Queer et trans en dégenrage au détriment du féminisme

Queer et trans en dégenrage au détriment du féminisme

Messagede MélusineCiredutemps » 30 Aoû 2011, 22:50

Critique du genre et de la théorie queer.
(Cet article est en téléchargement libre et peut être imprimé, sous la forme d'une brochure, dans la rubrique "brochure" du site du Collectif Libertaire Anti-Sexiste.)

Avec l’émergence de la théorie queer, les questionnements sur le genre et la volonté de le déconstruire, semblent, pour certain-e-s, plus une mode qu’une démarche politique. Cette théorie présentée comme radicalement nouvelle, remettrait en question l’ensemble du mouvement féministe présentant celui-ci comme un mouvement revandicant de manière homogène des valeurs identitaires de « femmes ». Pourtant, depuis 1949 Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir démontre largement le fait que le genre est une construction sociale... « On ne naît pas femme, on le devient »...(1)
La féminité et la masculinité n'existent qu'au travers de la perception bipolaire d’une réalité humaine. Ce système de pensée, qui s'organise autour d'un processus de classification hiérarchique des choses matérielles et abstraites ainsi que des êtres, est à la fois la cause et la conséquence de notre acceptation de la domination. Ce conditionnement mental intervient dès la naissance et se poursuit jusqu'à la mort, notamment par le langage, l'éducation, les jouets, la publicité et la prostitution et ce de génération en génération.
Mais il n'y a pas de fatalité car en tant qu’humain-e-s nous avons la capacité de nous redéfinir. Ni une quelconque divinité, ni la «nature» ne nous manipule. L'observation de sociétés très différentes de la notre montre qu'il n'y a pas de fatalité biologique, mais bien des constructions sociales à l'origine du genre. Chez les Chambulis, en Nouvelle-Guinée, de nombreuses caractéristiques dites masculines ou féminines sont inversées par rapport aux notres(2).
Toutes les caractéristiques que peut avoir une personne font partie de l'immense potentiel présent dans chaque être humain qui se décline en un nombre infini de variations. Ces variations sont étiquetées par l'idéologie dominante comme féminines ou masculines. Il en découle l'institution de catégories qui induisent l'assignation des personnes dans une classification hiérarchique.
Le recours à la biologie pour justifier la classification par catégories de genre n'est qu'un mauvais prétexte. On pourrait même faire appel à la biologie pour démontrer le contraire. En effet, y compris du point de vue biologique, il n'y a pas de rupture entre les femelles et les mâles, il y a un continuum.
De plus, les humain-e-s sont culturel-le-s plutôt que naturel-le-s jusque dans leurs anatomies. Les récentes découvertes en matière d'étude du cerveau humain démontrent la plasticité(3) de ce dernier. Le cerveau d'une personne se modifie pour s'adapter aux informations et aux attentes qui proviennent de l'environnement social dans lequel se trouve cette personne. Cette plasticité du cerveau permet l'évolution du rapport au monde et l'éveil du sens critique de la personne, mais elle la rend également vulnérable aux processus de conditionnements mentaux qui interviennent depuis la naissance. C'est ce que démontrait déjà en 1973 Elena Gianini Belotti avec Du côté des petites filles (4). Il n'y a donc pas davantage de différence innée entre le cerveau d'un mâle et celui d'une femelle, qu'entre les cerveaux de deux femelles ou de deux mâles. La seule chose qui soit universellement partagée entre tou-te-s les humain-e-s, c'est le fait d'être doté-e-s de conscience. Mais « cette universalité n'est pas donnée, elle est perpétuellement construite » (5) et elle prend autant de formes que de cerveaux pour participer à sa construction.
Il ne suffit pas de « débiologiser le genre » pour détruire la hiérarchisation entre les caractéristiques dites masculines et féminines. Il est scientifiquement démontré qu'il n'y a pas de « races » au sein de l'humanité. Beaucoup de personnes en conviennent tout en agissant en racistes. Pour ces individu-e-s le concept « race » est débiologisé mais garde toute sa signification. Leurs actes restent les mêmes qu'avant la « débiologisation » de la « race ». Elle-il-s demeurent xénophobes et le problème reste entier. « 0% raciste-100% identité » peut-on lire sur certains de leurs sites internet.
Se dégenrer ce n'est pas passer d'un genre à l'autre, ni se situer entre les deux. Se dégenrer c'est détruire la catégorisation par le genre et non multiplier les catégories de genre. Définir comme une fin en soi le passage d'un genre à l'autre et affirmer qu'il suffit de cela pour dépasser le genre c'est admettre cette catégorisation comme une fatalité et l'entériner en s'y conformant. Par conséquent, on ne peut se dégenrer individuellement.
Une personne peut passer d'un genre à l'autre ou s'identifier comme étant entre les deux. Cela peut être important pour elle, et elle est la seule à pouvoir définir les conditions de son bien-être. Cependant, elle ne sera pas dégenrée tant qu'elle-même et la société identifieront ses caractéristiques comme féminines et/ou masculines, au lieu d'estimer qu'elles ne sont ni l'une ni l'autre, mais simplement les siennes, indépendamment de la forme de ses organes génitaux et de celle des personnes avec lesquelles elle a des relations sexuelles.
Ces caractéristiques sont modifiables, car en perpétuelle évolution en fonction des choix (par désir ou par dépit) que la personne fait consciemment ou inconsciemment. Elles sont aussi inaliénables et pourraient, à ce titre, être considérées comme propre à cette personne plutôt que servir de prétexte à son enfermement dans une catégorie. Si les caractéristiques humaines n'étaient pas classées en deux genres, l’identité de chaque personne ne serait pas réduite à l’appartenance à l’une de ces catégories. En revanche, amplifier la catégorisation par le genre en classant les personnes dans des catégories intermédiaires entre le masculin et le féminin ne fait que complexifier la lutte pour échapper à la classification.
La théorie queer prône, non pas l'abolition du genre, mais l'institution d'une multitude des catégories de genre définies et déclinées selon différents critères, confondant assignation dans le genre et sexualité (par exemples, les lesbiennes « butch », considérées comme masculines et les « fem », considérées comme féminines). « Introduire plus de degrés entre les pôles d'un continuum n'abolit pas ce continuum [...] Mais surtout cette position ne dénaturalise pas le genre. Elle le détache du sexe, certes, et donc de la naturalisation par la biologie. Mais elle considère le genre comme une dimension indispensable et nécessairement présente dans la sexualité. Le genre est ainsi re-naturalisé par un trait psychologique présumé universel, une «nature de la sexualité humaine».»(6).
La théorie queer ne remet pas en question le principe même de norme, mais institue de nouvelles normes en maintenant la croyance en la féminité et en la masculinité, donc en maintenant la hiérarchie, puisque « le genre est un concept asymétrique car intrinsèquement hiérarchique »(7).
Elle présente les rapports sociaux entre les genres et les « identités de genres » comme deux notions indépendantes l'une de l'autre. Ceci est absurde car « l'identité de genre » d'une personne n'existe pas « en soi », elle est construite par les rapports sociaux (auxquels la personne participe) qui la conditionnent et la définissent.
Si je suis « féminine » c'est uniquement parce que je vis au sein d'une société qui croit au concept de « féminité » (dont la fonction est d'établir le « masculin » comme supérieur et universel ) et dont les règles et les représentations entérinent cette croyance ainsi que ce qu'elle produit dans les rapports sociaux.
Dans Queer Zone 1, Marie-Hélène Bourcier (sociologue et théoricienne queer) écrit : « La mise en perspective queer est fondamentalement déceptive en ce qu'elle invite à rompre avec des modèles politiques qui n'ont pas forcément fait la preuve de leur efficacité [...] la théorie et les politiques queer sont étrangères à une rhétorique de la libération ou de la révolution ». La théorie queer séduit car elle propose une « alternative » illusoire, plus rapide et plus facile, à la lutte révolutionnaire contre la domination. Ceci rappelle le rapport au temps (temps à rentabiliser) dans les schémas de pensée forgés par le capitalisme omniprésent qui exigent la performance et la rapidité, excluant tout projet de changement profond du système et des mentalités. Cette théorie est conforme au libéralisme actuel et à sa dictature de l'image et du narcissisme. En effet, elle ne remet pas en question le système de domination dont le genre sert les intérêts et mise beaucoup sur les aspects les plus superficiels du genre : ceux qui concernent les apparences... Une excellente publicité pour les industries du sexe et de l'esthétique qui illustre parfaitement la récupération commerciale du mouvement contestataire gay et lesbien des années 70.(8)
Dans Queer Zone 2, Marie-Hélène Bourcier défend la critique selon la théorie queer de ce qu'elle nomme « l'universalisme blanc hétérocentré », et contre lequel elle n'oppose rien d'autre qu'une position pro-communautaristes. Ce qui relève de la même logique que de s'affirmer pro-sectes pour combattre les religions dominantes. Cette apologie des communautarismes se traduit, par exemple, par un discours quasi admiratif à l'égard du voile islamique. Dans le même élan, elle stigmatise l'ensemble des adolescents des banlieues en faisant l'éloge d'un virilisme exacerbé qu'elle leur attribut à tous. Or, tous les garçons, où qu'ils vivent et quelques soient leurs origines culturelles et sociales subissent de très fortes pressions, de toutes parts, pour qu'ils fassent des démonstrations de virilité. Et lorsqu'on leur donne l'occasion de s'exprimer librement dans un cadre confidentiel où ils ne se sentent pas jugés, on se rend compte que pour la plupart d'entre eux il s'agit là d'une contrainte à laquelle ils se plient pour ne pas être exclus. Marie-Hélène Bourcier n'évoque même pas l'hypothèse d'une lutte pour l'inaliénabilité inconditionnelle de chaque personne. Comme si au sein des communautés, il n'y avait ni oppressions ni exploitations.
Contre le paritarisme, elle propose une politique de discrimination positive basée sur des quotas qui selon elle « conduiraient à des calculs plus proches de la réalité historique et culturelle ». À une mesure de discrimination « positive » elle en oppose une autre, se gardant bien de s'attaquer à la discrimination elle-même, qui même dite « positive » ne peut être que stigmatisante. Considérer les personnes comme des éléments interchangeables de leurs catégories identitaires c'est nier leurs individualités.
Il s'agit là d'une logique profondément essentialiste et d'ailleurs, Marie-Hélène Bourcier emploie de manière récurrente le terme de « race » sans jamais rappeler la non-existence scientifique de ce concept et le fait qu'il s'agit d'une construction sociale au service de la domination, comme pour le concept de genre.
Être éga-les-aux ne signifie pas être identiques. L'idéal républicain assimilationniste est l'expression du communautarisme de la communauté dominante. Il n'en est pas moins un communautarisme parmi les autres et n'a rien à voir avec la philosophie universaliste.
Il y a une différence entre déclarer qu'on est lesbienne, trans, hétéro, etc. et prôner le lesbianisme, la trans-sexualité, l'hétérosexualité, etc. comme norme exclusive de conformité à une idéologie quelconque. Les lesbiennes ne sont pas moins aliénées au patriarcat que les hétérosexuelles. Les homosexuel-le-s, les trans-genre et les transsexuel-le-s ne sont pas forcément communautaristes, alors que certains hommes blancs hétérosexuels le sont, même s'ils s'en défendent, comme par exemples Nicolas Sarkozy, Philippe de Villiers et Jean-Marie Le Pen.
« L'implicite d'une préexistence des groupes à leur hiérarchisation laisse de côté la question de la construction des groupes en groupes : comment, pourquoi ont-ils été créés? L'impossibilité de rendre compte de leur constitution par autre chose que la volonté de hiérarchiser les individu-e-s [...]est la clé de voûte de ma théorie. [...] cette logique de la «différence» s'impose de plus en plus à ces groupes dominés. De plus en plus on les entend «revendiquer leur différence ». Les revendications d'égalité se transforment en revendications « d'identité» »(6). Ces revendications peuvent déboucher sur une illusion d'égalité entre les catégories, mais pas sur une égalité entre les personnes. « Pour avoir droit à ce «respect» et à cette «valorisation», il faut absolument que les individu-e-s se tiennent dans les limites de ce qui est reconnu comme spécifique à leur groupe. [...] Mais surtout, ce que porte en elle la revendication identitaire qui propose une valorisation par l'appartenance de groupe, c'est la négation de l'individu-e au sens d'être singulier-e. [...] La revendication identitaire implique en effet l'obligation pour chaque membre du groupe de se conformer aux normes de ce groupe pour être reconnu-e, et d'abandonner l'individualité qui est permise aux membres du groupe dominant. Cette interchangeabilité des personnes, cette désindividualisation, c'est justement la situation dont les femmes essaient de sortir. La négation de l'individu-e, bien qu'elle soit prônée par les différentialistes, est cependant une négation des différences : des différences individuelles.» (6).
Les personnes ne sont pas les oppressions qu'elles subissent ni les stigmatisations dont elles font l'objet, mais ce qu'elles font face à ces oppressions et à ces stigmatisations. Il ne s'agit pas de nier l'existence de la catégorisation identitaire mais de visibiliser les différences individuelles pour démontrer, que chaque personne est unique et inaliénable.
C'est au travers de l'exercice du libre-arbitre que s'exprime la liberté potentielle de chaque individu-e, qui peut choisir de s'associer à d'autres (qui ne sont pas forcément assigné-e-s à la même catégorie identitaire) pour combattre la domination et/ou qui peut également les combattre par des actes individuels.
Comme le racisme, le sexisme nécessite une analyse et une lutte spécifiques. Mais pour être cohérentes, les luttes contre le patriarcat et le racisme ne doivent pas être étrangères à la lutte contre le capitalisme. Ces différents systèmes de domination sont intimement liés, du point de vue historique et idéologique, ainsi que par leurs interactions concrètes dans la réalité présente. Ne pas prendre cela en considération est insensé et inutile, à moins de se satisfaire d'une égalité abstraite entre des catégories identitaires.
La théorie queer s'inscrit dans la lignée des discours à la mode qui, de Sarkosy aux Indigènes de la République, célèbrent la « diversité » et les revendications identitaires au détriment de la lutte pour l'égalité. En théorie, comme dans les faits, cette célébration de la « diversité » n'est pas incompatible avec le concept nauséabond d'identité nationale parce qu'ils sont tous les deux fondés sur une vision essentialiste de l'humanité, une vision qui nie les individualités, divise les opprimé-e-s et nourrit les haines absurdes. La focalisation sur la notion d'identité n'est pas seulement sans intérêt, elle est aussi toxique. Cette « valorisation de la diversité » permet de faire passer sous silence les inégalités économiques et de poursuivre la destruction déjà bien entamée de la conscience de classe des prolétaires. Les élites patronales et gouvernementales préfèrent avoir à faire à des communautés qui revendiquent leurs identités et demandent l'application de politiques de discrimination « positive », plutôt qu'à des prolétaires de toutes les couleurs et de tous les genres (qui se fichent pas mal de leurs couleurs et de leurs genres) uni-e-s dans la lutte pour l'égalité économique et sociale concrète et inconditionnelle, qui supprimerait les privilèges de ces mêmes élites. Car peut importe la composition des élites, le problème c'est quelles existent. (9)
Dans un chapitre intitulé « La cité des femmes mais sans les putes » de Queer Zone 1, on peut lire : « cultiver derechef l'homologie entre lesbiennes et femmes, gaies et hommes, construisant par là même les gaies [...] comme hétéro-patriarcaux ou des dominants masculins ».
De même, dans le n°7 de Bang Bang (journal queer) intitulé Le Miracle de l'hétérophobie on peut lire, parmi d'autres articles allant dans le même sens, A propos de queer et du SM où Déborha Dioactiv déclare « Les hétéros et les bis ne sont pas assez radicaux à mes yeux puisqu'en pratiquant une sexualité avec des personnes de sexe différent, ils-elles se rendent complices et collabos d'un système hétérosexiste qui m'opprime dans mon quotidien et sont donc des traîtres ». Selon la théorie queer, les hétérosexuel-le-s et les bisexuel-le-s seraient donc forcément des « hétérosexistes ».
Comme le confirme le chapitre sur les « gouines SM radicales » dans Queer Zone 1, pour être reconnu-e par ses adeptes comme non « hétérosexiste », il faudrait obligatoirement n'avoir des relations sexuelles qu'avec des personnes de « même sexe » et se conformer à une sexualité soumise à une certaine forme de morale plutôt que de prendre simplement en compte nos différents désirs. Cette position rejoint la fameuse déclaration de Monique Wittig: «  Les lesbiennes ne sont pas des femmes ».
Or, un-e individu-e se révèle machiste par des comportements et des prises de positions qui justifient et reproduisent la domination masculine, et le machisme prend autant de formes que d'individu-e-s, de tous genres et de toutes sexualités, qui le défendent.
La théorie queer fait aussi l'apologie de la prostitution comme en témoigne l'article de «ProstituteGayBubblesBoys» et l'interview de Diamant18Carrats par Olga Zmick, dans Le Miracle de l'hétérophobie. Ses adeptes se déclarent «pro-sexe» pour légitimer la prostitution. Cette expression replacée dans son contexte est celle de l'aliénation aux lois de l'apparence et aux clichés construits par l'idéologie puritaine.
Or, si on aime «le sexe», on tient à ce qu'il soit libre, et non pas aliéné au capitalisme... à moins d'être dans une souffrance qui pousse à l'autodestruction ou d'être capitaliste... Pour ma part, je préfère définir ma position à propos de la sexualité par le terme «pro-désirs» en opposition au terme «pro-sexe», car le consentement peut être le fruit d'un choix par dépit, d'une contrainte acceptée, d'une servitude plus ou moins volontaire. Faire l'apologie de la prostitution n'a rien de subversif, bien au contraire. Car la prostitution est à la fois un moteur et un produit du patriarcat, du puritanisme et du capitalisme. Là encore, la théorie queer ne s'oppose en rien au système marchand et aux inégalités économiques et sociales qu'il produit.
La théorie queer se revendique post-féministe, le féminisme serait dépassé et les féministes qui n'adhèrent pas à la théorie queer seraient tou-te-s des « hétérosexistes » qui n'ont rien compris. Dans le chapitre intitulé « Le SM métaphore politique d'une sexualité radicale gouine et gaie » de Queer Zone 1, Marie-Hélène Bourcier explique cette position : « Non les femmes ne sont pas étrangères au pouvoir. Voilà qui replaçait au premier plan la question du pouvoir et de son exercice remettant en cause l'équation pouvoir = mâle et l'un des combats centraux du féminisme : l'égalité dans la relation. À l'utopie féministe rêvant un monde hors pouvoir, les gouines SM ont proposé une vision réaliste des relations intersubjectives». A lire Marie-Hélène Bourcier, on croirait presque que le monde entier doit aux « gouines SM » la découverte et la révélation du fait que les femmes ne sont pas étrangères au pouvoir. Comme si avant l'apparition des « gouines SM » il n'y avait jamais eu de reines, d'impératrices, de Margaret Thatcher, etc. ou comme si les féministes les avaient ignorées. L'égalité dans les relations serait donc une utopie irréaliste... Celleux qui ne veulent pas remettre en question le capitalisme disent en général que l'égalité économique et sociale est une utopie irréaliste, qu'il y aura toujours des riches et des pauvres, des dominant-e-s et des dominé-e-s, qu'on y pourra rien changer, et invoquent la fameuse « nature humaine »... Voilà comment les dogmes essentialistes invitent à la résignation et à la lâcheté.
C'est nous-même qui construisons nos relations, et qu'elles soient considérées comme « sexuelles » ou non, nous en sommes à la fois les scénaristes et les act-rice-eur-s.
Il est possible de créer des relations égalitaires.
Cela ne dépend que de nous, aucune entité n'est responsable à notre place des actes que nous posons individuellement et collectivement. Les relations de pouvoir ne sont pas « incontournables entre deux personnes ».
Elles sont le fruit d'une construction sociale et non la manifestation d'une essence prétendument humaine. La domination dans les relations inter-individuelles n'est pas une fatalité et sa seule issue n'est pas de se dominer chacun-e son tour.
Par ailleurs, il y a plusieurs courants dans le féminisme. Certains de ces courants s'opposent radicalement au point de rendre floue la définition du «féminisme». Il est plus facile de se déclarer féministe que de l'être réellement. C'est ce que font de nombreuses personnes et organisations qui considèrent néanmoins la lutte contre le patriarcat comme une lutte secondaire et prennent des positions incohérentes. Certaines d'entre elles se déclarent féministes pour étouffer les débats et brouiller les pistes. De même que certaines organisations d'extrême droite se déclarent anti-racistes pour mieux faire passer leurs discours xénophobes et identitaires.
Malheureusement, il est prématuré de parler de post-féminisme, alors que les personnes assignées à des catégories dites « féminines » sont encore victimes de tant de violences, de négation de leur humanité, de chosification, et d'injustices sociales et économiques. Alors, comme ces féministes qui ne sont pas « réalistes », je rêve donc je suis libre de créer, partager, résister et me battre pour tendre vers l'utopie.

Mélusine Ciredutemps

(1) Simone de Beauvoir - Le Deuxième Sexe (Tomes 1 et 2)
(2) Margaret Mead - Moeurs et sexualité en Océanie.
(3)Catherine Vidal - Le cerveau a-t-il un sexe?
(4) Elena Gianini Belotti – Du côté des petites filles
(5) Jean-Paul Sartre - L'existentialisme
(6) Christine Delphy - L'Ennemi Principal. Tome 2 : Penser le genre
(7) Guillaume Carnino - Pour en finir avec le sexisme
(8) Sheila Jeffreys – Débander la théorie queer
(9) Walter Benn Michaels – La diversité contre l'égalité

Une première version de cet article a été publiée dans le Courant Alternatif de février 2008 (n°177) et est en ligne sur le site internet de l'Organisation Communiste Libertaire: http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article305
Modifié en dernier par MélusineCiredutemps le 07 Jan 2012, 22:21, modifié 2 fois.
MélusineCiredutemps
 

Re: Queer et trans en dégenrage au détriment du féminisme

Messagede MélusineCiredutemps » 07 Jan 2012, 22:15

Même si je ne partage pas toutes les idées défendues par Sheila Jeffreys, voici une présentation intéressante de son livre très instructif et bien documenté à propos de la théorie queer :

" Débander la théorie queer ", un livre de Sheila Jeffreys

C’est dans un contexte d’expansion du courant queer dans les grandes capitales et au sein des universités qu’a été publié en 2003 l’essai critique de Sheila Jeffreys, professeure de science politique à l’Université de Melbourne en Australie, dont le titre Unpacking Queer Politics (1), pourrait se traduire littéralement par Débander la théorie queer. Dans les années 90, on a assisté au sein de la communauté lesbienne au phénomène du "packing", nom donné au port d’un godemiché sous le pantalon afin de simuler l’existence d’un pénis. Cette pratique, note Jeffreys, révèle chez ses adeptes le culte de la virilité et l’abandon de la lutte féministe contre les rapports hiérarchiques de genre.

Au départ, le terme "queer" (pédé) était une insulte homophobe. Le courant queer a repris par dérision l’appellation à son compte et regroupe celles et ceux qu’on a accusé-es de perversité, de déviance, les parias, les inclassables qui vivent dans les marges de l’identité sexuelle et de la normalité. On y retrouve des transsexuels, des bisexuels, des adeptes du sadomasochisme, du fétichisme, de l’automutilation corporelle, de la pédophilie.

Ce courant originaire des États-Unis a fait irruption partout dans les années 80-90. Au Québec, on se rappellera l’engouement pour les outrances de l’universitaire américaine Camille Paglia, les spectacles de la star porno Annie Sprinkle et le livre de Nathalie Collard et Pascale Navarro, Interdit aux femmes - Le féminisme et la censure de la pornographie qui se porte à la défense de la pornographie (2). Et, plus récemment, le livre d’Élisabeth Badinter, Fausse route (3) qui fait aussi la promotion de la libéralisation de la sexualité en dénonçant le " nouvel ordre moral féministe ".

On voit apparaître un peu partout les bars fétichistes et sadomasochistes, la mode du cuir, des chaînes, du piercing et du tatouage, la vogue des drag queens, du transsexualisme, les automutilations publiques de groupes comme Jackass et le défilé de la fierté gay qui consacre la récupération commerciale du mouvement contestataire gay et lesbien des années 70.

En 1998, dans la mouvance du post-modernisme et du néolibéralisme dominant, un collectif sous la direction de Diane Lamoureux publie Les Limites de l’identité sexuelle (4), qui définit le queer comme une libération individualiste de toute forme d’identité contraignante et limitative. La même année, lors du congrès de l’ACFAS, Line Chamberland s’interroge, pour sa part, sur la remise en question par le courant queer de la base identitaire du mouvement lesbien et des perspectives féministes de résistance politique à la domination patriarcale.

Sheila Jeffreys, militante de la Coalition contre le trafic des femmes (CATW), a déjà publié, en 1993, The Lesbian Heresy (5), un essai qui dénonce l’emprise de l’industrie du sexe au sein de la communauté lesbienne, le sadomasochisme, la pornographie, les jouets sexuels désormais considérés comme parties intégrantes de la sexualité lesbienne. Elle y signale le regroupement sous l’appellation queer "de s/m, lesbiennes, gay, activistes pédophiles, tout autant que de libertaires socialistes et radicaux plus conventionnels" qui rejettent le lesbianisme "puritain et moraliste" comme une contrainte au même titre que l’hétérosexualité. Le modèle sadomasochiste mis de l’avant par le queer réaffirme, au nom de la libération sexuelle, la primauté du modèle patriarcal dominant/dominée.

Dix ans plus tard, dans Unpacking Queer Politics, Jeffreys montre le cheminement du mouvement lesbien féministe des années 70 jusqu’à son absorption par le mouvement gay et queer des années 80 qui, en choisissant de parodier la virilité et la féminité dans les rapports butch-femme, de normaliser la violence et l’autodestruction dans des rapports sexuels sadomasochistes entre femmes, reproduit les rapports patriarcaux de domination masculine et de subordination féminine qu’ont toujours combattus les lesbiennes féministes. En agissant ainsi, affirme Jeffreys, le courant queer nie le principe d’égalité dans les relations et les rapports sexuels pratiqué par la communauté lesbienne féministe.

La revendication gay de droits égaux au sein du système patriarcal remplace la remise en question radicale des rapports de pouvoir patriarcaux par les lesbiennes radicales des années 70. Ainsi, la lutte gay pour le mariage, considéré par les lesbiennes féministes comme l’institution patriarcale par excellence, va à l’encontre de leurs principes identitaires fondamentaux, en intégrant dans les relations de même sexe les stéréotypes hétérosexuels qui reflètent les rapports sexuels de domination. À l’instar du travail du sexe, toute sexualité déviante est promue comme un choix transgressif et libérateur, selon le principe du droit de faire tout ce qu’on veut de son propre corps.

Jeffreys montre comment le queer est devenu une immense industrie lucrative, ses membres étant ciblés par le marché de la chirurgie transsexuelle, du piercing, des mutilations corporelles, de la pornographie, des vêtements et de la coiffure exprimant l’identité butch, femme ou drag queen, la multiplication des bars spécialisés, etc. Le queer valorise la masculinité et, les lesbiennes qui en font partie, au lieu d’affirmer leur identité de femme lesbienne, cherchent à devenir semblables aux hommes par tous les moyens jusqu’à l’utilisation de la chirurgie et de la prise d’hormones qui les convertira en hommes, seule identité acceptable dans la perspective queer.

Pour justifier le viol, on prétend que la violence fait partie inhérente de la sexualité. Pour le courant queer, les rapports de pouvoir sont à la base du plaisir. Plus les rapports sadomasochistes sont poussés, plus le plaisir est grand. Dès lors, rien d’étonnant à ce qu’on y ridiculise les lesbiennes féministes en les traitant de puritaines, de politiquement correctes et d’anti-sexe.

Incompatibilité entre lesbiennes féministes et queer

Selon Jeffreys, la théorie queer apparue dans les années 70 allait à l’encontre des principes de libération des gay et lesbiennes féministes et marquait un ressac quant à la possibilité d’un changement social radical. La plupart des écrits queer tentaient d’intégrer les lesbiennes et les gay dans une théorie de la citoyenneté sexuelle qui reposait sur la subordination des femmes et l’élimination de tout point de vue féministe.

Le retour à une sexualité hypervirile serait une réaction à la stigmatisation vécue par les homosexuels qualifiés d’hommes manqués, d’efféminés. Le mouvement gay, composé d’hommes blancs, de classe moyenne, avec une minorité de lesbiennes et de personnes de couleur, donna petit à petit la primauté aux seuls problèmes vécus par les hommes gay et abandonna l’analyse de l’oppression, qui l’animait auparavant, pour se consacrer à la lutte pour l’égalité avec les hétérosexuels et le partage de leurs privilèges, sans remettre en question la suprématie masculine.

Les lesbiennes féministes se retirèrent vite de ce nouveau courant ne se reconnaissant pas dans le modèle masculin agressif de liberté sexuelle basé sur des rapports sexuels multiples et impersonnels dans les lieux publics, les toilettes, les saunas, les bars etc. D’autre part, elles jugeaient insultante l’imitation exagérée par les drag queens des pires stéréotypes féminins, conséquences même des rapports de domination et d’inégalité vécus par les femmes.

L’amour des femmes prôné par les lesbiennes n’avait pas de place dans la théorie queer et, bientôt, celles qui demeurèrent dans ce mouvement ne se contentèrent plus de jouer le rôle de butch, mais entreprirent de se transformer, non seulement en hommes mais en hommes gay, en subissant des opérations mutilantes et en prenant de la testostérone.

Dans les années 80, des lesbiennes, comme Gayle Rubin, se mirent à faire campagne pour défendre la pornographie soit au nom de la liberté d’expression, soit parce qu’elles voulaient la rendre accessible aux femmes. Rubin considère que les féministes sont intégrées à la société hiérarchique dominante et doivent être traitées comme des ennemies. Dans Penser le sexe (6), elle poursuit son apologie de toutes les minorités sexuelles dissidentes et se concentre surtout sur la défense de la pédophilie en refusant d’y voir une forme d’exploitation sexuelle. Pour elle, toute loi visant à régir la sexualité constitue « un apartheid sexuel » destiné à renforcer les structures du pouvoir en place. Jeffreys montre que la sexualité est le point de divergence fondamental entre le féminisme lesbien et le courant queer.

La masculinité étant considérée la plus haute valeur au sein de la culture queer mixte, l’amour des femmes est mal vu et celles qui s’en réclament sont traitées de "politiquement correctes". Jeffreys remarque que le courant queer n’a jamais remis en question le système patriarcal et a capitulé devant les impératifs économiques de l’époque. Des pratiques résultant de l’oppression sexuelle sont mises en marché par la promotion des bains publics, des bars, du piercing, de la chirurgie transsexuelle. Un nouveau secteur économique gay tire d’énormes profits de l’industrialisation de la pornographie et de la prostitution.

Les travaux de Foucault, en développant la notion de "transgression", fournissent une base théorique populaire au courant queer. Jeffreys constate que le philosophe français, gay et sadomasochiste, n’a cependant pas jugé bon d’inclure l’expérience spécifique des femmes dans sa réflexion sur la sexualité et l’homosexualité. Pour Judith Butler, penseuse importante du queer, la transgression au niveau de l’habillement et de la représentation est révolutionnaire et capable de renverser les rapports sociaux fondés sur le sexe. De son côté, Jeffreys montre que la volonté postmoderne de refuser toute certitude identitaire a été utilisée par des théoricien-nes queer pour signer l’arrêt de mort du lesbianisme. Pour elle, la théorie queer vient d’un courant historique anti-libération, individualiste, anti-matérialiste et sexiste.

La commercialisation néolibérale de la sexualité

Jeffreys cite Max Kirch (7), pour qui la théorie queer rend impossible toute transformation sociale, par l’importance accordée à la fluidité de l’identité et à la relativité de toute expérience. Il y voit la conséquence et la défense d’un stade particulier du capitalisme qui requiert l’existence d’individus repliés sur eux-mêmes afin d’atteindre ses objectifs économiques de profits au moyen de la croissance illimitée de la production et de la consommation. Selon Kirch, la théorie queer déconstruit la collectivité, encourage l’indifférence politique et relativise la sexualité et le genre.

Ce qui était, il n’y a pas si longtemps une communauté gay ou lesbienne est maintenant devenu un secteur commercial. Dans certains milieux, le queer est commercialisé par le "piercing", le cuir, les coiffures en pics. Les privilèges de classe et la glorification du capitalisme font partie intégrante de l’industrie queer. Plusieurs universitaires écrivent sur ce fétichisme consommateur et inventent un discours queer qui reflète leur dépendance envers la mode et la consommation de masse.

La chirurgie transsexuelle de femme en homme (FTM) rapporte beaucoup. On en estime le coût entre 50 000 $US à 77 000 $US, un coût qui repousse beaucoup d’aspirantes vers des charlatans et des vendeurs d’hormones illégaux. Il donne aussi à penser que les profits des compagnies pharmaceutiques et des chirurgiens sont des facteurs importants pour expliquer la promotion contemporaine de la transsexualité comme solution pour les lesbiennes malheureuses.

On assiste à l’introduction du capitalisme dans des activités sexuelles pratiquées par les hommes gay depuis des décennies. Le culte de la virilité avait besoin de cette commercialisation pour s’enraciner et prendre de l’expansion. C’est ainsi qu’on s’est mis à faire la promotion d’un "style de vie rebelle". Le discours sur la liberté sexuelle est appuyé par des forces commerciales puissantes (propriétaires de bars, de bains publics, producteurs de porno) qui visent à tirer un profit maximal de la sexualité gay. Ce sont les intérêts commerciaux qui ont transformé le comportement sexuel gay d’avant les sorties du placard (coming out) en un marché lucratif à travers la création de lieux publics d’échanges sexuels.

Les échanges sexuels ont lieu sur la place publique, dans les toilettes, les parcs, dans les salles arrières des bars ou des librairies, où il y a des isoloirs à cet effet, dans les saunas et bains publics, les clubs qu’on a modelés souvent en forme de toilettes ou d’autres terrains de drague. Le sexe public signifie en général l’exploitation sexuelle en vue du profit, soit des hommes gay eux-mêmes, qui paient un espace pour avoir des rapports sexuels entre eux ou d’hommes et de garçons qui sont payés pour leurs services sexuels dans la prostitution et la pornographie.

On peut comprendre pourquoi, dans un tel contexte, des promotrices du queer, comme Gayle Rubin et Pat Califia, s’attaquent au "féminisme moraliste" qui s’oppose à la pornographie, à la pédophilie, au sadomasochisme et aux rapports sexuels publics.

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MélusineCiredutemps
 

Re: Queer et trans en dégenrage au détriment du féminisme

Messagede Lila » 20 Déc 2014, 16:48

Mon genre, ton genre, mais quel genre ?

par Christine Le Doaré, Irréductiblement féministe

En France, tout le monde ou presque se jette à corps perdu dans la polémique sur le genre, mais personne, jamais, ne parle tout à fait de la même chose.

Je le réalise une fois de plus ce matin en écoutant, sur France Inter, François Ozon présenter son dernier film dont le personnage principal est un travesti. Avec Augustin Trapenard, il parle donc de genre et de féminité.

Ozon dit s’intéresser aux femmes car elles restent un mystère, aussi, parce qu’il ne fait pas un cinéma d’action et « qu’on attend des hommes, plus de l’action ».

« On » c’est qui ? L’action aux hommes et la sensibilité aux femmes ?

Ozon pense questionner le genre, oui mais de quelle façon, quand il nous ressert les clichés habituels d’hommes qui - et ce quelle que soit leur orientation sexuelle - pensent le genre d’un point de vue masculin.

Dans « Jeune et jolie », déjà, il met en scène une très jeune femme qui se prostitue comme on irait le dimanche après-midi faire un tour en forêt, sans que jamais, elle ne nous dise pourquoi.

Pourtant, la question de la prostitution des jeunes est un sujet de société particulièrement inquiétant, qui relève plutôt de la protection de l’enfance en danger et de la situation des femmes que d’une romance éthérée et non problématisée.

Mais revenons au genre.

La manifpourtous dénonce une diabolique « théorie du genre », qu’elle instrumentalise dans le seul but de maintenir les privilèges de genre, c’est-à-dire la domination masculine sur les femmes.

Ses partisanEs ont bien compris que le seul danger en réalité est l’égalité femmes-hommes ; elles et eux tiennent à maintenir des familles traditionnelles avec une répartition des rôles bien établie qui implique des femmes soumises.

Pour la France réactionnaire, résister à la « théorie du genre », c’est se battre en réalité contre le féminisme et ses combats pour l’égalité et pour un autre projet de société.

Les théories queers, les gays, les trans et plus généralement le mouvement LGBT parlent en somme bien moins d’égalité entre les femmes et les hommes que de confusion des genres.

Théoriquement, c’est intéressant d’abolir les genres, d’explorer le champ des possibles et de tacler (s’attaquer à ) les frontières entre les sexes biologiques et les constructions sociales des genres féminin et masculin.

Mais n’est-ce pas un peu comme vouloir devenir champion cycliste avant même d’avoir retiré les petites roues du tricycle ?

Depuis le temps que les théories queers existent, ne faut-il pas se demander à qui elles servent en réalité quand personne dans ces mouvements ne travaille sérieusement sur la domination masculine ?

Confrontées à la réalité sociale de nos sociétés hyper-genrées qui entretiennent volontairement les stéréotypes sexistes pour inférioriser et asservir les femmes, ces théories ne servent pas à grand-chose.

D’ailleurs, les gays qui n’ont que le mot genre à la bouche le dissocient parfaitement des luttes féministes et rendent bien trop souvent mauvais service aux femmes, avec leurs représentations hypersexistes et hypersexualisées des femmes.

Leurs icônes, égéries, marraines préférées sont toujours des femmes dignes des couvertures de Playboy.

Une vraie femme, à leurs yeux, est souvent une femme-clichée, mode, sexe et glamour, affublée de talons hauts, maquillée et à moitié nue, sinon, c’est une lesbienne, et les lesbiennes, ils s’en moquent assez.

En réalité, les gays n’ont pas commencé le moindre travail de déconstruction des stéréotypes sexistes. Ce qui les intéresse, c’est de ne pas être, eux, limités à leur sexe ni au genre, et de pouvoir s’approprier quand ils le souhaitent, et sous leur contrôle, les caractéristiques dites « féminines ».

En revanche, savoir ce que les femmes – féministes – pensent de la « féminité » comme construction et contrainte sociales ne les intéresse pas le moins du monde.

Respecter les différences entre les sexes, ne pas en déduire de supériorité ni d’infériorité, ne pas les hiérarchiser et donc déconstruire les genres sociaux et leurs assignations, rien de tout ceci n’a véritablement été exploré.

Dans le domaine des Études de genre, sont volontiers niés :

- Les effets de la domination masculine à l’œuvre dans les sphères universitaires, intellectuelles et médiatiques. Comment croire, dans ce cas, que les droits et libertés des femmes ne soient pas lésés ?

Quels sont les liens entre les Études de genre et les représentations queers hypersexualisées des femmes, valorisant les rapports de domination/soumission, la prostitution et autres fantasmes masculins, à la plus grande satisfaction des très vaillantes et lucratives industries du sexe ?

- Les combats féministes contre des discriminations et violences spécifiques, pour l’égalité et pour la promotion d’autres valeurs de vie en société.

Si les féministes ont longtemps été solidaires des LGBT et le sont encore, le plus souvent, l’inverse n’est pas vrai, ces derniers/dernières ne s’investissent pas ou très peu pour les droits des femmes et n’hésitent même plus à les mettre en péril, en particulier dans les domaines qui relèvent de l’appropriation de leur corps (GPA/prostitution…).

À l’extrême, des trans-activistes, dans les pays anglo-saxons mais également chez nous, s’autorisent à interdire violemment à des féministes de prendre la parole et même à organiser des conférences non mixtes.

Alors parler de genre, du genre, quel genre, ton genre, mon genre ?

Il est urgent de revenir aux fondamentaux et de définir des priorités utiles.

En tant que féministe, parler du genre reste et restera, tant que la situation des femmes ne se sera pas améliorée, à peu près partout sur cette planète (éducation, salaires, santé, violences, violences conjugales, viols, féminicides, etc.), parler de l’abolition de la domination masculine, un point c’est tout.


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Re: Queer et trans en dégenrage au détriment du féminisme

Messagede Lila » 26 Déc 2014, 18:19

À propos du genre

I. Qu’est-ce que le genre ? D’où vient la confusion qui l’entoure ?

par Debbie Cameron et Joan Scanlon, éditrices de la revue britannique Trouble & Strife

Lors d’un « féminaire » organisé à l’intention des membres du London Feminist Network (Réseau féministe de Londres) en mai 2010, Debbie Cameron et Joan Scanlon, éditrices de la revue britannique Trouble & Strife, ont animé un atelier au sujet du concept de genre et de sa signification pour le féminisme radical. Nous vous présentons une transcription révisée de leurs propos informels, sous le titre général “À propos du genre”, traduite par Annick Boisset et révisée par Martin Dufresne.

Cette transcription "À propos du genre" est présentée en deux parties :
I. Qu’est-ce que le genre ? D’où vient la confusion qui l’entoure ?
II. Genre et sexualité : convergences et divergences du féminisme radical et de la théorie queer.

***

Debbie Cameron : Le but de la discussion d’aujourd’hui est de tenter de déblayer une partie de la confusion théorique et politique qui entoure présentement le concept de genre. Il est probablement utile de commencer par se demander d’où vient cette confusion.

De nos jours, les conversations sur le « genre » achoppent souvent sur des problèmes parce que les personnes qui en parlent emploient le même mot en lui donnant en gros la même signification, alors qu’en y regardant de plus près, elles ne parlent pas des mêmes questions à partir de la même approche. Par exemple, quand nous avons lancé l’anthologie The Trouble & Strife Reader (1) à la Foire du livre radical d’Edimbourg, des étudiantes sont venues nous dire leur satisfaction de voir ce livre publié, mais aussi leur surprise qu’il y soit si peu question du genre. Pourtant, ce livre ne parle que de cela, du genre, au sens féministe radical du mot, soit les relations de pouvoir entre femmes et hommes, de sorte qu’à nos yeux, cette réaction était assez surprenante. Joan ne la comprenait tout simplement pas au départ. Pour ma part, j’ai compris ce qu’elles voulaient sans doute dire car je suis toujours universitaire, et à l’université, on entend beaucoup le mot « genre » utilisé de cette manière.

Voici la clé de l’énigme. Pendant les années 90, les théoricien-ne-s et activistes queer ont élaboré une nouvelle façon de parler du genre. Leur approche présentait bien sûr des points communs avec le vocabulaire féministe plus établi, mais elle présentait un accent différent ; une théorie différente la sous-tendait. Il s’agissait au fond de la théorie postmoderniste de l’identité, associée à la philosophe Judith Butler, bien que je doute que Butler elle-même dirait que les féministes n’avaient pas d’analyse critique du genre. Il découla de cette nouvelle approche des choix de politiques très différents. Pour les gens qui ont acquis leur formation dans ces années-là – soit en côtoyant la théorie féministe universitaire, soit en s’impliquant dans le système de pensée et l’activisme queer –, c’est le sens que prit le concept de « genre ». Ces personnes crurent ce qu’on leur avait dit, à savoir que les féministes des années 70 et 80 n’avaient pas d’analyse critique du genre, ou qu’elles n’avaient pas la bonne analyse, dans la mesure où leurs idées sur le genre relevaient de « l’essentialisme » plutôt que de « la construction sociale » de l’identité.

Ce n’est pas notre appréciation des choses, et nous verrons tantôt pourquoi. Mais commençons plutôt par comparer l’« ancien » concept, féministe, du genre et le plus « nouveau » concept qui a émergé de la théorie et de l’activisme queer des années 90.

Qu’est-ce que le genre ?

a. « Ancien » concept du genre
Il s’agit d’un système de relations sociales/de pouvoir structuré par une division binaire entre « les hommes » et « les femmes ». Le partage en catégories se fait habituellement sur la base du sexe biologique. Mais le genre tel que nous le connaissons est une réalité sociale plutôt que biologique (par exemple, la masculinité et la féminité ont des définitions différentes à différents lieux et différentes époques.)

b. « Nouveau » concept du genre
Il s’agit d’un aspect de l’identité personnelle/sociale, habituellement attribué à la naissance sur la base du sexe biologique (mais cette correspondance « naturelle » est une illusion – de même que l’idée qu’il doit exister deux genres puisqu’il y a deux sexes.)

Pourquoi ce système constitue-t-il une oppression ?

a. « Ancien » concept du genre
Parce qu’il est fondé sur la subordination d’un genre (les femmes) par l’autre (les hommes).

b. « Nouveau » concept du genre
Parce que c’est un système binaire rigide. Il oblige chaque personne à s’identifier soit comme un homme, soit comme une femme (c’est-à-dire pas ni l’un-e ni l’autre, pas les deux à la fois, pas quelque part entre les deux, et pas de façon complètement autre) et punit quiconque ne se conforme pas à cette règle. (Cela opprime les hommes et les femmes, et surtout les personnes qui ne s’identifient pas complètement au modèle prescrit pour leur genre).

Que serait une politique radicale du genre ?

a. « Ancien » concept du genre
Le féminisme : Les femmes se mobilisent pour renverser le pouvoir masculin et ainsi le système du genre dans son ensemble. (Pour les féministes radicales, le nombre idéal de genres serait... aucun.)

b. « Nouveau » concept du genre
« Le queer » : Femmes et hommes rejettent le système binaire, s’identifient comme des « hors-la-loi du genre » (c’est-à-dire, des queer ou des trans) et exigent la reconnaissance d’une palette d’identités de genre. (Dans cette perspective, le nombre idéal de genres serait... infini ?)

Il existe à la fois des similitudes et des différences entre ces deux versions. Dans les deux, le genre est relié au sexe, mais ce n’est pas la même chose ; dans les deux, le genre tel que nous le connaissons est un système binaire (il y a, à la base, deux genres) ; et les deux approches conviendraient sans doute que le genre est affaire de pouvoir ET d’identité ; mais elles diffèrent dans l’importance accordée à l’un et l’autre facteur. Ces deux versions diffèrent également parce que les adeptes de la version queer ne pensent pas en termes d’oppression des femmes par les hommes ; ils et elles considèrent que les normes de genre sont plus oppressives que le pouvoir hiérarchisé, et ils et elles veulent plus de genre plutôt que moins ou pas du tout.

Pour bien comprendre ces concepts et décider ce que vous en penserez, il est utile de connaître un peu d’histoire, l’histoire des idées féministes radicales et sexuelles radicales. Il y a trois questions principales que nous croyons utile d’explorer de façon plus détaillée :

1. Est-il vrai que le féminisme radical est ou était essentialiste dans sa conception du genre ?
2. Quelle est et était la relation entre la politique du genre et la sexualité ?
3. Qu’ont en commun le féminisme radical et la politique queer (aussi appelée gender queer), quelles sont leurs différences de base et quels sont leurs objectifs politiques respectifs ?

Le féminisme radical est/était-il essentialiste ?

Commençons par convenir d’une chose : il existe bel et bien des variétés essentialistes de féminisme, des courants de pensée pour lesquels, par exemple, le corps des femmes se voit assigné des pouvoirs mystiques, ou les hommes sont perçus comme naturellement mauvais ; certaines femmes qui souscrivent à ces idées pourraient se revendiquer ou être estampillées du label « féminisme radical ». Mais si l’on considère plutôt le féminisme radical comme une tradition politique qui a produit, entre autres, un corpus de textes féministes qui en sont venus à être considérés comme « classiques », on constate à quel point leur conception du genre a toujours été non essentialiste – ce qui peut surprendre, compte tenu de l’insistance avec laquelle on accuse les féministes radicales d’être essentialistes.

Afin d’illustrer ce point, j’ai assemblé quelques citations de femmes généralement reconnues comme les archétypes des féministes radicales, dont Simone de Beauvoir, que l’on considère souvent comme la fondatrice du féminisme moderne de la « seconde vague », avec son livre Le Deuxième sexe (publié pour la première fois en 1949, soit vingt ans plus tôt que l’éclosion de cette vague). Beauvoir n’avait rien d’essentialiste et, bien qu’elle n’utilise pas de terme équivalent à « genre » (un mot qui n’est toujours pas d’usage courant en français), nombre de ses commentaires sont axés sur la distinction entre l’aspect biologique et l’aspect social de la féminité. L’une de mes phrases favorites du Deuxième sexe, à cause son côté froidement sarcastique, est la suivante : « Tout être humain femelle n’est donc pas nécessairement une femme ; il lui faut participer à cette réalité mystérieuse et menacée qu’est la féminité. »

Une autre féministe des débuts de la « seconde vague », Shulamith Firestone, auteure de La Dialectique du sexe (1970), a souvent été taxée d’essentialisme (pour avoir émis l’hypothèse que la subordination des femmes avait sans doute trouvé son origine dans leurs fonctions reproductives et nourricières). Mais en réalité, Firestone ne voyait ni comme naturelle ni comme inévitable l’existence d’une hiérarchie sociale bâtie sur la différence des sexes. Au contraire, elle écrit dans La Dialectique du sexe :

« Et exactement comme le but final de la révolution socialiste n’était pas l’élimination du privilège de l’économie de classe, mais celle de la différentiation entre classes elle-mêmes, ainsi le but final de la révolution féministe doit être... non seulement l’élimination du privilège masculin, mais la distinction sexuelle elle-même : les différences génitales entre humains ne compteront plus culturellement. »

Dans les écrits légèrement postérieurs de la féministe radicale matérialiste Christine Delphy, le genre n’a de sens théorique qu’en tant qu’effet de rapports hiérarchiques de pouvoir ; ce n’est pas une différence préexistante sur laquelle ces relations de pouvoir seraient ensuite superposées. La position de Delphy peut sembler extrême aux yeux des féministes moins radicales, mais quoi qu’on en pense, elle ne pourrait guère être moins essentialiste. Comme elle-même le dit :

« Ce que seraient les valeurs, les traits ou la personnalité des individus, la culture d’une société non-hiérarchique, nous ne le savons pas et nous avons du mal à l’imaginer. (...) peut-être ne pourrons-nous vraiment penser le genre que le jour où nous pourrons imaginer le non-genre. » (2)

Les auteures que je viens de citer sont toutes des femmes qui « peuvent imaginer le non-genre »... et qui le font. Cette volonté de penser sérieusement à ce qui, pour la plupart des gens, y compris bien des féministes, est impensable – à savoir qu’un monde vraiment féministe serait un monde non seulement sans inégalités de genre, mais aussi sans distinctions de genre – cette volonté, dirons-nous, est un des marqueurs du féminisme radical, une des façons par lesquelles ce féminisme se distingue comme « radical ».

Un autre élément qui distingue le féminisme radical est la manière dont il relie le genre à la sexualité, et le genre et la sexualité au pouvoir. Les écrits de Catharine A. MacKinnon insistent fortement sur cette relation, comme le passage suivant de son livre Le féminisme irréductible (2005) :

« Dans la théorie féministe du pouvoir, la sexualité est marquée par le genre, de même que le genre est sexualisé. Autrement dit, la théorie féministe analyse comment l’érotisation de la domination et de la soumission crée le genre, la femme et l’homme, sous les formes sociales que nous connaissons. La différence des sexes et la dynamique de domination-soumission se définissent ainsi mutuellement. L’érotique est ce qui définit le sexe comme inégalité, donc comme différence significative. C’est là pour moi la signification sociale de la sexualité et la contribution spécifique du féminisme à la prise en compte de l’inégalité de genre. »

Ceci montre que certaines féministes radicales les plus connues ont adopté une conception non essentialiste de la sexualité aussi bien que du genre. En fait, un des comptes-rendus les plus radicalement non essentialistes ou anti-essentialistes que nous connaissons – une conception aussi radicale que celle de n’importe quel-le théoricien-ne queer par sa façon de rejeter l’idée d’identités sexuelles fixes et finies – vient de la féministe radicale Susanne Kappeler, dans son livre Pornography of Representation (1986) :

« Dans une perspective politique, la sexualité, comme le langage, pourrait entrer dans la catégorie des relations intersubjectives : une question d’échange et de communication. Les relations sexuelles – le dialogue entre deux sujets – détermineraient, articuleraient une sexualité des sujets, tout comme les interactions du discours génèrent des rôles de communication entre les interlocutrices. La sexualité serait alors moins une question identitaire, celle d’un rôle fixé en l’absence d’une praxis, qu’une possibilité, dotée d’un potentiel de diversité et d’interchangeabilité, dépendant de façon cruciale d’un interlocuteur/trice, d’un autre sujet, et co-déterminée par lui. » (Notre traduction)
Nous expliquerons tantôt pourquoi nous pensons que les idées de ces féministes radicales au sujet du genre, de la sexualité, de l’identité et du pouvoir lancent en fait un défi beaucoup plus radical au statu quo que les idées des analyses queer.


Notes
1. http://www.bloomsburyacademic.com/
2. Christine Delphy, « Penser le genre », in L’ennemi principal, tome 2, pages 259-260, Paris, Éd. Syllepse, 2001.


Original : Debbie Cameron et Joan Scanlon, « Talking about gender », dans Trouble and Strife, 2010.
Traduction : Annick Boisset. Révision : Martin Dufresne

© Debbie Cameron et Joan Scanlon, mai 2013.



II. Genre et sexualité : convergences et divergences du féminisme radical et de la théorie queer

Joan Scanlon : Comme l’a dit Debbie, j’ai été complètement abasourdie quand les deux jeunes femmes rencontrées à Edimbourg m’ont demandé pourquoi The Trouble & Strife Reader (2009) ne parlait pas davantage de genre. J’ai donné un coup de fil à Su Kappeler (que nous venons de citer), et elle m’a dit : « Tu sais, Joan, c’est comme ce que Roland Barthes écrit quelque part : Si vous avez un guide de voyage pour l’Italie, vous ne trouverez pas le mot Italie dans l’index, vous y trouverez Milan, Naples ou le Vatican... » J’y ai repensé et j’ai compris que, malgré la justesse de sa remarque, il y avait autre chose là-dessous : c’était comme si la carte de l’Italie avait complètement disparu – une carte tout de même bien utile pour situer réciproquement Milan, Naples ou le Vatican – et que l’on avait remplacé la réalité géographique, politique et économique de l’Italie par un espace virtuel dans lequel l’Italie pouvait aussi bien être un bal masqué, un drapeau tricolore, un bar à glaces, ou n’importe quelle combinaison de « signifiants flottants ». Et ainsi, en revenant au concept de genre, j’ai compris qu’il nous fallait reconstruire cette carte, et que nous avions besoin de regarder la question en mode historique pour trouver un sens à ce glissement de signification.

Bien sûr les cartes évoluent, comme le font les frontières, mais on ne peut aller bien loin sans elles. Il nous faut donc analyser pourquoi des féministes ont adopté le terme « genre » pour décrire une réalité matérielle – l’imposition systématique du pouvoir masculin – et pour en faire un outil de changement politique. Je vais commencer par quelques définitions, puis je parlerai brièvement de l’histoire de la sexualité, du rapport entre le genre et la sexualité et de l’évolution de ce rapport entre deux constructions depuis le début du siècle dernier. Je donnerai un bref aperçu des points communs et des différences clés entre le féminisme et les analyses queer.

Définitions : le féminisme, le genre, la sexualité

À la fin des années 80, alors que Liz Kelly et moi étions en train d’écrire quelque chose ensemble, nous avons décidé qu’étant donnée la prolifération des « féminismes », nous devions affirmer que le terme « féminisme » était vide de sens s’il signifiait simplement ce que n’importe qui voulait bien lui donner comme sens. Autrement dit : on ne peut avoir de pluriel si l’on n’a pas un singulier. Alors nous avons défini le féminisme tout simplement comme « une reconnaissance du fait que les femmes sont opprimées et comme un engagement à changer cet état de fait ». Par delà cette définition, on peut avoir toutes sortes de différences d’opinion quant au pourquoi de l’oppression des femmes et toutes sortes de points de vue différents quant à des stratégies pour transformer cette situation.

Pour le dixième anniversaire de la revue Trouble & Strife, en 1993, nous avons ensuite demandé à plusieurs femmes de définir le féminisme radical. Leurs définitions ont toutes eu le point commun suivant : poser comme élément central que le genre est un système d’oppression et que les hommes et les femmes sont deux groupes socialement construits, qui existent en raison précise de la relation de pouvoir inégalitaire entre eux. De plus, ces définitions affirment toutes que le féminisme radical est radical parce qu’il remet en question toutes les relations de pouvoir, y compris les formes extrêmes comme la violence masculine et l’industrie du sexe (qui a toujours été très controversée dans le mouvement des femmes et l’objet d’une lutte très impopulaire à mener). Au lieu de s’en tenir à des ajustements périphériques à la question du genre, le féminisme radical s’attelle au problème structurel qui la sous-tend.

C’est dire que définir le genre semble être un passage obligé pour comprendre la prolifération de sens ayant accompagné son utilisation devenue plurielle. Le terme de « genre », tel que les féministes radicales l’ont toujours compris, décrit l’oppression systématique des femmes, en tant que groupe subordonné, au bénéfice du groupe dominant : les hommes. Ce n’est pas un concept abstrait – il décrit les circonstances matérielles de l’oppression, y compris le pouvoir masculin logé dans les institutions et dans les relations personnelles : par exemple, la division inégalitaire du travail, le système judiciaire pénal, la maternité, la famille, la violence sexuelle... et ainsi de suite.

Je tiens à préciser ici que très peu de féministes soutiendraient que le genre n’est pas socialement construit. Je crois que si on accuse d’essentialisme biologique le féminisme radical, c’est parce qu’il a joué un rôle aussi central dans la campagne menée contre la violence masculine. D’où le fait que l’on nous accuse, pour une raison ou une autre, de croire que tous les hommes sont violents par nature. Je n’ai jamais compris cet illogisme : si vous vous impliquez dans une politique de changement, il serait tout à fait absurde de croire que ce que vous souhaitez changer est inné ou immuable.

En fait, considérer que le genre, dans le système patriarcal, émane du sexe biologique, a pour effet d’« essentialiser » encore plus la sexualité, et elle devient perçue comme émanant de notre nature même, de désirs et de sentiments qui échappent entièrement à notre contrôle, même si notre conduite sexuelle peut être régulée par des codes moraux et sociaux. Alors, pour conclure avec quelques définitions, je vais emprunter à Catharine A. MacKinnon sa définition de la sexualité comme « un processus social qui crée, organise, oriente et exprime le désir ». Ceci indiquant clairement que le féminisme radical interprète la sexualité comme étant socialement construite, je n’en dirai pas plus long à ce sujet pour le moment, dans la mesure où j’espère que mes prochains propos éclairciront tout cela.

Une brève histoire de la sexualité

C’est seulement à partir de 1870, environ, que le discours médical, scientifique et juridique a commencé à classer et catégoriser les personnes par types sexuels – et qu’il a produit l’idée, aujourd’hui reconnue par les historien-ne-s, d’une identité spécifiquement homosexuelle ou lesbienne. Avant la fin du 19ème siècle, on concevait la conduite sexuelle en termes de péché et de crime, donc en termes d’actes sexuels plutôt que d’identités sexuelles. Au Royaume-Uni, l’homosexualité masculine a été pénalisée jusqu’à 1967, et le lesbianisme, sans avoir jamais été illégal, s’est vu réprimé par d’autres moyens ; jusqu’après la Seconde Guerre mondiale, ce n’était pas une option économiquement possible pour plus d’une très petite minorité de femmes privilégiées et financièrement indépendantes. La sexualité des femmes a toujours été contrôlée par la coercition, la dépendance économique aux hommes, et en très grande partie, par l’idéologie. L’essai d’Adrienne Rich, La contrainte à l’hétérosexualité et l’existence lesbienne (1979), détaille l’étendue et l’inventivité de ces moyens de contrôle.

Le genre est un des moyens les plus efficaces de contrôler la sexualité : vu la constante réaffirmation du système binaire de genre comme appareil de contrôle social, si vous sortez du rôle de genre qui vous a été assigné, vous êtes susceptible d’être stigmatisé-e comme homosexuel-le. Autrement dit, si vous renoncez aux gratifications de la féminité, par exemple en devenant plombière, ou en ne vous rasant pas les jambes, ou en disant à un homme qui vous harcèle d’aller se faire foutre, on va probablement vous accuser d’être lesbienne. (Un homme qui ne se conforme pas aux conventions de la masculinité, et qu’on voit pousser un landau, qui porte du rose ou qui n’aime pas le foot sera tout aussi probablement traité de gay.)

De la même façon, si vous êtes lesbienne, on s’attend à ce que vous vous conduisiez comme un homme, à ce que vous fassiez montre d’un désir masculin – et les femmes hétérosexuelles craignent sans doute que vous vous intéressiez à elles, et sont encouragées à éviter les espaces réservés aux femmes, de peur qu’on leur saute dessus. (Ceci est peut-être moins vrai maintenant, mais le problème se posait toujours lors des événements « pour femmes seulement » au début de mon engagement féministe, en ce sens que les hétérosexuelles croyaient que « réservé aux femmes » signifiait « pour lesbiennes » et prenaient donc pour acquis que ces lieux et événements allaient tous être sexualisés.) De toutes façons, c’est en partie ce que désignait MacKinnon quand elle disait que « le genre est sexualisé et la sexualité est genrée » – autrement dit, que le différentiel de pouvoir entre les hommes et les femmes est érotisé, et on ne reconnaîtrait pas quelque chose comme sexuel s’il n’y était pas question de pouvoir – de sorte que tout ce qui est perçu comme sexuel, telle l’identité gay et lesbienne, est lu à travers ce prisme, et est ainsi genré.

Les premiers sexologues ont joué un rôle important en créant et en consolidant le mythe selon lequel les lesbiennes étaient foncièrement des femmes masculinisées et selon lequel les hommes homosexuels étaient par nature féminins. C’est également dans leurs œuvres – par exemple, celle de Richard von Krafft Ebing – que l’on trouve d’abord la notion d’un homme né dans le corps d’une femme, et vice versa. Bien que les premiers sexologues aient démystifié beaucoup d’autres croyances au sujet des conduites sexuelles et qu’ils aient contribué à contester la criminalisation de l’homosexualité en présentant celle-ci comme « naturelle » et « innée », ils ont, ce faisant, confirmé l’idée selon laquelle la sexualité était une part essentielle de la nature humaine, qui était soit un danger qu’il fallait contrôler médicalement, soit une force positive qu’il fallait libérer des contraintes répressives de la civilisation. Ces sexologues étaient souvent en désaccord et emmêlés dans des contradictions, mais collectivement ils ont créé et confirmé le mythe selon lequel nous avons tous et toutes une « véritable identité sexuelle », que la sexologie peut aider à révéler. Certains de leurs écrits apparaissent maintenant comme un complet tissu d’absurdités, mais l’on ne saurait sous-estimer l’importance de ces textes dans la littérature et l’imaginaire populaire de cette époque.

Pour n’en donner qu’un exemple : Richard von Krafft Ebing (dont les études de cas ont servi de modèles aux personnages de Radclyffe Hall dans son roman lesbien Le puits de solitude) a soutenu que les personnes homosexuelles n’étaient ni malades mentales, ni moralement dépravées – elles avaient simplement subi une inversion congénitale du cerveau pendant la gestation de l’embryon. De plus, il était convaincu que l’on pouvait trouver des marqueurs de masculinité chez les « inverties » de sexe féminin, confirmant ainsi la cause génétique de leur état. Havelock Ellis, qui a préfacé le Puits de solitude, partageait cette position et allait jusqu’à soutenir que l’on pouvait faire une distinction entre les vraies « inverties », à la nature permanente et innée, et les femmes attirées par les « inverties ». Les secondes, bien que plus féminines, n’étaient « pas bien adaptées à la maternité », et elles étaient en conséquence mal disposées à une sexualité hétérosexuelle procréative.

Une position plus éclairée fut celle d’Edward Carpenter, réformateur socialiste et philosophe utopiste : Carpenter, qui utilisait le mot uranien (un adjectif qui signifie « céleste ») pour désigner les personnes attirées par celles de leur propre sexe, avait une perspective plus mystique et lyrique sur toute cette question. (On se moque volontiers de lui car une sorte de culte se forma autour de lui ; non content de fabriquer ses propres sandales, il fabriquait aussi toutes celles de sa communauté, qui vivait dans une commune près de Sheffield, en Angleterre.) Mais sous bien des aspects, Carpenter a été le plus radical de tous. Il s’est beaucoup plus intéressé aux caractéristiques de tempérament et de sensibilité des gens qu’à leurs signes (biologiques) apparents de déviance par rapport aux conventions de la masculinité et de la féminité. Il croyait aussi que les personnes qui appartenaient au « sexe intermédiaire » pourraient un jour servir de passerelles entre les différentes classes et races et agir comme interprètes entre les hommes et les femmes, du fait de partager les caractéristiques des deux groupes. Les économistes et les politicien-ne-s du mouvement rejetèrent les vues de Carpenter comme autant de fadaises sentimentales mais c’est lui, de tous les sexologues, qui vint le plus près d’affirmer que c’est le genre en soi qui est le problème, et que les pôles extrêmes du système binaire de genre sont préjudiciables à la société idéale qu’il imagine.

Je ne vais pas passer en revue l’ensemble des sexologues du 20ème siècle – sans doute êtes-vous au fait des travaux de laboratoire de Masters et Johnson, et des excellentes études par sondages sur les conduites sexuelles menées par Alfred Kinsey et Shere Hite, respectivement dans les années 1950 et 1980. Leur travail ébranla les institutions en montrant, entre autres, la diversité des conduites sexuelles et la prévalence du désir homosexuel dans l’ensemble de la population hétérosexuelle américaine. La principale caractéristique commune à ces sexologues de la deuxième vague, c’est qu’ils firent du sexe un sujet d’étude scientifique, et que bien peu d’entre eux et d’entre elles étudièrent le genre en lui-même, ou le contexte social et la signification de la sexualité.

L’influence du mouvement des femmes et du mouvememnt gay

La relation du genre à la sexualité changea à la fin des années 60 et durant les années 70, en grande partie à cause de l’émergence du mouvement des femmes et du mouvement de libération gay. Avec la montée du féminisme et la publication de nombreux textes-clefs comme La Politique du mâle, de Kate Millett (1970), on ne considéra plus le lesbianisme comme une sous-catégorie de l’homosexualité masculine, et non plus seulement comme une identité sexuelle, mais comme une identité politique, dans un contexte de relations de pouvoir genrées. En d’autres mots, il devint possible de voir qu’être lesbienne avait un rapport avec le fait d’être une femme, de remettre en question l’hétérosexualité en tant qu’institution, et de contester le pouvoir dans les relations intimes. Je considère pour ma part avoir eu énormément de chance de rencontrer le féminisme à la fin des années 70 (au début de la vingtaine), faute de quoi, si j’étais née plus tôt, on m’aurait complètement persuadée que j’étais une « invertie » ou, dieu m’en garde !, une « Uranienne », ou quelque autre identité. Le mouvement des femmes de la fin des années 60 et des années 70 a offert à beaucoup de femmes une occasion sans précédent de faire sens de leur vécu de femmes, de le théoriser, et d’agir pour le transformer.

On oublie souvent que les théoriciens du mouvement de libération gay avaient, aux débuts de ce mouvement, beaucoup en commun avec le féminisme : la déconstruction de la masculinité, une remise en question de la famille nucléaire, la contestation de la misogynie et la recherche d’une sexualité égalitaire. Même si les féministes ont continué à beaucoup travailler en collaboration avec des hommes gay – face à une oppression commune, l’hétérosexualité institutionnalisée – nous avons aussi constaté que l’accent que nous mettions sur la construction sociale de la sexualité dérogeait à la conception dominante au sein du mouvement gay, selon laquelle la sexualité était innée.

Par exemple, à la fin des années 80 en Grande-Bretagne, lors de la campagne menée contre la clause 28 du Décret de gouvernement local (qui interdisait aux autorités locales de « promouvoir » à l’école l’homosexualité et les « fausses » familles, c.-à-d. celles qui étaient homoparentales), l’argument principal utilisé par le mouvement gay était que l’on ne pouvait rendre quelqu’un gay, que les gays ne constituaient que 10% de la population, que l’on naissait gay, et que ce groupe ne représentait donc aucune menace pour l’ordre établi. Et nous, bien sûr, en tant que féministes, nous soutenions le contraire, nous disions que l’on pouvait en fait changer sa sexualité, et nous essayions bel et bien d’être une menace pour l’ordre établi.

L’épidémie du sida politisa beaucoup d’hommes gays autour de la sexualité, dans une défense de leur liberté sexuelle individuelle contre la politique répressive de l’extrême-droite. Mais en appelant une fois de plus à la tolérance de la part du monde hétérosexuel, et en réclamant l’accès aux privilèges des hétérosexuels (partenariats civiques, etc.) – ce qui s’avéra une stratégie efficace pour l’atteinte de ces objectifs, précisément parce qu’ils ne semblaient pas menacer l’ordre établi – il se peut que ce mouvement ait ouvert la voie à une politique qui non seulement remettait en question les conduites hétéronormatives, mais cherchait à créer un espace pour toutes les victimes du genre expulsées du système binaire de genre et d’une conception binaire parallèle de la sexualité. On peut répondre à cela que le féminisme semblait précisément ouvrir la voie à une telle politique et à un tel espace ; voilà pourquoi il est important de nous pencher sur les différences entre le féminisme et le mouvement queer.

Ce que le féminisme radical a en commun avec le mouvement queer :

. Une intelligence du fait que le genre et la sexualité sont construits socialement.

. Une reconnaissance du fait que les rôles binaires de genre sont oppressifs.

. Une intelligence du fait que les rôles de genre sont produits par une performance et sont confirmés par leur constante remise en scène.

. Un engagement à remettre en question les postulats et pratiques hétéronormatives.

Les différences entre le féminisme radical et le mouvement queer sont les suivantes.

Le féminisme radical

Le féminisme radical est une analyse matérialiste qui soutient que le genre n’est pas produit seulement par du discours et de la performance, mais que c’est un système dans lequel un genre (le masculin) possède le pouvoir économique et politique et l’autre (le féminin) ne l’a pas – et un système où le groupe dominant a intérêt à préserver cet état de fait.

Le féminisme radical inclut une reconnaissance du fait que l’on ne peut pas produire (ou remettre en question) le système de genre seulement par le discours ou la performance individuelle – du fait d’adopter certains vêtements, un certain langage, ou même par des changements anatomiques. En dehors de certains contextes limités, la culture dominante interprètera toujours ces gestes à la lumière des codes sociaux dominants, et elle cherchera à vous classer dans la catégorie homme ou femme. (Autrement dit, dans le métro, au supermarché ou au travail, ces gestes individuels ou énoncés performatifs seront inintelligibles et tout à fait inefficaces comme contestation du système de genre.)

Judith Butler soutient que le féminisme, en affirmant que les femmes constituent un groupe ayant des caractéristiques et des intérêts communs, a renforcé la conception binaire du genre, où les genres masculin et féminin sont construits sur des corps masculins et féminins.

Les féministes disent en effet que les femmes ont un intérêt politique commun (plutôt que de simplement présenter des caractéristiques communes). Elles disent que les femmes souffrent d’une oppression commune (qu’elles vivent de différentes manières liées à d’autres formes de relations de pouvoir, dont la race et la classe), et que le corps des femmes est le lieu d’une bonne part de cette oppression. Mais ceci n’implique en rien que la catégorie femmes soit une catégorie indifférenciée. C’est simplement soutenir que, tant que les femmes sont opprimées en tant que femmes, elles ont besoin d’une identité politique commune, afin de se mobiliser efficacement en résistance à cette oppression.

Le féminisme radical a pour projet de transformer le système de genre et de contester l’oppression sous toutes ses formes. Ainsi nous n’attendons rien de l’idée d’être des hors-la-loi, idée qui découle d’une conception romantique de l’oppression. Par ailleurs, se sentir opprimé-e n’est pas la même chose qu’être opprimé-e. Pour célébrer son identité en tant que hors-la-loi, on doit tirer quelque chose du système qui fait de soi un-e hors-la-loi.

Le queer

Le mouvement queer me semble fédérer les parias les plus extrêmes du système de genre et inventer un parapluie recouvrant, d’une part, les personnes qui sont des hors-la-loi involontaires (venues généralement des catégories les plus pauvres et les plus aliénées de la société, sans couche de protection contre les préjugés sociétaux, et donc marginalisées sans l’avoir choisi) et, d’autre part, les personnes pour qui jouer à être des hors-la-loi est un exercice intellectuel pour privilégié-e-s plutôt qu’une dure réalité vécue.

Le queer regroupe, selon sa propre définition, tout ce qui dévie de la normale, du légitime, du dominant. Donc, le queer se démarque « non par une positivité, mais par une positionnalité en regard du normatif ». (3) Il s’ensuit que le mouvement queer n’a pas de buts politiques particuliers, à part défier les discours normatifs dominants ; et si ces discours venaient à changer, les mouvements queer devraient alors changer de position, en s’opposant à quoi que ce soit qui deviendrait alors normatif. Je ne vois donc pas très bien quels sont ses buts politiques particuliers.

Le queer embrasse un large éventail d’identités et de pratiques sexuelles non normatives, dont certaines sont hétérosexuelles : « Le sadisme et le masochisme, la prostitution, l’inversion sexuelle, le transgenre, la bisexualité, l’asexualité et l’intersexualité apparaissent aux yeux des théoricien-ne-s queer comme des occasions d’analyser des différences de classes, de races et d’ethnicité, et comme des occasions de reconfigurer les conceptions du plaisir et du désir. » (4) Par exemple, Pat(rick) Califia vante la façon dont le sadomasochisme encourage la fluidité et remet en question l’aspect naturel des dichotomies binaires dans la société :

« La dynamique entre une top et une bottom est assez différente de la dynamique entre un homme et une femme, entre blancs et noirs, ou entre bourgeois et ouvriers. Ce système est injuste parce qu’il assigne des privilèges en fonction de la race, du genre et de la classe sociale. Pendant une rencontre SM, les rôles sont attribués et joués de plusieurs manières. Si vous n’aimez pas être une top ou une bottom, passez dans le camp d’en face. Essayez donc de faire ça avec votre sexe biologique, votre race ou votre statut socio-économique. » (5)
Cette opinion place ces théoricien-ne-s du queer en conflit avec la conception féministe radicale selon laquelle le sadomasochisme, la prostitution et la pornographie sont autant de pratiques oppressives.

Le féminisme radical soutient que toutes les différences de pouvoir sont sexualisées, y compris celles construites au moyen de la race et de l’ethnicité, de la classe et du handicap, et que la pornographie et l’industrie du sexe en général en sont une des manifestations les plus claires et les plus pernicieuses. La différence de pouvoir érotisée est l’essence même du porno, et elle est mise en acte sur de vrais corps et non seulement dans l’imagination du consommateur. De plus, il importe d’élucider du plaisir de qui et du désir de qui on parle, dans le contexte d’une industrie basée sur l’exploitation et sur la violence sexuelle. Le S-M a fait l’objet de beaucoup de débats houleux au sein du féminisme des années 1980, et là encore, le féminisme radical n’a rien vu de nouveau ou de radical dans le fait de recréer dans des relations non hétéronormées la dynamique de domination-subordination déjà prédominante dans l’hétérosexualité.

Tous ces phénomènes, acclamés comme anti-hétéronormatifs par le mouvement queer, sont déjà acclamés par le patriarcat, et n’ont donc rien de très révolutionnaire. Les féministes radicales cherchent non seulement à remettre en question les structures du patriarcat, mais à les démanteler, alors que le défi offert par le queer à la culture normative est une provocation, sans objectif politique de démantèlement de la norme, dont il dépend, de par sa propre définition, pour exister en tant que posture d’opposition. Il apparaît ainsi que le queer ne cherche pas à se libérer du système de la différence de genre, mais simplement à prendre des libertés avec lui.

Si l’on souhaite transformer l’appareil social qui crée la différence de genre que nous connaissons, on doit prendre en compte les structures sous-jacentes qui engendrent et soutiennent cette différence – et l’on doit chercher à éradiquer le genre lui-même.

Sans le genre, sans différentiel de pouvoir, la sexualité pourrait être simplement l’expression du désir entre sujets égaux. (Voir la citation de Su Kappeler).

Au début de cette conversation, Debbie a cité Shulamith Firestone, et il me semble donc tout à fait approprié de conclure en paraphrasant un argument clé de sa Dialectique du sexe, argument qui résume bien la vision féministe radicale du genre. La tâche intellectuelle et théorique du féminisme, dit-elle, est de comprendre le genre comme un système qui crée et maintient l’inégalité. La tâche politique du féminisme est d’éradiquer le genre.



Notes
1. David Halperin, Saint Foucault, Paris, EPEL, 2000.
2. Wikipedians, « Queer Theory », dans Critical Theory, p. 137.
3. Pat (auj. Patrick) Califia, « Féminisme et sadomasochisme », in Sexe et utopie, Paris, La Musardine, 2008.

Original : Debbie Cameron et Joan Scanlon, « Talking about gender », Trouble and Strife, 2010.
Traduction : Annick Boisset. Révision : Martin Dufresne


Source http://sisyphe.org/spip.php?article4426 et http://sisyphe.org/spip.php?article4430
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"fin de la catégorie sexe" ?

Messagede luco » 25 Oct 2015, 20:48

Un exemple supplémentaire de la fuite en avant délirante qui croit émanciper en niant le corps :

http://www.liberation.fr/debats/2015/10 ... e=Facebook

Ce dont nous avons besoin c'est de la fin des discriminations et l'égalité pour toutes et tous. Pas de la négation puritaine du réel.
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Re: Queer et trans en dégenrage au détriment du féminisme

Messagede Lila » 02 Oct 2016, 17:04

« Nous devons être plus courageuses… »

Des femmes remettent en question la notion d’« identité de genre » et le silence imposé à l’analyse féministe

27 septembre 2016, par MEGHAN MURPHY, sur FeministCurrent.com

Les femmes qui remettent en question le discours au sujet de « l’identité de genre » sont restées en grande partie isolées sur les lignes de front au cours des dix dernières années. Les féministes libérales et les progressistes ont souvent préféré la politique identitaire à l’analyse féministe, et ce dossier ne fait pas exception à la règle. Les personnes qui ne sont pas investies dans le mouvement de libération des femmes sont bien conscientes que le pouvoir qu’elles recherchent ne viendra pas d’un soutien au mouvement autonome des femmes, et la plupart d’entre elles n’ont pas pris la peine d’analyser suffisamment les racines du patriarcat pour comprendre ce contre quoi nous luttons au départ. Mais aussi, plusieurs de celles dont la politique est par ailleurs enracinée dans des principes féministes radicaux ont hésité à remettre en question publiquement le discours dogmatique sur l’identité de genre. Nous ne sommes que trop conscientes du fait qu’un refus d’accepter et de reproduire des mantras communément acceptés vous place du mauvais côté d’une nouvelle chasse aux sorcières.

Je ne vous cacherai pas avoir eu peur, pendant de nombreuses années, d’adopter une position ferme sur le discours entourant l’identité de genre et la politique trans, en dépit de mon opinion que des espaces et des organisations réservés aux femmes jouent un rôle central dans le mouvement féministe et dans le soutien aux femmes qui se remettent de violences masculines.

En fait, pendant de nombreuses années, je n’étais pas tout à fait certaine de ce qu’était ma position. Je m’inquiétais que dénoncer la naturalisation des rôles sexistes de genre, arrivée main dans la main avec le soutien de ce qu’on appelle les « droits des trans », nuirait à ma lutte contre l’industrie du sexe et la violence infligée aux femmes. Les sanctions imposées aux critiques de la politique trans comprennent la perte d’emplois, la censure et le fait d’être placée sur des listes noires, d’être physiquement et autrement menacée et attaquée par des transactivistes, et d’être socialement ostracisée – toutes choses qui empêchent des femmes de prendre la parole. (Évidemment, j’ai déjà encouru bon nombre de ces punitions, pour avoir dérogé à la ligne de parti et m’être alliée à des femmes étiquetées comme « TERF* » ou « transphobe ».)

En fait, nous en sommes arrivées à une époque où les idées féministes de base sont devenues tabou, indicibles, alors que des insultes et des calomnies antiféministes sont largement acceptées et même célébrées par des gens qui se prétendent activistes pour la justice sociale et progressistes.

Quels qu’en soient les risques, je ne peux pas, en toute bonne foi, appuyer la notion individualiste et néolibérale d’ « identité de genre», pas en tant que féministe qui comprend comment le patriarcat est apparu et continue de s’imposer ou en tant que gauchiste qui comprend le fonctionnement des systèmes de pouvoir. Je ne veux pas demeurer silencieuse face à un discours rétrograde et antiféministe : je sais que mon silence nuirait à l’autonomisation d’autres femmes à s’exprimer. Je ne veux pas abandonner mes sœurs qui ont déjà souffert énormément pour avoir pris la parole.

Au mois de juillet, une conférence organisée par Julia Long a eu lieu à Conway Hall à Londres. Elle avait pour but de contester un discours devenu incontestable. Thinking Differently : Feminists Questioning Gender Politics (Penser différemment : Des féministes remettent en question la politique du genre) a réuni des conférencières féministes comme Sheila Jeffreys, Lierre Keith, Julie Bindel, Stephanie Davies-Arai, Mary Lou Singleton, Jackie Mearns et Madeleine Berns. Elles ont décrit la chape de silence abattue sur la parole féministe à travers le Royaume-Uni (et au-delà), ainsi que l’impact du discours trans sur la lutte continue pour les droits des femmes et pour leur libération du patriarcat. Les enregistrements vidéo de ces entretiens ont été mis en ligne la semaine dernière.

Sheila Jeffreys fait valoir, dans son allocution, que « le transgenrisme est une invention socialement et politiquement construite » et que, plutôt que d’être inné, il existe en relation directe avec les contraintes du pouvoir propre à une société hétéropatriarcale.

Jeffreys relie la notion d’« identité de genre » au néolibéralisme américain en ce que c’est, bien sûr, une notion très individualiste, mais aussi par la façon dont elle est reliée au capitalisme et à la vache à lait que constitue le transgenrisme pour l’industrie pharmaceutique (Big Pharma), les thérapeutes de l’identité de genre et les cliniques et les chirurgiens esthétiques. Il semble même bizarre de discuter de l’identité de genre en dehors du contexte du capitalisme, compte tenu de la façon dont l ’« identité » et l’« expression » sont à ce point liées, dans la société contemporaine, au monde de la consommation. La féminité elle-même a été vendue aux femmes depuis des décennies d’une façon totalement sexiste, mais voilà tout à coup que l’on s’attend à ce que nous acceptions des discours comme le caractère « autonomisant » des produits cosmétiques, sous prétexte que des hommes les revendiquent comme élément de leur « expression de genre » féminisée.

En fait, Jeffreys suggère aux féministes d’abandonner entièrement le terme de « genre ». Elle dit plutôt : « Il nous faut parler de classe de sexe ou de caste de sexe », puisque (en anglais) le mot « genre » est devenu vide de sens et amalgamé avec le sexe biologique.

En tant que féministes, ce que nous faisons réellement consiste à travailler à mettre fin au genre – une chose qui a été inventée et imposée afin de naturaliser la hiérarchie des classes de sexe qui positionne les hommes comme dominants et les femmes comme subordonnées. On doit se demander à quel point il est progressiste, dans une perspective féministe, d’accepter l’idée que le genre est à la fois réel et inné – une identité avec laquelle on peut naître, puisque c’est précisément la tactique utilisée historiquement par les hommes pour défendre l’idée que les femmes ne devraient pas être autorisées à voter, à travailler à l’extérieur du foyer, ou à détenir des postes de pouvoir social. Les femmes ont été construites comme naturellement « féminines », ce qui signifiait que nous étions trop émotives, irrationnelles et faibles pour participer à la sphère publique comme le faisaient les hommes. Ceux-ci, en revanche, étaient décrits comme plus adaptés aux fonctions publiques et aux postes de pouvoir du fait d’être foncièrement autoritaires, rationnels, impassibles et robustes.

Sommes-nous, en tant que féministes (et en tant que société) vraiment à l’aise avec un tel recul, en acceptant les rôles de genre (qui existent seulement pour naturaliser et imposer le sexisme) comme innés plutôt que socialement construits?

« Cis » est un autre terme qui a été adopté par ceux qui souhaitent se voir ou se présenter comme progressistes, même s’il est rejeté par les féministes radicales. Est « cis », nous dit-on, « toute personne dont l’identité personnelle est conforme au genre qui correspond à leur sexe biologique. » Par conséquent, une « femme cis » serait une femme qui s’identifie à la féminité, ce que je ne fais certainement pas, à l’instar de beaucoup d’autres femmes. Je rejette la notion de féminité et je rejette donc l’idée que les femmes qui se voient imposée la féminité sont soit privilégiées soit naturellement enclines à leur statut subordonné. « Cis » est un terme régressif, car il laisse entendre que les femmes s’identifient en quelque sorte avec leur oppression. Néanmoins, celles qui rejettent ce terme sont qualifiées de « transphobes », – ce qui est une autre façon d’imposer le silence à l’analyse féministe, d’interdire une remise en cause générale de la politique du genre.

Comme Jeffreys, Lierre Keith relie le concept de l’identité de genre au libéralisme, en faisant valoir dans son exposé que les radicaux comprennent que « la société est organisée par des systèmes de pouvoir concrets, et non par des pensées et des idées ». Par conséquent, dit-elle, « la solution à l’oppression est de démanteler ces systèmes ». Elle souligne que le racisme a été renforcé par une propagande qui affirmait que les personnes Noires étaient naturellement inférieures, de la même façon qu’on a prétendu que les femmes et les classes inférieures avaient tout simplement des cerveaux différents (inférieurs), ce qui a eu pour effet de naturaliser les inégalités. Le genre, comme la classe et la race, n’est pas un système binaire, a ajouté Keith, mais une hiérarchie.

Keith sait aussi bien que quiconque combien il est intimidant de prendre la parole. « Ma carrière est terminée », dit-elle. « Je ne peux plus jamais parler dans les universités : même si je reçois une invitation, elle est annulée au cours des deux semaines suivantes. » Elle compare cette tendance au maccarthysme : « Le débat public est interdit : vous devez vous en tenir à une certaine ligne. »

Julie Bindel, une célèbre et prolifique journaliste féministe, a été officiellement chassée des tribunes universitaires par un syndicat britannique d’associations étudiantes, la National Union of Students (NUS). Dans son allocution, elle explique qu’une motion contre elle, enchâssée lors d’un congrès de la NUS, se lisait tout simplement : « Julie Bindel est vile. » Ses crimes incluaient un article rédigé en appui à la lutte de l’organisation Vancouver Rape Relief pour conserver le droit de définir leurs propres membres, après que Kimberly Nixon, un homme transgenre, ait tenté de poursuivre ce centre établi de soutien aux victimes de viol après qu’on lui ait refusé une formation pour devenir conseiller de victimes de viol. Cet article critiquait les stéréotypes sexistes qui semblent définir le transgenrisme. Le dénigrement de Bindel était également fondé, a-t-elle expliqué, sur un article de 2007 écrit au sujet de personnes trans qui ont été poussées à subir une « chirurgie de réassignation de genre » et ont ensuite regretté cette décision.

Beaucoup de femmes ont eu peur d’appuyer Bindel à l’époque, et certaines féministes lui disent encore ne pas pouvoir l’inscrire au programme de leurs conférences par crainte de voir l’événement annulé par les locateurs. « Cela n’est pas la façon dont nous devrions faire du féminisme », dit-elle. « Nous abandonnons des jeunes universitaires qui veulent désespérément s’afficher comme féministes radicales et en sont empêchées. » Malgré ce que pensent beaucoup de gens, cette censure de l’analyse n’est pas un soutien à des personnes marginalisées; c’est une façon de détruire le féminisme.

On a essentiellement vu un travail de critique politique être étiqueté comme « phobie », pour repousser une analyse féministe de la domination masculine et du pouvoir systémique dans la catégorie de « bigoterie », afin d’en justifier la censure. Et cela arrive spécifiquement aux féministes radicales qui, explique Bindel, refusent de « capituler face à la politique identitaire qui se contente du libéralisme ou du « féminisme fun ». Pendant ce temps, des misogynes et des pornographes sont autorisés à plastronner sur les campus sans la moindre protestation.

Paradoxalement, ce sont les étudiants universitaires qui semblent mener cette charge, en imposant le silence aux étudiantes féministes radicales et en interdisant les campus aux femmes qui osent contester la doctrine libérale. (C’est une dynamique que décrit Magdalen Berns dans son exposé, après avoir été chassée, au cours de sa dernière année d’études, de presque tous les groupes de femmes et de personnes LGTB de sa propre université. Cet établissement a apparemment imposé un trigger warning (mention d’avertissement) au féminisme radical lui-même. J’écris « paradoxalement » parce que, de tous les lieux, les campus universitaires devraient être l’endroit où encourager de tels échanges, puisque l’enseignement supérieur est le lieu où étudier des idées et apprendre à penser de façon critique.

Il est temps de mettre nos peurs de côté. Voici ce que j’ai appris sur le féminisme (le vrai féminisme – pas le libéralisme, pas la politique queer, pas la rhétorique procapitaliste centrée sur des sentiments personnels d’« autonomisation ») : Peu importe ce que nous faisons ou disons, nous sommes toujours, en tant que féministes radicales, persécutées, diffamées et censurées. Cela se produit parce que nous nous tenons debout pour les femmes, nous tenons les hommes responsables, et nous critiquons le patriarcat sans ambages. On nous agonise d’insultes comme « SWERF* », « TERF », putophobes », « femmephobes », « transphobes », « antisexe », « prudes moralisatrices », et autres noms d’oiseaux. On ne le fait pas parce que nous sommes terrifiées des personnes trans, des femmes prostituées et de la sexualité, ou parce que notre politique est centrée sur l’« exclusion » de personnes données (à moins, bien sûr, ces individus soient antiféministes – alors oui, vous vous sentirez probablement « exclus » par le féminisme), mais parce que ces termes et ces insultes ont pour effet de nous censurer et de nous exclure. Ce sont nous qui sommes chassées des tribunes et blackboulées, discréditées à la moindre occasion, au point que d’autres personnes n’osent pas s’associer avec nous, nous soutenir, ou partager quoi que ce soit de notre travail (quel que soit son contenu), de peur d’être mises dans le même panier.

C’est une stratégie utilisée pour maintenir les autres femmes dans la peur et le silence, et ça marche.

Nous perdons le droit de parler de notre corps, comme le souligne Berns. Les femmes ont des droits qui sont directement liés à la compréhension que nous avons été opprimées, historiquement, parce que nous sommes nées de sexe féminin. Le patriarcat existe uniquement parce qu’il y a environ 6000 ans, les hommes ont cherché un moyen de contrôler la capacité de reproduction des femmes. Le « genre» a pris forme pour que les hommes puissent revendiquer la propriété du corps des femmes et présenter leur domination comme naturelle. Les féministes ont dû se battre pour les droits des , au nom du fait que les femmes n’étaient pas inférieures et qu’elles avaient besoin d’une protection spéciale, non pas à cause de leurs sentiments personnels ou d’une quelconque « identité de genre », mais à cause de leur biologie et d’une discrimination liée à la biologie. « Vous pouvez être inquiète de perdre votre travail ou vos amies, mais vos droits sont plus importants que toute autre chose », conclut Berns.

J’en suis arrivée à la conclusion qu’il n’y a rien à gagner à vivre dans la peur d’être étiquetée de ces façons, au moyen d’acronymes haineux ou d’allégations de « phobies » diverses. Il n’y a rien de plus là que des tactiques visant à nous diviser pour régner. On ne peut échapper à ces chasses aux sorcières, à moins d’être prêtes à mentir ou à nous taire, ce qui constitue une sentence bien pire que le fait d’être diffamée, ciblée, et qualifiée de noms absurdes par des antiféministes.

Je ne veux plus jamais consacrer le moindre effort à rester à l’abri de ces insultes parce que, ce faisant, elles atteignent leur objectif. Je suis solidaire de mes sœurs qui prennent la parole et continuent à le faire malgré les attaques et les censures dirigées contre elles.

Vous pouvez nous appeler ce que vous voulez, parce que nous savons ce que vous voulez vraiment dire: « Nous sommes féministes, pas du genre fun. »

Les antiféministes gagnent et continueront à gagner tant que nous demeurerons silencieuses. Ces personnes continueront à se dire « féministes » tout en diffamant et calomniant des femmes du mouvement. Des hommes de gauche continueront à nous balancer fièrement des accusations d’antiféminisme et à censurer notre travail, réconfortés par le soutien et le silence de ces « activistes queer », « activistes du travail du sexe » et féministes libérales – des gens qui se sont révélés des traîtres à la cause des femmes et dont la politique consiste à inventer de nouveaux mots pour déguiser la domination masculine et la violence contre les femmes. À nous de prendre la parole et d’être solidaires de nos sœurs, en dépit des répercussions.

Bindel conclut en disant :

« Il nous faut être plus courageuses… Celles d’entre nous qui sont un peu plus âgées et qui ont été dans le féminisme plus longtemps ont une dette à l’égard des féministes plus récentes et plus jeunes. Parce que comment diable pouvons-nous espérer qu’elles s’impliquent dans un mouvement dynamique et cohérent si elles sont terrifiées à l’idée d’être jetées hors de leurs groupes d’amitié et de leurs propres communautés?

… S’il vous plaît, ne capitulons plus. Je comprends à quel point cela nous fait peur.

Il y a encore des féministes qui me disent : « Je ne peux pas vous intégrer à notre programme, je ne peux pas vous demander de prendre la parole au sujet de cela, je ne peux pas inclure votre nom parce qu’ils vont nous tomber dessus.

Eh bien qu’ils essaient de nous tomber dessus – parce que nous les attendons de pied ferme. »

Je suis à tes côtés, ma sœur.


*TERF : « Trans Exclusive Radical Feminist »; SWERF : « Sex Worker Exclusive Radical Feminist »

Version originale : http://www.feministcurrent.com/2016/09/ ... silencing/

Traduction : TRADFEM


https://tradfem.wordpress.com/2016/09/2 ... urageuses/
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Re: Queer et trans en dégenrage au détriment du féminisme

Messagede Lila » 04 Juin 2017, 17:12

Militantisme trans et féminisme radical: pierres d’achoppement, points de rapprochements

Être une femme est éminemment social. On ne peut être une femme simplement à cause d’un profond sentiment intérieur, aussi puissant, persistant et bouleversant qu’il puisse être. On peut être une personne née homme mais malheureuse, qui rejette en bloc tous les stéréotypes de genre associés à son sexe et préfère de loin ceux associés au sexe féminin (même s’il s’agit de codes subversifs comme être une femme butch). On peut vouloir « vivre comme une femme »[1] et peut-être, à force de le faire, le devenir partiellement, voire totalement, qui sait ?

Cependant, pour que des femmes, qui ont été assignées à la classe dominée et socialisées comme telles depuis leur naissance, et des personnes nées hommes, qui veulent vivre comme elles, en viennent à bâtir des solidarités, encore faut-il partir sur des bases de respect mutuel et reconnaître le vécu différencié de chacun.e.

Les féministes assignées femmes à la naissance ne sont pas heureuses d’être des femmes. Elles rejettent partiellement ou totalement les codes de conduite qui viennent, dans une société patriarcale, avec leurs organes génitaux. Sinon, elles ne seraient pas féministes. Ainsi, les appeler « cis » et leur attribuer une position dominante me semble un point de départ plutôt malheureux. On leur attribue un profond sentiment intérieur d’être « femmes » qu’elles-mêmes ne ressentent pas forcément ou, du moins, qu’elles ressentent davantage comme quelque chose imposé de l’extérieur[2].

Si l’on a été assigné homme à la naissance, il faut reconnaître que cela venait avec des privilèges, même si les codes de conduite qui y étaient attachés nous dégoutaient profondément, voire nous rendaient malheureux/malheureuse au point de commettre des tentatives de suicide. Il faut reconnaître qu’il existe des structures objectives qui, du point de vue macro, favorisent une classe (les hommes) au détriment de l’autre (les femmes). Cela ne veut absolument pas dire qu’au niveau micro, aucun homme ne pourra jamais avoir des conditions matérielles d’existence pires qu’aucune femme. Cela est très possible, tout comme certains capitalistes, propriétaires de PME, constamment sur le bord de la faillite sont probablement moins « chanceux » que certains hauts salariés qui gagnent 100 000$ dans un travail qu’ils aiment. Cela ne fait malheureusement pas moins des premiers des capitalistes; il s’agit position objective au sein d’une structure objective.

Cette position qu’on occupe au sein de la structure de classes de sexes n’est peut-être pas immuable. Cependant, si elle ne détermine certainement pas à 100% nos valeurs, nos goûts et notre personnalité, affirmer qu’elle ne nous détermine pas du tout serait tout aussi mensonger. Si l’on souhaite changer de classe et vivre comme une femme, il faut être conscient.e que l’on va vers la classe des opprimées et que, pour beaucoup des personnes qui la composent, cela n’a rien d’amusant ni de satisfaisant. Il faut reconnaître que l’on fait cela à partir de son privilège de personne assignée homme à la naissance, même si on est la personne la plus malheureuse, souffrante et discriminée de la terre.

Des personnes assignées hommes pourraient en venir à se comporter comme n’importe quelle personne socialisée femme dès la naissance, qui sait ? Mais le contraire est également possible : des personnes ayant reçu une socialisation partiellement masculine pourraient maintenir, malgré elles, certains comportement typiquement masculins et cela a été constaté à plusieurs reprises par le passé : agressions sexuelles dans des prisons, des refuges pour femmes, des vestiaires[3], menaces à teneur sexuelle sur internet, monopole de la discussion, invalidation de la parole des personnes nées femmes[4], manipulation[5], etc.

Si ces exemples ne sont pas suffisants pour condamner l’ensemble des personnes trans homme vers femme, on ne peut non plus balayer du revers de la main les inquiétudes des femmes face à la venue de personnes nées hommes (et donc avec un pénis, pour les transgenres qui choisissent de ne pas faire de chirurgie et qui ne sont donc pas transsexuels) dans leurs espaces non-mixtes. Ces femmes peuvent avoir été victimes de violence conjugale, d’agressions sexuelles, de harcèlement, etc. Elles sont elles aussi les mieux placées pour savoir ce qui est bon pour elles ! On ne peut simplement assimiler leurs préoccupations ou leurs demandes à de l’intolérance crasse sans par là même invalider leur parole.

Mais qu’est-ce qu’une femme?

L’essentialisme n’est pas de penser que si on nait avec un vagin, on est une femme. Cette affirmation n’est qu’une constatation de comment fonctionne la socialisation genrée : lorsque l’on nait avec un vagin (ou des organes génitaux mixtes qui ont été considérés comme plus près de « vagin » que de « pénis »), on nous éduque à devenir une femme. Il ne s’agit donc pas d’un déterminisme biologique. Penser, au contraire, que l’on peut naître déjà femme (que ce soit avec un vagin, un pénis ou des organes génitaux mixtes), voilà une déclaration essentialiste contre laquelle bon nombre de féministes se battent depuis plusieurs décennies. Le concept plutôt récent d’ « identité de genre » semble aussi loufoque, aux oreilles de plusieurs féministes, que les déclarations de Rachel Dolezal qui « s’identifie comme noire ». L’affirmation selon laquelle l’identité de genre existe, mais pas l’identité de race, ne repose que sur la foi des personnes qui la prononce.

Affirmer que l’on est une femme absolument indépendamment de ce que le reste de la société en pense est donc heurtant pour les féministes qui tentent au contraire de démontrer que ce qu’elles sont et ce qu’elles font n’a rien de naturel ni d’inné, mais leur est imposé socialement. Accepter que l’on puisse naître femme en dehors de toute socialisation reviendrait à piler sur les fondements de la lutte féministe. Difficile de ne pas sentir que nous revivons encore une fois la même chose : une invalidation de nos besoins et une subordination de ceux-ci aux intérêts d’autrui.

Des solidarités, oui, mais à quel prix?

Affirmer que l’identité de genre n’a absolument rien à voir avec la biologie et la socialisation qui s’en suit ne peut constituer un point de départ pour bâtir des solidarités entre la communauté trans et les féministes radicales. Toutefois, si ces dernières refusent que l’on puisse être une femme en son fort intérieur puisqu’il n’y a pas d’essence féminine, mais seulement une condition imposée par la classe des hommes, peut-être peuvent-elles admettre que toutes les personnes assignées hommes à la naissance ne sortent pas grandes gagnantes du patriarcat. C’est le cas, notamment, des homosexuels, qui ébranlent la famille hétérosexuelle comme pilier social de l’exploitation des femmes. Certains hommes seraient eux aussi opprimés par le patriarcat, pour ne pas se conformer suffisamment avec les attentes de la masculinité. L’idée n’est pas d’établir une comparaison quantitative afin de déterminer s’ils le sont plus ou moins que certaines femmes. De toutes façon, nous n’avons pas de « souffromètre » et il ne s’agit pas, non plus, d’un concours du plus souffrant. Il s’agit de différences qualitatives : ce ne sont pas les mêmes oppressions, mais elles ont probablement la même source. Ces personnes auraient elles aussi avantage à se révolter, tout comme les petits capitalistes qui en arrachent pourraient souhaiter la fin du capitalisme. Des alliances pourraient donc se former entre les différents groupes opprimés par le patriarcat. Plutôt que d’allonger à l’infini le cigle LGBTQ2 et démultiplier les carcans, peut-être que les personnes qui ont des sexualités ou des identités non conformes pourraient s’allier pour mettre fin à ces carcans. Nous pourrions alors rêver d’un avenir plus libre et plus doux, avec des gens qui aiment des gens, des gens qui s’habillent de telle façon ou qui aiment tels jouets, tels sports ou telles occupations.

Cependant, ce n’est pas aux femmes de prendre soin de l’ensemble des écorchés de la Terre, ni même du patriarcat. Aussi choquant que cela puissent sonner aux oreilles de certain.e.s, nous ne sommes pas les mères du monde et encore moins responsables de la souffrance de tous et toutes. Si certains hommes ou personnes nées hommes font les frais d’une structure qui auraient pu les servir mais à laquelle ils/elles dérogent, les femmes peuvent bâtir des solidarités avec ces personnes, mais elles n’en ont certainement pas l’obligation. Et surtout, cela ne peut pas se faire dans n’importe quelles conditions et notamment au détriment de leurs revendications. Pourquoi les autres hommes critiques du patriarcat ne font-ils pas, eux, un peu de care avec ces personnes ! Ont-ils peur de se sentir émasculés ?

Il n’y a pas, d’un côté, les « vrais hommes » et de l’autre, « le reste », ce paquet informe de gens aux conditions diverses et parfois irréconciliables. Les femmes ont le droit d’exister pour et par elles-mêmes, comme classe. C’est ce qu’on a appelé la lutte féministe.

[1] Expression reprise d’une personne trans : https://twitter.com/GenderMinefield?lang=fr

[2] Voir, à ce sujet, ce texte de la même personne trans sur son blog personnel : https://newnarratives2014.wordpress.com ... ans-women/

[3] http://nounequalrights.com/information/wp–content/uploads/2014/05/The–Threat–to–Women–and–Girls–Illustrated-1.pdf

[4] https://terfisaslur.com/

[5] https://4thwavenow.com/2016/04/27/shrinking–to–survive–a–former–trans–man–reports–on–life–inside–queer–youth–culture/


https://replikradicale.wordpress.com/20 ... ochements/
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Re: Queer et trans en dégenrage au détriment du féminisme

Messagede Lila » 04 Fév 2018, 21:23

T. M. MURRAY : Le détournement du concept de genre – Un regard féministe sur le transgenrisme

Le genre a déjà été un concept formidable. Des féministes audacieuses comme Simone de Beauvoir l’ont utilisé pour distinguer ce qu’il y a entre nos jambes (le sexe) de ce qu’il y a entre nos oreilles (le genre). Vous naissez avec le premier ; l’autre vous est enseigné. Ce qui est inséré entre vos oreilles y arrive par l’endoctrinement culturel patriarcal.

Quand les femmes ont essayé de se frayer un chemin dans des rôles ou des postes qui étaient le territoire des hommes, les propagandistes du patriarcat ont eu recours à l’argument de la « nature » pour défendre et renforcer ce système. Cette tactique a fonctionné parce que le paysage culturel était tellement saturé de stéréotypes que ceux-ci semblaient presque « naturels ». L’on a même produit une théorie du déterminisme biologique pour expliquer en quoi le patriarcat n’était pas un enjeu politique, mais une « nécessité biologique ». Des sociobiologistes comme Edward O. Wilson ont prétendu que le patriarcat persistait parce que notre culture était ancrée dans nos gènes.

Cette approche n’avait rien de nouveau. Freud avait, pour sa part, ancré la culture patriarcale dans le pénis et le vagin (mais surtout le tout-puissant pénis). Quant aux traditionalistes chrétiens, ils avaient toujours lié les arrangements sociaux patriarcaux aux fonctions reproductives assignées aux femmes dans le récit de « la Création », définissant en conséquence les rôles sociaux des femmes en tant que mère et épouse. La transgression d’Ève et sa punition par Dieu ont encore renforcé la relation d’asservissement de la femme à son mari. À cela, Saint Paul a ajouté un soupçon d’autorité dans le Nouveau Testament, en déclarant que les femmes devaient « être soumises à leur mari » comme au Seigneur. L’institution sacrée du mariage était une invention humaine, mais on a affirmé qu’elle reflétait les intentions de « Dieu ».

Certaines féministes obstinées ont refusé d’accepter cette sorte de « naturalisation » du patriarcat et de son corollaire, le déterminisme biologique. Elles ont plutôt trouvé l’explication de la domination masculine dans les institutions sociales, culturelles, théologiques, universitaires et économiques. Les existentialistes comme Beauvoir répugnaient à accepter les explications du comportement humain comme déterminé par quelque « essence » fixe. Beauvoir et son compagnon de toujours, Jean-Paul Sartre, insistaient sur le fait que le caractère était formé par chaque individu en réponse à ses circonstances, à travers ses choix libres. Nous nous trouvons jeté·e·s en ce monde, in situ, aux prises avec notre libre arbitre, et nos choix doivent être effectués selon un contexte de faits que nous ne pouvons pas changer, comme le sexe biologique dans lequel nous sommes nés. Mais ce que nous « faisons » de ces conditions dépend de nous. S’il est clair que seules les femmes peuvent porter des enfants, les incidences de ce fait sont tout à fait indéterminées, et la division sociale actuelle du travail n’est que l’un des multiples arrangements sociaux qui sont à notre disposition.

Tout comme les premières féministes, on a vu par le passé les gais, les lesbiennes et les bisexuel·le·s transgresser les stéréotypes de genre que la culture leur avait dictés. Conformément à des mythes hétérosexistes normatifs et largement répandus, ces personnes étaient étiquetées « butch », « pédés », « gouines » et « folles », épithètes destinées à stigmatiser quiconque refusait de se comporter et de s’habiller selon les rôles de genre sexistes et hétérosexistes qui leur avaient été inculqués. C’est dans ce contexte que des « pédés » et des « gouines » ont choisi de se réapproprier ces qualificatifs désobligeants, de les assumer et de les brandir comme un miroir au visage de fabricants de mythes culturels hostiles et intolérants à toute dissidence.

En transformant les normes de genre en une forme de théâtre, des artistes travesti·e·s ont montré que l’on pouvait adopter et imiter les rôles de genre, quels que soient nos organes génitaux, dévoilant ainsi le fait que le genre n’est pas naturel, mais un jeu de rôles conventionnel (Paix à Judith Butler). Les queers incarnaient l’incapacité du genre à coller à de vraies personnes. Tout cela était progressiste, car cette stratégie mettait à nu la fiction sexuellement conservatrice selon laquelle tous les hommes ont en commun des attributs de personnalité hétérosexuels différents de ceux de toutes les femmes, et vice-versa.

Dans la foulée immédiate des féministes, les queers ont alors commencé à souligner qu’un des principaux mythes sociaux au sujet de ce que ressentent les « garçons » et les « filles » en tant que tel·le·s était l’idée qu’ils et elles se sentent tous attirés par le sexe opposé. Une grande partie des impératifs du genre est basée sur l’hétérosexisme et sur le « jeu de rôles » hétérosexuel. Les rôles sociaux masculins ou féminins normatifs (c’est-à-dire le genre) deviennent ritualisés comme cadre d’une fétichisation et d’une érotisation de la différence sexuelle dans la culture chrétienne occidentale. Exagérer les différences entre les hommes et les femmes, mythifier le sexe opposé et rendre tabous les actes sexuels ne fait qu’exacerber l’excitation de pénétrer les mystères de « l’autre » et de surmonter tout obstacle à la satisfaction sexuelle. Le fait de présupposer une hétérosexualité humaine innée a facilité la séparation forcée des êtres humains en deux types opposés, attirés l’un par l’autre. Tout comme les féministes avaient rejeté une définition de « la femme » en tant que reflet inversé de l’idéal masculin, les homosexuel·le·s ont refusé de se considérer comme des hétérosexuel·le·s défectueux ou désordonnés.

la suite : https://tradfem.wordpress.com/2018/01/1 ... sgenrisme/
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Re: Queer et trans en dégenrage au détriment du féminisme

Messagede Lila » 19 Juil 2018, 17:24

Olivia Broustra : Le nombrilisme trans – pourquoi des allié-e-s deviennent des TERFS

Bien joué.

Vous avez amené un transfemme à être considéré comme suffisamment femme pour être admis dans une prison pour femmes. Vous avez mis un violeur dans une prison de femmes, et vous avez rendu ça acceptable. Vous avez laissé des femmes se faire harceler par un violeur jusqu’à… Vous avez rendu ça acceptable. Parce que la validation de la personne trans comptait plus.

Bien joué.

Vous avez fait expulser deux femmes d’un refuge pour femmes. Sous prétexte qu’elles s’inquiétaient de la présence dans leur espace sécurisé d’un mâle intact (avec pénis et testicules). Parce que les sentiments de la personne trans avaient plus d’importance.

Bien joué.

Vous avez rendu « cool » le fait de menacer des femmes de violences. À partir du moment où vous la traitiez de « TERF », c’était normal. Elle le méritait. Une sale transphobe mérite d’être attaquée, n’est-ce pas? Il est acceptable de battre des femmes à coups de poing lors de manifestations puisque c’étaient des TERFS…

Bien joué.

Vous tyrannisez les gens qui ne veulent pas baiser avec vous. Vous les qualifiez de transphobes. Parce que votre validation a plus d’importance.

Vous avez créé de nouvelles lois qui permettent à n’importe quel homme d’accéder aux espaces réservés aux femmes. Dès que cet homme déclare : « Je suis une femme », il est cru et admis. Ainsi, les espaces féminins, créés pour des raisons de sécurité, deviennent maintenant votre territoire. Parce que les personnes trans ont plus d’importance.

Bien joué.

Vous imposez par vos menaces l’utilisation d’un « langage inclusif » et avez intimidé celles qui utilisent encore les mots mutilations génitales féminines, femmes enceintes, et qui osent parler de vagins. Vous avez convaincu le monde que parler de l’anatomie féminine n’est pas inclusif, mais relève du sectarisme.

Bien joué.

Vous avez convaincu le monde que les transfemmes sont davantage autorisés que les femmes elles-mêmes à parler des droits des femmes, à participer aux sports féminins et à occuper des postes de femmes en politique.

Vous avez convaincu le monde que des hommes sont des femmes. Et vous avez sacrifié des femmes dans ce processus.

Parce que vous souffrez d’une vision narcissique, égocentrique et misogyne selon laquelle vous êtes les plus importants, vous méritez plus.

Vous ne vous êtes pas battus pour des espaces trans. Vous vous êtes battus pour prendre ceux des femmes. Et vous avez piétiné des femmes en le faisant.

Vous n’avez pas dit « je suis trans et c’est entendu, maintenant luttons ensemble contre la violence masculine ». Vous avez exigé qu’on vous appelle femmes, réclamé qu’on vous accepte au sein de l’identité féminine et menacé celles qui n’étaient pas d’accord.

Vous exigez plutôt que le monde se mette à vos pieds. Vous exigez que le monde vénère vos besoins en les plaçant au-dessus de tous les autres. Surtout ceux des femmes.

Quand nous demandons ce qu’est être une femme, vous dites « un sentiment ». Alors qu’une femme est avant tout un être adulte de sexe féminin.

Vous qualifiez les vagins de « trous avant » pour réserver le mot vagin à des pénis chirurgicalement modifiés et retournés. Parce que vous avez besoin d’être plus femme que la femme malgré le fait que vous ne pourrez jamais être femme, selon la définition même d’une femme.

Mais ce qui est marrant, c’est que votre nombrilisme sera votre perdition.

J’étais prête à me battre pour votre droit à des espaces trans. J’étais prête à vous soutenir quand vous pestiez d’avoir moins de choix de rencontres. Prête à dire de vous « elle » si cela vous faisait vous sentir mieux. Prête à me battre pour votre droit à des soins de santé et au respect. Prête à lutter contre les stéréotypes de genre et la violence masculine qu’on vous infligeait. J’étais prête à être votre alliée. Beaucoup de femmes ressentaient la même chose. Beaucoup de celles que vous qualifiez de « terfs » ont d’abord été vos alliées.

Mais ensuite vous avez dit « Non. Je ne veux pas d’espaces trans, je veux le vôtre. Je veux votre vagin, vos espaces de femmes, je veux que vous arrêtiez d’utiliser vos mots, je veux que vous arrêtiez de parler de votre corps, je veux vous détruire dans vos sports, prendre vos places dans les fonctions publiques, les écoles et les organisations. JE VEUX VOTRE CONDITION DE FEMME. » Et vous vous attendiez à ce que j’obéisse. À ce que je vous cède tout ça. Et vous avez convaincu beaucoup de gens de faire précisément cela.

Mais les femmes se disent la vérité en coulisses. Vous ne pouvez jamais changer de sexe. Vous pouvez mimer les stéréotypes féminins, vous pouvez imiter notre apparence physique, mais compte tenu de l’utérus, de l’ovule, du col de l’utérus, du clitoris et du plancher pelvien, c’est une imitation assez pauvre. Vous pouvez « féminiser » votre visage – bien que pour une femme androgyne comme moi ce soit un peu offensant – prendre des cours de voix et de démarche, mais vous ne pourrez jamais vivre l’expérience d’être née femme. Vous ne pourrez jamais transformer un homme en une femme donc, en vérité, parler de changement de sexe est un abus de langage. Vous ne pouvez jamais vivre le fait d’être née femme.

Et cela aurait dû aller de soi pour vous. Il n’y a rien de mal à admettre que vous n’êtes pas du sexe opposé. Il n’y a rien de mal à être dysphorique et à admettre que vous êtes trans. Il n’y a rien de mal à ne pas être à l’aise avec votre sexe natal. Vous pouvez avoir une réalité particulière, unique. Et en effet, si vous regardez les centaines de façons dont les personnes trans expriment leur personnalité, chaque personne trans est unique. Mais toutes les personnes trans sont trans. Pourtant vous avez décidé que ce n’était pas un enjeu suffisant pour votre lutte. Ce n’était pas suffisant de vous battre pour votre identité exceptionnelle. En tout cas, ce n’était pas suffisant pour les transactivistes masculins qui sont devenus la partie la plus bruyante et la plus agitée du mouvement. Au lieu de cela, vous avez maintenant l’impression de devoir embrigader le reste du monde dans une validation de votre dysphorie. Mais écoutez:

Nous ne disons pas aux anorexiques que leur dysmorphie corporelle est justifiée et qu’ils ou elles sont obèses.

Nous n’avons pas transformé toutes les cabines de toilettes publiques du monde en cabines accessibles aux personnes handicapées.

Nous ne forçons pas les gens à baiser avec des Incels.

Nous n’avons pas interdit entièrement les arachides quand beaucoup de gens y sont devenus mortellement allergiques.

Nous n’avons pas permis à Rachel Dolezal de se prétendre transraciale.

Et nous ne devrions pas avoir à sacrifier les besoins et les enjeux et les préoccupations et les espaces de 50% de la population pour votre minuscule groupe indéfinissable.

La plupart des gens qui ne correspondent pas aux normes trouvent des moyens de faire face, ils créent des groupes de soutien pour eux-mêmes, des espaces pour eux-mêmes. Parce que la plupart des gens comprennent que la vie ne sera pas équitable pour tout le monde, qu’elle ne se pliera pas aux besoins de tout le monde. Plus vous vous battez pour détruire le droit des femmes à leur identité, plus vous vous créez d’adversaires.

Vous avez réussi à vous mettre à dos les lesbiennes et les hommes hétéros en leur disant qu’il était transphobe de ne pas vouloir de votre « bite de femme ».

Vous avez réussi à vous mettre à dos les femmes en essayant de prétendre à la condition féminine et de détruire nos espaces remportés de haute lutte, en condamnant notre besoin de sécurité comme de la « haine ».

Vous vous êtes mis à dos des parents en essayant de les convaincre que leur enfant non conformiste était trans et qu’il fallait bloquer médicalement sa puberté, ce qui peut laisser les enfants sous-développés et stériles. Tchao les petits-enfants et même parfois les vies sexuelles.

Bref, vous avez retourné contre vous vos propres allié-e-s en devenant hostiles face aux moindres questions.

Vous avez rassemblé contre vous des femmes de couleur, des femmes blanches, des hommes, des conservateurs, des progressistes, des modérés, des lesbiennes, des gays , et même des personnes trans revenues de leur transition.

Vraiment bien joué.

P.S. Rien n’est plus redoutable que la fureur d’une femme rejetée.

*NDT : TERF : Expression péjorative correspondant à Trans-Exclusive Radical Feminist, appliquée indistinctement à toute personne critique de l’idéologie genriste.


https://tradfem.wordpress.com/2018/06/0 ... des-terfs/
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Re: Queer et trans en dégenrage au détriment du féminisme

Messagede Lila » 26 Aoû 2018, 15:15

Allocution de la philosophe Kathleen Stock à Brighton

La philosophe britannique Kathleen Stock s’est adressée il y a quelques jours à un auditoire réuni à Brighton par l’organisation féministe A Woman’s Place UK pour discuter des droits des femmes et des transfemmes. Elle nous a accordé la permission de traduire et afficher les Notes préparatoires à ses propos, qualifiés d’inacceptables par un lobby qui a cherché à empêcher par des pressions et du piquetage la tenue de cette conférence. Jugez-en, et veuillez diffuser ce texte dans votre réseau si vous en aimez la qualité.

La vidéo de cette conférence est maintenant en ligne: https://www.youtube.com/watch?time_cont ... g4_E6Y4POc

On trouvera plus bas une entrevue de Mme Stock accordée à un journal local.

Bonjour à toutes et à tous.

Je suis universitaire à l’Université du Sussex, au département de philosophie.

L’un de nos domaines est celui de la philosophie politique, le fait de discuter de ce qui est juste ou injuste dans les conventions sociales et politiques, y compris les lois. Avoir des opinions, mais aussi soutenir ces opinions avec des arguments rationnels.

Au cours des derniers mois, j’ai décidé de faire un peu de philosophie politique publique. J’ai commencé à écrire sur les problèmes que posent des changements proposés à la Loi sur la reconnaissance de l’identité sexuelle, et sur leur interaction avec la Loi sur les égalités.

J’ai affiché une série d’essais sur la plate-forme Medium, qui se trouve facilement en cherchant mon nom et le mot « Medium », ou en cliquant sur le tweet épinglé en haut de mon fil Twitter. J’ai aussi écrit un certain nombre de textes pour le journal The Economist, qui sont aussi épinglés sur mes pages Internet.

J’énonce clairement dans mes écrits que j’appuie entièrement les droits des personnes trans à vivre sans subir de violence, de discrimination ou de haine.

Je tiens également à faire la distinction entre les transactivistes et les personnes transgenres.

Par « transactivistes », je désigne des organisations comme Stonewall, Gendered Intelligence, etc., qui sont socialement très visibles, politiquement puissantes et ont beaucoup d’argent. Elles ont un message politique central, assez simpliste. Elles promeuvent agressivement le mantra « les transfemmes sont des femmes », qui signifie apparemment pour elles « littéralement des femmes, dans tous les sens possibles », et elles sont partisanes du critère d’auto-identification. Il est important de noter que ce ne sont pas toutes les personnes trans qui sont d’accord avec ces organisations ou considèrent qu’elles parlent en leur nom.

Un des thèmes de mes écrits concerne les conflits d’intérêts possibles entre deux groupes, dans une société qui est déjà sexiste :
•d’une part, les femmes biologiques, en tant que catégorie de personnes
•de l’autre, les transfemmes auto-identifiées.

Des conflits d’intérêts se produisent entre des groupes lorsqu’on accorde à un groupe quelque chose qui enlèverait quelque chose d’important à un autre. De tels conflits sont une caractéristique standard de la vie sociale et politique : pour prendre un autre exemple familier, les groupes religieux d’une société peuvent être en conflit d’intérêts avec des groupes laïques.

Les transactivistes voudraient vous amener à croire qu’il n’y a pas de conséquences importantes ou de conflits d’intérêts pour les femmes biologiques si les transfemmes auto-identifiées sont acceptées comme des femmes au sens propre dans tous les contextes possibles. Je ne crois pas que ce soit vrai.

Je pense qu’il existe certaines autorisations, protections et ressources qui, si elles sont accordées aux transfemmes sur une simple autodéclaration, enlèvent quelque chose aux femmes biologiques ; et, en raison du sexisme, elles enlèvent en fait des choses qui sont DÉJÀ déficientes.

Par exemple :

– Prenons la sécurité des femmes concernant la violence sexuelle (qui est déjà déficiente) ; si les espaces non mixtes réservés aux femmes, des endroits où elles se déshabillent ou dorment, se trouvent à être réduits ou même supprimés, cela risque de réduire la sécurité des femmes biologiques, qui ont besoin de ces espaces pour protéger leur sécurité et leur intimité.

– Ou prenons la représentation politique des femmes (encore une fois déjà déficiente) : si les listes restreintes réservées aux femmes pour des postes de députés sont ouvertes aux transfemmes, comme elles l’ont été au Parti travailliste, alors cela réduit les possibilités déjà limitées de représentation politique des femmes.

On peut faire le même type d’observations au sujet du sport féminin ou de la représentation féminine dans les médias.

Si les ressources dans un domaine particulier souffrent déjà de lacunes, en raison d’une société sexiste, leur ouverture aux transfemmes les rendent encore plus limitées.

Si les transfemmes sont littéralement des femmes, non seulement au plan juridique, mais de toutes les autres façons – et plus encore, s’il suffit de s’auto-identifier pour devenir des femmes au sens propre – alors cela ne fait rien de moins que forcer la société à une refonte complète de la catégorie des femmes ; et cela a pour les femmes biologiques toutes sortes d’effets matériels, qui nécessitent une analyse attentive.

Alors voilà le genre de choses à propos desquelles j’écris. Mais ce dont je veux surtout parler ce soir, c’est d’un problème qui explique en partie pourquoi les choses que je viens de décrire échappent à une discussion conséquente.

Il s’agit du silence relatif des universitaires qui voudraient critiquer les récits mis en avant par les transactivistes.

Pour vous donner une idée de la façon dont ce silence a lieu, je vais vous parler brièvement des réactions suscitées par mon travail : gardez à l’esprit que j’ai seulement commencé à écrire à ce sujet il y a 10 semaines. Ces réactions ont pris diverses formes.

Une d’entre elles consiste en des réactions publiques colériques et agressives de la part de collègues universitaires ; par exemple :

On m’accuse de causer du tort et même des violences aux trans par mes écrits, malgré que je réaffirme constamment le droit de toutes les personnes trans à vivre sans subir de violence et de discrimination.

On me dit que j’essaie de susciter une « panique morale » à propos des transfemmes, même si je répète constamment que je ne crois PAS qu’il s’agit d’un groupe particulièrement dangereux ; je rappelle simplement que ces personnes sont de sexe masculin, et que les hommes biologiques ont en général des comportements violents envers les femmes.

On me dit que je « débats de l’existence même des personnes transgenres ». Ce n’est pas du tout ce que je fais. Je discute d’un changement proposé à la loi pour faciliter l’obtention d’un certificat de reconnaissance d’identité sexuelle. Je ne sous-entends pas qu’il faille se débarrasser complètement de la loi existante.

On me reproche de ne pas être « gentille » ou « inclusive » (il s’agit, bien sûr, de stéréotypes sexistes, et les gens me font ces critiques parce qu’ils supposent que je suis la femme aimable qui culpabilisera de ne pas être considérée comme gentille).

On me dit que je joue à « des jeux intellectuels » avec la vie des gens. (Croyez-moi : je ne suis pas le genre de personne qui affronterait toute cette hostilité pour m’amuser. Je ne suis pas une psychopathe ! Je fais cela parce que je crois que c’est très important.)

Alors voilà le genre de réactions auxquelles j’ai eu droit. Cela dit, la critique des positions de chacun est absolument normale pour les philosophes. Mais ces réactions ne ressemblent pas à la critique universitaire normale. Elles portent surtout sur ma personnalité ou les motivations qu’on me prête ; on ne s’adresse pas vraiment à mes arguments de base ou aux conflits d’intérêts dont je parle.

Plus récemment, il y a eu aussi des protestations publiques à mon sujet, par exemple sur le site Web de l’association étudiante, sur mon campus et dans la presse locale.

Je crois déceler dans tout cela certains objectifs communs :

1) m’humilier publiquement.

2) m’isoler socialement d’autres partisans de mes thèses.

Le but ultime est, bien sûr, de me convaincre de me taire.

En d’autres termes, si je généralise à partir de mon cas, l’humiliation sociale me semble être l’une des armes les plus puissantes utilisées pour bâillonner en général les universitaires qui essaient d’apporter une contribution critique sur cet enjeu.

Je crois en particulier que ce genre de réaction vise délibérément les femmes, comme moi, car on tient pour acquis que nous avons été socialisées d’une manière qui nous rend particulièrement enclines à ressentir de la honte. Les gens qui veulent que les femmes cessent de parler se servent de l’humiliation comme arme pour y parvenir. Je vois des hommes soulever certains arguments comme moi, mais ne rien subir d’équivalent comme réaction.

En tout cas, je suis heureuse de dire que cela n’a pas fonctionné : je ne ressens aucune honte de ce que j’ai écrit. Je crois qu’il s’agit de propos justes et importants. Et je suis absolument convaincue que je devrais avoir le droit de dire ces choses sans subir d’attaques personnelles et de harcèlement.

Cependant, je tiens à poser une question : quelles sont les conséquences matérielles de ce type d’environnement pour les universitaires, de façon plus générale ? Eh bien, une de ces conséquences est que ces personnes ne se sentent à l’aise de parler qu’en privé, ou parfois de façon anonyme. Si elles en parlent sur Internet, ce sera parfois sous un pseudonyme. Mais plus souvent, elles garderont le silence. Depuis que j’ai commencé tout cela, j’ai littéralement arrêté de compter les courriels que j’ai reçus de collègues qui m’assurent de leur sympathie, mais n’osent pas exprimer leurs idées publiquement.

Donc : parce que la plupart de mes collègues gardent le silence, je vais maintenant énumérer quelques domaines de recherche où la discussion, l’analyse et l’observation semblent manquer actuellement; ce qui a un grave impact sur l’état du débat public à propos du sexe et du genre.

En premier lieu : le droit.

De la part des juristes, nous avons besoin, entre autres, d’une discussion publique sur l’interaction ambiguë de la Loi sur les égalités avec la Loi sur la reconnaissance de l’identité sexuelle. Mais plus fondamentalement, nous avons besoin d’une clarification publique du fait que le droit ne peut pas changer la biologie. Vous pouvez, bien sûr, changer légalement de sexe avec un certificat de reconnaissance d’identité sexuelle, mais les législateurs n’ont jamais eu l’intention de se prononcer par là sur la biologie ou, d’ailleurs, sur la nature de la féminité non plus. À mon sens, c’est ce qu’on appelle une « fiction juridique » et c’est un terme technique : c’est-à-dire que l’intention de cette loi était que les transfemmes soient traitées comme les personnes de leur sexe de préférence pour certaines fins juridiques définies. Mais cela est complètement différent du nouveau mantra selon lequel « les transfemmes sont des femmes » dans tous les contextes possibles.

Parlons ensuite du domaine de la médecine et de la biologie.

Désormais, certaines personnes croient apparement que les transfemmes peuvent être biologiquement des femmes, du fait de prendre des hormones. En fait, être biologiquement de sexe féminin implique d’avoir des chromosomes XX, ainsi que la totalité ou une partie d’un ensemble de caractéristiques sexuelles primaires. C’est un peu plus complexe chez les personnes qui sont nées intersexuées, mais cette exception n’est aucunement pertinente pour quiconque est né de sexe biologique masculin et commence, plus tard, à prendre des hormones. Si les universitaires n’en arrivent pas à rappeler ce fait plus clairement, le public deviendra de plus en plus confus. Nous perdrons une puissante explication de l’oppression des femmes basée sur le sexe ; nous perdrons également la capacité de parler de la santé et de la reproduction des femmes, et de bien d’autres choses encore. Par exemple, j’ai vu l’autre jour un message sur Internet selon lequel les transfemmes pouvaient avoir des règles. Et ce message affichait plus de 1000 « J’aime ».

Parlons maintenant de l’histoire.

Les transactivistes ont tendance à réécrire les récits d’histoire, pour y déceler ce qu’ils appellent des personnes trans (leur priorité), alors même qu’on peut soutenir que ce concept « trans » n’a vraiment émergé que dans les années 1990. Cette année, par exemple, j’ai dû voir des centaines de fois l’affirmation qu’une « transfemme », Marsha P Johnson, avait « lancé » l’émeute de Stonewall en 1969 à New York. (Ce soulèvement a contribué à catalyser l’activisme entourant les droits des homosexuels.) Mais cette affirmation au sujet de Marsha Johnson apparaît inexacte à deux égards :
1.a) de son propre aveu, Johnson n’est arrivé sur place qu’après le début de l’émeute ; en fait, ce soulèvement a été amorcé par une lesbienne butch, Stormé Delaverie, même si on mentionne rarement son nom.

Et, fait tout aussi important :
1.b) Marsha s’identifiait comme homme gay et drag queen.

J’aurais pensé que des historiens ayant un souci de vérité voudraient s’atteler à ce problème.

Passons maintenant à la psychologie :

Dans les discussions sur les espaces non mixtes, on voit souvent des statistiques sur la vie des transfemmes utilisées pour justifier politiquement l’idée que celles-ci devraient avoir accès aux espaces réservés aux femmes. On utilise par exemple à cette fin des chiffres sur les taux de violence contre les personnes trans, les crimes haineux, les tentatives de suicide, etc.

La plupart des statistiques citées proviennent de sondages téléphoniques ou par Internet commandés par des organisations comme Stonewall. Les résultats sont ensuite interprétés dans les communiqués de presse de cette organisation et utilisés sans réserve pour étoffer des reportages ; ils sont même cités par des membres du gouvernement pour décider des politiques. J’aimerais voir un examen critique de ces statistiques et, idéalement, des études universitaires qui ne soient pas financées par des organismes communautaires ayant un intérêt direct dans leurs résultats (de la même manière que le risque de partialité est discuté ouvertement en ce qui concerne les essais de médicaments financés par des sociétés pharmaceutiques). Nous devons nous renseigner sur la vie des personnes trans, tout comme nous devons nous renseigner sur la vie des femmes, et nous avons besoin d’universitaires pour faire correctement ces observations et ces analyses.

Je vais terminer en parlant de mon propre domaine, la philosophie. Elle traite des distinctions conceptuelles et des analyses précises. Ce serait d’une grande aide pour la conversation publique si les philosophes pouvaient parler plus librement, en abordant toutes les perspectives, plutôt que de s’en tenir à une seule. En voici juste quelques exemples.

La philosophie peut nous aider à comprendre une distinction entre i) un droit fondamental des personnes et ii) un moyen de réaliser ce droit. De sorte que, pénétrer dans un espace créé pour protéger des femmes n’est pas un droit fondamental pour une transfemme. Mais c’est un droit fondamental pour les transfemmes de ne pas subir de violence. La revendication d’accès aux espaces réservés aux femmes est une proposition de solution pour réaliser le droit de ne pas subir de violence, mais ce n’est pas la seule façon d’y arriver.

La philosophie peut aussi nous aider à comprendre la différence entre ce que l’on appelle « mégenrer délibérément » une personne trans (c.-à-d. la désigner comme un homme), d’une manière insultante, et ii) parler de la réalité biologique et politique des femmes. Il faut qu’il existe un contexte dans lequel il est permis de parler des femmes, en tant que telles, sans que cela constitue une insulte pour d’autres personnes. Si on nous prive de mots pour décrire les différences entre les femmes et les transfemmes, alors nous ne pouvons plus nommer nos propres corps, nos vécus et notre oppression.

La philosophie peut aussi nous aider à examiner ce qu’est une « lesbienne ». La catégorie des lesbiennes peut-elle inclure une transfemme préopératoire, dotée d’un pénis, qui est exclusivement attirée par des femmes ? Les transactivistes répondent oui ; beaucoup de lesbiennes, y compris moi-même, répondons non – pas parce que nous sommes mesquines, mais parce que nous avons besoin d’une catégorie pour l’orientation homosexuelle entre femmes (l’attraction du même sexe). Cette catégorie a une fonction politique et conceptuelle. Si nous la rejetions, nous devrions simplement la réinventer à nouveau.

Voilà donc quelques-unes des questions d’ordre universitaire qui doivent être abordées dans ce débat.

Pourquoi faut-il que les universitaires possédant des compétences s’expriment dans ces domaines ? Je peux penser à trois raisons, et je vais terminer avec elles.

La première, au risque d’être barbante, c’est que les faits sont importants et devraient compter avant tout pour les universitaires. La vérité compte. Si la plupart des universitaires qui ont des compétences se voient réduire au silence, ou se l’imposent, nous nous retrouvons avec un récit unilatéral, sans parler d’affirmations et de théories débridées, inexactes et confuses, parce que presque personne n’est là pour les corriger. Cette situation nuit déjà aux femmes et risque même de porter éventuellement préjudice aux personnes trans. Beaucoup de trans s’inquiètent en effet de la tendance du discours dominant. Ils et elles craignent que tout cela ne se termine par une réaction violente à leur encontre.

La deuxième raison pour laquelle les universitaires doivent s’exprimer, c’est que nous devons donner l’exemple. Beaucoup de jeunes aujourd’hui – pas seulement des universitaires, mais aussi des enfants et des adolescent-e-s – fréquentent Internet. Et plusieurs éprouvent une impression d’étouffement, et même de crainte, quant à ce qu’elles et ils peuvent dire ou ne pas dire à propos des enjeux politiques et éthiques. Ces jeunes ont leurs propres opinions et leurs réflexions personnelles, mais ressentent une répression et ont peur de dire la mauvaise chose ; ils et elles sont encore plus sensibles à la culpabilisation sociale que les adultes. On voit se développer des phénomènes de comportement grégaire et de pensée unique. Si les universitaires ne font pas de leur mieux pour montrer au monde ce que peut être une discussion mesurée et nuancée sur le sexe et le genre, et comment gérer calmement les désaccords, nous échouons à nos responsabilités envers ces jeunes.

La dernière raison pour laquelle les universitaires ont besoin de s’exprimer est que, sans exagération aucune, ce climat de peur permet à des tendances fascistes de croître socialement. Le traitement que subit A Woman’s Place UK jusqu’à maintenant – le harcèlement des salles qu’elle loue et de ses sites de billetterie, la menace d’une bombe, les menaces proférées sur les médias sociaux, les manifestations parfois violentes (et même le piratage de mon compte de messagerie aujourd’hui !) – ne devraient pas se produire dans une société libre et démocratique. Des femmes qui se réunissent pour discuter de la loi et de la façon dont elle les affecte sont délibérément intimidées. Les universitaires sont censés être un élément clé de la société civile, dans un pays soi-disant démocratique, et franchement, il est temps qu’ils et elles se montrent à la hauteur de ce rôle.

Version originale : https://medium.com/@kathleenstock/notes ... b607414119


Texte intégral d’une interview accordée par Madame Stock au Brighton Argus en marge de sa conférence

1) Pourquoi est-il important de discuter des changements proposés à la Loi sur la reconnaissance de l’identité sexuelle ?

La proposition de passer à une auto-identification dans le processus légal de changement d’identité sexuelle doit être discutée, en partie à cause du problème des espaces non mixtes, où des femmes se déshabillent ou dorment. Ces espaces ont été conçus à l’origine pour protéger la dignité, l’intimité et la sécurité des femmes et des filles de sexe féminin. Des organisations telles que Youth Hostelling Scotland, Topshop, Caledonian Sleeper, Girl Guiding UK et certaines prisons pour femmes admettent déjà dans ces espaces des transfemmes qui se disent femmes. Beaucoup de transfemmes conservent les organes génitaux masculins et une attirance sexuelle envers les femmes. Si le changement d’identité sexuelle se fait par « auto-identification », cela rendra en pratique cette transition beaucoup plus facile et amènera un plus grand nombre de transfemmes dans les espaces réservés aux femmes, à moins que la loi ne les en exclue spécifiquement. Cela signifie également qu’il sera de plus en plus difficile pour les femmes d’exclure n’importe quels hommes, transgenres ou non, parce que, dans la pratique, elles pourraient ne pas être en mesure de faire la différence en se basant sur leur apparence. Cela expose les femmes à des risques face aux hommes prédateurs qui pourront vouloir profiter de cette échappatoire. Pendant ce temps, la Loi actuelle sur les égalités est source de confusion pour les gens et n’aide pas à régler ces problèmes. Je pense que tout cela devrait être discuté ouvertement, en écoutant toutes les personnes touchées, y compris les femmes.

2) Avez-vous subi un retour de bâton de la part de la communauté LGBTQ sur ce sujet ou sur tout autre problème ?

Non. J’affirme volontiers et très clairement les droits des personnes trans de vivre leur vie sans crainte, violence, harcèlement ou discrimination. Je pense que discuter des droits des femmes est compatible avec la défense de ces droits des trans.

En tant que lesbienne, je suis également préoccupée par les droits des lesbiennes. Je trouve particulièrement inquiétant le fait que l’on appelle « lesbiennes » des transfemmes, munies d’organes génitaux masculins, et ce que cela signifie pour les femmes lesbiennes. Je pense que cela aussi a besoin d’être discuté.

3) Fox Fisher [qui est transactiviste et a aussi répondu à des questions de l’Argus] croit que cette conférence a pour but de créer une panique morale, qu’il n’y a rien à résoudre ou à discuter puisque les transfemmes ne posent aucune menace pour les « femmes cis ». Qu’en pensez-vous ?

Je ne dis certainement pas que les transfemmes sont particulièrement dangereuses ; elles ne le sont définitivement pas. La plupart des personnes trans respectent la loi et ne songeraient jamais à blesser personne. Cependant, de nombreuses transfemmes demeurent des hommes ayant des organes génitaux masculins, beaucoup sont attirées sexuellement par les femmes, et ces personnes ne devraient pas avoir accès sans la moindre restriction à des endroits où les femmes se déshabillent ou dorment. Il nous faut discuter de cette question.

4) Fox estime également profondément préoccupant que l’une des enseignantes de l’Université (du Sussex) s’oppose aussi ouvertement aux droits des personnes trans et plaide contre leur inclusion, en ajoutant que « le fait de devoir assister à des cours ou travailler avec quelqu’un qui veut ouvertement vous refuser vos droits fondamentaux est incroyablement stressant et préjudiciable ». Qu’en dites-vous ?

Je soutiens les droits de trans et j’ai travaillé avec beaucoup de bonheur et de manière très productive avec des élèves trans pendant de nombreuses années. Cette question n’a rien à voir avec quelque personne transgenre particulière ; il s’agit d’un problème structurel général dans notre société et de la façon d’y faire face. Je n’enseigne pas dans ce domaine et de toute façon, je n’imposerais jamais mes opinions à des élèves dans mes cours. Je les encourage à penser par eux et elles-mêmes et à être en désaccord avec moi. La philosophie consiste à explorer et à remettre en question différents points de vue, de manière respectueuse et civile.

Version originale : https://medium.com/@kathleenstock/full- ... a23acfe92e

Traduction: TRADFEM


https://tradfem.wordpress.com/2018/07/2 ... -brighton/


Ce que je crois (et ne crois pas) à propos du sexe et du genre

Dans le cadre des discussions sur les changements proposés à la Loi britannique sur la reconnaissance de l’identité sexuelle, j’ai récemment publié un article qui appelait les universitaires à cesser de considérer la position « critique du genre » comme automatiquement « transphobe » et à accepter qu’il s’agit d’une position théorique méritant un examen respectueux, quand bien même elle se révèlerait fausse en dernière analyse. La position critique du genre soutient, à partir de son analyse des concepts de « statut de femme » (womanhood) et de « femme » (woman), que la classe des femmes est définie comme telle par l’occupation d’un rôle opprimé dans une société patriarcale. Ce rôle oppressif est théorisé comme étant basé sur certaines caractéristiques biologiques et reproductives, ou sur la perception de celles-ci à partir d’apparences externes (par exemple, chez les personnes intersexuées ayant des organes génitaux féminins externes). Plus explicitement, ce point de vue considère comme inhérent au statut de femme d’être une personne à qui on impose des préjudices sur la base d’une perception de caractéristiques biologiques. Selon ce point de vue, les femmes en tant que classe ont été historiquement violées, utilisées comme prostituées, victimes de traite, appelées à faire la majorité du travail domestique, payées moins que les hommes, considérées comme des « machines à bébés », exclues des universités, empêchées de voter, mariées dès l’enfance, soumises à la location d’utérus, et ainsi de suite, à cause de la perception qu’elles possédaient un utérus, un vagin, des ovaires et des seins, ainsi qu’une constitution « faible » et un cerveau inadéquat que l’on présumait associés à ces organes. Cette oppression fondée sur le sexe est, selon ce point de vue, ce qui les définit comme des « femmes ».

Ce point de vue semble impliquer clairement que les mâles biologiques – les êtres ayant des chromosomes XY et les organes génitaux associés aux mâles – ne peuvent généralement pas être considérés comme des femmes, puisqu’ils ne peuvent normalement pas subir ce genre d’oppression basée sur le sexe de façon systématique. Les personnes qui soutiennent ce point de vue sont des féministes radicales, dont beaucoup sont aussi socialistes, syndicalistes, marxistes, opposées aux changements climatiques et militantes antinucléaires. Dans la presse populaire, avec quelques exceptions honorables (ici et ici, par exemple), cette opinion est surtout traitée de manière réductrice comme automatiquement « transphobe », « irrespectueuse » et « agressive ».

On me demande si je soutiens cette position. Honnêtement, je peux dire que je ne sais pas encore si je l’entérine ou non. Je suis en train de l’évaluer. Je m’y occupe depuis un certain temps. Je ne ressens absolument aucune pression extérieure pour adopter un certain point de vue ; mon opinion à ce sujet est une question de conscience personnelle, comme elle l’est pour tout le monde. Dans une société libre, les gens ont le droit de soutenir cette position ou de la nier. Que je l’appuie ou non, cela ne changera absolument rien à la façon dont j’interagis avec les personnes trans. Je continuerai en toutes circonstances à les traiter avec respect et sensibilité et sans aucune discrimination.

On me demande aussi, plus généralement, ce que veut dire être une femme selon moi. Je suis assez certaine que ce n’est pas un sentiment subjectif, ou un ensemble de préférences et de comportements « féminisés ». Je n’ai pas particulièrement l’impression d’être une femme, et la plupart de mes préférences et de mes comportements ne sont absolument pas féminisés. Je suis néanmoins une femme. Pour le reste, j’y réfléchis encore. Je regrette beaucoup le caractère restreint des choix offerts par la littérature savante. Les philosophes qui, dans d’autres contextes, sont très créatifs dans leur théorisation de questions ontologiques tendent dans ce domaine à énoncer dogmatiquement des mantras plutôt simplistes, sans doute en partie par crainte des critiques. (De fait, il n’est pas clair que tout autre type d’assertion serait publiée.)

Voici une liste de choses dont je suis par contre plus certaine. Je crois que les échanges d’ordre philosophique et éthique perdent au change si on en omet des enjeux comme ceux-ci. Les propos qui suivent ne s’adressent donc pas aux personnes déjà engagées dans le débat : celles qui adoptent la position critique du genre, ou celles qui sont « pro-trans » (ce qui est déjà une fausse dichotomie, au moins sur le plan théorique). Contrairement à nous, ces personnes réfléchissent déjà à tout cela. Ces phrases s’adressent plutôt à mes collègues philosophes, dans une tentative de souligner certains éléments qui semblent évidemment pertinents à tout point de vue adopté sur l’identité sexuelle ou les questions appliquées connexes.

NOTA : Beaucoup de gens m’accuseront sans doute de « parler au nom des transfemmes » dans ce qui suit. Ce n’est pas ce que je tente de faire. J’ai tenté de relier chacune de mes assertions empiriques à une source pertinente, bien que celles-ci fassent rarement tout à fait autorité (voir ci-dessous quelques réflexions sur l’absence de données réelles). Puisqu’une partie de mon argument est que l’état actuel du débat est biaisé de manière misogyne en faveur des intérêts des transfemmes, à l’exclusion des voix des femmes non trans, j’ai eu tendance à mettre surtout l’accent sur les sources qui représentent d’abord les intérêts matériels de ce dernier groupe. Et je ne m’en excuse pas; je suis une féministe, après tout.

Ce que je crois

Voici donc les points que je souhaite faire valoir.
1.Je considère ce qui suit comme axiomatique. Les transfemmes devraient être traitées comme des femmes dans presque tous les contextes sociaux (sous réserve des précisions énoncées ci-dessous concernant les espaces réservés aux femmes et les contextes médicaux). On devrait toujours les désigner du pronom « elle » si telle est leur préférence. On ne devrait jamais se servir de leur nom pré-transition. On ne devrait jamais leur infliger d’agression physique, de moquerie, de discrimination ou de mépris. Les transfemmes adultes devraient pouvoir s’habiller à leur guise et faire de leur corps ce que bon leur semble, aux plans médical et chirurgical ou non. Il est très important, et même essentiel, d’essayer de bâtir une société qui élimine toute violence physique, toute moquerie et toute discrimination (par exemple sur le lieu de travail ou en médecine) contre les personnes trans en raison de ce qu’elles sont.
2.Il n’est pas « transphobe » d’adopter le point de vue critique du genre (encore plus clairement, il n’est pas transphobe de dire que ce point de vue doit être traité avec respect, même s’il est erroné). Qualifier cette attitude de « phobie » suggère une attitude fondée sur la peur, la haine ou le dégoût. Une « phobie » se manifeste par un comportement qui va au-delà d’une simple position théorique. En général, affirmer que quelqu’un éprouve une phobie à propos de quelque chose suggère qu’il se sent habituellement menacé par sa présence (sentiment qui se manifestera par un comportement généralisé, par exemple, la fuite ou l’expression d’une anxiété extrême en sa présence) ; ou qu’il éprouve de la haine ou du dégoût pour cette chose (qui se manifestera également dans des schémas comportementaux qui s’étendent au-delà d’un type d’expression verbale, p. ex. de la violence physique, une action motivée uniquement par le désir de nuire à l’entité en question, et ainsi de suite). Il est absolument évident que ce n’est PAS ce qui se passe quand la plupart des gens soutiennent la position critique du genre et nient l’affirmation que les transfemmes sont des femmes. Ces personnes sont irritées, c’est indéniable. Vérifiez-le vous-même, en prenant le temps de parcourir les discussions ayant lieu ici et ici. Vous lirez peut-être beaucoup d’arguments avec lesquels vous ne serez pas d’accord, mais je pense qu’il est difficile de prétendre que la seule motivation de ces personnes est la peur ou la haine. Il s’agit d’abord d’un souci en faveur des femmes biologiques et des choses qui leur arrivent (ou qui ne leur arrivent pas) sur cette base; l’affirmation que les transfemmes ne peuvent pas être des femmes n’apparaît que dans un second temps. Leur argument ne part pas d’une conclusion négative, basée sur la peur ou la haine, pour rétrograder à ce qui la justifierait.
3.Toute cette discussion est marquée par un fort courant de misogynie, qui traite automatiquement les vécus des transfemmes comme étant plus dignes d’attention que ceux de l’autre ensemble, beaucoup plus grand, de femmes matériellement affectées par l’expansion de leur catégorie juridique et politique d’appartenance. Cette tension est alimentée par les médias populaires et la presse, qui savent qu’en général, les transfemmes sont un sujet bien plus attrayant que les vieilles et ennuyeuses femmes non-trans (qui sont, après tout, tellement nombreuses, et n’ont rien d’« exotique » ou d’« intéressant »). Si, par exemple, vous lisez cet article et que vous le terminez en pensant que les problèmes sociaux et politiques que je mentionne ci-dessous au nom des femmes non trans sont des problèmes inventés pour étayer une position ; si vous pouvez ressentir une identification empathique plus facilement à l’égard des transfemmes vulnérables dans une prison pour hommes que vous ne le pouvez à l’égard des femmes vulnérables également affectées par ce nouveau paradigme culturel (en prison et ailleurs), alors, j’avance que vous êtes susceptible d’être misogyne, peu importe comment vous vous présentez au monde extérieur. C’est OK – la plupart d’entre nous le sont. C’est ce que le patriarcat a fait de nous. Mais que cela vous plaise ou non, il y a deux types d’intérêts en jeu ici, plutôt qu’un seul (il y en a même beaucoup plus que cela). Ils doivent tous être abordés avec soin et sensibilité. De plus, si vous capitulez au sentiment facile que toutes les opinions critiques du genre sont transphobes, vous allez automatiquement exclure la possibilité de parler adéquatement de ce qui préoccupe beaucoup de femmes non trans, car cela deviendra socialement interdit.

Les philosophes préféreraient apparemment parler de tout cela dans l’abstrait absolu, sans considérer les fatras de la réalité empirique. Voici quelques faits pertinents, parmi beaucoup d’autres, que l’on pourrait envisager, au moment de décider des changements culturels qui devraient être apportés au concept de femme. Il y en a beaucoup, beaucoup d’autres. Les voici, dans le désordre :

Faits pertinents

a) Comme j’en ai discuté dans mon premier essai, les modifications proposées à la Loi britannique sur la reconnaissance de l’identité sexuelle permettront aux hommes biologiques d’être légalement reconnus comme des femmes sans aucune confirmation médicale ou psychologique de la part d’organismes professionnels. Ils pourront simplement « s’autodéclarer ». Ils seront capables de le faire sans les moindres i) intervention chirurgicale ou prise d’hormones ; ii) modification de tenue ; iii) période concrète et explicite de « vie en tant que femme » ; la loi ne couvrira plus ces questions.

b) Historiquement, les « espaces réservés aux femmes » ont été créés en présupposant que les femmes (comme on les définissait alors) étaient vulnérables à la violence des hommes biologiques (les personnes ayant un pénis, des testicules et une force largement supérieure) qui éprouvaient envers les femmes biologiques un intérêt sexuel ou autre. Ces espaces ne comprennent pas seulement les cabines d’essayage, les vestiaires des gymnases et les cabinets de toilette communs, mais aussi les dortoirs, les auberges de jeunesse, les refuges pour sans-abri, les prisons pour femmes et les refuges pour violence domestique (qui sont de toute façon gravement sous-subventionnés au Royaume-Uni). Ils comprennent des endroits où les femmes biologiques dorment et sont nues. Si la loi change, alors au fil du temps, les hommes pourront s’auto-identifier pour investir ces espaces, sous n’importe quel motif, et aucune femme ne pourra les défier en toute confiance en raison de leur apparence.

c) Il semble manquer de données de qualité, issues de sources fiables, pour nous aider à comprendre comment les intérêts des femmes non trans et ceux des transfemmes pourraient ou non se concurrencer, ou interagir autrement, en termes réels. Prenons un exemple : il y a peu de sources de statistiques sur le nombre d’hommes biologiques, habillés en femmes ou non, (pas seulement les transfemmes mais les hommes en général, certains travestis, d’autres non) qui pénètrent dans des espaces réservés aux femmes pour leur porter préjudice. Ce préjudice va au-delà des agressions physiques pour inclure du voyeurisme, de la masturbation publique, du harcèlement et de l’exhibitionnisme, surtout dans le contexte des espaces réservés aux femmes. Le sous-financement de telles recherches correspond au sous-financement endémique de certains vécus des femmes en général, comme l’endométriose ou la violence sexiste. Ce manque d’information est très probablement aggravé par la réticence des femmes à signaler les délits sexuels à leur encontre.

Dans mon premier article, j’ai cité un document relatant des cas de violence de la part d’hommes biologiques qui s’habillent en femmes (un groupe qui s’étend bien au-delà des transfemmes authentiques), commis contre des femmes dans des espaces réservés aux femmes. Il provient d’une page Web critique du genre. En tant que tel, ce texte n’est clairement pas écrit dans un style neutre. Cependant, contrairement à beaucoup d’autres sources, il offre au moins des liens vers des sources journalistiques originales. En général, cependant, les anecdotes émotives individuelles ou les articles de journaux isolés ne peuvent pas remplacer des données académiques exactes et observées de manière neutre. Généralement, ce débat semble, des deux côtés, alimenté par des anecdotes émotives et des signalements individuels, plutôt que par des données

d) La plupart des gens qui se déclarent aujourd’hui transfemmes ne subiront pas de chirurgie des organes génitaux ; si elles subissent quelque intervention, cette dernière sera plus susceptible de concerner leur physionomie faciale ou le haut de leur corps, et une proportion substantielle des transfemmes n’en subira même pas. Cela semble important à au moins mentionner quand on parle des conséquences qui menacent les femmes non trans.

e) Il existe diverses motivations pour se déclarer transfemme et vivre en tant que telle. L’une d’entre elles est ce qu’on appelle la dysphorie de genre, la sensation extrêmement forte et pénible de vivre dans le « mauvais » corps. Mais ce ne sont pas toutes les personnes trans qui vivent la dysphorie de genre. Un autre motif qui a longtemps été communément cité est l’« autogynéphilie ». Voici l’explication personnelle qu’en donne Miranda Yardley, transfemme. Voici une autre analyse personnelle, d’un point de vue différent, qui conteste vigoureusement ce diagnostic. Et voici la perspective d’une historienne de la médecine et de la science, Alice Dreger.

f) Certaines personnes affectées par une dysphorie de genre ne feront pas de transition et ne se percevront pas comme vivant réellement dans le mauvais corps. Elles rejettent ce sentiment comme artefact d’une société patriarcale qui associe le fait d’être une femme à des caractéristiques stéréotypées féminisées ou celui d’être un homme à des stéréotypes masculinisés.

g) Les philosophes aiment soulever le cas des personnes intersexuées en discutant des personnes transgenres. Les personnes intersexuées disent préférer ne pas être utilisées de cette façon.

h) D’aucuns soutiennent qu’il existe chez les jeunes un lien non coïncident entre le fait d’être autiste et celui d’être transgenre. Il me semble que c’est une information pertinente lorsqu’on discute de la manière d’aborder les enfants et les adolescents qui envisagent une transition : question exceptionnellement difficile et sensible. Cela ne règle rien ; aucun facteur ne règle rien dans ce terrain difficile. Mais il devrait également être mentionné, et non omis.

i) Être transfemme ne correspond à aucune orientation sexuelle particulière. Beaucoup de transfemmes, qui étaient autrefois « acceptées » en tant qu’hommes hétérosexuels, continuent à ressentir exclusivement de l’attirance pour les femmes (personnes ayant un vagin, etc.). Certaines de ces transfemmes se définissent comme « lesbiennes ». Certaines d’entre elles qualifient également de moralement suspecte et « transphobe » la décision de femmes lesbiennes de ne pas coucher avec elles. Elles en parlent familièrement comme le phénomène du « plafond de coton » (en analogie avec le « plafond de verre » que subissent les femmes dans leurs milieux de travail et qui les empêche d’obtenir une promotion ou un salaire égal). Dans les communautés lesbiennes, certaines jeunes lesbiennes ressentent une pression sociale et morale à considérer les transfemmes qui ont conservé pénis et testicules comme d’éventuelles partenaires sexuelles. On discute de cette dynamique sur la page sub-reddit « Gender Critical » citée ci-dessus. Un article récemment publié sur un site populaire destiné aux jeunes femmes « queer » explique comment faire l’amour avec une femme munie d’un pénis.

j) La présence de personnes transgenres au sein de la communauté LGBT et « queer » fait controverse. Je suis lesbienne. Mon avis, pour ce qu’il vaut, est qu’il devrait y avoir un mouvement politique et communautaire distinct à l’intention des personnes transgenres, qui ne soit pas rattaché aux personnes définies par des préférences sexuelles. Les deux catégories sont distinctes. Je trouve que la présence disproportionnellement visible des personnes transgenres et celle de transfemmes particulièrement bruyantes dans le mouvement LGBT a pour effet de détourner de façon misogyne l’attention et les fonds des problèmes et des préoccupations des lesbiennes et des bisexuelles de la communauté. En voici un exemple frappant au moment où j’écris ces lignes : il y a deux jours, les « LGBT Awards », commandités par les Services de sécurité britanniques (!), ont donné un prix à l’entreprise Playboy pour avoir mis en avant une mannequin transfemme.

k) Toutes les transfemmes n’ont pas les mêmes opinions. (Je sais que cela ne devrait pas être une surprise, mais ça l’est apparemment !). Voici de nouveau Miranda Yardley, ainsi que Kristina Harrison et Debbie Hayton. Toutes trois sont transfemmes et fières de l’être ; et toutes trois soutiennent que les transfemmes ne sont pas des femmes et tentent de créer un récit populaire différent.

l) Le mot « TERF » est une insulte utilisée par les gens du « lobby pro-trans » pour agresser la position critique du genre. Le site Web suivant documente les contextes hautement révélateurs de son utilisation. Il est malheureux que cette expression soit parfois reprise de façon non critique par des universitaires dans de grandes revues scientifiques au moment d’aborder ces enjeux.

m) Une grande partie de la discussion a porté sur l’accès aux cabinets de toilette en termes de violence et de danger (que ce soit pour les transfemmes ou les femmes non trans). Mais il y a beaucoup d’autres aspects sociaux entourant la « question des toilettes » qui affectent les femmes non trans et qui sont actuellement négligés dans la discussion populaire. L’article suivant, hébergé sur un site critique du genre, explore brillamment certains d’entre eux, avec beaucoup d’éléments pertinents de sources indépendantes. En réfléchissant à cette question et aux intérêts en jeu, nous devrions aussi nous rappeler le concept de « laisse urinaire » (malheureusement bien mal nommée) et de l’effet historique qu’elle a longtemps eu sur les possibilités de mobilité des femmes non trans.

n) Certaines transfemmes plaident pour une révision conceptuelle, non seulement du terme « femme », mais aussi du mot « mère ». Les implications sociales de cette proposition, si elle est adoptée, sont inconnues et sous-théorisées.

o) Il existe des indications que les transfemmes sont moins susceptibles de signaler des maladies liées à la biologie masculine. Selon l’association Cancer de la prostate Canada, « un diagnostic tardif pourrait expliquer le fait que bon nombre des cas de cancer de la prostate déclarés chez les transfemmes semblent refléter un cancer de grade supérieur (plus agressif) ».

p) Le Parti travailliste du Royaume-Uni, l’un des deux principaux partis politiques au R-U, a l’intention de permettre aux hommes biologiques de s’autodéclarer femmes sur ses listes restreintes aux femmes pour les candidatures au Parlement, une mesure d’abord introduite pour augmenter la représentation politique féminine, qui est habituellement très faible.

q) On voit de plus en plus de transfemmes briguer les postes politiques chargés de défendre les intérêts des femmes en général. Le cas actuellement le plus visible est celui de Lily Madigan, une transfemme de 19 ans. Elle est aujourd’hui responsable des femmes dans une circonscription pour le parti travailliste. Elle organise ces jours-ci une fête intitulée « Ta Ta Transmisogynes » pour célébrer la démission de 300 femmes critiques du genre qui ont quitté le Parti travailliste en raison de cet enjeu des listes restreintes (voir ci-dessus).

r) Des transfemmes parlent de plus en plus au nom des femmes biologiques dans les médias, ou les y interrompent. À l’émission « Genderquake » du Channel Four la semaine dernière, les femmes non trans se sont vu accorder proportionnellement moins de temps de parole que les deux transfemmes présentes.

s) Deux transfemmes très visibles dans les médias, Paris Lees et Karen Jones ont déjà été incarcérées pour violences. Il est très difficile de savoir si leurs récits de rédemption auraient été aussi facilement acceptés, et même célébrés, si ces personnes n’étaient pas trans, un argument efficacement exprimé dans ce tweet.

t) Le climat politique en Grande-Bretagne est maintenant tel que toute personne qui exprime un point de vue critique sur le genre risque de faire face à une forme ou une autre de sanction. Une candidate parlementaire du Parti Vert vient d’être suspendue pour avoir lancé « vous êtes un homme » lors du débat de l’émission télé Genderquake (et ce, alors même que le public avait été encouragé à se faire entendre).

u) En l’absence d’une représentation équitable dans les grands médias, une organisation populaire de femmes émerge actuellement pour essayer d’imposer ces enjeux à l’attention du public. Mais les assemblées publiques de l’organisation A Woman’s Place UK ont été accueillies par des manifestations et des annulations de dernière minute. Un autre groupe, We Need To Talk, a dû faire face à un groupuscule masqué et hostile qui a tenté d’empêcher l’auditoire de pénétrer dans le bâtiment.

Je pourrais continuer, mais vous comprenez la situation. J’ai inclus des liens pour celles et ceux qui tiennent vraiment à explorer ces enjeux à partir d’un plus large éventail de perspectives que celles que l’on entend habituellement. Je n’ai pas l’intention que cet essai soit la fin d’une conversation, mais bien son début. Les couverts sont mis pour un échange ouvert. Ce n’est pas un ensemble simple de problèmes, et je n’ai pas de réponses à tout cela. Mais prétendre que l’enjeu est simple et que tout est déjà réglé serait s’aveugler volontairement. Les philosophes ont un ensemble unique de compétences pour négocier ce terrain complexe. Elles et ils ne le feront pas de manière satisfaisante en partant du postulat que la position critique du genre est moralement répugnante. Ils ne le feront pas non plus s’ils ignorent largement, ou s’ils ne font que reconnaître du bout des lèvres la réalité matérielle, pour la moitié de la population humaine, créée par une transformation du concept public culturel et juridique du statut de femme.

Version originale : https://medium.com/@kathleenstock/what- ... da1cba88c6

Kathleen Stock

Traduction : TRADFEM


https://tradfem.wordpress.com/2018/07/2 ... -du-genre/
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Re: Queer et trans en dégenrage au détriment du féminisme

Messagede Lila » 26 Aoû 2018, 16:49

Le coucou dans le nid

par Astroterf

« Les organes génitaux n’ont aucune importance ! » Cette phrase m’a été lancée par un adolescent très méprisant lors d’une discussion à propos de l’identité de genre et du récent défilé de la Fierté gaie à Londres. Nous parlions d’un groupe de femmes qui se sont placées en tête de file avec des bannières protestant contre l’effacement des lesbiennes par le mouvement LGBT et contre la montée du dogme transgenre selon lequel le lesbianisme pouvait – voire, devait – inclure des hommes biologiques.

Beaucoup d’encre a déjà coulé sur les raisons de cette intervention [* 1]. Je ne suis pas lesbienne et il ne serait pas correct de ma part de m’exprimer au nom des femmes impliquées. Cependant, si j’étais à leur place, je me sentirais certainement trahie et abandonnée par un mouvement qui était censé protéger mes droits et ma sécurité. Le mot « lesbienne » signifie « femme homosexuelle » : des femmes attirées par des personnes de leur sexe. Il n’inclut pas d’hommes ou d’organes génitaux masculins. Si la communauté LGBT elle-même va jusqu’à attaquer et mettre au pilori des femmes pour ce qui devrait être des énoncés aussi évidents et fondamentaux, nous savons que quelque chose est pourri dans l’État du Danemark.

Au cours des derniers mois, j’ai vu des lesbiennes vilipendées et agressées – pour avoir tenté de définir leurs propres frontières sexuelles – et qualifiées de nazis pour avoir osé suggérer que leur sexualité n’incluait pas d’organes masculins. J’ai lu des articles dont vous auriez pu jurer qu’il s’agissait de parodies où l’on décrivait comment les lesbiennes devaient apprendre à aimer les « bites de fille » (girl dick) [* 2]. L’un d’eux, publié sur le site Autostraddle [* 3], prétend même instruire les lesbiennes sur la façon de stimuler un pénis en érection et de pratiquer la fellation. Il y a une vidéo sur YouTube dans laquelle une transfemme plus âgée encourage une « babydyke » [bébégouine] (c’est leur expression) qui rit nerveusement au fait d’avoir des rapports sexuels avec des « dames trans » (trans ladies) [* 4]. Le tristement célèbre Riley J Dennis affiche sur YouTube des vidéos pour dire aux lesbiennes que le rejet du pénis fait d’elle des « transphobes », et il assimile à une forme de racisme le fait d’avoir une « préférence génitale » en matière de fréquentations [* 5].

Ce qui me met vraiment mal à l’aise, c’est que la plupart de ces articles et vidéos s’adressent aux jeunes. Je ne peux pas imaginer l’effet qu’ils doivent avoir sur les jeunes lesbiennes qui commencent tout juste à comprendre et à explorer leur sexualité. On fait honte aux adolescentes qui affirment leurs limites sexuelles…? Des hommes biologiques forcent la main à de jeunes femmes et leur font du chantage pour avoir des relations sexuelles avec elles…? Dans tout autre contexte, nous appellerions cela du détournement de mineures.

Des amies lesbiennes m’ont dit avoir été forcées d’admettre des hommes qui « s’identifient comme lesbiennes » dans leurs clubs et organisations, etc. Sans quoi, cela aurait signifié perdre le financement qu’elles reçoivent des organisations caritatives LGBT qui sont justement censées appuyer leur droit à être attirées par des personnes de leur sexe. J’entends dire qu’il y a une foule d’hommes qui encombrent les sites de rencontres pour lesbiennes. Il est arrivé maintes et maintes fois que des lesbiennes ont été maltraitées, intimidées et même physiquement menacées pour avoir osé refuser des hommes biologiques comme partenaires potentiels. Et chaque fois que je me connecte à des médias sociaux, j’y vois des hommes rager à l’endroit des lesbiennes qui refusent de les inclure dans leur lesbianisme.

La conviction que les femmes doivent placer les hommes au centre de leur sexualité est la quintessence du privilège masculin. Cependant, je pense qu’il y a une autre raison très évidente derrière cette insistance continue et agressive que le lesbianisme doit inclure les hommes physiques ; en effet, si des lesbiennes sont autorisées à refuser le pénis, nous devons alors reconnaître que le pénis n’est pas féminin. Et cela est une hérésie qui ne peut rester impunie.

Il y a seulement quelques années, j’ignorais totalement ces enjeux et je n’avais aucune idée que la société fonçait tout droit vers un sombre et profond terrier, le « GENRE ». Maintenant, je suis tout à fait consciente du débat et de plus en plus inquiète de la façon dont les femmes (la classe des personnes ayant des organes reproducteurs féminins) sont en pratique effacées. Si, comme le gouvernement britannique a l’intention de le faire avec son projet d’autodéclaration de l’identité de genre, tout homme peut être une femme en s’identifiant simplement comme tel (mais il faut dire le mot magique !), alors le mot « femme » perd toute signification. Et si nous n’avons plus de mot pour désigner notre sexe biologique, alors nous perdons toute possibilité de contester l’oppression et la discrimination qui y sont inhérentes.

Les femmes sont effacées, subsumées, renversées… et généralement englouties par ce lobby trans qui est très bien financé et très puissant. Les femmes doivent se taire, se ranger, abdiquer leurs espaces, leurs droits, leurs possibilités, et même le langage dont elles ont besoin pour discuter de leurs vies et expériences… et si elles protestent, elles se voient bâillonnées et qualifiées à hauts cris de « TERF » (Trans Exclusive Radical Feminist) et d’« intolérante ».

Ne vous y méprenez pas : il s’agit bel et bien d’une chasse aux sorcières, version 21e siècle. Une femme a des opinions qui vous déplaisent ? Il existe maintenant un moyen puissant et très efficace de la réduire au silence, de lui imposer terreur et soumission. Ces nouveaux transactivistes constituent un groupe de pression hargneux, menaçant et tout-puissant, et les femmes doivent soit en être complètement sidérées (comme le sont clairement certaines), soit faire face aux conséquences très graves de leur non-conformité. En comparaison à eux, l’inquisiteur étasunien Joseph McCarthy n’était qu’un amateur.

La semaine dernière encore, une universitaire lesbienne respectée a dû subir un torrent d’insultes, et son poste a été ouvertement menacé pour avoir osé émettre des opinions parfaitement anodines au sujet de la réalité du sexe biologique. Ça se passe partout, tout le temps. Les femmes sont dénoncées, intimidées, leur adresse personnelle est divulguée, leur emploi et leur famille menacés, leurs conférences sont boycottées, leurs assemblées perturbées, voire même terrorisées par des appels à la bombe [* 6], une syndicaliste est attaquée sur son propre piquet de grève [* 7] et une femme de 60 ans est frappée au visage par un homme de 20 ans pour avoir simplement voulu assister à une conversation parfaitement pacifique [* 8]… et tout cela est jugé acceptable aux yeux du nouveau régime.

Les règles sont claires : toute référence à la biologie féminine comme étant inhérente au statut de femme est déclarée « transphobe », toute remise en question du mantra selon lequel « les transfemmes sont des femmes » fait de vous un ou une fasciste, tout refus de croire que des pénis peuvent être féminins vous vaudra assurément de lourdes conséquences. Celles que l’on qualifie de « TERF » sont les nouvelles sorcières. Ce simple mot rend acceptables toute la violence, l’intimidation et les agressions que subissent aujourd’hui les femmes. Ces dernières sont littéralement terrifiées à l’idée de prendre la parole pour défendre leur sécurité et leurs droits chèrement acquis. Et si vous trouvez que tout cela ressemble à une dystopie sortie tout droit d’Orwell, c’est parce que c’est le cas.

Quelle situation tragique et tout à fait inutile ; les choses n’ont jamais été comme cela auparavant. Les transfemmes et les femmes étaient autrefois les plus grandes alliées. Nous respections et appuyons nos droits et nos sécurités mutuelles. Nous nous sommes battues côte à côte dans la même équipe contre l’ennemi commun : une masculinité toxique. Les transfemmes n’ont jamais tenté de s’approprier la condition féminine. Les deux camps savaient que nos vies, nos difficultés, nos expériences et notre biologie étaient différentes. Mais cela n’avait pas d’importance ; les transfemmes étaient accueillies dans le club en tant que membres honoraires et nous nous côtoyions en harmonie.

Tout cela se passait avant, à l’époque où nous connaissions le véritable sens du mot « trans ». Étaient transsexuelles les personnes ayant subi un traitement médical et une chirurgie afin de vivre socialement comme le sexe opposé. Mais aujourd’hui, le nouveau dada de la politique identitaire a permis à la communauté trans d’être envahie et subvertie par des travestis, des fétichistes, des autogynéphiles, des hommes aux fantasmes lesbiens imbibés de pornographie, et toutes sortes d’hommes se disant non conformistes au genre qui aiment les paillettes et le rouge à lèvres et se qualifient de « non binaire »… Ils se retrouvent tous sous le « parapluie trans ». Trans signifie maintenant n’importe quoi, c’est-à-dire que ça ne veut plus rien dire du tout.

Très peu de soi-disant transfemmes ont l’intention de subir le moindre traitement médical ou la moindre altération physique. Ce sont des hommes biologiques, dotés d’un système reproducteur entièrement fonctionnel et d’organes génitaux masculins. Ce seraient des femmes simplement parce qu’ils disent en être. Il y en a même, comme Alex Drummond, qui affichent une barbe fournie. Bien sûr, cette dérive nuit énormément à la position et l’intégrité des véritables transsexuelles, et beaucoup d’entre elles (comme Miranda Yardley [* 9], Kristina Harrison [* 10] et Debbie Hayton [* 11], ainsi que le nouveau groupe Transsexual Voices Matter, entre autres) ont parlé des problèmes que crée pour elles l’idéologie transgenre dans des articles de la presse grand public et lors de réunions féministes [* 12]. Les transactivistes les rejettent en les qualifiant de « truscum » et les attaquent sans relâche dans les médias sociaux. La novlangue des transgenristes est le seul discours autorisé.

Ces « transfemmes » nouveau genre ne sont plus aux côtés des femmes dans la lutte contre la domination patriarcale ; au contraire, ILS INCARNENT AUJOURD’HUI CETTE DOMINATION. Ils sont déterminés à effacer et s’approprier la féminité. Ils exigent l’accès à tous nos services, espaces, organisations et possibilités, et menacent de déchaîner l’enfer si l’on ne cède pas à leurs prétentions. En témoigne le cas de l’« artiste performeur » Travis Alabanza, qui a lancé une campagne dans les médias sociaux quand on lui a refusé, à juste titre, l’entrée dans des espaces réservés aux femmes. Il a insisté et obtenu l’accès aux vestiaires féminins de la chaîne d’établissements Topshop, même s’il est physiquement masculin.

Ils manipulent également le langage en fonction de leur programme politique, dictant aux femmes que nous ne devons pas faire référence à notre biologie comme spécifiquement féminine. Nous ne serions plus des femmes, mais devrions maintenant nous désigner comme des « porteuses d’utérus » ou des « menstruatrices ». Nous ne devrions plus parler de « femmes enceintes » ou d’« allaitement au sein », mais bien de « personnes enceintes » et « d’allaitement de poitrine ». Les femmes devraient prétendre que les règles, la grossesse, l’avortement, la fausse couche, l’accouchement, l’allaitement, la ménopause, etc. ne sont pas des expériences spécifiquement féminines.

Vous remarquerez qu’il est rarement fait mention dans ce discours des transhommes (qui demeurent biologiquement féminines). On ne voit jamais d’exigence adressée aux hommes pour les accueillir dans la condition masculine, pour leur céder leurs espaces, leurs rôles, leur pouvoir, leur autorité et leurs possibilités. Les hommes demeurent des hommes, sans être rebaptisés « porteurs de testicules » ou « propriétaires de prostate ». Quant aux établissements réservés aux hommes, ils restent exactement cela ; ils ne sont ouverts à personne d’autre qu’aux hommes biologiques.

Je sais exactement quel accueil recevraient les brillantes féministes de l’organisation #ManFriday si elles tentaient leur chance en essayant de pénétrer dans le club de gentlemen l’Athenaeum, ou dans un sauna gay en prétendant « s’identifier comme » hommes. Quand elles se sont présentées sous ce prétexte à l’étang réservé aux hommes du parc Hampstead Heath, à Londres, les baigneurs masculins s’y sont opposés dans les termes les plus forts [13] et ont même appelé la police à l’aide ! Et ce parce que les femmes sont toujours vues et traitées comme des femmes, quelle que soit leur prétendue « identité de genre ». Alors que les hommes disposent maintenant d’une carte maîtresse à utiliser en toute impunité au moment où ils choisissent de « s’identifier comme femme ». Ce mouvement incarne la plus complète misogynie, mais il le fait sous la bannière arc-en-ciel de l’« inclusivité ».

Ceci, bien sûr, nous ramène à l’assertion plutôt naïve que l’on m’a lancée : « les organes génitaux n’ont aucune importance ! » Une des tactiques habiles utilisées pour faire dérailler tout débat veut que les contestataires de la notion d’identité de genre aient « une obsession des organes génitaux des autres » ou « réduisent les femmes à leurs organes génitaux ». Les lesbiennes sont étiquetées « fétichistes du vagin » si elles osent définir leurs frontières sexuelles pour exclure le pénis. Mais la réalité est que le sexe biologique est réel. Il existe des différences discernables et importantes entre les sexes biologiques, dont la plus évidente est l’anatomie et la capacité de reproduction. Et cela a de l’importance. Une importance énorme.

Il y a des millénaires que la classe des personnes ayant une vulve, un utérus, etc. (appelons-les les FEMMES…) sont opprimées, discriminées, subjuguées, assassinées, violées, maltraitées, agressées, défigurées, retenues, écrasées et terrorisées par la classe de personnes ayant un pénis, des testicules, etc. (appelons-les les HOMMES…) Et pourquoi ? En raison de cette chose même dont nous sommes censées faire semblant qu’elle n’existe pas ou est sans valeur : notre sexe biologique. Mais nous ne devons pas en parler. Les organes génitaux n’ont pas d’importance, ne l’oubliez pas !

De plus, l’immense majorité de la population mondiale base son choix de partenaires romantiques/sexuels sur le sexe biologique. Prétendre le contraire est risible. Et profondément homophobe. Pendant des siècles, des gays et des lesbiennes ont combattu et ont péri dans une lutte pour leur droit à des relations avec des personnes d’un sexe biologique particulier — le leur. Dans le monde entier, des lesbiennes et des gays demeurent persécutés et mis à mort pour avoir eu des relations avec des personnes d’un sexe biologique particulier — le leur.

Si nous prétendons maintenant que les gays peuvent et devraient être amenés ou en quelque sorte « éduqués » à se mettre en quête de relations sexuelles avec des personnes ayant un vagin, en quoi cela diffère-t-il des épouvantables thérapies de conversion qui leur ont longtemps été imposées ? Si nous prétendons maintenant que les lesbiennes peuvent et doivent être amenées ou en quelque sorte « éduquées » à chercher des relations sexuelles avec des personnes ayant un pénis, en quoi cela diffère-t-il du « viol correctif » qui leur est encore si souvent infligé ? Ce ne l’est pas. Le mythe que des lesbiennes et des gays peuvent « choisir » d’avoir des partenaires du sexe opposé est exactement ce contre quoi elles et ils ont combattu si durement pendant des décennies. C’est une contrainte à l’hétérosexualité coercitive et un non-sens réactionnaire et régressif.

Il me semble que l’idéologie transgenriste actuelle n’est vraiment pas compatible avec le lesbianisme et l’homosexualité. Il y a un énorme coucou en forme de T dans le nid LGB. Et il est temps de le dire haut et fort.

Astroterf

[* 1] Article de Jo Bartosch détaillant les raisons de la protestation « Get the L Out » lors du récent défilé Pride, à Londres.

[* 2] Article sur les « bites de fille » dans Medium.com.

[* 3] Article d’Autostraddle sur le sexe lesbien impliquant un pénis.

[* 4] Vidéo de YouTube autour d’une « babydyke ».

[* 5] Vidéo où le transactiviste Riley J Dennis compare toute « préférence génitale » à une forme de racisme.

[* 6] Article du Spectator détaillant des perturbations de réunions des femmes par des transactivistes

[* 7] Article du Morning Star relatant l’attaque menée contre une syndicaliste.

[* 8] Article détaillant l’attaque contre une femme de 60 ans par un transactiviste à Hyde Park.

[* 9] Article de Miranda Yardley sur le sens du concept de « genre ».

[* 10] Vidéo de Kristina Harrison s’exprimant lors d’une réunion féministe.

[* 11] Article de Debbie Hayton publié dans The Economist sur « l’identité de genre ».

[* 12] Lettre adressée au journal The Guardian par un certain nombre de transfemmes à propos de la réforme du Gender Recognition Act (Loi sur la reconnaissance du sexe).

[* 13] Article détaillant la manifestation ds l’organisation britannique Man Friday au parc Hampstead Heath.


Auto-présentation de l’autrice

Ne vous y trompez pas. Je demeure une alliée des trans. Je soutiens pleinement le droit des personnes transgenres et non conformes au genre à vivre dans la sécurité et la dignité, à faire inscrire leurs droits dans la loi et à s’habiller, se présenter, vivre et aimer en toute liberté. Mais je ne prétendrai pas croire que le sexe biologique n’existe pas ou qu’il peut changer. Et je ne laisserai pas effacer les droits, les espaces et les sécurités des femmes. Nous nous sommes toutes battues trop fort pour les obtenir.

Version originale : https://astroterf.wordpress.com/2018/07 ... lgbt-nest/

Traduit par TRADFEM


https://tradfem.wordpress.com/2018/08/2 ... ns-le-nid/
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Re: Queer et trans en dégenrage au détriment du féminisme

Messagede Lila » 26 Aoû 2018, 16:52

Des transsexuelles contestent l’autodéclaration sexuelle et la misogynie des transactivistes

NOTRE DÉCLARATION

Suite à de longs débats, la majorité des membres de Transsexual Voices Matter ont semblé convenir de la déclaration suivante, plus neutre et mieux équilibrée, qui a été affichée sur notre page Twitter ce soir :

Nous représentons un groupe croissant de ‘femmes transsexuelles’ qui cherchons à susciter d’autres voix pouvant enrichir des débats continus sur l’autodéclaration sexuelle sans recourir à des propos diffamatoires ou péjoratifs.

Nous nous objectons à l’effacement de l’identité ‘transsexuelle’ au profit de termes plus ambigus et expressionnistes comme ‘transgenre’. Nous rejetons l’idée que le mot ‘transsexuel’ est un terme désuet et archaïque. C’est un terme correct pour désigner les personnes qui, comme nous, ont reçu un diagnostic médical et complété une transition.

Nous ne nous opposons aucunement au droit personnel d’exprimer sa variance de genre, mais cela ne doit se faire ni au détriment des droits et libertés des femmes ni en sacrifiant nos protections juridiques et nos droits spécifiques.

Nous considérons que des dispositions médicales et mesures de sécurité cruciales de la Loi sur la reconnaissance du sexe (Gender Recognition Act) doivent demeurer en place et que la présence de la ‘dysphorie de genre’ est un critère essentiel à toute transition.

Nous respectons les femmes et reconnaissons nos différences biologiques d’avec elles. Nous croyons que leur accord et leur appui ne peuvent être que mérités, et non exigés ou forcés.

Nous appelons à l’arrêt immédiat des conduites de harcèlement, de menaces, d’intimidation, de misogynie et de violence adressées aux femmes qui ont exprimé des préoccupations à propos de l’autoidentification sexuelle.

Nous nous objectons au manque de respect des transactivistes pour les besoins spécifiques des jeunes filles, des mères, des lesbiennes et d’autres groupes exclusivement féminins, à leur création active de statistiques inexactes et d’une propagande de l’idéologie trans auprès d’enfants.

Nous savons que nous ne parlons pas au nom de toutes les personnes transsexuelles, mais notre effectif augmente. Nous incarnons un dialogue constructif.

Notre porte-parole communiquera avec les médias au cours des prochaines semaines pour mieux faire valoir notre message.

TRANSSEXUAL VOICES MATTER

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Traduction : TRADFEM


https://tradfem.wordpress.com/2018/08/1 ... ctivistes/
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Re: Queer et trans en dégenrage au détriment du féminisme

Messagede Lila » 02 Sep 2018, 21:12

Le sexe et le genre sont-ils la même chose ?

Le sexe désigne des traits morphologiques – physiques, visibles – et physiologiques

Le genre, lui, est une construction sociale qui établit une hiérarchie entre les personnes dites « femmes » et les personnes dites « hommes ». Comme la « race », le genre est un système social qui divise l’humanité en deux – ou plus de deux en ce qui concerne la race. C’est le genre, et la race, qui établissent des catégories divisant nettement les individus en supérieurs et inférieurs, puis en exploiteurs et exploités.

Mais le genre, comme la race, utilisent pour ce faire des traits physiques et physiologiques des individus. Des traits « naturels ». Ainsi, l’exploitation permise par ces systèmes n’apparait plus comme telle, mais comme l’expression d’une hiérarchie « naturelle », et donc « inévitable » et « juste ».

Mais les classifications, les catégories qui prétendent « décrire » la nature, dans sa vérité, comme si celle-ci existait en dehors de la société, sont des constructions sociales comme les autres. Il faut bien se rendre à la réalité : la nature ne parle pas. C’est la société, faite d’êtres parlants, qui parle pour elle, qui invente pour ses besoins les catégories qu’elle utilise pour cette « description ». Et ces catégories sont fondées sur ses intérêts, ses besoins, ses obsessions. Les catégories de Linné par exemple, plus ou moins devenues mondiales, pour décrire les plantes, sont les catégories de nos sociétés occidentales. Elles ne sont ni plus justes, ni moins justes, que celles créées et utilisées par telle ou telle population « primitive ». Elles sont adéquates aux besoins de nos sociétés.

Ainsi les catégories « mâle », « femelle », utilisées par nous, et en fait par toutes les sociétés existantes, pour parler des êtres humains, et des êtres en général, bien qu’elles prétendent décrire la « nature », en fait l’interprètent, ou plus exactement, l’inventent. Elles prétendent en effet décrire des « faits – des « faits » existant indépendamment de nous – alors qu’elles ne décrivent que les faits que nous trouvons intéressants pour nos structures sociales, qui, elles, existent avant ces descriptions apparemment « neutres ».

La construction sociale ne s’arrête pas là. Elle est la base de toute une cosmogonie, où les « traits physiques » – isolés parmi des centaines d’autres possibles « traits », sont censés être reliés aux « traits psychologiques » – également créés par cette pseudo-description.

Ainsi les « traits physiques » des personnes dites femmes sont censés entraîner des incapacités intellectuelles et des capacités émotionnelles – tandis que les personnes dites hommes auraient des capacités et des incapacités totalement inverses.

Cette cosmogonie est créée comme un accompagnement nécessaire de notre structure sociale. En effet, le système hiérarchique de genre, tout comme les autres systèmes hiérarchiques, ne saurait exister sans une construction constante des personnes elles-mêmes, qui commence dès la naissance et se poursuit tout au long de la vie. Dès la naissance, on dit : « quelle belle petite fille » ou « quel beau petit garçon ». Dès la naissance, les bébés sont traités différemment, selon leur ‘sexe’. Et en sus de la façon dont elles/ils sont traités : manipulés, nourris, embrassés, on leur parle et on les force à s’identifier : « je suis un » garçon » ou « je suis une fille ».

Dès la naissance – ou peu après – les bébés savent à quel groupe, à quelle catégorie elles et ils appartiennent.

Leur genre est leur première identité. Et par la suite, cette identité première sera confirmée au long des jours et des années.

Comme l’écrivait Beauvoir, on en nait pas femme, on le devient. De même qu’on devient homme. Tout nous le dit, nous le répète, nous le fait et ainsi nous fabrique : filles et garçons sont différents, et on s’en assure en les habillant de façon différente, en ordonnant des jeux différents pour les filles et les garçons, en interdisant aux une ce qui est permis aux autres. Ces comportements, qui ne sont pas des « traits physiques » – puisqu’ils ne décrivent pas « le corps » (censé faire partie de la « nature ») – sont aussi des marqueurs du genre.

La première chose qui nous est interdite, c’est de ressembler, par le geste, la parole, le vêtement, en fait par tout, à l’autre catégorie, mais avant même cela, de jouer avec l’autre moitié. Les écoles ont beau être « mixtes », les groupes de garçons occupent le centre de la cour de récréation, tandis que les filles sont reléguées sur les bords. Les garçons ont le droit de « charrier » – de se moquer des filles, de les insulter, de les traiter de « quilles » – de les frapper, tandis que les filles doivent s’abstenir de protester.

Cet autre effet du genre est aussi un marqueur du genre : tous les marqueurs du genre sont aussi ses effets. Dès l’âge de 4 ou 5 ans les différences de pouvoir sont flagrantes. Plus tard, ces différences de pouvoir ne font que s’accentuer.

Les filles sont réputées idiotes. Un artisan me disait que sa fille de 3 ans, dont je lui demandais des nouvelles, le fatiguait car elle parlait sans arrêt. Je lui ai fait remarquer que tous les enfants de 3 ans, y compris les garçons, parlent beaucoup. « Oui mais les garçons, ce qu’ils disent est intéressant », me répondit-il.

Ce cantonnement violent de la moitié de l’espèce humaine à une absence quasi-totale d’intelligence, fait partie de la cosmogonie du genre. Elle n’est pas « juste une idéologie » ; elle est mise en action, en faits bien matériels et objectifs, tous les jours, dans toutes les situations, et dans toutes les cultures connues, sur des milliards d’êtres humains.

Les adolescents garçons sont réputés « naturellement » violents, et affligés de pulsions sexuelles « irrésistibles ». De plus, satisfaire ces pulsions en baisant des femmes est considéré comme indispensable au passage du statut de garçon à celui d’homme. Les filles, elles, doivent se méfier de ces êtres dangereux, et en particulier du risque qu’ils les violent ; et en même temps, tâcher de les intéresser à elles : car l’intérêt manifesté par un garçon a beaucoup plus de valeur que celui manifesté par quelqu’une de sa propre catégorie – une personne pleine de défauts, inintéressante, et sans pouvoir.

Et pourtant, c’est avec un de ces dominants que les femmes espèrent « avoir une histoire d’amour », et en tous les cas, cohabiter. Avec quelqu’un d’un sexe/genre non pas simplement différent mais « opposé ». Car être et surtout demeure une « femme seule » – est considéré comme un échec.

Il est donc compréhensible qu’on utilise « sexe » à la place de « genre », puisque le « sexe » – un « trait réputé physique » – est le marqueur premier du genre, qui intervient dès la naissance d’une personne. Il sert à ranger les individus dans une catégorie de genre. Et son rôle éminent dans la fabrication de deux types de personnes, nées inégales, ne cesse pas après la naissance. La célébration de la « différence des sexes », de l’infériorité des femmes et de la supériorité des hommes, va continuer, car il faut bien continuer à justifier aujourd’hui, demain, et dans les temps des temps, l’inégalité entre ces deux populations – qu’on les appelle des « sexes » ou des genres – et la domination de l’une sur l’autre.

Christine Delphy


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Re: Queer et trans en dégenrage au détriment du féminisme

Messagede Lila » 28 Oct 2018, 23:58

Harvey Jeni : « Tu n’es pas féministe, mec… (À propos de l’enjeu du féminisme) »

Pour commencer cet article, il est nécessaire de revenir aux bases. Qu’est-ce que le féminisme et quels droits défend-il ?

La lutte féministe, présente depuis des siècles, est un mouvement politique dédié à l’émancipation des femmes de la suprématie masculine. Elle porte, en son cœur, une analyse politique : une manière de comprendre le monde et son fonctionnement. Elle étudie nos structures de pouvoir traditionnelles et demande comment nous pourrions nous organiser différemment en tant qu’êtres humains de manière à libérer les femmes de leur exploitation et oppression systémiques par les hommes. C’est un mouvement politique – le seul mouvement politique – créé exclusivement par et pour les femmes, par nécessité. Après tout, qu’un groupe subalterne essaye de faire changer les choses en s’appuyant sur ceux dont le pouvoir et les privilèges sont garantis par la subordination de ce groupe peut s’avérer pour le moins contreproductif.

Pourtant, je n’ai jamais vu les objectifs et les principes aussi clairs d’un mouvement être aussi dévoyés par des malentendus et par un embrouillement délibéré. Les lignes sont redéfinies et les frontières modifiées constamment parce que le féminisme, dans son état brut et non-altéré, est profondément menaçant, non seulement pour notre système patriarcal, mais aussi pour tous les aspects d’une société mue par le profit. Notre monde repose sur le travail exploité et non rémunéré des femmes. Ce sont les femmes qui produisent les nouveaux travailleurs, qui effectuent la grande majorité du travail à domicile afin que les travailleurs existants soient aussi productifs que possible, et qui s’occupent de ceux et celles qui sont âgées et ne peuvent plus travailler. C’est pourquoi le mouvement qui lutte pour notre libération est attaqué, récupéré et renversé à chaque occasion, car la perspective de son succès est trop terrifiante.

C’est dans ce contexte que nous voyons des hommes comme Hugh Hefner, le récemment décédé patron du magazine Playboy, être encensés comme « féministes » et que nombre de ses soutiens ont déclaré, le plus sérieusement du monde, que leur féminisme à eux consistait à ce que des femmes déguisées en lapins soient enfermées dans des manoirs, au nom de leur conviction envers le libre choix. Qui aurait pu imaginer qu’un individu qui, au cours de sa vie, a amassé des quantités immenses de richesses et de pouvoir grâce à la représentation des femmes comme à peine plus que des jouets sexuels pour hommes, en viendrait à être considéré comme un défenseur de l’émancipation des femmes de la suprématie masculine ?

Dans n’importe quel autre mouvement, ce type de récupération serait inacceptable, risible même. Prenons pour exemple le socialisme : si j’affirmais que mon socialisme se résumait à l’accumulation de richesses personnelles au détriment des autres, et que, en tant que patron pingre avec mes travailleurs et les soumettant à de terribles conditions de travail, je m’estimais être un bon défenseur de la classe ouvrière, les gens pourraient se sentir libres de me dire que je ne suis en aucune façon un socialiste. Pareillement, le féminisme a ses propres critères. Et fort heureusement, le féminisme comprend que les choix ne sont pas faits dans le vide, mais dans un système où les hommes en tant que classe exercent un pouvoir structurel, physique et social sur les femmes en tant que classe. Le féminisme n’est pas une étiquette que vous pouvez simplement accoler à n’importe quelle idée et la voir instantanément muer en son opposé idéologique.

Nous sommes en 2017, et dans notre société supposée progressiste, nous voyons des femmes être physiquement agressées, d’abord à Hyde Park, puis plus récemment au Salon du livre anarchiste de Londres, du fait de leurs opinions sur le genre. Les femmes qui partagent la conviction féministe classique (et pas particulièrement radicale) – selon laquelle le genre est une construction sociale utilisée comme un outil pour renforcer la suprématie masculine, plutôt qu’une identité innée précédant le sexe biologique et déterminant ce dernier –, ces femmes sont violentées et agressées verbalement, à la fois dans des espaces publics et sur le net, par des êtres humains nés avec des chromosomes et des systèmes reproductifs masculins, des êtres qui ont été encodés et socialisés par la société, mais qui disent être des femmes – et pas seulement des femmes, mais les femmes les plus vulnérables et des plus opprimées de toutes.

De cette façon, les femmes biologiques qui tentent de défendre les droits des femmes opprimées sur la base de cette biologie sont identifiées comme les pires des antiféministes, les véritables misogynes, les autrices d’un féminicide. Et les personnes qui leur crient « Ugly TERF cunt » [sale connasse de TERF], qui les intimident, les agressent physiquement et détruisent leurs tracts, arrivent à se présenter comme les véritables militantes féministes, les vraies révolutionnaires et à prétendre que le mouvement des femmes leur appartient. Cette insulte, « sale connasse », qui a déjà pu être reconnue comme l’incarnation pure de la haine des femmes, devient maintenant un discours féministe courageux et authentique, celui de femmes de défendant de l’oppresseur.

Dans son roman classique dystopique, 1984, George Orwell introduit le concept de doublethink (doublepensée), qui décrit la capacité à garder simultanément en tête deux croyances contradictoires et à les accepter toutes deux comme vraies. Hefner pensait pouvoir garder des femmes dans son manoir comme autant d’animaux domestiqués dans un zoo, et se dire malgré tout un défenseur de la libération des femmes. De la même façon, les transactivistes croient pouvoir commettre des actes de violence à l’égard des femmes, nous traiter de « sales connasses » et paralyser nos organisations politiques, et s’imposer malgré tout comme balise du progrès féministe.

Vers la fin de 1984, le héros, Winston, est interrogé par O’Brien, un agent secret du parti régnant. O’Brien lève quatre doigts tout en affirmant qu’il en lève cinq. Winston sait qu’il est capable de compter, il sait qu’il y en a quatre.

« – Vous êtes un étudiant lent d’esprit, Winston, dit O’Brien gentiment.

– Comment puis-je l’empêcher ? (…) Comment puis-je m’empêcher de voir ce qui est devant mes yeux ? Deux et deux font quatre.

– Parfois, Winston. Parfois ils font cinq. Parfois, ils font trois. Parfois, ils font tout à la fois. Il faut essayer plus fort. Il n’est pas facile de devenir sensé. »[1]

Nous, les femmes, savons compter. Nous avons le droit de discuter de nos droits et de tenir à ce que nous savons être la vérité. Nous savons ce à quoi ressemble l’oppression. Nous le savons pour la ressentir. Donc, n’hésitez pas, chers mecs, à maintenir que Hefner était un type bien qui adorait les femmes, ou qu’il est parfaitement acceptable de bourrer de coups de poing au visage des femmes qui ne se soumettent pas à votre idéologie. Mais n’appelez pas cela du féminisme. Parce que ce n’en est pas.

Harvey Jeni est écrivaine, féministe et mère.

Version originale : https://medium.com/@GappyTales/you-aint ... 6df0fb2461

Traduction : Tradfem

[1] Georges Orwell : 1984, éd Folio, 1996, page 354, traduction Amélie Audiberti (Ndt)


https://tradfem.wordpress.com/2018/10/0 ... feminisme/
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