Mariage pour tous : "On refuse de laisser la rue aux réacs"Nicolas Martin, 36 ans, est journaliste et réalisateur. Il est à l'origine du collectif les "OUTragés de la République"en faveur du mariage homosexuel, de l'adoption et de la PMA. Voix montante des défenseurs du mariage pour tous, il revendique une parole musclée pour contrer les arguments des "anti" et participe à la mobilisation pour la pour la manifestation du 27 janvier 2013.
Est-ce que la cause des "pro mariage gay" manque de leaders charismatiques ?
Nicolas Martin : Oui, on a ressenti qu'il fallait une nouvelle voix plus tonique dans le débat. Le camp des anti est représenté par deux figures qui monopolisent la parole. Il y a Virginie Tellenne. Je tiens à l'appeler par son vrai nom et pas "Frigide Barjot". On n'est pas au cirque. Elle n'est pas la bouffonne utile du débat, c'est un sujet extrêmement sérieux, pas une mascarade. Elle utilise son personnage pour se faire de la pub, elle vend ses bouquins, mais là on parle de quelque chose qui touche directement la vie de trois millions de Français. Et la deuxième porte-parole, c'est Christine Boutin. Elle a écrit sur son blog juste avant la manif : "La bataille médiatique est d'ores et déjà gagnée." Nous, on refuse de baisser les bras et de laisser la rue aux réacs.
Dans notre camp, il y a Nicolas Gougain de l'inter LGBT qui fait un travail formidable, et qui porte tout sur son dos. Mais c'est quasiment tout. Du côté des politiques, ils refusent tous de s'engager franchement, ils sont hyper frileux. Tout ça nous a conduit à monter le collectif. On entend tous les jours des propos extrêmement violents, on supporte leurs diatribes. Il y a une colère des homosexuels qui grandit, beaucoup de gens me demandent pourquoi personne ne leur ferme leur clapet, pourquoi on les laisse débiter des conneries à longueur de temps dans toutes les émissions. On est là pour leur répondre, avec la même virulence s'il le faut.
Etes-vous déçu par l'attitude du gouvernement et du PS ?
Oui, le gouvernement s'y prend comme un manche. Le point de départ de notre mobilisation a été la déclaration de François Hollande sur la "liberté de conscience" des maires. On est allé manifester devant le siège du PS. Ce n'est pas rien cette question, c'est la mort du symbole. Ca veut dire que le gouvernement défend son projet du bout des lèvres. Personne ne veut l'incarner, le porter vraiment.
D'où, selon vous, le recul sur la PMA qui passera finalement dans un texte sur la famille ?
Ils ont eu peur que la loi soit retoquée par le Conseil constitutionnel à cause d'un cavalier législatif. Mais franchement, tout ça pue l'impréparation. Ils auraient dû faire voter la loi dès le début du quinquennat, comme dans tous les autres pays où c'est passé. Ca se serait fait sans contestation et ça aurait été une victoire facile pour la gauche. Au lieu de ça, ils ont sous-estimé la force des opposants et ils se retrouvent avec des milliers de gens dans la rue.
Ils auraient dû surtout intégrer le mariage et l'adoption dans leur grande loi sur la famille, avec le statut des beaux-parents, etc. Ca aurait été une grande et belle loi de progrès social, qui aurait pris en compte les évolutions de la famille dans la société moderne, qui ne correspond pas à un seul modèle figé, comme on veut nous le faire croire. C'était l'occasion pour le gouvernement de montrer qu'ils étaient vraiment de gauche, dans le sens où l'entendait Deleuze : "C'est ça, être de gauche : savoir que la minorité, c'est tout le monde. Et que c'est là que se passent les phénomènes de devenir."
L'ampleur de la manifestation du 13 janvier contre le mariage homosexuel vous a-t-elle surpris ?
On savait qu'on allait se prendre une rouste le 13 janvier. Les réseaux catholiques se sont mobilisés à fond. La France, c'est leur baroud d'honneur. Ils ont perdu la bataille en Espagne et au Portugal. Cette fois-ci ils ont décidé de bastonner à fond sur le sujet, ils utilisent ce thème pour se ressouder et essayer de garder au sein l'Eglise les croyants qui se barrent. Il ne faut pas se tromper, le combat qu'on vit, c'est celui de la hiérarchie cléricale contre la société laïque.
Par ailleurs, il y avait le côté politique de la manif. On ne l'a pas assez rappelé mais c'est quand même incroyable, pour la première fois, des élus UMP et FN ont défilé ensemble. J'ai envie de dire à nos amis réacs que c'est quand même incroyable de descendre dans la rue pour défiler contre des gens qui veulent juste fonder des familles...