Nous sommes des travailleurs et travailleuses de diverses salles de Cinéma à travers la Haute-Garonne. Étant les premiers garant.e.s du bon déroulement dʼune projection et du fonctionnement dʼun cinéma ainsi que lʼinterface avec le public, aujourd’hui nous vous alertons des difficultés que nous vivons quotidiennement sur nos lieux de travail.
Depuis 2011, les salles de cinéma et l’ensemble de la filière, avec l’arrivée du numérique, ont connu de grands bouleversements tant sur le plan technique qu’organisationnel. Dans un premier temps, les laboratoires argentiques, les stocks de films, les transporteurs... ont fermé les uns après les autres, puis, rapidement, ce furent les salarié.e.s des multiplexes (premiers équipés en numérique) et finalement la moyenne et la petite exploitation qui ont subi des vagues de licenciements et de précarisation.
On ne cesse de parler d’exception culturelle française, de l’exemple que constitue notre pays quant à son parc de salles - mis en avant en terme de qualité technique - et à la diversité des lieux de diffusion. Cependant, les salarié.e.s des salles de cinéma, ultimes passeur.e.s de l’œuvre cinématographique vers le ou la spectateur.trice ne sont pas considéré.e.s à leur juste valeur. On a imposé progressivement aux salarié.e.s en place d’aller vers une ultra-polyvalence sans accompagnements spécifiques.
Les métiers désignés dans la Convention Collective de l’Exploitation Cinématographique n’existent plus. Les employés polyvalents, agents de cinéma, etc, ont remplacé les opérateurs projectionnistes, les caissiers et les agents d’entretien.
Pour autant, les grilles de salaires n’ont pas été modifiées et le métier s’est précarisé (recours régulier aux CAE, CUI, CDD, temps partiels en tout genre, voire aux bénévoles ou services civiques).
La disparition de l’obligation du CAP Opérateur Projectionniste de cinéma ou d’une formation diplômante pose divers problèmes tant au niveau de la spécificité et technicité de la diffusion d’un film, que de l’accueil (lien social, passation en terme de contenu) et de la sécurité du public et du personnel dans les salles de cinéma.
Les salles de cinéma n’étant pas soumises aux mêmes obligations que les ERP de type L (salles de spectacle), de nombreuses séances sont assurées par une seule personne diplômée ou non (du CAP Opérateur Projectionniste de cinéma, du SSIAP), ce qui pose le problème de travailleur.se isolé.e et des lourdes responsabilités qui en découlent.
Pour exemple, il n’est pas rare aujourd’hui que des problèmes techniques surviennent dans les salles (de plus en plus automatisées et planifiées à l’avance) sans pouvoir être résolus dans des délais corrects (lumières allumées, mauvais format image, niveau sonore,...). Comment faire quand on est seul.e si le moindre problème survient lors d’une projection ? Comment faire quand on est seul.e pour porter secours à un.e spectateur.ice en difficulté ?
Aujourd’hui on attend d’un.e salarié.e d’un cinéma d’être flexible et par exemple d’assumer simultanément : caisse, vente de confiserie, projection (préparation, maintenance, vérification technique...) travail administratif, standard, accueil des invité.es, présentation d’une séance, ouverture des salles et contrôle des billets... Autant de compétences et de souplesse qui ne sont ni prises en compte, ni valorisées.
Autre souplesse attendue : rappelons que nos établissements sont ouverts 7 jours sur 7, 365 jours par an avec des amplitudes de 16h (allant de 8h - projections scolaires - à la clôture de la salle à minuit voire au-delà).
Les plannings sont réajustés constamment, au dernier moment, sans aucune régularité et avec des amplitudes horaires très larges qui ne permettent que très difficilement de gérer de quelconques impératifs personnels. Ces horaires atypiques à lʼextrême, ne bénéficient d’aucun avantage dans la Convention Collective de l’Exploitation Cinématographique.
Rappelons qu’un cinéma peut être une entreprise SARL, indépendante ou issue d’une grande chaîne, une association ou une régie municipale. Par ces disparités de statuts, aucune convention collective commune, aucun accord de branche n’est appliqué à l’ensemble des salles.
La Loi Travail à l’étude a été comme un déclencheur pour notre mouvement de salariés de salles de cinéma car elle ne fait qu’amplifier ces problématiques.
• Comment soutenir les films plus fragiles et les coups de cœur des salles sans interactivité avec le public en tant que passeur.e.s d’images ?
• De même comment mettre en place lʼéchange et le débat autour des films avec le public après la projection, quand on doit nettoyer la salle et préparer la prochaine séance ?
• Comment assurer des projections de qualité (nécessité de contrôler les films ; les sous-titres), résoudre les problèmes techniques, répondre aux spectateurs ?
• Comment faire tout cela quand on est seul.e et mal payé.e ?
• À l’heure des équipements personnels home cinémas de plus en plus compétitifs et de bonne qualité, comment conserver la valeur ajoutée d’une salle de cinéma ?
Nous ne voulons plus être seul.e.s dans un bâtiment assumant la projection, l’accueil, la sécurité, le ménage, le service d’ordre, la communication et la multitude dʼautres tâches pour le bon fonctionnement de la salle dʼexploitation.
Nous, salarié.e.s de l’Exploitation Cinématographique, demandons qu’un diplôme soit exigé, que les grilles des Conventions Collectives soient recalculées et redéfinies en intégrant l’évolution de nos métiers, qu’elles soient identiques pour toutes et tous, salarié.e.s du privé, de l’associatif et de la territoriale.
Nous demandons aussi la prise en compte de nos horaires atypiques et leur revalorisation.
Des travailleurs et travailleuses dʼune quinzaine de salles de cinéma de Toulouse et ses environs.
Des travailleurs et travailleuses occasionnel.les ou de remplacement.
Des travailleurs et travailleuses au chômage.
Collectif SPECTR (Salarié.e.s et Précaires de l’Exploitation Cinématographique de Toulouse et sa région) :
collectifcinemas@gmail.com P.-S.
Sur Canal Sud : les forçats du ciné
http://www.canalsud.net/?les-forcats-du-cineQu’on se le dise, dans vos salles de ciné, les salarié.e.s en ont gros sur le cœur…
Des conditions de travail qui se dégradent : polyvalence à outrance, départs de collègues non remplacés, les contrats aidés se généralisent et la précarité court.
http://www.canalsud.net/IMG/mp3/cinematok_4-2.mp3