Les Jeunesses Nationalistes scandent " le Mirail c'est chez nous ""Le racisme est un système hiérarchique. Celui qui est en bas de l’échelle peut réagir violemment, éprouver de la haine, mais il n’a pas le pouvoir d’être raciste" Houria Bouteldja
Le 14 octobre 2012, à l’Université Toulouse-Mirail, Déchoukaj en partenariat avec le PIR organisait une rencontre publique pour la sortie du livre de Houria Bouteldja et Sadri Khiari « Nous sommes les indigènes de la république »[1] et à l’occasion du procès fait par l’AGRIF à H. Bouteldja qui se tenait le 15 octobre 2012 à la cour d’appel de Toulouse. Des nervis d’extrême-droite se revendiquant des « Jeunesses Nationalistes » ont eu pour ambition d’empêcher par la force la tenue de cette rencontre.
« Nous sommes les indigènes de la république»Par cet ouvrage qu’ils publient ce 15 octobre et par l’action politique, Houria Bouteldja et Sadri Khiari et à travers eux le Parti des indigènes de la république, contribuent à décoloniser la société française pour éradiquer les hiérarchies raciales héritées de la colonisation. Ce livre est une sélection de textes publiés entre 2005, année où sort l’appel des indigènes de la république et 2012, année où, nous disent-ils « Une autre Civilisation s’impose ! ». Depuis 2005, constitués en tant que mouvement (MIR) puis en tant que parti (PIR), les indigènes de la république ont construit un espace politique et élaboré une pensée autonome à partir des conditions concrètes d’existence de celles et ceux issus de l’immigration et de la colonisation. La conférence visait à revenir sur ces sept années de luttes décoloniales inscrites dans l’héritage des luttes contre l’oppression raciale et pour la justice.
Une militante contre le racisme poursuivie en justice par l’extrême-droiteEn tant que porte-parole du PIR, Houria Bouteldja a dénoncé l’expression « français de souche » révélatrice, selon elle, d’une tentative de diviser la citoyenneté en deux, en créant des sous-citoyens. Pour l’utilisation du terme souchien, elle s’est retrouvée à deux reprises devant la justice toulousaine et risque une condamnation pour injure raciale. La plainte a été déposée par l’AGRIF, organisation qui dit lutter contre le racisme anti-français. Bouteldja a été jugée une première fois le 14 décembre 2011, à la suite de quoi elle a été relaxée. L’AGRIF a fait appel, le parquet s’est joint à cet appel et le second procès s’est tenu le 15 octobre 2012. La décision est mise en délibéré au 19 novembre 2012. La plainte de l’AGRIF s’inscrit dans un mouvement plus large de tentative de criminaliser les luttes antiracistes par les concepts de « racisme anti-blanc », « racisme anti-français », « racisme anti-occidental ».
Les intérêts de l’AGRIF et des Jeunesses Nationalistes (JN) convergent. L’AGRIF tente de criminaliser la parole antiraciste, les JN tentent d’instaurer un climat de peur chez les militants antiracistes et antifascistes. Comme Bernard Antony, président de l’AGRIF et ancien élu FN, ces nervis adhèrent à l’idée qu’il faille distinguer les vrais français des autres. Le racisme structurel que vivent Noirs, Arabes et Musulmans en France est fait de hiérarchies, de vexations, de dénis d’humanité, et renvoie en toutes circonstances à l’ethnicité : c’est ce que le PIR combat à travers sa dénonciation d’un système de privilèges et de discriminations racistes. L’AGRIF et les groupuscules violents (JN et Bloc Identitaire) veulent maintenir et accroître ces hiérarchies, quitte à menacer de faire taire une indigène par la force : l’AGRIF espère que c’est la justice qui emploiera cette force, les nervis utilisent plutôt la force physique. Mais on n’abat des idées ni par la menace ni par la force.
« J’vais t’faire courir, moi. Tu vas voir, rouquin… Pd ![2] »«On la tient» disaient les militants identitaires devant le tribunal, en décembre dernier. «Nous français de souche sommes un peuple encore maître chez lui (…) Il y a eu Alger en 1830 et nous leur avons appris à nous respecter. Je crois, chers amis, qu'il faudra peut-être un jour remettre le couvert, pour leur faire comprendre ce qu'est le respect ici. [3]» Au-delà de cette tentative d’instaurer la peur et de dissuader de prendre la parole, pour Déchoukaj cet évènement s’inscrit dans une longue histoire d’actions racistes et xénophobes violentes. Ces gens utilisent un registre guerrier et sont prêts à la violence pour défendre des territoires dont eux, vrais français, auraient été dépossédés par les barbares. Cette inculture n’est en rien surprenante de la part de fêlés qui commémorent chaque année le 9 juin 721, jour où des troupes musulmanes ont été boutées hors de Toulouse. Après apéros saucisson-pinard, manifestation contre le droit des étrangers, campagne anti-hallal, ils ont commencé par la « reconquête » d’Arnaud Bernard, en avril 2012. Plusieurs personnes avaient alors été menacées, un patron de restaurant frappé et un étudiant a failli y laisser la vie. Son existence est définitivement marquée par cette agression hyperviolente : un rassemblement s’est d’ailleurs tenu samedi 13 octobre place du Capitole, pour signaler qu’Andrès a encore besoin du soutien de tous, y compris pour que justice lui soit rendue[4].
Le 14 octobre 2012 ces fascistes ambitionnaient cette fois de s’attaquer au Mirail, et l’ont attaqué par la petite porte. Acculés dans un coin du parking des commerces de la Fac du Mirail, ils ont scandé « le Mirail c’est chez nous » et ont rêvé avoir créé une panique. Même s’ils surestiment l’effet produit, nous ne banaliserons en aucun cas l’appel à la violence raciste car nous n’oublions ni ce qui s’est passé à Toulouse ces dernier mois, ni les attaques régulières, sur tout le territoire, de mosquées et de cimetières musulmans, ni Brahim Bouarram et toutes les victimes de crimes racistes, ni ce qui s’est passé à Aigues Mortes le 16 août 2012[5]. Cette soirée fonde la nouvelle identité des nervis toulousains : autrefois se revendiquant du Bloc identitaire, ce sont peu ou prou les mêmes qui constituent le groupe de dimanche, à l’exception de Mathieu Clique, ancien chef des identitaires détenu en préventive depuis juin 2012 pour l’attaque du quartier Arnaud Bernard. Ils semblent avoir besoin du PIR et de Bouteldja pour incarner la menace qu'ils évoquent.
Toulouse contre les violences racistesGrâce à la présence dissuasive de militants invariablement mobilisés contre toute attaque raciste ou xénophobe – en particulier l’Union Antifasciste Toulousaine- et grâce au service de sécurité de la Fac du Mirail qui a fait le nécessaire pour que les personnes puissent s’informer et débattre, la conférence s’est tenue comme prévu et Déchoukaj les en remercie. Les idées et contenus politiques ont pu être exprimés et provoquer de l’échange, ce qui était l’objectif initial.
[1] Sorti le 15 octobre 2012 aux Edition Amsterdam
[2] Jean-Marie Le Pen à un militant antiraciste, en 1997
[3] Fabrice Robert : cf. vidéo sur
http://souchien.eu[4] Comité Justice pour Andrès :
http://justicepourandres.blogspot.fr[5] Ce jour-là, un couple a mené pendant 45’ une chasse à l’arabe au motif que «C’est pas les Arabes qui vont nous donner des renseignements. On est en France.». La plus jeune des cibles avait 10 ans.