Fête de la Rosière : Laissez les filles tranquilles !En France, en 2019, certains prétendent encore évaluer la pureté et la virginité des filles – avec l'argent public !
Le 02 juin 2019 devrait se tenir à Salency une « Fête de la Rosière », à l'initiative de Bertrand Tribout, fervent catholique, président de la Confrérie de Saint-Médard. Cette initiative doit recevoir le soutien logistique et financier du maire, Hervé Deplanque (SE).
Qu'est-ce donc qu'une fête de la Rosière ? Une fête, instituée selon la légende, par Saint Médard au Ve siècle, qui consiste à la remise d'une couronne de roses (et souvent d'une dot, pour les jeunes filles pauvres) à une jeune fille vertueuse. Mais, et c'est là que cette fête doit nous indigner, comment ces gens prétendent-ils défendre la vertu ? Un des critères retenus est la virginité. Comment compte-t-on évaluer la virginité d'une fille, en France, en 2019, alors qu'on sait bien que les pseudo-examens scientifiques n'ont aucune valeur ? Bertrand Tribout répond simplement qu'il faut s'en remettre, comme à l'époque « à la rumeur publique » (
http://www.leparisien.fr/salency-60400/ ... 847031.php L'organisateur de cette « fête » sous prétexte de célébrer des jeunes filles, entend donc mener une enquête et interroger habitants et habitantes sur les pratiques sexuelles des jeunes filles, et se permettre de les juger.
Cette « fête » est révoltante. La virginité peut être un choix, qui relève du domaine intime et privé, et ne doit en aucun cas être ni évaluée ni jugée par une institution qu'elle soit politique ou religieuse. Sous prétexte de célébrer la virginité, l'organisateur de cette fête et le maire qui la soutient livrent le corps, les actions, la réputation des jeunes filles à la rumeur publique. Cette définition de la « vertu » est rétrograde et insultante. Les organisateurs ont-ils pensé, par exemple, aux victimes de violences sexuelles ? Doivent-elles conclure, si elles ont été violentées, qu'elles ne sont plus « vertueuses » ? On remarquera l'aspect sexiste de cette démarche : il s'agit toujours d'évaluer la virginité des filles, pas celles des garçons.
Ce critère de la virginité a fait scandale : nombreuses sont les personnes qui ont réagi, notamment sur twitter (
https://twitter.com/Laelia_Ve/status/10 ... 1944336384 et ont envoyé des mails au maire pour témoigner de leur désaccord. Bertrand Tribout semble faire machine arrière et dévoile ses autres critères : « Le dévouement à sa famille, la disposition à faire le bien et à éviter le mal, être toujours de bonne humeur et souriante... être quelqu'un de sympathique au final ! Et ces choses-là se savent, on est un petit village. » (
https://www.nouvelobs.com/societe/20180 ... 1534223798 Encore un portrait de la « femme idéale » parfaitement sexiste : les femmes n'ont pas conquis leurs droits en étant « toujours de bonne humeur et souriante[s] » et nous avons vocation à être autre chose que les potiches de Bertrand Tribout.
Nous conseillons à Bertrand Tribout de s'occuper d'autre chose que d'évaluer la pureté et la virginité des jeunes filles.
Nous faisons remarquer au maire Hervé Deplanque que l'engagement d'une institution publique dans une telle fête contrevient à la fois au principe de laïcité et aux valeurs d'égalité entre femmes et hommes rappelées dans notre Constitution.
Nous déplorons l'absence totale de réactions des politiques. Aurions-nous eu le droit à un telle silence s'il s'agissait d'une association musulmane en banlieue qui prétendait évaluer la pureté et la virginité des jeunes filles ?
[Mise à jour le 16/08/2018] Certains prétendent que cette fête doit être respectée car en tant que tradition, elle serait constitutive de l'identité de Salency. La "tradition" n'est pas un argument en soi: toutes les traditions ne sont pas bonnes. Certaines prétendent réunir certaines personnes en excluant d'autres. Notre identité ne doit pas être construite sur la stigmatisation de la sexualité et du comportement des femmes. Il importe de choisir ses traditions. C'est aussi le rôle d'une mairie que de proposer des fêtes et des manifestations qui peuvent créer un lien social entre habitantes et habitants, mais pas au prix des valeurs d'égalité qui sont censées être les nôtres.
Nous encourageons la célébration de la jeunesse. Pourquoi ne pas célébrer les jeunes filles, mais aussi les jeunes garçons, en mettant en valeur par exemple leurs projets, leurs actions de solidarités, par exemple ?
Nous pouvons proposer à M. Deplanque des idées alternatives de fête (et encourageons les personnes qui signeraient cette pétition à indiquer, en commentaire, des idées alternatives!) Par exemple la lecture publique du « Rosier de Mme Husson » de Maupassant (qui se moquait déjà de cette fête au XIXe siècle!) ou encore de « Madame Baptiste » du même auteur (qui dénonçait déjà l'évaluation publique de la sexualité des femmes). Puisque certains sont restés au XIXe (ou au Ve?) siècle...