bakhtin et à Freire.

Le texte ci-dessous présente les critiques que Henry Giroux formule à l'encontre de la pédagogie libérale.

Traduction d'un extrait de : Henry Giroux, Pedagogy and the Politics of Hope (1997).

Le discours libéral et la pratique de l'éducation

Le discours libéral dans la théorie et la pratique de l'éducation a une longue association avec les divers principes de ce que l'on appelle généralement l'éducation progressive aux États-Unis. De John Dewey au mouvement scolaire libre des années soixante et soixante-dix jusqu'à l'accent mis sur le multiculturalisme, on s'est préoccupé de prendre les besoins et les expériences culturelles des étudiants comme point de départ pour développer des formes pertinentes de pédagogie. Puisqu'il est impossible d'analyser dans cet essai tous les retournements théoriques que ce mouvement a pris, je veux me concentrer exclusivement sur certaines de ses idéologies dominantes. Les tendances et la manière dont ses discours structurent les expériences des étudiants et des enseignants.

La théorie libérale comme idéologie de la privation

Dans sa forme la plus courante, la théorie éducative libérale favorise une notion d'expérience qui est assimilée soit à «satisfaire les besoins des enfants», soit à développer des relations cordiales avec les étudiants afin de pouvoir maintenir l'ordre et le contrôle dans l'école. À bien des égards, ces deux discours représentent des versants différents d'une même idéologie éducative.

Dans l'idéologie du «besoin accompli», la catégorie du besoin représente l'absence d'un ensemble particulier d'expériences. Dans la plupart des cas, ce que les éducateurs jugent manquer sont soit les expériences culturellement spécifiques que les autorités scolaires croient que les étudiants doivent acquérir afin d'enrichir la qualité de leur vie ou les compétences fondamentales dont ils auront "besoin" pour obtenir un emploi une fois qu'ils quittent l'école . Cette logique de l'expérience est sous-jacente à la théorie de la privation culturelle, qui définit l'éducation en termes d'enrichissement culturel, d'assainissement et de base.

Dans cette version de la pédagogie libérale, on reconnaît peu que ce qui est légitimé comme expérience scolaire privilégiée représente souvent l'acceptation d'un mode de vie particulier, considéré comme supérieur par la «vengeance» qui frappe ceux qui ne partagent pas ses attributs. Plus précisément, l'expérience de l'étudiant comme «autre» est considérée comme déviante, défavorisée ou «inculte». Par conséquent, non seulement les étudiants sont responsables de l'échec scolaire. Mais il y a aussi peu de place pour remettre en question les façons dont les administrateurs et les enseignants créent et subissent les problèmes qu'ils attribuent aux élèves. De ce point de vue des étudiants, en particulier ceux des groupes subordonnés, se reconnaissent dans le refus d'examiner les hypothèses et les pratiques pédagogiques qui légitiment les formes d'expérience incorporant la logique de la domination. Un exemple flagrant de ceci m'a été apporté par un professeur d'école secondaire dans un de mes cours d'études supérieures qui se référaient constamment à ses étudiants de classe ouvrière comme «la vie d'en bas ». […] Une pratique qui ressort parfois de l'idéologie éducative libérale consiste à blâmer les élèves pour leurs problèmes perçus tout en les humiliant dans un effort pour les amener à participer à des activités en classe. […]

La théorie libérale comme pédagogie des relations cordiales

Lorsque les étudiants refusent de se rendre à ce type d'humiliation, les enseignants et les administrateurs scolaires sont généralement confrontés à des problèmes d'ordre et de contrôle. Une réponse est de promouvoir une pédagogie des relations cordiales. L'exemple classique pour traiter avec les étudiants dans cette approche est d'essayer de les garder «heureux» soit s'appuyant sur leurs intérêts personnels par le biais de modes appropriés de connaissances de «faible statut» ou en développant un bon rapport avec eux. Défini comme «l'autre», les étudiants deviennent maintenant des objets d'enquête dans l'intérêt d'être compris de manière à être plus facilement contrôlés. Les connaissances, par exemple, utilisées par les enseignants auprès de ces élèves sont souvent tirées de formes culturelles identifiées avec des intérêts de classe, de race et de sexe. Mais la pertinence, dans ce cas, a peu à voir avec les préoccupations émancipatrices.

Au lieu de cela, cela se traduit par des pratiques pédagogiques qui tentent d'approprier les formes de la culture étudiante et populaire dans l'intérêt de maintenir le contrôle social. De plus, cela fournit une idéologie légitime pour les formes de reproduction de classe, de race et de sexe. La pratique reproductive en question ici est développée sous sa forme plus subtile à travers une série interminable de cours facultatifs scolaires qui semblent légitimer les cultures des groupes subordonnés tout en les incorporant réellement d'une manière pédagogique insignifiante. Ainsi, les filles de la classe ouvrière se voient «conseillées» par les enseignants d'orientation à prendre le cours de « conversation de filles », tandis que les étudiants de classe moyenne n'ont aucun doute sur l'importance de prendre des cours de critique littéraire. Au nom de la pertinence et de l'ordre, les hommes de la classe ouvrière sont encouragés à sélectionner les «arts industriels» tandis que leurs homologues de classe moyenne suivent des cours de chimie avancée. Ces pratiques et formes sociales ainsi que les intérêts divergents et les pédagogies qu'ils produisent ont été analysés en détail ailleurs et n'ont pas besoin d'être répétés ici.

La théorie libérale et la pédagogie centrée sur l'enfant

Dans ses formes théoriques, le discours éducatif libéral fournit une vision «favorable» de l'expérience et de la culture des étudiants. Dans cette perspective, l'expérience de l'étudiant est définie par la psychologie individualiste comme «centrée sur l'enfant ». Dans le cadre d'un processus de développement« naturel », l'enseignement n'est pas lié aux impératifs de l'autorité disciplinaire rigide, mais à l'exercice de la maîtrise de soi et de l'autorégulation. Le sujet unitaire et les pratiques pédagogiques sont structurés autour de l'encouragement de l'expression «saine» et des relations sociales harmonieuses: une idéologie qui assimile la liberté à «l'octroi de l'amour» et à ce que Carl Rogers (1969) a appelé «l'estime positive inconditionnelle » et la « compréhension emphatique ».

Le canon pédagogique libéral exige que les enseignants mettent l'accent sur l'apprentissage auto-dirigé, relient les connaissances aux expériences personnelles des élèves et s'efforcent d'aider les élèves à interagir les uns avec les autres d'une manière positive et harmonieuse. Développé dans cette perspective, c'est, bien sûr, directement lié à la question plus vaste de la façon dont ils sont construits et compris dans les discours multiples qui incarnent et reproduisent les relations sociales et culturelles de la société plus grande. Cette question n'est pas seulement ignorée dans les conceptions libérales de la théorie de l'éducation. Elle est également ignorée dans les discours conservateurs. Le silence sur les formes de discrimination raciale, de classe et de genre et sur la façon dont elles sont reproduites dans les relations entre les écoles et l'ordre social plus large relie les théories conservatrices et libérales de l'éducation, constituant ce que j'appelle le discours éducatif dominant.

https://iresmo.jimdo.com/2017/02/17/la- ... -critique/
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Re: Pédagogie et Révolution

Messagede bipbip » 18 Mar 2017, 17:20

Ressources en français pour enseigner la justice sociale

Il existe beaucoup de documentation en anglais, mais la documentation en français est plus rare. Voici quelques documents pédagogiques en français qui peuvent néanmoins être utilisés à cette fin :

... https://iresmo.jimdo.com/2017/03/15/res ... e-sociale/
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Re: Pédagogie et Révolution

Messagede bipbip » 23 Mar 2017, 12:42

L’Éducation en questions, 26 films de 13 minutes, site de Philippe Meirieu

L’ÉDUCATION EN QUESTIONS, 26 films de 13 minutes en libre accès chacun présentés par Philippe Meirieu. Chaque film croise les apports d’une grande figure de la pédagogie (Pestalozzi, Jacotot, Montessori, Korczak, Freinet, Oury, Freire, ...) avec les questions que se posent au quotidien les praticiens de notre temps. Repères historiques, questions philosophiques et travaux pédagogiques avec des élèves tissent ainsi un "paysage réflexif" qui permet de s’interroger sur les grandes questions de l’éducation et la manière de les affronter aujourd’hui à la lumière de l’histoire de la pédagogie...

Ainsi, dans chaque film, on "entre" dans l’œuvre d’un ou d’une grande pédagogue (sans prétendre, bien sûr, être exhaustif), on voit travailler des maîtres et des élèves sur des thématiques qui se réfèrent à leurs apports et on s’interroge sur les principaux défis éducatifs... Outils d’information, de culture, de réflexion, chaque film est aussi un outil de formation qui peut être utilisé dans le cadre d’une réflexion individuelle ou collective.

Attention ! Ces films ont été réalisés en 1999-2000-2001 : ils portent donc la marque de leur époque de réalisation et doivent aussi être interrogés de ce point de vue.

(Présentation extraite du site.)

https://www.meirieu.com/EDUCATION%20EN% ... stions.htm

Par ailleurs, le site de Philippe Meirieu propose de nombreuses ressources pédagogiques, par exemple L’Homme en proie aux enfants d’Albert Thierry https://www.meirieu.com/PAThttps://www.meirieu.com/ RIMOINE/lhomme_en_proie_aux_enfants.pdf ou une Petite histoire des pédagogues https://www.meirieu.com/PATRIMOINE/lespedagogues.htm

http://www.questionsdeclasses.org/?L-Ed ... pe-Meirieu
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