Tours vers l'état de siège (congrès du FN) 11 Janvier 2011 Par Raphael JORNET Il pleut sur Tours. La gare est toujours à la même place, le Vinci aussi. Vents forts. Front chargé. Météo classée bleu. Celle des orages à venir.
Si Tours avait été une ville côtière à l'instar de cette ville australienne du Queensland, elle serait submergée par les eaux et assiégées par les crocodiles. Sauf que la Loire a baissé son niveau. N'y sont attendus que les crocodiles.
En revenant sur Tours hier, j’avais emprunté le boulevard Heurteloup, cette artère qui passe devant l'Hôtel de ville perpendiculairement à la nationale 10, l'axe nord-sud qui faisait la frayeur des vacanciers avides de grand sud, les « parisiens » d'avant autoroute.
Posé là comme une énigme, sur la barrière réglementaire, au début du boulevard un panneau indiquait que ce boulevard sera fermé du vendredi 14 janvier à 16h00 au dimanche 16 janvier à 18 heures, sans en indiquer le motif.
Fermée cette artère deux fois deux voies qui irrigue le centre ville, passant devant la gare et le centre de congrès Vinci, pendant deux jours et demi ?
Propre sur moi ce matin (il était 10 heures), je me suis déguisé en citoyen interrogateur en route vers la mairie.
Interrogateur mais méthodique, méthodique mais citoyen: un arrêté municipal devait bien traiter de cette condamnation de boulevard, affiché à destination du bourgeois.
Sur les panneaux municipaux réglementaires extérieurs, rien.
A l'intérieur de la mairie devait se trouver l'objet du mystère. Sur l'immense pan de mur dédié aux informations dans le grand hall, rien.
A l'accueil:
moi: « - savez-vous pourquoi la fermeture du boulevard? »
elle: « - non, vous n'êtes pas le premier à nous le demander, mais nous n'avons pas d'information ! C'est pour les canalisations d'eau peut-être.»
Il a suffi de demander, ailleurs, si l'on pouvait voir le maire adjoint concerné, ou le maire, pour s'entendre dire « mais monsieur, il faut prendre un rendez-vous ».
J'avais bien comme un pressentiment. Un évènement culturel de très grande importance, inopiné. Comme un Johnny revenu les artères déchaînées pour son dernier millième concert public d'adieu en extérieur ? Un Lavilliers, on the road again ?
Il fallait aller voir au palais des congrès Vinci.
Peut-être que Obama et le Président Sarkozy y passeraient du temps pour parler des affaires du monde, de la présidence du G20 et d'un Dominique du FMI qui les pressait de forcer la main au Portugal à accepter son argent. A ces conditions-là, il était à la limite concevable que la ville fut protégée. Déjà, sur les allées, s'installaient les barrières.
Le palais des congrès Vinci, ce joyau que nous a donné Nouvel, fait d'espaces infinis « valorisants au cœur de votre ville » est le centre ville, face à la gare, à deux pas de l'hôtel de ville.
Sur le bandeau défilant, à la date du 13 janvier, s'affiche la venue de Michèle Bernier. La fermeture du boulevard à partir du 14 n'est pas de son fait, donc.
Le bandeau défilant, continuant son travail de défileur indiquera un seul autre rendez-vous: le 14 janvier, les « amphivoeux de la CNAV » cette manifestation destinée « à tous les cadres de la Cnav (managers et experts),...permettant... (un) accès aux informations stratégiques et de se retrouver... plus de 100 sur Tours ». Les cadres de la CNAV n'étaient pas à protéger à ce point.
Revenu à la mairie, j'obtiens l'arrêté 30.2011.53 expédié au Commissariat de police de Tours, qui détaille des mesures de restrictions de tous ordres, stationnements interdits dans des rues et des places, les circulations interdites... (voir le document pdf ci-dessous en deux pages distinctes).
A quatre jours du Congrès... sans information. Tout comme le Vinci qui n'informait pas au delà du 14...
Le centre de Tours deviendra donc un endroit enclos. Placée sous haute surveillance, ravitaillé par hélicoptères militaires peut-être ? Comme pour une ville assiégée, où l'art de la poliorcétique retrouve ses lettres de noblesse.
La police va quadriller. Le bourgeois tremble de peur d'avoir à vivoter deux jours en période de soldes à cause de la venue des militants frontistes et des conséquences citoyennes (voir en pdf le tract « ensemble contre l'extrême-droite).
Une conférence sur « la remise en cause des libertés fondamentales » aura lieu à 20h00 le vendredi 14 au grand amphi de la fac de médecine de Tours (intervenants: Jean-Pierre Dubois (LDH), Edwy Plenel (Médiapart), Caroline De Haas (osez le féminisme).
Stéphane Hessel, « très sollicité actuellement pour son livre sur l’art de s’indigner », et Cécile Duflot « vont peut-être venir à Tours jeudi après-midi avant le congrès du FN pour parler de valeurs humanistes et appeler à s’engager dans celles-ci. Cette rencontre, si elle a lieu, sera organisé par Europe Ecologie-les Verts. » Mais l'information reste à confirmer.
Le Collectif antifascite 37 (voir PDF) qui appelle à un rendez-vous le samedi 16 à 15 heures devant le Vinci, dénonce « la position du Maire de Tours, Jean Germain (PS), ainsi que celle du directeur du Vinci, qui ont déjà annoncé dans la presse locale leur bénédiction vis-à-vis de l’événement en question. De plus, un congrès du FN à Tours serait un retournement de l’Histoire : le silence des pantouflards municipaux est assourdissant. »
Sept organisations syndicales (CGT, CFDT, CFTC, FSU, Unsa, Unef et UNL) appellent les Tourangeaux à manifester « contre le racisme et la xénophobie, pour le progrès social et l’égalité des droits » dans le cadre d’un « pique-nique fraternel » qui se déroulera à partir de 12 h le vendredi 14 janvier sur la place Jean-Jaurès à Tours.
D'autres organisations interpellent et proposent une manifestation le vendredi 14 à 18h et samedi 15 janvier à 15h.
Nombre de tourangeaux s'étonnent de l'accord de la municipalité socialiste pour la tenue de tel congrès en plein coeur de cité, alors qu'elle dispose d'un palais des expositions où le grand hall de 10 000 m2 excentré, offre toutes les commodités nécessaires à un congrès.
« Ils étaient là, aux portes de la Ville.
Des chevaux piaffaient et des hommes hurlaient des ordres. On les entendait sans les voir, car nuées de poussière et brumes automnales les masquaient. Des ennemis assiégeaient la Ville, mais derrière ses remparts nul ne s'en étonnait : depuis des mois, des messagers avaient averti Simon, monarque absolu du plus grand royaume existant au monde, de l'inéluctable. »
La Ville assiégée auteur: Daniel Arsand, édition Le Rocher