Contre le système prostitutionnel: libertaire vs libéral

Re: Prostitution: liberté sexuelle ou liberté consommer du s

Messagede RickRoll » 03 Sep 2010, 10:56

Jusque là je suis d'accord avec toi, alors où est la pierre d'achoppement ?
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Re: Prostitution: liberté sexuelle ou liberté consommer du s

Messagede Tuxanar » 04 Sep 2010, 18:35

Il y a une question dans la mise en place de règlementation de la prostitution qui n'est pas souvent posé. C'est celle de la mise en pratique des règles en question.

J'imagine que pour ouvrir un bordel, il faudra faire une demande en préfecture, que les prostitués devront avoir un permis spécial pour avoir le "droit" de se prostituer. Ces mesures pouvant être mises en place pour lutter contre la prostitution clandestine qui ne manquerait pas de s'épanouir en absence de règles. Ensuite, j'imagine qu'un certain degré d'hygiène serait exigé dans les locaux.

Maintenant, imaginons que ces règles soient réelles. Comment on les applique ? Qui va se chercher de faire des contrôles d'hygiène dans les bordels, de vérifier les papiers des prostitués, les autorisations pour se prostituer, vérifier qu'elles sont consentantes, que leurs conditions de travail soient respectées ?

Alors, on peut imaginer trois solutions :

1- Un corps de fonctionnaire spécialisé. Dans ce cas, quelles sont les politiques actuelles concernant les deniers publiques ? Bien sur, le corps de fonctionnaire aura certainement suffisamment d'agents pour faire respecter partout les lois de la république et protéger les prostitués contre les clients, les maquereaux (qui ne disparaîtront tout seul grâce à la magie législative). Plus sérieusement, ça sera comme dans tous les services publiques : pas de budget, pas assez d'agents. Comme ça, il n'y a que le client qui sera protégé puisque s'il va voir une prostituée clandestine (consentante ou non), il pourra plaider la bonne foi.

2- L'inspection du travail. Les prostitués deviennent des travailleuses comme les autres, c'est l'inspection qui est compétente. Et là, l'inspection qui est déjà en sous-effectif aurait encore plus de difficulté à exercer son métier. Il suffit de connaître les difficultés rencontrés en campagne ou dans les restaus ou dans le bâtiment pour imaginer un peu les difficultés qu'ils rencontraient en visitant un bordel tenu par des mafieux.

3- Les flics. Et là, j'imagine que les prostituées clandestines (consentantes ou non) seront bien traités en GaV et qu'elles seront bien protégées par ces cow-boys machos.

Pour moi, au delà des raisons théoriques existantes, cette seule question de l'application d'une loi de légalisation de la prostitution suffit à m'y opposer complètement.
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Re: Prostitution: liberté sexuelle ou liberté consommer du s

Messagede raspoutine » 06 Sep 2010, 01:08

Roro a écrit:Par ailleurs, vu que tu es contre la marchandisation du corps, je suppose que tu es contre tout type de chantage sexuel dans un couple ? Tu sais, ce qui arrive assez souvent dans un couple "fais-ci, et peut-être que ce soir...." ou la fameuse "grève de la couette" quand on exige de son/sa compagnon/compagne quelque chose en particulier (excuses, services quelconque). Comment comptes-tu t'y prendre pour faire abolir ce genre de comportement qui ressemble étrangement à de la prostitution mais en mode "troc" et non pas financier, comme le fait la prostitution officielle ?

oui, je comprend ce que tu veut dire, mais est ce que c'est réellement du même ordre ?
j'ose espérer que si je me mets avec quelqu'un en couple elle peut prendre du plaisir au fait d'avoir des rapports sexuelles ! et quant tous cas, ce n'est pas vu comme un mauvais moment a passer ! c'est plus un plaisir pour l'un que pour l'autre, sans doute, et la symétrie parfaite dans les rapport humain n'existe pas !
ce que tu décris est un peu comparable a ce qui ce passe dans les rapport d'amitié ! on vas dire que l'on est potes, tu veut absolument aller dans une rev, moi je déteste les rev, alors je te dis si ce soir tu veut vraiment y aller se seras sans toi ! et après je t'appelle plus, et quand tu m'appelle je te dirais que je suis occuper ! un mois avant, je te disais vient on vas dans ce bar, tu voulais pas, mais je te dis écoute moi je tient a y aller, et au bout d'un moment je te dis "avec ou sans toi" et toi tu supporte pas d'être seul, alors tu capitule !
eh bien t'es pas ma pute mais c'est que nos rapports ne sont pas égalitaire(et peut être pas très sain), mais ils ne le sont pas entre les êtres humains ! c'est pas jolie, jolie, mais ce que tu décris s'apparente plus a cela, qu'a autre chose !
de même, le probleme sorti souvent de la personne qui, dans une société égalitaire, te dis "allez donne moi une ration de viande, et je te suce la bite", cela suppose quelle vis le truc de sucer des bites comme n'étant rien du tout, ou est le probleme ?
enfin malgré tout le probleme, c'est si elle peut accumuler la viande, et que la souffrance qui a d'autre forme qu'économique, est toujours là ! vu qu'il y a des gens qui sont pres a moins manger pour ce faire sucer la bite !
la prostitution c'est je dois manger pour bouffer, et dans le "meilleur des mondes" c'est c'est mon unique qualité alors je fais cela, c'est ma spécialité ! et si demain, d'un seule coup, cela ne plait pas, qu'est ce que je vais faire d'autre ?

sinon, pourquoi dans les blablas sur la prostitutions, le MAC est il TOUJOURS absent ?
c'est un détail le mac ?
c'est pas le centre du probleme dans la prostitution actuel ?
les forums : c'est vraiment de la merde !
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Saguenay: Lettre ouverte à propos de l'exploitation sexuelle

Messagede chaperon rouge » 05 Oct 2010, 15:16

Par le Collectif du 18 août, un collectif abolitionniste (prostitution) au Saguenay

Lettre d’opinion

5 octobre - Journée internationale de non-prostitution

Dumont est acquittée, Nadia Caron demeure une victime de l’exploitation sexuelle

Dans le cadre de la Journée internationale de la non-prostitution, partout au Canada, plusieurs groupes s’unissent pour dire Non à la prostitution. Au Saguenay, la mère de Nadia Caron s’unit au Collectif du 18 août afin de réagir au jugement qui a acquitté Luc Dumont des accusations d’homicide involontaire et de négligence criminelle à l’endroit de sa fille. L’objectif, livrer un message : la prostitution est une violence faite aux personnes et porte atteinte à la dignité humaine.

Pour la famille de la victime, ce verdict est douloureux et suscite de l’incompréhension. Cependant, Mme Lebel s’adresse aux personnes qui croient que sa fille est la seule responsable de sa mort et qu’elle aurait choisi rationnellement, et dans des conditions favorables, de se prostituer. Elle explique que Nadia a commencé à échanger des services sexuels sous les pressions de son conjoint pour payer sa drogue et son alcool. Comme bien d’autres qui commencent dans ce milieu, Nadia était fragilisée par un passé difficile. Elle était prise dans une relation de violence et cherchait l’amour à tout prix. Selon Mme Lebel, Nadia avait honte de ce qu’elle faisait et n’était ouverte à en parler. Elle se souvient avoir vu sa fille sombrer dans la drogue et devenir profondément malheureuse. Elle était coincée dans un cercle infernal.

« Lorsque Nadia est décédée, je suis passée par toutes sortes d’émotions, de la colère à la culpabilité » se remémore-t-elle. Comme mère, elle s’est posée beaucoup de questions, mais elle demeure certaine d’une chose : sa fille ne rêvait pas de devenir une prostituée et d’en mourir. Croyez-vous vraiment qu’une jeune fille peut aspirer à devenir l’objet sexuel des hommes? Les féministes du Collectif du 18 août répondent non sans hésiter!

La marchandisation sexuelle des personnes est une violence qui porte atteinte à la dignité humaine. La majorité des personnes qui sont entrainées dans la prostitution souhaite en sortir. Par conséquent, nous croyons que le gouvernement doit investir des ressources afin d’aider les femmes prostituées qui désirent quitter ce milieu. La décriminalisation de la prostitution n’est pas une solution. Les pays ayant opté pour cette voie font face à une augmentation de la prostitution et des violences qui y sont intimement liées.
Les féministes du Collectif du 18 août s’opposent fermement au jugement de la Cour supérieure de l'Ontario invalidant certains articles importants des lois canadiennes concernant la prostitution. Ce jugement continue la criminalisation des femmes prostituées dans la rue et encourage la création de bordels. Dans ce jugement, il est reconnu que la prostitution est violente. Malgré cela, la juge donne un accès illimité aux clients de consommer la sexualité des personnes. En fait, ce jugement démontre le caractère hypocrite de la législation qui sous prétexte de protéger les personnes prostituées, autorise surtout les souteneurs, proxénètes et trafiquants à capitaliser sur l’exploitation sexuelle du corps d’autrui. Ce jugement ne change donc rien à la protection des personnes prostituées, qui continueront ici d’être isolées, marginalisées et cachées.
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Réponse des Tumul-tueuses au dossier Prosti-tueurs de l'AL

Messagede it- » 13 Oct 2010, 22:42

Réponse des Tumul-tueuses au dossier Prosti-tueurs de l'AL

Alternative Libertaire a choisi de faire dans son numéro de juillet-août 2010 un dossier sur la prostitution avec pour titre « Proxénètes, Clients, PROSTI TUEURS, pour en finir avec ce système ».

Le dossier s’adressait aux militantEs du STRASS et aux « Féministes radicales antiracistes et pro-prostitution du collectif Féministes Partout » dont nous avons fait partie. Le STRASS a ensuite réagi en écrivant un communiqué.
Parce que nous voulons apporter notre soutien au STRASS, parce que le ton employé dans le dossier nous a interpellées et parce que nous nous sentons concernées par ces questions nous avons également souhaité répondre à ce dossier.


Notre positionnement politique

Dans le dossier de l’AL, nous sommes présentées comme des « féministes radicales antiracistes et pro-prostitution ».

OUI, nous sommes des féministes
OUI, nous sommes radicales (et nous pensions partager cet élan pour le « radicalisme » avec les militantes d’AL)
OUI, nous sommes anti-racistes

En revanche :

• Les TumulTueuses ne se sont jamais positionnées comme étant « pro-prostitution ». D’ailleurs, nous ne savons pas ce qu’AL entend par ce terme. Nous ne sommes pas pour le proxénétisme ni pour aucune autre forme d’exploitation salariale.

• Les TumulTueuses ne se sont jamais positionné pour le réglementarisme, entendu comme une politique de contrôle et de répression de la part de l’Etat. Nous ne sommes ni pour la réouverture des maisons closes ni pour la traite des femmes.

• Comme pour d’autres débats divisant les courants féministes, nous prenons le parti de ne pas vouloir émanciper les femmes contre leur gré en nous arrogeant le monopôle du « savoir vivre faire et penser féministe », mais d’écouter et/ou soutenir les femmes qui tentent de s’émanciper elles-mêmes

Notre positionnement par rapport aux revendications du STRASS

Parce qu’un monde idéal sans rapport de domination nous semble malheureusement lointain, et que nous pensons qu’il est urgent de répondre concrètement à la situation d’inégalités et de discriminations dont sont victimes les personnes prostituées ;

Parce que nous pouvons imaginer qu’on puisse préférer être prostituée plutôt que caissière avec son cortège de salaire de misère, d’horaires de travail inhumains, et relativement fréquemment en prime les gauloiseries, si ce n’est le harcèlement sexuel des petits chefs.

Nous soutenons donc les revendications concrètes et actuelles du STRASS notamment :

• La régularisation de toutEs les sans papierEs

• Le droit à la sécurité sociale, à la retraite et au logement pour toutEs.

• La possibilité pour les personnes prostituées d’exercer leur activité dans des conditions dignes et sans danger (que ce dernier provienne de la police ou des clients).

• L’abolition de la loi de sécurité intérieure (LSI) qui pénalise le « racolage passif », et « criminalise les prostituéEs ».

• La reconnaissance de l’activité du sexe, et la lutte contre le mépris du public.

• La légitimité pour les personnes prostituées de s’organiser en syndicat.



Les questions que nous posons à l’AL

• N’est-il pas politiquement malhonnête de la part de militantEs libertaires de parler « d’une poignée de militantEs (qui) résiste » quand des femmes tentent de s’organiser pour lutter contre l’exploitation et la violence d’Etat? N’est-ce pas utiliser les procédés de la droite que de discréditer une organisation en la réduisant de manière numéraire ?

- Ni le STRASS ni ses alliées féministes n’ont jamais prétendu que les prostituées indépendantes étaient majoritaires en France. Il n’est pas par ailleurs question ici de minimiser l’existence des réseaux de prostitution. Est-ce une raison pour ne pas soutenir et pour stigmatiser ce syndicat ?

• Si des femmes de ménage indépendantes s’organisaient pour défendre leurs conditions de travail, les accuseriez-vous d’avoir des revendications « capitalo-libérales » ? Refuseriez vous aussi de les soutenir sous prétexte qu’elles se font exploiter de manière honteuse et peuvent être considérées comme un symbole de l’asservissement des femmes ?

• N’est ce pas gênant de présenter un dossier d’une telle ampleur sans qu’à aucun moment ne soit donné la parole aux travailleusEs du sexe ?

- Et ce d’autant plus que vous avez accordé du crédit à des chiffres émanant du Ministère de l’Intérieur, ou d’organisations catholiques et de ses représentants , dans un journal libertaire, quand on sait que chiffrer la prostitution est impossible étant donné les conditions clandestines dans lesquelles elle doit s’exercer alors qu’aucune étude scientifique n’a été menée pour chiffrer de manière précise la prostitution en France.

. Quand on sait que la Fondation Scelles est d’obédience chrétienne et que l’on connaît les positions de l’Eglise sur la prostitution, cela ne pourrait-il pas influencer quelque peu les résultats obtenus dans leurs enquêtes ?
Notamment Claudine Legardinier qui n’est autre qu’une des représentantes du NID.

• L’AL ne craint-elle pas par son discours d’aggraver l’opprobre jeté sur les putes, et d’accentuer leur sentiment de honte et de culpabilité ? Notre combat de féministes ne doit-il pas nous conduire à faire en sorte que toutes les femmes se sentent plus fortes et plus dignes ?

• Quelles solutions proposez-vous à celles qui exercent cette activité sans être sous la coupe d’un proxénète, en attendant un monde sans rapport d’exploitation, ni de rapport marchand, ni de genre, ni de domination quelle qu’elle soit ? Puisque toute solution libérale ou coopérative semble exclue, serait-ce le salariat, le fonctionnariat… ?

- Vous voulez abolir la prostitution sous prétexte qu’il s’agit d’une exploitation capitaliste et patriarcale, faut-il donc abolir tous les métiers portant atteinte à l’intégrité physique et/ou mentale (ouvrièrEs du bâtiment ou à la chaîne, institutriCEs dans des classes surchargées, aides à domicile…) ? Ou comme le fait le STRASS se battre pour de meilleures conditions de travail ?

Pour citer « Fières d’être pute » : l’abolition de l’esclavage ne visait pas l’abolition du travail accompli, mais des conditions dans lesquelles il était effectué.



Les TumulTueuses n’ont jamais refusé de débattre sur cette question, et sont tout à fait prêtes à participer à une plateforme qui réunirait des féministes et des prostituées féministes souhaitant réfléchir à des solutions concrètes et immédiates pour améliorer les conditions de travail et de vie des personnes prostituées.


http://www.tumultueuses.com/
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Re: Réponse des Tumul-tueuses au dossier Prosti-tueurs de l'

Messagede chaperon rouge » 13 Oct 2010, 23:46

Je me permet de rentrer dans la discussion même si la distance géographique (outre-mer) fait en sorte que je n'ai pas suivit le débat en France. Il semble qu'au Québec nos débats soient bien semblables actuellement.

Personnellement, je suis abolitionniste (je suis un homme). Les femmes prostituées vivent présentement dans l'ombre comme vous l'avez mentionner. Plus généralement, dans l'ombre de leur pimp. Des organismes à différents endroits sur la planète tentent tant bien que mal de les rejoindre dans la rue, pour leur refiler de la nourriture, jaser si besoin, donner des numéros pour un refuge, etc... Mais c'est clairement pas facile, parce que ces filles sont observées par leur pimp, et certaines se font physiquement maltraité pour cela - juste pour avoir jaser aux filles qui font de l' "outreach". Est-ce que le syndicat dont il est parlé s'occuperait de combattre les membres du crimes organisés qui s'occupent du "secteur de la prostitution"?

Comme abolitionniste, des solutions pour les filles, j'en entends de mes camarades féministes:
- ouverture de centres d'aide aux femmes victimes de la prostitution et de la traite des femmes
- création de lignes d'écoute et de refuges (espaces sécuritaires non-mixtes)
- en parler de la prostitution et du vécu des filles qui se droguent et se saoulent dès le matin pour pouvoir avoir du sexe
- combattre les inégalités de genre dans la société, le patriarcat, lutter contre la marchandisation du corps des femmes et la violence envers les femmes plus généralement, mais aussi contre les inégalités sociales
- décriminaliser les prostituées, mais criminaliser les clients, les pimps et les établissements

- et puis oui, faire du outreach peut être bien util je crois mais, tant que ça ne met pas en danger les prostituées et ce n'est pas nécessairement facile ça...!
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Re: Réponse des Tumul-tueuses au dossier Prosti-tueurs de l'

Messagede chaperon rouge » 14 Oct 2010, 00:11

Et puis, vous présentez la prostitution comme un travail ordinaire. Comme si le risque des prostituées de se faire agresser avait une commune mesure avec l'employée de bureau par son patron. Avouez que c'est tirer par les cheveux! Je ne suis pas partisan de la justice bourgeoise, mais je sais que les luttes féministes des dernières décennies ont tout de même fait quelques progrès pour faire reconnaître que le corps des femmes n'appartenaient pas à leur mari, au curé ou au patron, même si c'est à des degrés moins importants en dehors de l'occident(selon les endroits, je ne veux pas trop simplifier).

Quand j'avais parlé de Stella (un organisme de montréal qui veut faire un "syndicat de travailleuses du sexe") à la Angel Coalition en Russie (d'où beaucoup de femmes sont exportées comme des marchandises pour les bars de danceuses, les maisons closes et les pimps même au Canada), elles avaient sursauté en entendant le terme "sex workers" parce qu'elles ne voyaient vraiment pas comment les filles pourraient choisir d'elles-mêmes de faire la rue et de ne plus avoir aucun pouvoir sur le choix de leurs "clients" (étant elles mêmes des ex-prostitutées qui viennent en aide aux prostituées et aux victimes du trafic de femmes). Elles me disaient que très souvent les femmes qui allaient vers la prostitution avaient eu des cas de violence durant leur enfance et que les femmes prostitutées qu'elles tentaient d'aider apparaissaient comme profondément traumatisées et buvaient du matin au soir (puisque c'était de cette façon qu'elles pouvaient avoir du sexe).

On ne devient pas prostituées comme on applique pour faire de la vente chez mcdo, et puis au niveau mondial les réseaux prostitutionnels alimentent un trafic des femmes ou celles-ci vivent un esclavage (elles se font souvent enlever leur passeport), très incompris par les autorités policières.
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Re: Réponse des Tumul-tueuses au dossier Prosti-tueurs de l'

Messagede Parpalhon » 14 Oct 2010, 01:01

oui je trouve moi aussi très limite de parler au nom de "travailleurs/ses du sexe" ...
On voit de plus en plus de cas dans des pays de l'ex URSS d'enlèvements d'étudiantes, que les familles retrouvent parfois à la morgue après des mois où des hommes leurs sont passé dessus ... des filles qui étaient droguées de force pour rester dociles, violées en permanence, voir même avortées de façon barbare ...
Que dire des ados africaines à qui on fait miroiter un eldorado européen afin de les amener dans les pires des bordels et de leur faire connaitre un enfer qui dépasse ce qu'elles connaissent dans leurs pays en guerre civile ...

Oui il y a des femmes qui choisissent la prostitution, ça doit pas être rose tous les jours pour elles, mais c'est leur choix ... mais dans des pays où la prostitution est interdite c'est évident qu'il y a de gros trafics d'humains ... ces femmes ne deviennent plus que des trous par où rentrent tous les frustrés et pervers, et pour supporter ça elle sont obligées de boire, et de prendre la drogue que leur donne leur mac en espérant qu'un jour elles pourront se libérer de leur griffe, et retrouver un semblant de vie "normale", loin de la brutalité des hommes :(

Si on part du principe que le mot travail vient du latin tripalium, qui était un instrument de torture, je suis d'accord pour dire que ce sont des travailleuses ... mais à ce compte là, le prof ou le journaliste ou qui que ce soit d'autre qui exerce une profession par choix et qui aime ça, on ne les appellent pas travailleurs
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Re: Prostitution: liberté sexuelle ou liberté consommer du s

Messagede Pïérô » 14 Oct 2010, 08:28

Il y a eu une réponse D'AL au texte du Strass :

Le Strass, Syndicat du Travail Sexuel, a rédigé une réponse au dossier sur la prostitution paru dans le mensuel Alternative Libertaire des mois de juillet et août 2010 coordonné par la commission antipatriarcat (dossier disponible sur le site Internet d’Alternative libertaire) Dans sa réponse, le Strass se place au niveau de l’argumentation et non de l’invective, c’est pourquoi nous considérons utile de leur faire une réponse qui permet de mieux expliciter les raisons de notre désaccord avec ses positions.

Le Strass nous répond qu’il n’est pas pro-prostitution. En tant que militant-es communistes libertaires, bien souvent aussi syndicalistes, nous lui répondons qu’il nous semble qu’il y a une confusion qui revient constamment dans ses propos, une ambivalence. S’agit-il d’un syndicat de défense « de la légalité du travail sexuel » ou d’un « syndicat de défense des travailleurs et travailleuses du sexe » ? Nous pensons que le nom du syndicat est sans ambiguïté, il s’agit d’un syndicat de défense du « travail sexuel » et non de défense des travailleurs du sexe au sens où l’a entendu le mouvement ouvrier. Le Strass est un syndicat qui défend les intérêts d’une corporation de métier, c’est un syndicat de défense d’artisans du travail sexuel. Or, un syndicat de travailleurs au sens du mouvement ouvrier ne défend pas un métier, mais des travailleurs contre les abus des patrons. En ce sens, il ne pourrait y avoir de syndicat de travailleurs et de travailleuses du sexe que comme organisation de défense des personnes prostituées exploitées dans des réseaux de prostitution.

Le second point de divergence d’un point de vue syndical tient selon nous au rapport au métier. En tant que communistes libertaires et que syndicalistes, nous ne considérons pas que le maintien d’un emploi soit toujours la priorité lorsqu’il met en danger la santé des travailleurs ou des citoyens en général. Par exemple, nous ne militons pas pour le maintien de l’emploi dans le secteur nucléaire ou de l’armement, mais pour la reconversion de ces emplois dans d’autres types d’activité. Par conséquent, pour notre part, sur la question de la prostitution, nous pourrions aussi avoir des divergences avec des personnes qui diraient que l’abolition de la prostitution est un objectif, mais qu’en attendant il faut maintenir l’emploi prostitutionnel.

Notre divergence, comme nous l’avons déjà exprimée dans le mensuel AL avec la défense de la prostitution comme un métier, tient en particulier au point suivant. Nous ne nions pas que la prostitution soit de fait un travail pour un certain nombre de personnes, mais cela ne signifie pas que cela suffise à passer du fait au droit. Un état de fait ne suffit pas à légitimer un droit. Or, défendre la légalité de la prostitution consiste à légitimer le fait que l’activité sexuelle devienne un travail. Et, pour reprendre l’analyse de Marx dans le Livre III du Capital, « la liberté se trouve au delà de la nécessite ». Si l’on défend la liberté sexuelle et le fait que la sexualité a avant tout pour fin le plaisir, alors il nous semble dangereux de défendre le fait qu’elle devienne une activité professionnelle, car le travail est d’abord ce que l’on accomplit par nécessite, pour pouvoir reproduire sa force de travail. C’est d’ailleurs ce que reconnaît le Strass : « en général, la raison pour laquelle nous exerçons le travail du sexe n’est pas à la suite d’une demande d’un client mais pour des raisons économiques ». Or, une part importante de la lutte des femmes a consisté à défendre la reconnaissance pour elle d’une sexualité qui ne soit ni assujettie à la reproduction biologique, ni à une activité économique de subsistance. Et c’est bien ce que souhaite le système capitaliste, à savoir que toute activité devienne un travail et puisse donc être échangée comme un service marchand afin de produire une plus-value.

Refuser de légitimer la transformation de la sexualité en travail, cela ne signifie pas renoncer à soutenir les prostitué-es, mais cela conduit à défendre la possibilité pour les personnes prostitué-es d’accéder à d’autres emplois ou de défendre le droit au logement et à la formation professionnelle pour tous.

En tant que libertaires, nous sommes pour l’autonomie des opprimé-es. Mais, il faut bien se rendre compte que lors d’un mouvement de lutte mené par des opprimé-es, il y a toujours des positions différentes parmi eux et elles et le soutien qu’on leur apporte est fonction de ces proximités idéologiques. Ainsi, il existe des mouvements d’ex-prostituées, de « survivantes », qui demandent l’abolition de la prostitution. Pour une personne qui n’exerce pas cette activité, doit-elle croire plutôt les représentants du Strass ou ces mouvements d’ex-prostituées ? Du fait de nos positions féministes et anticapitalistes, il nous semble que la cohérence nous amène plutôt à nous rapprocher de ces mouvements d’ex-prostituées qui revendiquent l’abolition de la prostitution [1] .

Enfin, si le Strass cite à son appui une référence à Emma Goldmann, nous pouvons citer bien plus de textes d’auteur-es libertaires critiquant la prostitution. L’un des arguments constants des anarchistes contre le mariage est d’ailleurs le fait qu’il s’agit d’une forme de prostitution [2] . C’est ce que l’on peut lire dans cet extrait de L’amour libre de Madeleine Vernet (1907) :

« Donc, le mariage, l’amour, le désir, sont trois choses distinctes :

Le mariage, c’est la chaîne qui retient l’homme et la femme prisonniers l’un de l’autre.
L’amour, c’est la communion intégrale des deux.
Le désir, c’est le caprice de deux sensualités. Je laisse le mariage, dont je suis l’adversaire, pour en revenir à la question de l’amour libre. J’ai dit que l’amour doit être absolument libre, aussi bien pour la femme que pour l’homme. Et j’ajoute encore : l’amour ne peut véritablement exister qu’à la condition d’être libre. Sans la liberté absolue, l’amour devient de la prostitution, de quelque nom qu’on le revêt. Le fait de vendre son corps à un prix plus ou moins élevé, à une nombreuse clientèle, ne constitue pas seulement la prostitution. La prostitution n’est pas seulement l’apanage de la femme, l’homme aussi se prostitue. Il se prostitue quand, dans le but d’un intérêt quelconque, il donne des caresses sans en éprouver le désir. Non seulement, le mariage légal est une prostitution lorsqu’il est une spéculation de l’un des époux sur l’autre, mais il est toujours une prostitution puisque la vierge ignore ce qu’elle fait en se mariant. Quant au devoir conjugal, ce n’est ni plus ni moins encore que de la prostitution ;
prostitution, la soumission au mari ; prostitution, la résignation et la passivité. Prostitution encore que l’union libre, quand elle passe de l’amour à l’habitude. Prostitution enfin, tout ce qui rapproche les sexes en dehors du désir et de l’amour. »

Alternative libertaire, le 15 septembre 2010

[1] Voir par exemple les textes suivants : http://sisyphe.org/spip.php ?article2834 ou http://sisyphe.org/spip.php ?rubrique95 ; ou encore le « Manifeste des survivantes de la traite et de la prostitution », Conférence de presse donnée au Parlement européen, « Qui parle au nom des femmes en prostitution ? », le 17 octobre 2005

[2] Voir par exemple Joseph Déjacques, L’humanisphère, 1859 et E. Armand, La révolution sexuelle et la camaraderie amoureuse, Paris, Zones, 2009
Image------------ Demain Le Grand Soir --------- --------- C’est dans la rue qu'çà s'passe --------
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Re: Prostitution: liberté sexuelle ou liberté consommer du s

Messagede charlelem » 14 Oct 2010, 08:44

Les TumulTueuses n’ont jamais refusé de débattre sur cette question, et sont tout à fait prêtes à participer à une plateforme qui réunirait des féministes et des prostituées féministes souhaitant réfléchir à des solutions concrètes et immédiates pour améliorer les conditions de travail et de vie des personnes prostituées.

Ce qui me gène dans ce genre de propositions c'est qu'on oublie toujours la troisième partie prenante du problème : les macs.
En attendant je reste sur la position (peut être simpliste) : légaliser la prostitution, c'est légaliser les macs.
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Re: Prostitution: liberté sexuelle ou liberté consommer du s

Messagede MélusineCiredutemps » 11 Avr 2011, 20:41

Salut,

Je voulais voir si mon article avait circulé... c'est comme ça que j'ai découvert ce forum et après avoir lu les commentaires positifs de plusieurs d'entre vous j'ai décidé de m'inscrire, au moins pour dire à celleux qui en font une bonne critique que ça fait plaisir de lire des camarades qui, en plus d'appuyer mon propos ajoutent des arguments supplémentaires/complémentaires à mon articles. MERCI !!!!!
Pour info et pour vos tables de presse, cet article est téléchargeable dans la rubrique "brochure" du site du Collectif Libertaire Anti-Sexiste et dans "agitation" sur le site de Vizcacha Rebelde aka Damn'Dynamite.
MélusineCiredutemps
 

Re: Prostitution: liberté sexuelle ou liberté consommer du s

Messagede Pïérô » 01 Mai 2011, 08:54

un article à paraître dans le mensuel Alternative Libertaire de mai :

« Clients » : Punir les prostitueurs ? Les éduquer, surtout

Sanctionner les prostitueurs n’abolira pas le système prostitutionnel, certes. Mais le simple fait que, pour une fois, on s’intéresse à cette discrète catégorie de consommateurs, permet d’aborder le débat sous un angle nouveau. Et de regarder de plus près le bilan de certaines expériences étrangères.

« Je suis favorable à la pénalisation des clients. Il faut les punir », a déclaré Roselyne Bachelot dans Le Parisien du 30 mars. Une commission parlementaire planche sur le sujet. Après avoir organisé la chasse aux prostituées avec la Loi de sécurité intérieure de 2003, l’UMP menace donc d’étendre la répression. Non pas pour lutter contre la prostitution, mais pour la cacher.

Bronca immédiate, véhiculant le meilleur comme le pire… encore une fois, on a eu droit à tous les clichés la « liberté » d’acheter des « services » à des « adultes consentantes » qui sont en fait des « travailleuses du sexe ». Le comédien Philippe Caubère, avec une fatuité écœurante, a pour sa part assuré le plaidoyer larmoyant des « clients » pour le loisir dont on veut les priver [1]. Il a reçu le renfort d’un autre prostitueur, Pascal Bruckner, mais aussi d’Éric Zemmour et Robert Ménard. Hédonistes, ultralibéraux, misogynes et réactionnaires font front commun contre une possible limitation de leur « liberté ». Certaines prostituées indépendantes ont également protesté, craignant de voir se raréfier leur clientèle.

En face, Bachelot a invoqué le « modèle suédois »… bien abusivement tant il est éloigné de la stricte obsession répressive de l’UMP ! Et, bien sûr, elle n’a même pas effleuré les mesures qui permettraient de faire drastiquement reculer la prostitution, à savoir : le droit au logement, le droit à un revenu pour toutes et tous (ne serait-ce que l’accès au RMI pour les moins de 25 ans) et la liberté de circulation des migrants (qui, forcés à la clandestinité, sont une proie idéale pour les proxénètes). Une fois pour toutes : il ne peut y avoir de politique d’abolition du système prostitutionnel sans éradication de la précarité économique et sociale. C’est en cela que l’abolitionnisme et l’anticapitalisme sont liés et, de ce point de vue, la Suède n’est bien sûr pas une panacée, les budgets sociaux y étant en régression constante. Néanmoins, on aurait tort d’ignorer cette expérience, pour les enseignements qu’elle apporte.

Échec aux réseaux mafieux

Le « modèle suédois », qu’est-ce ? C’est tout un dispositif de lutte contre les violences machistes institué en 1999 par la loi Kvinnofrid (« La paix des femmes »). Il repose sur une éducation antisexiste plus avancée qu’ailleurs, des centres d’accueil et des campagnes de sensibilisation [2]. Sur le plan de la prostitution, il dépénalise les prostituées et pénalise les prostitueurs – proxénètes et « clients » [3].

Douze ans plus tard, quel est le résultat ? Les statistiques établies par Stockholm en 2004 sont à prendre avec des pincettes. En effet, elles révélaient qu’en quatre ans la prostitution de rue avait baissé de 30% (de 2.500 à 1.500 personnes) mais restaient muettes sur la prostitution « invisible », par le biais d’Internet. À cette date, seules 130 personnes avaient sollicité une aide sociale pour sortir de la prostitution, et 60% y étaient parvenues. Sur les trois premières années, plus de 700 prostitueurs pris sur le fait ont dû payer des amendes (indexées sur leur revenu). Il est à noter que la loi est censée concerner aussi les Suédoises et les Suédois qui vont consommer à l’étranger. Ainsi, en 2002, des officiers militaires ont été démis de leurs fonctions pour avoir fréquenté des bordels kosovars [4].

Un élément du bilan en revanche est incontestable : les réseaux mafieux ont désinvesti ce pays désormais trop peu accueillant, pour aller prospérer dans les pays où la prostitution est réglementée (Pays-Bas, Allemagne, Suisse…). En 2004, le gouvernement suédois estimait qu’en quatre ans, les proxénètes n’avaient « importé » dans le pays que 200 à 400 femmes, un nombre négligeable en comparaison des 15.000 à 17.000 convoyées chaque année en Finlande [5]. L’interdiction en Suède a bel et bien « déplacé le problème », comme aiment à le rappeler les libéraux, puisque la consommation de prostituées a augmenté dans les pays limitrophes. Mais de ce fait, le « modèle suédois » a fait des émules : la Norvège l’applique depuis 2008, l’Islande depuis 2009. L’Irlande, l’Estonie et la Finlande y songent aussi sérieusement.

La fausse bonne idée de la légalisation

Au bout du compte, et malgré ses limites nécessaires dans un environnement capitaliste, on est donc loin d’un « échec » du modèle suédois. Surtout si on le met en regard du désastre dans les pays où la prostitution est légalisée [6] : explosion des réseaux d’esclavage sexuel, développement des bordels, tranquillité des proxénètes qui peuvent exploiter sans lien de subordination apparent grâce au statut de profession libérale étendu aux prostituées… mais aussi désinhibition des hommes par rapport à la consommation des femmes. Ainsi, alors qu’on estime qu’en France, 12% des hommes ont été clients au moins une fois dans leur vie, le site Donjuan.ch estime que 20% des Suisses le sont au moins une fois par an [7]. Quel progrès de civilisation !

Vis-à-vis des « clients », une autre expérience qui relève, elle, de l’éducation populaire, mérite d’être citée. Depuis 1995 existe dans plusieurs villes des Etats-Unis un programme original de réhabilitation des prostitueurs : Standing Against Global Exploitation, mis en place par une « rescapée » de la prostitution, Norma Hotaling. Les clients pris sur le fait ont le choix entre une amende et un stage d’une journée où ils sont confrontés à d’anciennes prostituées qui leur racontent ouvertement leur vécu. Fatalement, elles liquident sans retenue les mythes glamour dont se persuadent les clients, avec une liberté de ton qu’une prostituée en exercice ne pourra, par définition, jamais se permettre à moins de vouloir dissuader la clientèle. Les stagiaires en ressortent apparemment édifiés. « Les hommes nous remercient, racontait Norma Hotaling dans une interview en 1998 [8]. Certains disent regretter de ne pas avoir eu ces connaissances plus tôt. » Sur 1.400 hommes passés par ce programme en trois ans, quatre seulement avaient récidivé : « C’est la preuve que les hommes peuvent changer », concluait-elle.

Guillaume Davranche (AL 93)


[1] Libération, France Info, France 3, Europe 1, France 24… depuis début avril, le comédien fait étalage de sa libido dans tous les médias.

[2] Toutes ces mesures ont d’ailleurs eu pour résultat d’encourager la parole et les signalements. Ce qui aboutit à ce paradoxe que la Suède est aujourd’hui, statistiquement, le pays d’Europe qui enregistre le plus de violences contre les femmes.

[3] Claudine Legardinier et Saïd Bouamama, Les Clients de la prostitution. L’Enquête, Presses de la renaissance, 2006 : http://www.ababord.org/spip.php?article922

[4] Interview de Gunilla Ekberg dans Prostitution et Société, juillet-septembre 2004 : http://www.prostitutionetsociete.fr/int ... lementaire

[5] Ibidem.

[6] « La légalisation de la prostitution et ses effets sur la traite des femmes et des enfants », enquête du sociologue Richard Poulin sur Sisyphe.org. : http://sisyphe.org/spip.php?article1565. Plus récemment, l’enquête du journaliste suisse Christophe Passer pour L’Hebdo, 3 février 2010 : http://www.hebdo.ch/la_peur_des_filiere ... 2986_.html

[7] Donjuan.ch, « information aux consommateurs de sexe tarifé » qui veulent « voler de conquête en conquête » en toute sécurité : http://www.don-juan.ch/f/test/index.php

[8] Prostitution et Société, avril-juin 1998 : http://www.prostitutionetsociete.fr/pre ... trice-d-un

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Re: Prostitution: liberté sexuelle ou liberté consommer du s

Messagede MélusineCiredutemps » 07 Mai 2011, 13:00

Salut,

Je trouve cet article très intéressant. Et j'y ajouterai quelques observations concernant les fachos (auto revendiqué-e-s ou non) qui crient au scandale, victimisent les prostitueurs et qualifient ce projet de lois de liberticide (parce qu'il menace la liberté de traiter des êtres comme s'il s'agissait de choses... ). Plus que jamais la citation de Beauvoir est d'actualité : "Une liberté qui s'emploie à nier la liberté doit être niée" !!!!!
Voici donc quelques infos et réflexions que j'ai récemment envoyées sur la liste du CLAS :

1) Le Front National :

Infos vues sur yahoo :

http://www.lepost.fr/article/2011/03/30 ... -girl.html

http://www.lepost.fr/article/2011/04/14 ... tor=AL-235



2) La rhétorique pro-prostitution façon identitaire par patrick gofman :

ça fait quelques mois que j'observe l'inclinaison de plus en plus à droite de l'émission "ce soir ou jamais". Depuis le début c'est une émission mondaine, typique de l'univers bobo parisien-ne-s, mais avant il y avait parfois des invité-e-s intéressant-e-s par leurs valeurs et leurs argumentations. Maintenant, le chois des invité-e-s (il y a eu souvent des gens comme soral, dieudonné ou ramadan par exemples, ces derniers temps) et la façon dont le présentateur, taddeï, réparti la parole ainsi que ses commentaires favorisent de plus en plus des positions identitaires, capitalistes, anti-féministe (en prétendant parfois être féministe, comme dans le cas de despentes par exemple, ce qui rend la propagande encore plus toxique). Dans cette émission-là, taddeï a choisi d'inviter face, notamment à gofman, une féministe qui a l'aire très sincère, certes, mais qui n'est pas du tout forte en rhétorique, et qui a, en plus, un tique de langage qui rend sa voix désagréable... le choix serait-il anodin ? On peut critiquer le projet de loi visant à pénaliser les prostitueurs, parce qu'il n'est pas assez efficace pour abolir la prostitution et la repousse juste dans des pays voisins. On peut remarquer qu'il faudrait commencer par supprimer la reconnaissance de "travailleur indépendant" que les services fiscaux attribuent aux personnes prostituées, et qui du coup les assignent à l'obligation de payer des impôts, supprimer également la lois sur le racolage passif (qui n'a fait que légiférer sur une pratique policière en place depuis des décennies avant la loi) et annuler toutes les amendes et toutes les dettes contractées par les personnes prostituées, etc... On peut critiquer ce projet de loi pour dire qu'il y a aussi d'autres choses à faire en faveur des victimes de la prostitution, des moyens à attribuer aux associations abolitionnistes et des titres de séjours qui ouvrent les droits aux allocations et au travail, par exemples, que rien ne semble envisager dans ce sens là... Alors qu'un autre projet de loi est en train d'être mijoté par le même parti, visant à déguiser une passe en "séance thérapeutique" pour les personnes reconnues handicapées... Ah le bon vieux misérabilisme à l'égard des personnes handicapées ! Et la misère (du handicap) donne le droit d'être un connard! Les médias n'en parlent pas beaucoup de ce projet de loi là. Les derniers courriers de la Marche Mondiale des Femmes en parlent, eux, et ils sont en ligne sur le site du CLAS dans la rubrique "actualité". Bref, on peut critiquer le projet de loi visant à pénaliser les prostitueurs d'un point de vue réellement abolitionniste, parce qu'il semble volontairement incomplet, mais certainement pas parce que la supposée "misère" des prostitueurs nous donnerait envie de chialer pour eux. Si une passe était reconnue légalement comme un viol tarifé, et que les victimes de la prostitutions pouvaient avoir le choix de porter plainte comme c'est le cas des autres victimes de viols en tout genre, ce serait une excellente chose, mais insuffisante à elle seule.

http://coll.lib.antisexiste.free.fr/

http://coll.lib.antisexiste.free.fr/C.L.A.S..html

L'extrait de l'émission sur le site de novopress (dont fait parti gofman):

http://fr.novopress.info/82982/patrick- ... ostituees/

Plus d'infos sur ce facho:

http://fr.wikipedia.org/wiki/Patrick_Gofman


De plus, j'aimerai revenir une dernière fois sur mon article, car je n'ai pas tout dit sur les circonstances de sa publication sur le site de Rebellyon :

Alors, pour la petite histoire....

C'est un dur combat depuis quelques années à Lyon où le lobby pro-prostitution est puissant, solidement installé et infiltré dans de nombreuses organisations sensées être de gauche, voir libertaires. De plus, il faut savoir que l'année dernière, dès que mon article a été posté sur le site « Rebellyon », il a été menacé de censure. Ce à quoi j'avais répondu en relevant le fait que cette exigence de censure n'était même pas argumentée. 2 ou 3 jours plus tard, des tags machistes, contenant mon prénom officiel et visant à m'intimider et à m'isoler sont apparus sur le trottoir, devant le Centre Social Autogéré de la Croix-Rousse (CSA X-Rousse) où je tenais des permanences sociales hebdomadaires (« Permanences Solidaires », une sorte de micro service social autonome et militant). Quelques membres du CSA X-Rousse ont alors rapidement décidé de diffuser un communiqué pour protester contre ces tags, suite à quoi d'autres tags encore plus machistes on été faits et un texte placardé sur la devanture du local menaçant le CSA X-Rousse et lui intimant l'ordre de me virer et de virer les brochures du CLAS déposées sur l'étagère infokiosque du lieu.
Entre les deux « tagages », j'avais appris par des camarades des Voraces (groupe libertaire antifasciste de lyon) que ces tags et ce texte avaient été fait par les membres d'un groupuscule d'adeptes de la théorie queer dont une personne qui se présente comme « travailleuse du sexe » (le « Pink Block » de Lyon), que le Pink Block est étroitement en lien avec le modérateur de Rebellyon qui exigeait la censure de mon article et que ce dernier est aussi l'un des membres de l'assemblée collégiale du CSA X-Rousse. Il avait été pris de court lors de la rédaction et de la diffusion du communiqué. Mais le surlendemain du deuxième « tagage » du Pink Block avait lieu l'assemblée générale du CSA X-Rousse. C'est là que la majorité des membres ont montré, à la fois, leur volonté de se donner une bonne conscience en faisant un deuxième communiqué (beaucoup moins incisif que le premier) et leur lâcheté, voir leur mentalité de collabos... certains allant même jusqu'à proposer que des excuses publiques soient présentées aux tagueuses pour avoir accepté ma présence et celle de nos brochures au CSA X-Rousse. L'influence du modérateur de Rebellyon, son autoritarisme et les copinages qui l'entourent a eu pour effet que les leaders du CSA X-Rousse se sont braqués contre moi, dans un élan de solidarité viriliste, parce que je n'acceptais pas la lois du silence et la soumission à la sacrosainte priorité de cohésion. Jusque là malgré certaines réserves, je m'étais beaucoup impliquée au sein du CSA X-Rousse de différentes manières et je m'apprêtais même à organiser pour la deuxième fois, avec mon groupe de punk et d'autres camarades du CLAS un concert de soutien pour payer le loyer et les charges du local. Mais face au constat affligeant de la réalité du CSA X-Rousse j'ai décidé de le quitter. Les leaders ont alors maladroitement tenté de me faire changer d'avis (ils avaient pleinement conscience qu'avec mon départ ils perdaient l'un-e des rares membres réellement active-f-s, en tout cas, plus active que certains d'entre eux, à commencé par le modérateur de Rebellyon qui n'assumait même pas son petit mandat). Mais ma décision était prise et le concert prévu pour lequel tout était bouclé a eu lieu... en soutien au projet du CLAS de livre collectif sur le viol, avec la participation de Jeanne Cordelier (encore en cours de rédaction). L'affaire a fait beaucoup de bruit dans les sphères « anti-autoritaires » lyonnaises par le « bouche à oreille » et au final, ça a gêner certaines personnes, forcées de reconnaître les faits. Finalement, mon article a été publié sur Rebellyon. La censure aura durée environ 2 mois. Mais le problème est loin d'être réglé et les forces sont inégales et toujours en faveur des pro-prostitution (en grande partie à cause des « militant-e-s » professionnel-le-s de Cabiria, tandis que nous, nous militons en dehors de notre temps de travail car personne ne nous paie pour ça). A présent, nous sommes quelques camarades du CLAS et quelques autres ami-e-s (tou-te-s abolitionnistes bien sûre) à participer au projet de création d'un Centre Culturel et Social Populaire dans la banlieue Est de Lyon qui sera autofinancé par des concerts et où auront lieu toutes sortes d'activités (repas, conférences, cours et ateliers, bibliothèque, évènements festifs, spectacles, etc...) dont les « Permanences Solidaires ».
Modifié en dernier par MélusineCiredutemps le 07 Juil 2012, 23:18, modifié 2 fois.
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Re: Prostitution: liberté sexuelle ou liberté consommer du s

Messagede Pïérô » 21 Aoû 2011, 12:51

Dans la continuité et les divergences exprimées entre AL et le STRASS et les tumultueuses, « Quel rapport entre prostituée et femme de ménage ? » texte d'Irène Pereira paru en novembre 2010 sur le site de l’IRESMO, http://iresmo.jimdo.com/

Quel rapport entre prostituée et femme de ménage ?

Il semble qu’une nouvelle tendance militante [1] et dans la recherche scientifique [2] consiste à s’intéresser (de nouveau ?) aux comparaisons et aux rapports entre travail ménager et travail sexuel. Cette comparaison peut adopter à notre sens deux perspectives opposées.

La comparaison, et donc les liens entre travail domestique de nettoyage - salarié ou non - et travail sexuel, peut apparaître dans un premier temps surprenante, mais elle possède en réalité une certaine récurrence et des ramifications diverses dans l’histoire de la pensée féministe.


De la théorisation libertaire à la théorisation féministe radicale matérialiste

Il est possible de voir dans l’homologie entre mariage et prostitution un premier jalon de cette comparaison. Dès le XIXe siècle, ce que l’on pourrait qualifier déjà de femmes féministes et d’hommes pro-féministes soulignent le fait que le mariage, en tant que contrainte sociale, avec ses implications économiques en termes de patrimoine, peut être comparé à la prostitution [3]. Cette comparaison est en particulier courante dans les écrits des auteurs libertaires de la première moitié du XXeme siècle. Elle les conduit à prôner l’abolition du mariage, celui-ci étant assimilé à une forme de prostitution. La femme (mariée ou prostituée) contracte avec un homme, pour un rapport sexuel, tout comme l’ouvrier contracte avec son patron. Dans les deux cas, il s’agit d’un échange économique masquant un rapport d’exploitation [4].

Cette comparaison libertaire entre mariage et prostitution est reprise dans les années 1970 par les féministes radicales matérialistes. On trouve en particulier dans les travaux des anthropologues féministes matérialistes des analyses qui tentent de montrer qu’il existe, d’une part, une contrainte sociale à l’hétéro-sexualité qui se traduit en particulier dans le mariage et, d’autre part, un continuum économico-sexuel entre mariage et prostitution. Cette théorisation de l’exploitation à la fois économique et sexuelle de la femme, qui serait à l’origine du mariage en tant qu’institution sociale, Colette Guillaumin l’appelle « sexage » [5]. La théorisation d’un continuum entre les deux formes d’échange qui masque un rapport d’expropriation est effectuée pour sa part par Paola Tabet [6].


Les ramifications empiriques actuelles de la comparaison

Cette comparaison et l’analyse des liens entre travail domestique et prostitution trouvent actuellement de nouvelles ramifications heuristiques dans la recherche en sciences sociales. L’enjeu actuel de ces travaux consiste à montrer que l’exploitation économico-sexuelle des femmes ne se limite pas à la sphère domestique, mais est présente sous des formes homologues dans l’économie capitaliste. Cette tendance marque le passage d’une analyse féministe matérialiste radicale, qui se centrait sur le mode de production domestique, à une analyse intersectionnelle, qui analyse l’interdépendance des systèmes de classe, de race et de sexe.

Il est possible de penser par exemple aux travaux de Jules Falquet [7] sur les femmes migrantes, qui montrent comment celles-ci sont aujourd’hui contraintes au rôle de femmes de service : employées à domicile ou par des entreprises de nettoyage comme femmes de ménage, contraintes à la prostitution dans des réseaux internationaux de proxénétisme....

Il y a donc un continuum entre l’échange économico-sexuel dans le mode de production domestique, qui se caractérise par du travail gratuit, et l’échange capitaliste marchand. L’imbrication des systèmes apparaît alors par le fait que des femmes migrantes des classes populaires peuvent être substituées à des femmes issues de la bourgeoisies ou des classes moyennes supérieures pour effectuer non plus gratuitement, mais sous condition d’une rétribution monétaire, du travail domestique de nettoyage ou de soin des enfants.

Le continuum de l’échange économico-sexuel dans le mode de production domestique et dans le mode de production capitaliste apparaît également dans ces analyses de la manière suivante. Dans le mariage [8], en tant que contrat, il existe un échange non directement monétaire de différents services de care : activités sexuelles, ménage, soin des enfants... Dans le mode de production capitaliste, avec les infirmières, qui assurent par exemple aux Pays-Bas des services d’aide sexuelle pour les personnes handicapées, on pourrait noter la même continuité entre ces différentes tâches.


Deux grilles d’analyse opposées d’une telle comparaison

Il nous semble qu’il est possible d’adopter deux grilles d’analyse diamétralement opposées dans une telle comparaison. Une première grille d’analyse est celle que nous qualifierions de libérale. Elle consiste à analyser la prostitution (mais également le mariage) comme un contrat dans lequel deux partenaires libres et égaux échangent leur consentement. Dans la prostitution, la femme prostituée (ou l’homme homosexuel prostitué [9]) sont des petits entrepreneurs qui vendent un service. De même, la femme de ménage indépendante (c’est-à-dire qui ne travaille pas pour une société de nettoyage, mais qui est employée à domicile au noir ou par le biais de chèques emploi service) serait une petite entrepreneuse qui vend librement des heures de ménage à des femmes des classes moyennes supérieures ou de la bourgeoisie.

A l’opposé, une autre grille d’analyse, que l’on peut appeler matérialiste, consiste à considérer que le rapport entre une femme de ménage “indépendante” et son employeuse est celui de travailleuse à patronne et qu’il s’agit d’un rapport d’exploitation économique. Dans une telle conception, elle ne vend pas un service - c’est à dire un produit fini-, mais elle vend sa force de travail - c’est-à-dire un temps de force vitale dont l’employeur à intérêt à tirer le maximum pendant le temps où il la loue [10]. Par conséquent, si on continue de manière conséquente une telle homologie entre prostitution et travail de nettoyage, si les femmes de ménage n’ont pas des clientes, mais des patronnes, alors les “clients” des prostituées ne sont pas des clients mais des patrons. Il y a donc, si l’on suit une telle homologie, un rapport d’exploitation économique entre la prostituée et son “client”.

Si maintenant, il s’agit d’effectuer une comparaison sur le terrain syndical : les femmes de ménage indépendantes qui se syndiqueraient dans le secteur du nettoyage peuvent désirer lutter pour une amélioration de leur convention collective ou contre le recours au travail au noir. La logique voudrait qu’elles organisent dans ce cas des grèves contre leurs patronnes. En ce qui concerne la stratégie qui consiste à revendiquer auprès de l’Etat une amélioration de la législation, il ne s’agit pas de la stratégie habituellement employée par les syndicats de travailleurs, mais par les corporations de métier. Les buralistes par exemple ont des syndicats de métier qui effectivement font du lobbyisme auprès de l’Etat pour faire reconnaître les intérêts de leur corporation de petits patrons.

Il y a notre avis une confusion entre deux logiques dans les propos du Strass (Syndicat du travail sexuel) et des Tumultueuses. Un syndicat de travailleurs lutte contre l’exploitation pratiquée par un patron, à la différence d’un syndicat de petits entrepreneurs, qui fait du lobbyisme auprès de l’État. Que le Strass ou les Tumultueuses aient une analyse libérale de la société, c’est une grille en soi, avec laquelle on peut ou non être d’accord. Ce qui apparaît plus étonnant, c’est de vouloir masquer cette analyse sous des atours marxistes et vouloir y convertir des militants d’extrême gauche.

En ce qui concerne les revendications que l’on peut avoir pour améliorer les conditions de vie immédiates des prostitué(e)s, il nous semble qu’il existe deux logiques opposées. La logique libérale consiste à vouloir faire reconnaître juridiquement la prostitution comme un métier auquel seraient attachés des droits, comme par exemple pour la corporation des médecins ou celle des buralistes.

La position féministe matérialiste consiste à revendiquer des droits pour les personnes. Si les féministes matérialistes revendiquent l’abolition du mariage et de la prostitution, c’est qu’elles ne revendiquent pas des droits attachés au couple ou à un métier, mais aux individus. Les revendications immédiates pour défendre les droits des prostitué(e)s doivent donc selon cette logique être des droits pour des individus, et non la lutte pour la reconnaissance d’un métier.


Notes

[1]
Si des femmes de ménage indépendantes s’organisaient pour défendre leurs conditions de travail, les accuseriez-vous d’avoir des revendications “capitalo-libérales” ? Refuseriez vous aussi de les soutenir sous prétexte qu’elles se font exploiter de manière honteuse et peuvent être considérées comme un symbole de l’asservissement des femmes ?

Extrait de la « Réponse des Tumultueuses au dossier prostitueurs de l’AL », 11 octobre 2010 : http://www.tumultueuses.com/Reponse-des-TumulTueuses-au

Cette réponse fait suite à une série d’échanges, dans l’ordre chronologique :

. le dossier sur la prostitution paru dans le numéro de l’été 2010 d’Alternative libertaire : http://www.alternativelibertaire.org/sp ... ubrique196

. la réponse du Strass datée du 24 août 2010 : http://site.strass-syndicat.org/tag/alt ... ibertaire/

. la réponse d’Alternative libertaire au Strass datée du 15 septembre 2010 : http://www.alternativelibertaire.org/sp ... rticle3712

[2] L’équipe de recherche du GMT (Genre, mobilité, travail) propose une séance de séminaire le 15 novembre 2010, intitulée : « Corps et sexualité au travail - Travail salarié à domicile et travail sexuel : quelles frontières ? » : http://www.univ-paris8.fr/RING/spip.php?article1135

[3] M. Vernet, L’amour libre, 1907 : http://www.marievictoirelouis.net/docum ... teurid=122

[4] M. Acharya, Les éléments de la prostitution dans le mariage, L’en dehors, n°202-203, 15 mars 1931: http://tresors.oublies.pagesperso-orang ... ariage.htm

[5] M.-B. Tahon, Sociologie des rapports de sexe, p38, Presses universitaires de Rennes/ Presses universitaires d’Ottawa, 2003.

[6] Paola Tabet, La grande arnaque- l’appropriation de la sexualité des femmes, Actuel Marx, numéro 30, 2001 ; Paola Tabet, La grande arnaque - Sexualité des femmes et échange économico-sexuel, Paris, L’harmattan, 2004.

[7] J. Falquet, Hommes en armes et femmes “de service” : tendances néolibérales dans l’évolution de la division sexuelle et internationale du travail, Cahiers du Genre, Travail et mondialisation. Confrontations Nord/Sud, 2006, numéro 40, pp 15-38 ; J. Falquet, De gré ou de force. Les femmes dans la mondialisation, Paris, La Dispute, 2008.

[8] Il pourrait être possible de se demander si l’analyse libertaire et féministe matérialiste du mariage comme un échange économico-sexuel contraint reste encore opérante dans les sociétés occidentales. En effet, le mariage n’implique plus dans notre droit une inégalité juridique entre les époux.
Néanmoins, une telle conclusion nous semblerait faire fi de l’interaction entre le mode de production domestique et le mode de production capitaliste. En effet, les femmes sur le marché du travail gagnent en moyenne 25% de salaire de moins que les hommes. Elles occupent bien plus souvent des temps partiels afin de pouvoir s’occuper des enfants. Il est ainsi possible de conclure que si les femmes dans nos sociétés semblent bien plus souvent demandeuses du mariage que les hommes, cela est la conséquence d’une telle inégalité sociale. En effet, les femmes peuvent voir, dans la prestation compensatoire, un mécanisme de protection qui leur permettra d’obtenir une compensation économique pour le travail gratuit qu’elles ont effectué alors qu’elles étaient mariées et qui a en général grevé leur carrière professionnelle par rapport à celle de leur conjoint.

[9] C’est-à-dire traité comme du féminin, car l’homosexualité masculine est bien souvent assimilée, nous semble-t-il, à une dévirilisation, à une féminisation. Cela est, nous semble-t-il, encore plus vrai, pour la prostitution masculine.

[10] Sur la manière dont il est possible de caractériser les emplois de service comme du travail productif où s’exerce une expropriation de plus-value, voir : J. Gouverneur, Une conception purement sociale de la valeur et du travail productif, texte provisoire de 2006 : http://hussonet.free.fr/jgproduc.pdf
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Re: Prostitution: liberté sexuelle ou liberté consommer du s

Messagede MélusineCiredutemps » 04 Sep 2011, 15:08

A lire sur la page "actu" du site du CLAS :

http://coll.lib.antisexiste.free.fr/CLAS.html

Congrès international Mondes des femmes 2011 - Compte-rendu des échanges sur l’abolition de la prostitution à l’exposition "Les draps parlent" - Sisyphe, le 11 juillet 2011

Le récent congrès international Mondes des femmes 2011, du 3 au 7 juillet 2011, a fait l’objet d’échanges intenses entre féministes venues à Ottawa de 92 pays, qui ont notamment parlé de l’industrie de la prostitution et du projet de donner aux femmes les moyens de créer des solutions de rechange à cette forme de violence et d’y mettre fin. Le congrès a ainsi exposé en détail le modèle nordique de soutien des femmes en prostitution et de dissuasion/pénalisation de leurs exploiteurs, appliqué en Norvège et ailleurs. Réunies autour de l’exposition très innovatrice « Les draps parlent », créée à Vancouver puis à Montréal l’an dernier, les participantes au congrès – animées par des féministes des organisations Vancouver Rape Relief and Women’s Shelter et La Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle - ont discuté durant quatre jours, entourées des draps de l’exposition, de ce qu’elles vivaient chacune dans leur pays. Voici, en exclusivité sur Sisyphe, la version française de ces échanges, rédigée à partir de leur compte-rendu au jour le jour par Fazeela Jiwa. Premier jour, le 4 juillet - Liens entre racisme, pauvreté, prostitution et traite : Hier, environ 2100 féministes du monde entier ont convergé vers Ottawa pour le onzième congrès international Mondes des femmes. MdF 2011 sera l’hôte d’une variété d’ateliers, présentations, conversations, installations artistiques, actions et plus encore au cours de cette semaine du 3 au 7 juillet. Un élément quotidien en vedette au congrès est l’exposition mondiale multilingue et multimédia Fleshmapping / « Les draps parlent » / La Resistencia de las Mujeres : La prostitution dans un monde globalisé. Elle intègre des vidéos interactives, des jeux et 70 draps récupérés, transformés en tableaux sur lesquels des femmes de partout au pays ont exprimé leur résistance à la prostitution et à la traite à des fins sexuelles. Chaque jour de la conférence, 16 femmes du monde entier se réuniront pour partager des échanges spontanés et publics de prise de conscience et de discussion au sujet des liens entre la traite mondiale et l’exploitation sexuelle des femmes dans leurs propres régions. Ce groupe comprend des femmes qui ont quitté la prostitution, des travailleuses de première ligne, des universitaires, des organisatrices communautaires et d’autres personnes. Aujourd’hui, coup d’envoi des quatre jours d’élaboration de stratégies féministes durant l’exposition “Les draps parlent”, quelque 90 participantes ont entendu des femmes autochtones du Canada et de Norvège, ainsi que des femmes des pays suivants venues à Mondes des femmes : Haïti, Maroc, Mexique, Australie, Corée du Sud, d’Okinawa, Bangladesh, Italie et Nigeria. Les femmes autochtones qui ont guidé le travail des féministes canadiennes ont été unanimes dans leurs audacieuses revendications pour la reconnaissance de la prostitution comme une forme de violence coloniale perpétuée contre les femmes autochtones, qui sont surreprésentées dans la prostitution de rue. Jeannette Lavell, présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada (AFAC), a parlé de la récente décision de son organisation : « Le risque de voir légalisée l’industrie de la prostitution nous a rassemblées et unies, à l’AFAC, nous amenant à adopter très fortement la position que cela serait inacceptable, et contraire à ce que nous voulons en tant que femmes autochtones. » Fay Blaney et Cherry Smiley, du Réseau d’action des femmes autochtones (AWAN), et Michelle Audette, de l’Association des femmes autochtones du Québec, ont rappelé aux participantes que les peuples autochtones font face à la violence systémique et à la pauvreté, et que la dislocation continue et le déplacement des femmes ont perturbé la transmission d’enseignements et de traditions. Les participantes ont mis en évidence la corrélation entre le racisme, la pauvreté et la prostitution et la traite. Alors que Clorinde Zéphir, d’Haïti, a parlé de l’augmentation de la prostitution en Haïti depuis la catastrophe de 2010, Esohe Agathise a désigné la normalisation de la vente des femmes et des filles au Nigeria et le mythe de la libération sexuelle en Italie. Beaucoup de femmes ont fait le lien entre la hausse de prostitution et l’installation de bases militaires nord-américaines, y compris Suzuyo Takazato, d’Okinawa, et Teresa Ulloa Ziaurriz, originaire du Mexique. Cette dernière a expliqué que son pays est un « cimetière clandestin » de femmes à cause du tourisme sexuel américain et canadien, les cartels de la drogue, la police et les militaires locaux. Rajaa Berrada. du Maroc, a relié le trafic à la prostitution en décrivant les femmes visitant le pays en transit ou en tant que domestiques ou travailleuses agricoles et qui se retrouvent piégées dans des réseaux de prostitution. Young Sook Cho a dit interpréter la prostitution comme une violation des droits humains, sur la base de son expérience de travail auprès des femmes des bordels de Corée du Sud, car « encore et encore, les femmes meurent, peu importe l’endroit où se trouvent les bordels ». La description faite par Sigma Huda des lois au Bangladesh a semblé familière à beaucoup de femmes canadiennes dans la salle : même si la prostitution y est illégale, les lois sont suffisamment opaques pour faciliter dans ce pays un débat similaire au nôtre sur les façons de créer des conditions juridiques qui permettraient de mieux protéger les femmes. Une décision prise par la juge Susan Himel, l’année dernière, a invalidé certaines lois touchant la prostitution en Ontario, et l’appel qui a été entendu le mois dernier a permis, jusqu’à présent, un sursis à l’abrogation de ces lois. Le pays attend maintenant la longue bataille qui va sans doute aboutir en Cour suprême dans les années à venir. Sheila Jeffreys, de l’Université de Melbourne et de la Coalition internationale contre la traite des femmes – Australie, a partagé certaines de ses expériences dans un pays où la prostitution est légalisée (dans certaines provinces). Elle a décrit une augmentation de la criminalité organisée et de la corruption de la police locale, ainsi que peu d’entraves dans l’exploitation des bordels illégaux. En contrepartie, Marit Smuk, de Norvège, a rappelé son expérience d’une protestation réussie contre l’installation de maisons closes dans sa communauté. Elle a décrit la lutte pour ce qui est maintenant connu comme le modèle nordique, qui reconnaît la prostitution comme une forme de violence contre les femmes en dépénalisant les personnes prostituées et en criminalisant la demande – les clients-prostitueurs, les proxénètes et les propriétaires de bordels. Ce modèle inclut une aide sociale accrue, comme un revenu de subsistance garanti afin que la pauvreté ne contraigne pas les femmes à la prostitution, ainsi que des services pour celles qui veulent en sortir. Les femmes venues à la table d’aujourd’hui croient que ce modèle crée les conditions juridiques nécessaires pour établir une véritable égalité entre les sexes.

Deuxième jour, le 5 juillet - Solidarité avec Soeurs d’esprit et stratégies à développer : Ce matin, des centaines de participantes du 11e congrès international Mondes des femmes ont défilé jusqu’au Parlement en solidarité avec l’initiative Soeurs d’esprit pour dénoncer le nombre inacceptable de femmes autochtones disparues et assassinées au Canada. Cette Marche des femmes a bien amorcé les sujets de discussion abordés à l’exposition « Les draps parlent » aujourd’hui. Dans le contexte d’un système d’État raciste et capitaliste que les femmes, et particulièrement les femmes autochtones,vivent comme oppressif, comment les personnes qui militent pour l’abolition de la prostitution peuvent-elles utiliser la structure du gouvernement ? Quelles stratégies réformistes, appelant des féministes à travailler dans le cadre de l’État patriarcal, en valent le temps et l’effort ? Quelles sont les stratégies véritablement transformatrices et conformes aux normes féministes révolutionnaires ? Cherry Smiley, de l’Aboriginal Women’s Action Network (Réseau d’action des femmes autochtones - AWAN), a dit au groupe qu’AWAN était bien conscient de la contradiction d’attendre quoi que ce soit de l’État quand il a été un oppresseur des femmes autochtones sous la forme des pensionnats, de la criminalisation et de l’incarcération, et du placement familial, entre autres politiques génocidaires. « Toutefois, a-t-elle poursuivi, ce que l’on perd souvent de vue quand les gens réclament le retrait de toutes les lois, c’est que cela nous laisse encore aux prises avec le capitalisme non réglementé et la destruction qui l’accompagne. » Considérant que beaucoup des participantes à la discussion lient la prostitution à la marchandisation sexiste du corps des femmes en régime capitaliste, elles conviennent avec Teresa Ulloa Ziaurriz, du Mexique, que la prostitution doit être traitée comme « la plus ancienne expression du patriarcat ». Elle préconise le modèle juridique nordique, qui voit effectivement la prostitution de cette façon et donc dépénalise les personnes prostituées, tout en criminalisant la demande de corps de femmes par les prostitueurs, proxénètes et propriétaires de bordels. Kim Pate, de l’Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry, rappelle aux participantes que ce changement juridique ne serait pas suffisant. De son expérience de travail avec les femmes criminalisées, elle craint qu’un agenda strictement juridique puisse être coopté par les fonctionnaires de police afin de promouvoir la criminalisation rigoureuse de certaines personnes. Elle exhorte les participantes à se montrer très claires sur le fait que la position abolitionniste ne se contente pas d’exiger des changements juridiques. Elle doit également être « clairement liée à des stratégies anticapitalistes comme un revenu garanti décent ». Une perspective antiraciste doit faire le lien entre la prostitution et la traite des femmes de couleur, aussi bien domestique que transnationale, vers des situations de prostitution à l’intérieur. Enfin, une analyse de classe doit faire comprendre que « les bordels n’élimineront absolument pas la prostitution de rue », puisque les femmes les plus marginalisées demeureront sur les rues dangereuses.

Son organisation a récemment remplacé son soutien de longue date à une décriminalisation totale de la prostitution par une perspective qui dénonce comme criminelles les actions de ceux et celles qui font la promotion de la prostitution et en tirent profit. D’autres participantes ont souligné la nécessité de stratégies de transformation, comme les actions directes et l’éducation publique. Par exemple, Suzanne Jay, de l’Asian Women’s Coalition Ending Prostitution (Coalition des femmes asiatiques pour éradiquer la prostitution – AWCEP), a parlé de la stratégie de cet organisme de dénoncer les salons de massage de Vancouver auprès des femmes asiatiques pour les sensibiliser au racisme opérant dans ce type de prostitution intérieure. En assemblant une carte de ces salons de massage, le groupe a constaté que « des 81 salons de massage de la ville, 50 annoncent des femmes asiatiques ». Le groupe vise à changer le conditionnement social qui raconte à la communauté que le massage asiatique est « un phénomène culturel » et à faire comprendre qu’il s’agit plutôt de l’exploitation des femmes asiatiques. De même, beaucoup de femmes ont invoqué des mythes que des actions directes et d’éducation populaire pourraient exposer en tant que tels. Nous avons trouvé particulièrement puissantes les paroles et les stratégies des femmes qui avaient quitté l’industrie du sexe après des années d’exploitation. Vednita Carter, du groupe américain Breaking Free, s’est inquiétée de la distinction faite entre la prostitution des enfants et la prostitution adulte, parce que « quand la jeune fille grandit et qu’elle demeure impliquée dans la prostitution, nous disons alors que c’est de sa faute, alors qu’il ne s’agit pas d’un choix. Lorsque vous faites un choix, vous savez ce qui est impliqué dans ce choix. » Trisha Baptie, de l’organisme Formerly Exploited Voices Now Educating (Voix jadis exploitées et faisant maintenant de l’éducation – EVE) a parlé de l’idéologie de la réduction des méfaits : « À un certain niveau, je veux que mes copines soient plus en sécurité ce soir en disposant de condoms, mais nous devons voir plus grand ... l’abolition, c’est voir plus grand que la réduction des risques, parce qu’on vise l’élimination des méfaits. » De nos discussions d’aujourd’hui à l’événement « Les draps parlent », il ressort clairement que les féministes considèrent l’État comme une institution patriarcale. Cependant, il semble que la plupart des femmes à la table aujourd’hui ne considèrent pas la réforme et la transformation comme s’excluant mutuellement ; la promulgation de changements juridiques et sociaux peut être utilisée conjointement avec d’autres stratégies pour accélérer la possibilité d’un monde exempt de violence contre les femmes.

Troisième jour, le 6 juillet - Écouter la voix des femmes dans la prostitution : C’était l’avant-dernier jour du congrès des femmes Mondes des femmes, qui s’est tenu cette semaine à Ottawa avec la participation de milliers de féministes du monde entier. Les échanges d’hier lors de l’événement « Les draps parlent » ont commencé par reconnaître le leadership que les femmes ex-prostituées et autochtones ont donné au mouvement abolitionniste au Canada. Des participantes de divers endroits et pays – tels Haïti, le Maroc, le Bangladesh, le Danemark, la Corée du Sud, les États-Unis, le Mexique, le Japon et l’Italie – se sont fait poser la question suivante : considérant que les femmes qui sont actives dans ce mouvement ont différents niveaux et types de privilège, quelles sont les meilleures façons pour le mouvement abolitionniste de travailler en alliance avec des femmes qui ont quitté la prostitution ou y sont actuellement, ainsi qu’avec des femmes de couleur et autochtones ? Comment les femmes peuvent-elles faire preuve de solidarité d’une manière qui ne soit pas purement théorique, condescendante ou exploitante ? Les femmes ont offert beaucoup de réponses, mais ce qui est apparu le plus clairement est l’importance de l’écoute et du respect du leadership des femmes qui sont les plus touchées par la prostitution. Trisha Baptie et Véronique Bourgeois ont toutes deux commencé en opinant que même si elles, en tant que survivantes, ont une voix très spécifique dans la conversation, toutes les femmes sont touchées par la prostitution dans la mesure où celle-ci encourage la commercialisation des femmes en tant qu’objets. Cela dit, elles ont toutes deux souligné la nécessité pour les féministes d’avoir des opinions objectives et exemptes de jugement envers les femmes dans la prostitution, afin de faire alliance avec elles. Corroborant ce sentiment, Teresa Ulloa Ziaurriz a informé le groupe que les femmes dans la prostitution au sein du mouvement abolitionniste latino-américain exigent d’être traitées comme des égales absolues : « Elles ne sont pas des objets d’études, elles ne sont pas des objets à classer. » Les participantes d’AWAN ont dit aux participantes que les femmes autochtones sont souvent ignorées par les chercheurEs, les universitaires et les femmes non autochtones, qui se permettent parfois de parler à leur place, d’où l’importance d’avoir leurs propres voix. Fay Blaney, du même groupe, a rappelé aux participantes que, bien que certaines d’entre elles parlent de la prostitution à la deuxième et à la troisième personne, « nous discutons de ces questions à la première personne... Il n’y a pas de lutte pour combler un fossé entre nous ». Cherry Smiley a cité une autre membre de AWAN : « Nous n’avons pas besoin de vous pour nous accorder de l’espace - nous l’avons, et vous êtes dedans. Nous n’avons pas besoin que vous nous donniez la parole – nous avons une voix, et vous avez besoin d’écouter. » Cette déclaration a rappelé les paroles de Jeannette Lavell, présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada, quand elle a dit plus tôt cette semaine : « Nous, les femmes autochtones, avons eu beaucoup de difficulté à faire entendre nos voix et nous avons besoin des femmes non autochtones pour nous aider à arrêter la légalisation de la prostitution, dans l’intérêt des femmes autochtones et dans votre propre intérêt aussi. » Beaucoup de femmes présentes à la table ont exigé un espace permettant aux femmes de s’organiser, plutôt que des offres condescendantes de « sandwichs, de conseils ou de plaidoyers », comme l’a formulé la travailleuse de première ligne Erin Graham. Parmi les autres sujets mentionnés par les participantes, j’ai noté la nécessité de garder la discussion sur la prostitution axée sur la demande émanant des proxénètes, des prostitueurs et des propriétaires de maisons closes, ainsi que l’importance des mots utilisés dans le discours des positions pro-et anti-prostitution. Par exemple, si « la pauvreté est souvent ce qui amène les femmes à se prostituer », comme l’a dit Bourgeois en se basant sur son expérience antérieure dans la prostitution, le fait d’appeler cette coercition du « travail du sexe » légitime implicitement sa situation comme une solution viable à la pauvreté des femmes, qui découle en fait d’une inégalité systémique. Parmi l’ensemble des sujets abordés, il a semblé que les participantes estimaient unanimement que s’allier avec les femmes les plus marginalisées équivalait à souligner la nécessité de programmes sociaux pour quiconque en a besoin. Vednita Carter, fondatrice du groupe Breaking Free et survivante de la prostitution, a déclaré qu’avant toute chose, les femmes ont besoin de choses tangibles pour être en mesure de quitter la prostitution, comme un endroit pour vivre et de quoi manger. Mais Esohe Agathise, du Nigeria et de l’Italie, a noté que « si ces ressources ne sont simplement pas là, c’est que les problèmes des femmes ne sont pas à l’ordre du jour ». En réponse à la même réalité dans sa région, Clorinde Zéphir, d’Haïti, a fait un appel énergique à du soutien : « Il nous faut demander aux gens de soutenir les changements nécessaires à apporter à notre société ... La lutte abolitionniste prend racine dans des exigences de base qui sont incontournables ... Nous devons oser rêver de ce monde ; faire appel à des gens, des écrivains et des médias, pour nous aider à développer cette vision et à aller contre le courant des siècles passés, où la prostitution semble être, pour la plupart des gens, une réalité naturelle. »

Quatrième jour, le 7 juillet - La prostitution, une forme de violence patriarcale : Les organisatrices ont commencé la dernière session de la rencontre internationale « Les draps parlent » en déposant une déclaration écrite et signée par quelques-unes des femmes autochtones présentes à Mondes des femmes. Cette déclaration condamne la prostitution comme une forme de violence patriarcale imposée de manière coloniale aux femmes autochtones. Répondant à une invitation, lancée à toutes les femmes indigènes, à lire et à envisager de signer cette déclaration, les femmes de la région Saami dans le nord de la Norvège, de l’île d’Okinawa qui a été annexée par le Japon, ainsi que d’autres femmes de diverses nations du pays sont venues à la table pour y apposer leur nom. Jeannette Lavell a pris un moment pour expliquer qu’elle signait ce texte pour s’opposer à la légalisation de la prostitution au nom de toutes les organisations qui forment l’Association des femmes autochtones du Canada, parce que « en tant que femmes autochtones, des Premières nations, inuites et métisses, nous savons grâce à nos traditions et nos enseignements que nous ne sommes pas cela ». Pour la dernière rencontre de « Les draps parlent », les organisatrices ont axé l’échange sur la façon de maintenir et de développer la solidarité internationale qui avait été construite au cours de l’organisation de cette exposition multicouches.

Beaucoup de femmes ont parlé de stratégies, comme la rédaction et la publication de déclarations telles que celle des femmes autochtones, en particulier, Young Sook Cho, de Corée du Sud, qui a parlé au groupe d’une vaste rencontre des survivantes de la prostitution dans la région Asie-Pacifique qui avait publié de concert une déclaration semblable. D’autres ont souligné la nécessité de comprendre dans leur propre contexte culturel la prostitution et les autres formes de violence contre les femmes dans les différentes régions du monde. Par exemple, Esohe Agathise a expliqué la « situation désespérée » en Afrique sub-saharienne, où elle est harcelée pour avoir parlé de la traite des femmes, parce que le féminisme est considéré par certaines personnes comme imposé par l’Occident, ou parce que certains considèrent que la traite est due à ce que « les femmes ne donnent pas à leurs filles une formation morale suffisante ». Parmi les autres sujets de préoccupation, beaucoup de femmes ont attiré l’attention sur le lien entre le militarisme et la prostitution. Suzuyo Takazato, d’Okinawa, a dit que l’augmentation de la prostitution est due à la base militaire américaine qui est restée sur son île depuis la guerre du Vietnam, en suggérant que « le militarisme est l’élément au coeur du maintien de la prostitution ». Clorinde Zéphir, d’Haïti, a confirmé le sentiment de Madame Takazato en parlant aux participantes de la destruction causée à Haïti par la milice internationale et le commerce des armes : « Nous savons comment le viol et la prostitution sont liés au militarisme. Partout où il y a eu des troupes, des bordels sont apparus. Et puis, quand l’armée quitte, la prostitution est naturalisée. » Les deux femmes ont proposé que le mouvement abolitionniste jette les bases d’une solidarité avec des organisations antimilitaristes, et que « ses efforts de mobilisation devraient être particulièrement dynamiques dans les pays pauvres où la militarisation est un problème », comme a dit Zéphir. Sigma Huda, du Bangladesh, a nuancé cette analyse en se référant à l’exemple des femmes autochtones du Bangladesh qui souffrent de « viols commis au hasard et avec impunité par l’armée » dans la région. Elle voulait ainsi rappeler aux participantes que « la militarisation ne se limite pas à des forces externes, mais aussi internes ». Trisha Baptie, d’EVE, a corroboré ces voix internationales avec son expérience sur la côte ouest de la Colombie-Britannique, où les militaires « jouent un rôle énorme dans l’économie et dans des violences correspondant à leur présence dans le port ». Il est clairement ressorti de cette rencontre mondiale au cours de la semaine, comme l’a dit l’organisatrice Lee Lakeman, que l’abolition de la prostitution « ne peut être l’objet d’une campagne menée isolément », étant donnés ses liens étroits avec les systèmes du militarisme, du capitalisme et du colonialisme. Comme autre exemple, Alice Lee, de l’AWCEP, a demandé aux participantes de s’intéresser aux politiques d’immigration dans leur propre pays. Elle était préoccupée par l’effet de division de la politique canadienne d’immigration actuelle qui légitime les immigrants légaux et emprisonne les migrants illégaux : « Cela crée un fossé entre ces deux groupes, qui s’avère difficile à combler », a-t-elle expliqué. Cet enjeu était particulièrement pertinent dans le contexte de Mondes des femmes puisque le gouvernement canadien n’avait pas traité à temps les visas de plusieurs femmes originaires de pays africains qui devaient donner des présentations au congrès. Des participantes ont suggéré que les femmes canadiennes auraient pu exercer plus de pressions sur leur gouvernement à ce sujet, ce qui a rappelé le thème connexe de notre plus récent échange « Les draps parlent », à savoir que les féministes disposant de plus de privilèges du fait de la géographie, de la race ou de la classe ont pour obligation d’utiliser ce privilège à l’avantage de leurs soeurs. Pour bâtir une solidarité internationale, les abolitionnistes doivent se soutenir mutuellement dans des campagnes mondiales pour mettre fin à la prostitution par tous les moyens dont elles disposent. Les participantes ont unanimement souligné la nécessité de poursuivre les échanges amorcés cette semaine. Cependant, toutes ont approuvé l’impression des animatrices, Diane Matte et Lee Lakeman, que la situation des femmes ne changera pas sans un mouvement féministe autonome qui n’est pas endetté envers le gouvernement, la grande entreprise, ou toutes autres institutions, que ce soit au plan économique ou idéologique. Pour réaliser un monde de femmes, le genre de monde que le nom de cette conférence invoque, les féministes doivent construire un mouvement des femmes global et autonome, dont l’objectif central est d’appeler les femmes du monde entier à participer à la libération de toutes les femmes.

Vancouver Rape Relief and Women’s Shelter
MélusineCiredutemps
 

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