Auschwitz 70 ans après : donner tort à Marceline Loridan

...Sans Papiers, antifascisme...

Auschwitz 70 ans après : donner tort à Marceline Loridan

Messagede Banshee » 30 Jan 2015, 13:36

À lire et à écouter :

Auschwitz 70 ans après : donner tort à Marceline Loridan

Marceline Loridan a bousculé la radio ce mardi matin. Ce petit bout de femme à la chevelure rousse, d’apparence si fragile, n’en a cure des convenances. Survivante d’Auschwitz, elle était l’invitée de la matinale de France Inter pour les 70 ans de la découverte du camp nazi. Elle y a dit ce qu’elle avait sur le cœur, et elle ne l’a pas tendre.

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La cinéaste n’a ainsi pas pris de gants pour réduire en bouillie la chronique de Bernard Guetta, qui tentait de philosopher sur Auschwitz, et exprimer son pessimisme profond sur le fait qu’on n’apprend pas, que le monde reproduit l’antisémitisme depuis 2 000 ans et que ce n’est pas près de s’arrêter, et que c’est pour ça qu’elle n’a jamais voulu avoir d’enfant après son retour du camp de la mort.

Et s’il n’y avait eu que des victimes juives...

Marceline Loridan a parfois laissé Patrick Cohen sans voix, sans question prête pour enchaîner comme tout bon intervieweur ; et elle a posé une question taboue :
« Est-ce que les Français seraient descendus dans la rue s’il n’y avait eu que des victimes juives début janvier ? »


Poser la question, c’est y répondre. Les Français ne sont pas descendus dans la rue lors de la tuerie de l’école juive de Toulouse, en mars 2012, et il y aurait eu un grand émoi mais pas le même choc sans l’attaque sans précédent de la rédaction de Charlie Hebdo.

Des « lâches » dans les classes qu’elle visite

En décembre, j’ai eu la chance d’assister à un incroyable « spectacle » : Marceline Loridan était sur scène, au Forum des images de Paris, avec le cinéaste Yves Jeuland, qui, pendant trois heures entrecoupées d’extraits de films et de musique yiddish, a parlé de ses parents juifs polonais, de sa jeunesse française, du milicien vichyste qui a tenté de la violer en l’arrêtant mais qui a en a été empêché par un soldat allemand sous prétexte qu’on « ne touche pas à cette race-là »..., de son expérience des camps, et de la vie après Auschwitz.
La salle était pleine à craquer, et d’Auschwitz à la Nouvelle Vague ou à la Chine de Mao qu’elle a connue – et soutenue – de (trop) près avec son mari Joris Ivens, cette vie exceptionnelle a défilé entre larmes et rire, entre tragédie et parfois comédie.

Mais mardi matin, Marceline Loridan était en colère, ou peut-être pire, désabusée. Se demandant si ça servait réellement à quelque chose de témoigner sur Auschwitz à partir du moment où cette mémoire-là n’empêchait pas de nouveaux crimes, de nouvelles haines, n’empêchait pas des enfants d’être indifférents lorsqu’elle diffuse son film dans les écoles : des « lâches », dit-elle sans concession.

Et le pire, c’est qu’il s’est trouvé un auditeur de parents algériens, éducateur de son état, qui s’est senti obligé d’appeler pour dire l’importance du « devoir de mémoire » sur les camps, et l’importance de cette histoire tragique partagée. Comme s’il fallait montrer, au nom du politiquement correct d’aujourd’hui, que cette mémoire était véritablement collective, Arabes compris.

Concurrence mémorielle

Toutes les contradictions de la société française post-Charlie se retrouvaient dans ce qui aurait dû être une journée de commémoration comme la France en connaît tant.

Au même moment, les statistiques des actes antisémites, en forte augmentation en 2014, commençaient à circuler sur les sites d’info et les réseaux sociaux, comme en écho au pessimisme de Marceline Loridan.

Des statistiques qui en appelèrent aussitôt d’autres : il se trouva sur Twitter quelqu’un pour faire observer qu’il y a eu plus d’actes islamophobes depuis le début de 2015 que pendant toute l’année 2014...

Cette querelle victimaire fait partie du mal français, avec son corollaire, la concurrence mémorielle.

Les faiblesses de l’Histoire

Qui est le plus malheureux, qui est le plus persécuté, qui subit le plus dans la France d’aujourd’hui ? Cette question se pose depuis longtemps, et constitue le non-dit malsain d’une journée de commémoration d’Auschwitz.

Cette énergie négative empoisonne la société française depuis des années, et ressurgit à chaque tragédie : l’affaire Halimi, Toulouse, Gaza, Charlie Hebdo et Vincennes... De quoi donner raison au « pessimisme de la raison » de Marceline Loridan.

Comment transformer cette énergie négative en énergie positive ? Comment faire de ces faiblesses de l’Histoire, de notre histoire, de nos histoires entremêlées avec leurs parts d’ombre et de lumière, un facteur d’unité pour repousser la barbarie, sous toutes ses formes ?

Peut-être est-ce à cette question que devrait être consacrée la journée d’Auschwitz. Pour donner tort à Marceline Loridan.

PS : France Culture a eu la bonne idée de diffuser lundi en fin d’après-midi des archives INA sur la manière dont on parlait des camps en 1945-46. A écouter pour constater, justement, que le monde change, et pas qu’en mal.


http://rue89.nouvelobs.com/2015/01/27/a ... dan-257335
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Re: Auschwitz 70 ans après : donner tort à Marceline Loridan

Messagede Banshee » 31 Jan 2015, 17:17

Dire que j'ai posté ça en espérant que ça lance une discussion, et v'là que c'est enterré... :shock:
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Re: Auschwitz 70 ans après : donner tort à Marceline Loridan

Messagede charlelem » 31 Jan 2015, 17:53

Non ce n'est pas enterré mais Mme Loridan a déjà (toujours) tenu ces propos là mais avant elle le faisait avec un ton "enjoué", là son ton était plus désespéré et c'est compréhensible.
Elle a toujours dit qu'elle était persuadée que "Auschwitz" recommencerai et que c'est pour cela qu'elle n'avait pas d'enfant, de plus à Auschwitz elle avait vu que les femmes ayant eu des enfants ne survivaient pas longtemps.
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Re: Auschwitz 70 ans après : donner tort à Marceline Loridan

Messagede Pïérô » 08 Fév 2015, 02:26

La lutte contre l’antisémitisme n’est pas un vestige du passé

L’antisémitisme est une oppression violente, au même titre que les autres. Il en a toujours été ainsi, mais aujourd’hui il nous paraît essentiel de ne pas transiger avec ce racisme particulier et de remettre quelques pendules à l’heure.

Non, l’antisémitisme ne se trouve pas seulement chez une partie minoritaire de l’extrême droite. On peut le rencontrer tout aussi bien à l’extrême gauche que dans le reste de l’échiquier politique. Ceci est vrai aujourd’hui, mais ce n’est pas une nouveauté ; aucun mouvement n’est totalement épargné. On retrouve bien les autres formes d’oppression dans chaque mouvement après tout, il n’y a pas de raison pour que ce ne soit pas le cas pour celle-ci en particulier.

Non, l’antisémitisme n’est pas une vieillerie dépassée ou une invention remise au goût du jour par l’État français, ou par l’État d’Israël tant qu’on y est, pour dénigrer les luttes palestiniennes. S’il est vrai que cette oppression est instrumentalisée par le pouvoir, il en va de même pour les luttes palestiniennes que nous n’abandonnons pas pour autant. Ceux qui tiennent ce discours à gauche le font, pour la plupart, par pure démagogie teintée d’essentialisme, de crainte de s’aliéner les gens qui se sentent concernés par la Palestine. Ce qui revient à dire : « On va pas critiquer les Arabes et les Noirs qui tiennent des propos antisémites dans les luttes pro-palestiniennes, comme ça on va sortir de notre entre soi de petits blancs et toucher les quartiers. » Ce qui tient à la fois du fantasme, du mépris et du paternalisme. Il est loin le temps où les éléments les plus craignos se faisaient virer de ces manifs, maintenant on ne trouve même plus assez de monde à gauche pour faire le ménage ; cause ou conséquence ? Nous considérons que ne pas virer les éléments antisémites des luttes de soutien à la Palestine n’est pas un service à rendre à cette lutte et que ne pas combattre spécifiquement l’antisémitisme revient à accepter l’entrisme de groupes réactionnaires ou fascisants. De même, tolérer des antisémites dans les organisations pro-palestiniennes, surtout à gauche, est inacceptable ; notre comportement se doit d’être irréprochable à ce sujet et une démarcation nette doit être tracée. Le problème doit être posé clairement, sans utiliser l’échappatoire facile et pathétique de la provocation fasciste, policière ou gouvernementale pour se justifier. Si ces organisations ne font pas ce travail, nous tracerons cette ligne dans le sable nous-mêmes.

Non, la lutte contre l’antisémitisme n’est pas moins importante que la lutte contre le racisme envers les musulmans. Le quasi-silence de l’extrême gauche et de la plupart des anarchistes sur la nature antisémite des meurtres du supermarché casher, de Mohammed Merah, de la bande de Youssouf Fofana, de la tuerie du musée juif de Belgique, est assourdissant. De plus, les assassins sont présentés comme des « fous » ou des « psychopathes » sans que personne ne considère vraiment la nature politique et antisémite de leurs actes. Les victimes sont systématiquement « oubliées » dans les listes des victimes du racisme. Quand bien même cet oubli ne serait pas volontaire, ce dont nous ne sommes pas certains, ceci resterait le signe du désintérêt que porte l’extrême gauche, les anarchistes et les antifascistes pour le sujet.

Non, lutter contre l’antisémitisme ce n’est pas soutenir l’État d’Israël. Nous luttons contre tous les États sans distinction, en cela l’État israélien est autant notre ennemi que l’État français. En tant qu’anarchistes nous soutenons également la lutte contre sa politique coloniale et raciste. Prétendre que la dénonciation de l’antisémitisme à gauche a pour but de légitimer l’État israélien revient à affirmer l’existence d’un complot « sioniste » au sein du mouvement libertaire. Le discours conspirationniste n’est pas loin et de nombreuses accusations et attaques vont dans ce sens : Anti-Deutsch [1] à la française, sionistes, colonialistes, impérialistes etc. Ces attaques ne nous empêcheront pas de mettre les pieds dans le plat, n’en déplaise à ceux qui jouent les trois petits singes.

Non les juifs et les Juifs [2] ne soutiennent pas tous Israël. De même que les musulmans n’ont pas à se justifier des attaques de quelques takfiris [3], les juifs et les Juifs n’ont pas à s’excuser pour les crimes d’Israël et n’ont pas plus à justifier de leur soutien aux luttes palestiniennes que les autres militants. Cette attitude de rejet et de suspicion, conjuguée à ce qui a été dit précédemment rendent nos mouvements peu accueillants, c’est le moins que l’on puisse dire, pour les personnes issues de cette communauté. Par ailleurs le refus de s’intéresser à cette lutte et notamment à ce qu’elle nécessite en terme d’autodéfense, pousse une partie de la jeunesse juive à rejoindre les rangs d’organisations d’extrêmes droite communautaires, qui lui promettent de rendre les coups, mais contre le mauvais ennemi évidemment.

L’antisémitisme et l’islamophobie ne sont pas « la même chose », ils n’occupent pas la même place ou fonction dans la société française, mais, loin de se confronter, ils s’articulent et se renforcent mutuellement dans les discours réactionnaires et servent à s’entre-justifier au détriment de notre classe et de ceux qui luttent. Ne pas hiérarchiser les oppressions implique d’analyser cette réalité sans faire l’autruche pour mieux les combattre d’un même front.

Groupe Regard noir
de la Fédération anarchiste


Notes

[1] Mouvement allemand venant de l’extrême gauche autonome et antifasciste qui suite à une critique de l’antisionisme a évolué vers de positions pro-israéliennes et pro-américaines.

[2] Il existe une distinction entre l’identité juive en tant qu’identité religieuse et l’identité juive "culturelle". Dans notre propos, nous faisons cette distinction afin de nuancer l’existence en grande partie fantasmée de cette "communauté organisée" comme la décrivent souvent les antisémites. Il faut également ajouter à cela les personnes assimilées à la communauté juive, qu’elles se reconnaissent de cette "origine" ou non.

[3] Courant de l’Islam particulièrement rigoriste qui considère la majorité des musulmans comme des apostats, et vise à isoler la communauté musulmane des autres, notamment par des actes violents propres à isoler ces croyants ou assimilés afin qu’en retour ces populations se retournent vers eux.

http://paris-luttes.info/la-lutte-contr ... sme-n-2609
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Re: Auschwitz 70 ans après : donner tort à Marceline Loridan

Messagede Pïérô » 23 Mar 2015, 12:08

Vendredi 27 mars, Saint-Denis (93)

Conférence-débat « L'antisémistime, hier et aujourd'hui »

La CGA-région parisienne vous propose une discussion sur le poison raciste et antisémite le 27 mars à 20h à Saint-Denis (Attiéké). (Centre social autogeré « l'Attieké », Bâtiment occupé, 31 bd Marcel Sembat, Saint-Denis)

L'idéologie raciste a le vent en poupe en France et en Europe, portée par un racisme d'État décomplexé. L'antisémitisme, que certainEs ont considéré à tort comme résiduel et en voie de disparition en France suite à la seconde guerre mondiale, retrouve une audience de masse ces dernières années. Pour la première fois en France depuis la Seconde Guerre mondiale, des enfants ont été assassinés parce que juifs, à Ozar Hatorah à Toulouse et quatre personnes ont été assassinées dans l'attentat de l'hypermarché casher. Des synagogues, des cimetières ou des commerces juifs sont attaqués. Des personnes agressées, insultées, parce qu'elles sont juives ou parce qu'elles sont considérées comme telles. Sur Internet, les propos antisémites explosent : la vieille rengaine puante du « complot juif mondial » se propage à grande vitesse par textes et vidéos…

Depuis la fin du XIXème, dans le cadre de la construction de la nation, on assiste à une dynamique qui vise à transformer les minorités religieuses en minorités nationales, désignées comme « ennemis intérieurs ».

C'est ce qui est à l'origine de l'antisémitisme moderne, et c'est ce qui se retrouve dans les formes actuelles d'islamophobie qui visent des personnes assignées à l'identité musulmane du fait d'amalgames racistes (alors mêmes qu'elles sont athées, ou partagent d'autres conviction religieuses) et les désignent comme « menace intérieur ».

Après une introduction sur la situation actuelle animée par un camarade libertaire juif de la CGA-Lyon, nous laisserons place à l'échange sur ce sujet parfois sensible même dans notre milieu.

http://www.cga-rp.org/?p=382

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Re: Auschwitz 70 ans après : donner tort à Marceline Loridan

Messagede bipbip » 01 Juin 2015, 08:32

La lutte contre l’antisémitisme, un combat qui ne peut être éludé.

On peut souvent entendre que qualifier des discours ou des pratiques d’antisémites (ou racistes, sexistes, etc) n’est qu’un procédé visant à salir ou à disqualifier. Une telle approche peut être sincère, elle a cependant pour conséquence d’empêcher d’identifier l’antisémitisme ou de le minimiser. C‘est aussi souvent une stratégie permettant d’éviter de faire face à l’antisémitisme ou de procéder à une remise en question. On retrouve des stratégies de défense et de déni comparables concernant toutes les formes de racisme.

Nous n’ignorons pas que des courants réactionnaires au sein des minorités nationales tentent d’assimiler toute critique de leurs projets politiques à du racisme afin de la faire taire. Nous n’ignorons pas que ces courants réactionnaires développent leur influence y compris dans le camp progressiste. Pour autant de tels procédés (tout comme l’insuffisance sur la question coloniale ou l’islamophobie) devraient être critiqués comme tels et non un prétexte pour disqualifier la lutte contre l’antisémitisme et ceux et celles qui tentent de la porter. Cela ne devrait pas conduire le mouvement progressiste à évacuer le problème des discours et des pratiques racistes, y compris en son sein.

Pour certainEs, il ne faudrait pas parler d’islamophobie sous prétexte que des réactionnaires religieux utilisent le même vocabulaire. Pour d’autres, il ne faudrait pas parler d’antisémitisme sous prétexte que les sionistes qualifient toute critique du sionisme « d’antisémite ». Pour notre part nous pensons qu’il faut mener de front la lutte contre l’antisémitisme comme contre l’islamophobie, sans minimiser l’un ou l’autre, car ce sont deux déclinaisons d’une même logique visant à définir une identité nationale majoritaire par opposition aux groupes minoritaires et à diviser les oppriméEs.

En période de confusion, clarifier les positions est une nécessité !

Nous vivons une période historique troublée. En ces temps, il est nécessaire d’analyser sereinement les phénomènes sociaux auxquels nous faisons face.

La crise économique et sociale actuelle pousse une partie des oppriméEs à chercher une alternative. Dans ces circonstances les fascistes vont chercher à apparaître comme tels. L’antisémitisme est un des outils le leur permettant puisqu’il est la base d’un pseudo-anticapitalisme racialiste présentant les Juifs et les Juives comme pseudo-classe dominante en lieu et place de la bourgeoisie. Il est destiné à récupérer et orienter la révolte d’une partie de la population, et notamment du prolétariat, dans un sens pogromiste plutôt que révolutionnaire, en la mobilisant derrière la bourgeoisie nationale contre la « domination sioniste », le « capital apatride », la « Banque », et la « Finance » associés à la minorité juive par le biais des stéréotypes racistes classiques. Substituer la « révolution nationale/raciale » à la « révolution sociale » est la fonction historique de l’antisémitisme, cela en créant de la confusion au sein même du camp progressiste.

Ainsi, la permanence de courants antisémites tout au long de l’histoire au sein du mouvement ouvrier apparaît comme une évidence, tout comme la permanence de courants racistes ou coloniaux. Il ne saurait en être autrement : comme n’importe quel système de domination, comme le patriarcat par exemple, le racisme ne s’arrête pas à la porte des organisations progressistes et l’adhésion à ces organisations ne fait pas disparaître mécaniquement les effets de l’idéologie dominante. Or l’antisémitisme, au même titre que le racisme colonial et l’islamophobie, font partie de l’idéologie dominante en France, parce qu’elles sont une partie indissociable de l’idéologie nationaliste et du roman national français.

Se mentir ne fera pas disparaitre le problème, au contraire !

Si une partie des militantEs est prête à accepter l’idée que l’antisémitisme existe, y compris dans les mouvements progressistes, ce phénomène est quasi-systématiquement qualifié de marginal. Ce faisant, on montre donc non seulement qu’on ne comprend pas l’utilité de l’antisémitisme pour le capitalisme en crise, mais on évacue aussi tout bilan sur les responsabilités au sein du mouvement progressiste dans le développement d‘un antisémitisme de masse. Cette situation conduit à adopter vis à vis de l’antisémitisme l’attitude reprochée à juste titre à d’autres, vis à vis de l’islamophobie : le refus de la clarification, le refus de la réflexion, le refus d’un retour critique établissant les responsabilités au sein du mouvement progressiste dans le développement d‘une islamophobie de masse.

La récupération de certains textes de notre courant par les réactionnaires est symptomatique. Elle signifie qu’il n’y a pas de prise de conscience qu’en période d’hégémonie culturelle de la réaction il faut éviter à tout prix de la laisser jouer sur la confusion idéologique.

Pour éviter de laisser prise à cette confusion, nos combats doivent être transversaux : notre anticolonialisme doit cibler en priorité l’impérialisme français, celui du pays dans lequel nous nous trouvons. La solidarité anticoloniale (avec les PalestinienNEs, les Kurdes, etc.) et l’opposition à d’autres impérialismes se fait ainsi sur une base de classe claire et empêche toutes dérive telle que le soutien aux régimes dictatoriaux en Russie, en Syrie, ou en Iran. La lutte contre l’islamophobie doit s’articuler avec la lutte contre l’antisémitisme, comme la lutte contre l’antisémitisme doit s’articuler avec la lutte contre l’islamophobie et le colonialisme, faute de quoi on est amené à travailler au service des thèses dieudo-soralienne, des thèses sionistes, ainsi que celles du légitimisme républicain et bourgeois, du « choc des civilisations » ou du nationalisme français.

Ce type de questionnements est nécessaire. Et il doit se lire dans chacune de nos productions si l’on veut éviter que des discours issus du camp progressiste fassent le lit de la réaction et si l’on souhaite reconstruire le camp révolutionnaire sur des bases solides et irrécupérables par nos ennemis politiques.

Le combat contre l’antisémitisme est un combat de classe.

Enfin, il faut réaffirmer que le combat contre l’antisémitisme et le confusionnisme, pas plus que la qualification des discours fascistes pour ce qu’ils sont, n’est pas un combat moral. C’est une nécessité de classe, qui n’a rien à voir avec « le monde virtuel » ni avec la bonne conscience, et encore moins une vision « policière » des choses.

D’abord, rappelons que la majorité des Juifs et des Juives de France fait partie du prolétariat. Ce n’est pas un hasard s’illes sont nombreux et nombreuses dans la ville populaire de Sarcelles et dans l’arrondissement le plus pauvre de Paris, le 19e. Il est donc assez curieux d’ignorer toute cette frange du prolétariat. Cette remarque vaut également pour ceux et celles qui, comme le PIR, prétendent s’adresser aux personnes issues des anciennes colonies françaises en oubliant les Juifs et les Juives issuEs de familles séfarades et mizrahim.

Quiconque se bat sur le terrain de la lutte des classes peut constater à quel point le discours antisémite permet de faire disparaître la bourgeoisie aux yeux des exploitéEs, en leur désignant une pseudo classe dominante. Comme nous l’avons dit plus haut, c’est même sa fonction historique. À quel point il encourage au mieux la résignation, au pire la violence raciste contre les Juifs et les Juives. En effet, il est important de se rendre contre qu’on ne peut pas traiter l’antisémitisme comme d’autres formes de conspirationnisme : si la chasse aux illuminatis pousse essentiellement à l’inaction et n’a pas tellement d’impact sur le monde réel, les attaques sur les synagogues et les attentats antisémites sont une réalité difficile à ignorer.

Quiconque est investi dans la lutte des classes peut constater que l’antisémitisme est aujourd’hui, comme il l’a été historiquement au Maghreb lors de la période coloniale, utilisé par une partie des classes dominantes pour diriger la colère des autres raciséEs contre la minorité nationale juive tout en se présentant frauduleusement comme son protecteur. De la même manière qu’Edouard Drumont a été utilisé au Maghreb par le système colonial pour dévier la colère des coloniséEs dans un sens pogromiste, Dieudonné et Soral sont utilisés depuis la révolte de 2005 dans les quartiers populaires pour jouer le même rôle.

Le combat contre l’antisémitisme est une nécessité révolutionnaire. Refuser de le mener, refuser tout ce qu’il implique d’auto-critique et de clarifications, c’est ouvrir la voie au fascisme, y compris parmi ceux et celles qui semblent proches de nos idées et c’est favoriser le développement des idées réactionnaires. Au sein de la minorité nationale juive, c’est également favoriser le développement politique du légitimisme (c’est à dire du soutien inconditionnel à l’ordre républicain bourgeois considéré comme seul défenseur des Juifs et des Juives) ou du sionisme, qui peuvent ainsi se présenter comme seules alternatives à l’antisémitisme.

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