Salut,
Suite à une discussion autour du féminisme, une camarade m'a demandé ultérieurement de lui faire un texte sur la position que j'avais eut (et que j'ai toujours) et qui était : Je ne suis pas anti-féministe, mais je ne suis pas non plus pro-féministe. Donc je vous restistue en intégralité ma réponse, histoire d'engager le débat.
Je ne suis pas anti-féministe.
La raison principale est que je considère qu'il existe bien un système de domination particulier, le patriarcat, qui s'exerce sur et réprime les femmes (mais aussi les non-hétéros). Les femmes étant maintenues dans une infériorité sociale par rapport aux hommes à différents niveaux (tâches domestiques, éducation des enfants, remarques en tout genre les "remettant à leur place (sociale)", regards dans la rue ou ailleurs, infantilisation, etc, etc). Dès lors, il me semble "légitime" que les femmes s'organisent entre elles pour chercher l'ensemble des éléments propres à cette domination spécifique. Pour une raison somme toute simple : seul les dominé.e.s peuvent mettre des mots sur leur domination, du plus visible (viols et violences conjugales) au moins visible (regards, réflexions d'apparence anodines).
Cela marche aussi pour les personnes de couleurs et pour les LGBTI. Les mécanismes de domination ne sont pas les mêmes, bien qu'il y ait des points communs dans la domination des femmes et des LGBTI. Donc il y a une légitimité, voire une nécessité, à l'auto-organisation des dominé.e.s et ce quoiqu'en pense les dominant.e.s. Je n'ai donc, en tant qu'homme favorisé par le patriarcat, avec mes privilèges (jamais on ne me dira comme je dois m'habiller pour sortir dans la rue ni à quelle heure je dois rentrer par exemple), absolument aucun conseil à donner aux féministes et, tant que je considère que leur discours et leurs actes s'accordent à mes idées anarchistes d'une part, et ne remettent pas en cause mon orientation sexuelle d'autres part (la question de certaines féministes au sens large qui assimile le fait qu'un homme et qu'une femme sont "complémentaires"), alors en ces cas-là, je n'ai strictement rien à redire au travail des féministes.
J'ai encore moins de choses à leur dire par rapport à mon vécu qui, il y a quelques années et aujourd'hui encore était/est très lourd, voire chargé en terme de sexisme voire d'homophobie (hé oui...). Mais je préfére pas m'étendre sur ce sujet précis. C'est juste une raison supplémentaire, en plus de mes raisons politiques, de ne pas intervenir dans les luttes féministes même si je peux apporter mon soutien, tant que je ne marche pas sur leur plante-bandes. C'est leur lutte, non la mienne.
C'est pourquoi je ne suis pas non plus pro-féministe.
Ce n'est pas à moi de dire si leur combat, leur discours, leurs actions sont légitimes ou non, mais bien à elles. S'il doit y avoir critique du féminisme (j'entends ici le féminisme que peut incarner OCT) c'est à d'autres femmes de les émettre, pas à moi. La lutte féministe doit rester, comme n'importe quelle autre lutte, entièrement autonome. Et, du fait de mon statut d'homme, je n'ai pas à dire si je suis pour ou contre le féminisme. Le féminisme est là, développe un discours et des actions et, l'unique chose que j'ai à faire c'est d'écouter, de comprendre ce qui est dit (quel mécanisme/situation vous fait dire ceci ou cela?) et voir si ce qui est dénoncé je le fait ou dit moi-même. Et si je me reconnais dans des propos sexistes ou attitudes ou comportements, mon travail en tant qu'homme, à fortiori anarchiste, est de le déconstruire afin d'avoir les relations les plus égalitaires possible, bien qu'en toute franchise je ne pense pas y arriver un jour. Mais en tout les cas, quand les féministes pointent un problème "particulier", à moi de réfléchir dessus.
Après, je pense aussi que tout homme peut et doit s'interroger sur ses rapports aux hommes et aux femmes. J'ai dit ceci à un homme, mais l'aurais-je dit aussi et de la même manière à une femme ? J'ai pensé ceci quand une femme a fait/dit cela, mais aurais-je pensé pareil s'il avait s'agit d'un homme ? J'ai fait ceci à un homme, aurais-je fait pareil à une femme ? Etc, etc. Ne pas attendre que ce soit une féministe qui me le dise, mais réfléchir par moi-même. Evidemment, c'est aussi une manière, même infime, d'aider les féministes dans leur lutte, pour être sûr qu'au moins elles (vous) aurez moins de boulot/comportement/propos à abattre dans nos milieux militants.
Je ne suis ni anti-féministe ni pro-féministe. Parce que en tant qu'homme, je n'ai strictement rien à dire aux personnes que j'opprime et qui s'organisent. Je n'ai pas à leur dire si c'est "bien" ou "mal" de le faire et de quelle manière. L'anti-féminisme est le refus des hommes d'avoir des relations égalitaires avec les femmes, une acceptation (ou refus de l'acceptation) de la domination qu'ils exercent. Le pro-féminisme est une ingérence des hommes dans une lutte qui n'est pas la leur. Soit que c'est une solution de facilité (en gros, un mec qui se dit "pro-féministe" s'en sort à bon compte), soit qu'il pense que c'est la meilleure solution pour soutenir les féministes.
Pour moi, le soutien aux féministes ne peut se faire qu'à deux conditions :
-Admettre qu'en tant qu'homme je suis dans une position dominante, privilégiée. Que j'ai eut une éducation plus ou moins genrée et que je dois donc m'y attaquer, déconstruire le moindre "détail" de cette éducation. Après tout, le patriarcat est fait d'une multitude de "détails" qui, mis bout à bout en font un système de domination bien rôdé. Et, surtout, que je ne dois pas forcément attendre que le féministes me bottent le cul pour me remettre en question.
-Accepter leur autonomie pleine et entière. Refuser de me trouver des alibis du type : "ha ben je suis pro-féministe, je suis avec vous les filles !". Je n'ai pas à être avec les féministes. Je dois être centré sur mes propres privilèges, mes propres défauts sexistes issus de mon éducation et des messages quotidiens que m'envoie le patriarcat.
Il n'y a , pour moi, qu'à ces deux conditions que je peux être utile aux féministes. Déjà parce que je les laisse tranquille et je les emmerde pas pour savoir c'est quoi qui les emmerde chez moi, je fais ce travail-là par moi-même, bien que je ne refuse pas qu'elles me disent ce qu'elles me reprochent, tant ce travail peut bien durer toute une vie. Ensuite parce que je préserve leur autonomie, condition indispensable pour que leur lutte ne soit pas parasitée et qu'elles aillent jusqu'au bout de leur critique. Parce que c'est ça aussi le problème des pro-féministes à mon sens, ça empêche les femmes d'aller au fond des choses de peur de choquer leur copains. Mais bon sur cette dernière phrase ce n'est que mon avis personnel.