Un récit illustré de l’occupation avenue Simon Bolivar :
http://www.archyves.net/html/Blog/?p=1530Des nouvelles du collectif des Tunisiens de Lampedusa à Paris et de la lutte qui continue
Parmi les personnes dites sans-papiers placées en rétention suite à l’expulsion de l’immeuble vide du 51 avenue Simon Bolivar, plusieurs passeront devant le juge des libertés et de la détention des tribunaux de Paris, pour ceux enfermés à Vincennes, et de Meaux pour ceux enfermés au Mesnil-Amelot. Dans les centres de rétention, les occupants de l’immeuble ont retrouvé plusieurs dizaines de leurs camarades Tunisiens, Egyptiens ou Lybiens qui partageaient leurs galères et leurs luttes, soit au squat, soit avant dans le square de la porte de la Villette. Tous les jours, dans le nord est parisien, ces personnes se font rafler en toute impunité sur ordre de l’Etat français. Plusieurs d’entre elles ont été expulsées en Italie par avion spécial.
La personne avec papiers arrêtée lors de l’évacuation de l’immeuble du 51 Bolivar a été relâchée hier après son défèrement en comparution immédiate. Cette personne a été enfermée 51 heures parce qu’elle refusait de décliner son identité, de se faire prendre en photo, de donner ses empreintes et son adn, choses qui lui étaient demandées alors que les flics reconnaissaient qu’aucun délit ne lui était reproché, admettant ainsi que tout cela n’était destiné qu’à leur travail de fichage.
Ce camarade, qu’on appellera Mr Lampedusa, passera en procès le vendredi 17 juin au TGI de Paris. La procureur avait demandé l’incarcération en attendant la date du procès mais cela a été refusé par la juge.
Le collectif des Tunisiens de Lampedusa à Paris qui s’est formé il y a maintenant une semaine ne s’est pas disloqué après l’évacuation du lieu. Après s’être réunis le 6 mai, voilà la traduction française du communiqué qu’ils adressent à la mairie de Paris qui a revendiqué avoir ordonné l’expulsion :
Lettre à l’attention du maire de Paris
Après nos salutations et notre remerciement pour ce qu’il y a eu de votre part de soutien et d’accueil des Tunisiens venus de Lampedusa à Paris, entre autres ce qu’il y a eu de matraques et d’insultes de la part de la police.
Monsieur le maire de Paris, nous les tunisiens venus de Lampedusa et que vous décrivez comme des immigrés illégitimes, mais monsieur, nous vous informons que s’il n’y avait la situation misérable en Tunisie, nous n’aurions pas quitté notre pays et nous ne serions pas jetés dans la mer et ceci est une preuve irréfutable de notre mobilisation pour résoudre notre situation sociale et humaine particulière avec le soutien de tous les pays du monde aussi bien les pays européens et arabes.
Mais pour notre plus grand regret, la manière dont la France nous a accueillis ne prouve pas qu’elle est le pays des droits et des libertés, et la plus grande preuve de ça, est l’attitude de la police le jour où ils sont venus au 51 avenue Simon Bolivar et les arrestations d’environ 150 personnes entre autre des camarades français qui nous ont sauvé de la faim et du froid contrairement à ce qui a été dit dans votre communiqué de presse contre ces français.
Mais nous n’avons pas besoin de leurs idées pour prendre nos décisions par nous-mêmes et la plus grande preuve de ça est notre révolution bénie.
Et pour finir nous vous prions de comprendre notre situation et d’accepter notre estime et notre respect.
Nos salutations,
Les Tunisiens de Lampedusa à Paris.
http://www.millebabords.org/spip.php?article17405Retour sur les manoeuvres de la mairie de Paris
Arrestation des sans papiers occupant le 51 avenue Simon Bolivar : de qui la Ville de Paris est-elle l’amie ?
Après avoir manifesté ce dimanche à l’occasion du Premier mai, 150 sans-papiers Tunisiens et des manifestants solidaires, dont des participants à la coordination des intermittents et précaires, ont occupé un bâtiment vide appartenant à la Ville de Paris, 51 avenue Simon Bolivar dans le 19e arrondissement.
Malgré un article du Monde qui fait le point sur la responsabilité de la mairie de Paris quant à l’arrestation d’une centaine de sans-papiers lors de l’évacuation policière des occupants du 51 avenue Simon Bolivar ("Les sans-papiers de l’avenue Bolivar expulsés à la demande de la Ville de Paris"), une partie de la presse relaie la communication mensongère de la Ville (par exemple,ici [Marianne a intégré depuis des précisions qui démentent sa première version, ndr], et là) qui fait des militants solidaires, dont ceux de la Cip-idf, les responsables de ces arrestations.
La Ville dénie la capacité des premiers concernés à s’organiser. Ce sont pourtant les occupants sans papiers eux-mêmes qui ont refusé les propositions municipales d’hébergement.
Le texte qui suit a été diffusé à la presse jeudi 5 mai. Il est ici complété et revu. Il s’efforce de retracer les événements tels qu’ils se sont réellement produits.
Beaucoup d’entre eux, venus de Lampedusa, dormaient dehors depuis des semaines, pourchassés quotidiennement par la police, qui organise régulièrement des rafles là où ils se retrouvent ou circulent (à Paris Porte de la Villette, aux 4 Chemins, à Stalingrad ou au métro Couronnes, tout comme à Nice, Marseille et dans différentes villes de France). Depuis plusieurs jours, à la porte de la Villette où beaucoup de Tunisiens ont pris l’habitude de se retrouver, la dénonciation par le maire de Paris de la politique gouvernementale à l’encontre des sans-papiers tunisiens s’était traduite par l’octroi de subventions à des associations chargées de dispenser des nuitées d’hôtels ou des denrées alimentaires, sans que l’errance, l’isolement et la vulnérabilité quotidiennes en soient fondamentalement remis en cause.
En investissant le 51 avenue Simon Bolivar, une partie d’entre eux trouvaient un lieu où s’abriter, dormir, se retrouver et continuer à s’organiser collectivement face à la situation qui leur est faite. Lors de cette occupation, constamment renforcée par l’arrivée périodique de nouveaux sans-papiers, se mettait progressivement en place l’approvisionnement, l’organisation des espaces, des réunions et assemblées, la rédaction d’un premier communiqué le 2 mai, puis d’un second le lendemain, tout cela dans des conditions très précaires… Les principales revendications exprimées par les occupants sans-papiers étaient « un lieu pour vivre et s’organiser » et « des papiers pour circuler et vivre librement » .
Le lundi matin, l’occupation est soumise à un blocus policier, levé par la suite lorsqu’une négociation s’amorce (dans les locaux de la CFDT...) avec la Ville de Paris, interpellée par cette présence dans des locaux dont elle est propriétaire. La mairie propose tout d’abord 80 places dans un ancien centre d’hébergement du 8e arrondissement et 50 chambres d’hôtels pour une durée d’un mois. Puis, quelques heures après, elle modifie sa proposition : 40 places dans ce même centre d’hébergement (car Emmaüs, gestionnaire potentielle du lieu ne voulait pas accueillir davantage de sans papiers Tunisiens) et 55 autres places dispersées. Ces deux propositions ont été étudiées avec attention par les occupants sans-papiers qui les ont jugé insuffisantes. Non seulement le compte n’y était pas, mais ils ne souhaitaient pas perdre ce qu’ils venaient d’obtenir, une forme d’existence collective. Ils ne voulaient pas être séparés et exigeaient un lieu pour tous. Ils ont donc refusé ces lits. Le lendemain, la mairie propose cette fois 100 places dans ce même centre d’hébergement dont l’association Aurore, qui a obtenu nombre de marchés municipaux à Paris et est dirigée par des membres du conseil d’administration de Vinci... aurait la gestion ainsi que 50 hypothétiques chambres d’hôtel pour le lendemain.
Nombre de personnes n’étaient pas prises en compte par cette proposition, c’est donc après bien des hésitations et de longs débats qu’elle a été acceptée par les sans-papiers en lutte. Les menaces d’intervention policière exprimées par la ville de Paris et les récurrents "coups de pression policière" aux abords de l’immeuble occupé qui venaient donner consistance à ces menaces furent pour beaucoup dans cette acceptation.
Une fois adopté, cette accord engendra de prévisibles tensions parmi des sans-papiers divisés par la nécessité de devoir constituer une liste qui excluait nombre d’entre eux. Beaucoup de sans-papiers ont ainsi considéré qu’il fallait à la fois accepter ces 100 places et continuer la lutte en restant mobilisés au 51 avenue Simon Bolivar, plutôt que de se trouver à nouveau isolés les uns des autres et à la rue.
Ce n’est que suite à la remise de la liste que la mairie fait savoir que ce centre d’hébergement est chaque jour fermé de 9 à 17h, ce qui condamnait les hébergés à une dangereuse errance diurne à partir du VIIIe arrondissement et à des nuits encasernées. Cette mauvaise nouvelle met un certain temps à circuler et elle accroît l’hésitation quand à l’accord passé
Pour ne rien arranger, lorsque vers 20h arriva l’heure du départ vers le foyer d’hébergement de dans le 8e arrondissement, celui-ci du s’effectuer par groupes de 25, en métro.
Le premier des groupes à sortir dans ce but, constatant la présence de policiers sur le trajet, s’est alors arrêté à 30 mètres de l’immeuble occupé pour exiger que la Ville s’engage à loger le reste des occupants et à ce qu’il n’y ait pas d’intervention policière à leur encontre.
Le représentant de la Ville n’a pas voulu fournir une telle assurance, l’ensemble des occupants a alors décidé de refuser de quitter les lieux, et seule une poignée de sans-papiers a accepter de monter dans un bus finalement affrété par la mairie. Après les divisions de l’après-midi, l’arrivée d’un camion de pompiers venu pour faire descendre des occupants montés sur le toit a poussé l’ensemble de ces derniers, cette fois déterminés et joyeux, à sortir manifester dans la rue en scandant « Papiers, liberté ! ».
Le lendemain, sans aucun avertissement préalable de la mairie, l’intervention des forces de l’ordre pour évacuer les occupants s’est effectuée à grands renforts de moyens (hélicoptère, gardes mobiles et autres effectifs policiers en grand nombre, présence du ministre de l’intérieur Claude Guéant non loin de là).
Qui a fait arrêter plus d’une centaine de sans-papiers et porté plainte contre eux aux motifs de « dégradation de locaux » et d’ « occupation illégale » ? Qui donc est responsable des incarcérations en centre de rétention, des expulsions qui risquent d’intervenir à leur encontre, des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière (APRF) qui leur sont notifiés, des « visas Schengen » probablement déchirés par des policiers comme ce fut le cas lors d’autres arrestations, qui donc si ce n’est la mairie ?
« Cette intervention s’est faite à la demande de la Ville », comme le revendique explicitement son communiqué du 4 mai. Dans ce même communiqué, la Ville tente de se dédouaner de sa responsabilité quant aux arrestations de sans-papiers. Elle ose imputer les arrestations aux militants solidaires présents, dont certains se sont eux aussi retrouvés placés en garde-à-vue (au moins l’un d’eux est encore en G-à-V ce 6 mai) sans que l’on sache encore s’ils seront poursuivis.
En appeler à une attitude digne vis-à-vis des sans papiers, se réclamer d’une « gauche humaine » et agir ainsi est l’indice d’une profonde duplicité.
Nous exigeons que la Ville retire la plainte posée à l’encontre des occupants de Simon Bolivar et demandons aux organisations, associations et collectifs soutenant les sans-papiers de prendre position.
Face à l’escalade de la xénophobie d’Etat, la solidarité concrète avec tous les sans-papiers Tunisiens est une nécessité. Ceux qui ont réussi à s’échapper et ceux qui se sont retrouvés depuis ont besoin de notre appui. Tous comme ceux qui sont actuellement détenus aux centre de rétention de Vincennes, de Mesnil Amelot et ailleurs.
Exigeons ensemble la libération de tous les arrêtés du 4 mai, l’annulation de toutes les reconduites à la frontière et des APRF, ainsi que l’attribution de titres de séjour pour les sans-papiers.
Paris, les 5 et 6 mai
Coordination des intermittents et précaires
http://www.cip-idf.org/