Le quotidien au lycée : enfermement et soumission

Le quotidien au lycée : enfermement et soumission

Messagede fabou » 07 Fév 2010, 16:42

« L’école est une prison », clame Catherine Baker*. Ces mots peuvent prêter à sourir. Pourtant, il s’agit bien d’une privation de liberté, autant physique qu’intellectuelle.
Cette année, j’ai effectué ma rentrée dans un nouveau lycée. Etant loin de chez moi et sans ressources financières, je suis donc interne dans ce bunker (murs de 2,5m, caméras de surveillances, gardiens … etc).

Chaque matin, à 7h, la lumière criarde des néons suspendus au plafond de la chambre (16m2 pour 4 personnes) me réveille. Je vais ensuite prendre ma douche (froide) dans une cabine de piscine puis prendre mon petit-déjeuner. Un petit pain, un morceau de beurre fade, un bol d’un café infect et un minuscule gobelet de jus de fruit. Voilà mon premier « repas » de la journée. La sonnerie, une sirène incendie, nous ordonne de rentrer en cours. Nous devons laisser à l’entrée de la classe nos pensées, nos discussions et notre dignité afin d’être totalement réceptifs pour assimiler les valeurs du travail intensif et de la concurrence entre nous. La carotte (les bonnes notes) et le bâton (les sanctions) sont appliqués avec volontarisme par des professeurs plus ou moins zélés.

La journée s’écoule ainsi, sonnerie assourdissante puis cours lobotomisant, entrecoupés par le repas de midi, mélange de légumes en plastique et de viande en carton, le tout dans une odeur nauséabonde.
Le soir venu, nous avons la « liberté » d’aller acheter des sodas au hard-discount situé à proximité.
La soirée à l’internat n’est qu’une interminable attente. Nous restons allongés, catatoniques, sur nos lits, fixant les lézardes du plafond en écoutant les dernières merdes musicales. Puis vient l’heure du diner, des restes de midi réchauffés. Suite à ce festin, quelques jeunes jouent au foot, pratique encouragée avec vigueur par l’administration scolaire. En effet, quand on est occupé par le sport, on risque moins de réfléchir à nos conditions d’existence … Pour les autres, l’attente continue, jusqu’à la fermeture automatique et centralisée des volets et de la lumière. Toute évasion, même par la pensée, nous est interdite. La nuit s’écoule, dans notre petit lits, jusqu’au lendemain, ou tout recommence.

Soumission, enfermement et déshumanisation sont les maitres mots de ce quotidien. Après tout, nous sommes à l’école afin de devenir de braves employés serviles et mal payés, pas pour vivre heureux.

Fabien Bon, Lycéen

- Solidaires, Ecologistes et Libertaires - Millau

*Insoumission à l'école obligatoire, éd. Bernard Barrault

Article paru dans Le Monde Libertaire n°1566 (1er au 7 octobre 2009) et dans No Pasaran n°76 (oct-nov 2009)
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Re: Le quotidien au lycée : enfermement et soumission

Messagede abel chemoul » 07 Fév 2010, 22:09

tu transposes à l'environnement les problèmes de l'institution scolaire. le café dégueux, les néons, la musique de merde, t'as ça partout dans la société et une révolution sociale ne changera jamais le goût du café industriel, faut pas rêver!
plutôt que cette description emile zolaèsque très subjective il aurait été plus intéressant de faire une critique du système pédagogique.
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Re: Le quotidien au lycée : enfermement et soumission

Messagede fabou » 07 Fév 2010, 22:40

C'est bien à ce genre de réponse que je m'attendais en venant ici ! Mais pas aussi rapidement.

Ce texte est justement une critique de l'institution scolaire à travers la présentation crue et sans fard de mon quotidien. Si tu relis sans à priori mon texte, tu comprendrais ce que je tente d'exprimer, peut-être de façon maladoite, sur l'élevage en série des enfants.
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Re: Le quotidien au lycée : enfermement et soumission

Messagede Tuxanar » 07 Fév 2010, 23:23

Plus que l'institution scolaire, tu critiques ton lycée et les conditions de l'internat. C'est vrai que certains sont vieux et mériteraient d'être reconstruit. Après, t'es pas non plus le seul, la plupart des étudiants pauvres vivent dans un 9 m² avec cuisine et douche sur le palier dans des immeubles mal isolés et souvent assez mal entretenus.

C'est bien de critiquer les problèmes matériels dans les lycées, mais tu devrais le faire dans des tracts, faire des actions dans ton internat et réclamer de meilleures conditions de vie plutot que de venir te plaindre sur internet, ça serait surement plus utile. On a tous eu des problèmes dans des lycéens qui tombent en ruine, mais c'est seulement les conditions matérielles.

Je trouves bien plus intéressant d'échanger sur une pédagogie et une éducation libertaire que de se plaindre parce qu'on s'emmerde en cours.
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Re: Le quotidien au lycée : enfermement et soumission

Messagede fabou » 05 Jan 2015, 15:58

Fermez vos cahiers, ouvrez vos cerveaux

Article publié dans SCALPel n°3.

On se demande souvent « A quoi ça sert l’école ? » ou encore « Est-ce que le système éducatif est bien fait ? ». Et même dans la haute classe politique il en est question, il n’y a qu’a voir les nombreuses réformes chaque année qui ne changent pourtant pas grand-chose, si ce n’est rien puisqu’on se soucie plus du taux de réussite que de ce malaise qui est toujours là. Vous savez de quoi je veux parler ? Ce que beaucoup éprouvent est causé par l’école/collège/lycée, en bref l’éducation.

Devoir se lever tôt tous les matins, pour écouter un cuistre nous déblatérer son flot de bonne parole, qu’on doit écouter religieusement (amen monsieur/madame vous vous reconnaîtrez !) conduit à un état de déprime, de dépression et a même entraîné des suicides. On nous met en tête « Ayez votre bac ! ». En effet, je l’ai souvent entendu. Mais nous a-t-on demandé notre avis ? Après tout, pourquoi nous demander, on ne décide de rien. De plus, l’éducation nous entraîne au principe de hiérarchie : vouvoyer « l’équipe enseignante » qui elle, nous tutoie, les appeler « monsieur » alors que eux, nous appellent par notre prénom … Et le pire, c’est que c’est tellement rentré dans les mœurs que cela semble normal, et qu’au contraire, un prof qui nous vouvoierait et nous appellerait monsieur/madame se remarque tout de suite.

On nous apprend que l’école (ou du moins le cadre scolaire) est là pour nous apprendre, nous enseigner. Pourtant, une personne souhaitant apprendre peut très bien le faire sans l’école, de son plein grè. Au contraire, si une personne ne souhaite pas apprendre, à quoi bon la mettre sur les bancs de l’éducation puisqu’elle ne retiendra rien, donc perdra son temps. L’école nous fait perdre notre temps, les devoirs sont de plus en plus chronophages et les week-ends et vacances (sauf je le reconnais, les grandes vacances) ne sont là que pour nous charger encore plus en « travail personnel ».

On nous parle de « 96%de réussite au bac, 60% avec mention 30% de mentions très bien » et l’on juge un élève sur ces notes. Nous ne sommes pas des chiffres !

On nous « oriente » à 16 ans, en seconde en nous demandant de choisir pour notre avenir, bien souvent définitif. On nous demande très tôt ce qu’on voudra faire pour le reste de notre vie.

On nous apprend à aller voter, payer ses impôts (on à bien besoin que les pauvres le fassent, puisque de toute façon les riches s’exilent), bref à obéir.

Et on nous apprend aussi que ceux qui se rebellent contre notre magnifique société et ce superbe système hiérarchique ne le font qu’à cause de leur adolescence et que leur crise passera.

Je vous laisse donc avec Hérodote : « Je ne veux ni commander ni obéir », Janvion et son « École antichambre de caserne et de sacristie » et encore Thoreau et sa « Désobéissance civile », Pouget et son « Sabotage » ou encore Lao-Tseu « gouverne le mieux qui gouverne le moins ». Et maintenant, je met au défi n’importe quel professeur de traiter ces gens la « d’ados attardées en pleine crise » car oui, dans cette société, on ne vous écoute qu’à partir d’un certain âge, avant on est des ados, donc notre opinion ne doit pas être très importante.

Ce n’est pas à coup de réformes que cela changera. Si ce système vous suffit, tant mieux pour vous, sinon cultivez-vous, réfléchissez et faites tomber ce système déjà à genoux.

Un lycéen SCALPeur.
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Re: Le quotidien au lycée : enfermement et soumission

Messagede abel chemoul » 06 Jan 2015, 18:31

ce que ton scalpeux décrit Fabou, c'est un enfermement relatif. A partir de 16 ans l'école n'est plus obligatoire, tu peux lui conseiller de quitter le lycée et de vivre la vraie vie puisqu'il a l'air de souffrir le martyr en classe. Après tout, pourquoi rester volontairement dans un système où on se sent enfermé?
c'est là toute la limite de la critique de cette "oppression" scolaire, qui se révèle surtout être une crise d'adolescence: on critique mais au lieu de fuir, ce dont on a la possibilité, on reste dans le système scolaire. L'oppression ne doit pas être si rude que ça pour qu'un scalpeux reste dans l'institution scolaire...
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Re: Le quotidien au lycée : enfermement et soumission

Messagede fabou » 06 Jan 2015, 21:41

Bah justement ce lycéen n'a pas encore 16 ans Abel ...
Mais au delà de l'âge, tu semble oublier deux paramètres essentiels, la plupart des mineurs dépendent économiquement de leur famille, et une rupture avec le système scolaire est bien souvent concomitante avec une rupture avec la famille.
Et surtout, au delà de ces aspects, ce n'est pas parce qu'on a la possibilité théorique de s'affranchir d'une oppression que celle-ci n'en est plus une. Par exemple, concernant le salariat : comme pour l'école (après 16 ans), on peut le quitter. Pourtant, irais-tu dire à un salarié se plaignant de son exploitation qu'il a qu'a se barrer ? Je ne pense pas, car si il est effectivement toujours possible de fuir certaines oppressions, il me semble que proner la fuite personnelle devant celles-ci relève davantage de l'individualisme libéral que de l'émancipation collective. Et en tant que révolutionnaire, je préfère défendre l’émancipation collective par les luttes plutôt que la débrouille individuelle et individualiste, qui, si elle peut parfois être pertinente au niveau personnel, ne constitue aucunement une solution politique pour moi.
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