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Manifeste pour une bisexualité radicale

MessagePosté: 20 Mai 2009, 19:58
de RickRoll
Merci au Communard pour cette intéressante lecture.

Nous sommes bisexuel-le-s parce que nous aimons vivre nos désirs, nos amours, nos sexualités, nos sensualités, avec des hommes et avec des femmes ; de manière conjointe, simultanée ou successive, de façon permanente ou temporaire.

Nous sommes radicales et radicaux en remettant en cause la domination masculine par laquelle les hommes s'attribuent le pouvoir sur les femmes, notamment à travers l'hétéronormativité, le couple (le deux) et la politisation naturaliste des désirs et des corps désirants et/ou désirés.
Nous sommes radicales et radicaux en luttant contre la division hiérarchique et asymétrique que produit le système de genre qui nous attribue un sexe dit biologique à travers quelques éléments d'anatomie érigés en fétiches de la différence.
Nous sommes radicales et radicaux en luttant contre les violences de toutes sortes qui contraignent les femmes à céder à l'Ordre masculin. Ordre normatif qui tout en traversant à des degrés divers le vécu identitaire des gais, des lesbiennes, des bi, des transsexuel-le-s et des transgenres, leur assigne des positions marginales..
Nous sommes radicales et radicaux en refusant de symétriser situations des femmes et des hommes, des gais et des lesbiennes, des bisexuels et des bisexuelles. Nous affirmons que les rapports sociaux de sexe, les effets de la domination masculine, concernent aussi ceux et celles qui revendiquent d'autres identités sexuelles.
Nous sommes radicales et radicaux parce que nous analysons le masculin, comme un ordre de pouvoir où l'homophobie — que l'on décline en gaiphobie, lesbophobie, biphobie, transphobie — structure les rapports de pouvoir entre hommes, entre femmes, à l'image hiérarchisée des rapports hommes/femmes. Nous refusons les analyses naturalistes qui essaient d'expliquer le monde, les relations de pouvoir, les catégories de sexualité. Nous affirmons la nature contingente et sociale des relations humaines, et des typologies à travers lesquelles on lit les sexualités.
Nous sommes radicales et radicaux parce que nous refusons l'intégration des transgenres, des lesbiennes, des bi, des transsexuel-le-s et des gais dans un ordre politico-marchand où nous devrions cacher ceux et celles qui déplaisent à l'Ordre viril : les folles, les tantouses, les butchs, les camionneuses… Nous affirmons ne pas vouloir être enfermé-e-s, ghettoïsé-e-s dans les commerces qui se présentent comme des porte-parole légitimes. Notre message, nos désirs, notre visibilité, ne sont pas capitalisables.
Nous sommes radicales et radicaux car nous lions nos luttes à celles menées par nos sœurs et nos frères issu-e-s des classes exploitées par le néo-libéralisme, l'immigration coloniale, le pillage des pays pauvres.
Nous sommes radicales et radicaux en nous alliant aux personnes les plus exploitées, notamment celles qui, pour vivre ou survivre, par choix ou non, vendent des services sexuels. Y compris aux gais, aux lesbiennes et aux bi.

Bref, nous sommes pour une bisexualité radicale
— qui permette aux hommes et aux femmes, aux transsexuel-le-s, aux transgenres, de mieux vivre leurs désirs sans contraintes précatégorisées,
— qui visibilise nos choix de ne pas être obligé-e-s de choisir entre les hommes et les femmes ; qui intègre nos désirs de dépasser la bicatégorisation et le différentialisme.
— qui nous place sans ambiguïté à côté des lesbiennes et des gais, et de toutes les personnes exploitées, dominées, dans les luttes pour la liberté et le plaisir.

La bisexualité radicale est une identité queer, au sens où elle est et n'est pas une identité sexuelle. Face aux gaiphobes, transphobes, lesbophobes et biphobes de toutes sortes, face à ceux et à celles qui veulent nous imposer de choisir la couleur et le sexe de nos amours, nous affirmons haut et fort que notre bisexualité est un véritable mode de vie, une vision de l'existence, un choix de ne pas choisir ; Et en même temps, nous affirmons notre soutien à celles et ceux qui refusent les identités sexuelles, comme n'étant que les produits du système hétéronormatif et patriarcal où la domination des femmes, l'aliénation des hommes est inhérente à la division de l'espèce humaine, du monde, en deux.
La bisexualité est une stratégie politico-discursive multiforme qui dénonce le totalitarisme de la cosmogonie binaire, ou dit en d'autres termes une manière politique de dire nos oppositions à un monde clivé par les oppositions binaires et totalitaires : homme/femme, homo/hétéro… où nous sommes sommé-e-s de choisir.

Contre les prisons du genre, nous affirmons que nous voulons tout, que nous ne voulons pas découper nos corps, nos désirs. La bisexualité radicale se veut pédagogique. Nous montrons dans les faits, avec nos corps, nos désirs, nos mots qu'il n'est pas nécessaire pour un homme de bander pour jouir, ni pour une femme d'être soumise à la pénétration. Nos peaux, nos sourires, nos corps sont les textes érogènes où s'écrit la disparition du genre, les textes où s'entremêlent nos désirs les plus fous, notamment ceux que l'Ordre hétéronormatif n'arrivera jamais à commercialiser, à idéologiser, à normaliser.

Contre la volonté de certains gais et de certaines lesbiennes de nous dénier notre identité bisexuelle sous prétexte qu'eux, qu'elles, ont utilisé le terme de bi dans leur come-out, nous affirmons nos ressemblances et nos différences. Notre come-out se fait à côté des gais et des lesbiennes, des hommes et des femmes hétérosexuel-le-s non hétérocentré-e-s.
Notre come-out, comme toute sortie du placard, dénonce aussi l'hypocrisie de l'érotique dit hétérosexuel :
— des hommes qui donnent à voir, à entendre, tous les signes de conformité aux valeurs familialistes et conjugalistes, s'adonnant en secret à des pratiques homosexuelles,
— les mêmes hommes (ou d'autres), fantasmant ou organisant à travers le commerce du sexe des relations sexuelles entre femmes à usages masturbatoires masculins ; scènes répétées à foison dans la pornographie dite hétéro.
Nous affirmons le droit à la multisexualité sans honte, sans rejet, sans violences imposées.

Le monde hétéronormé nous assigne souvent une place de traîtres, d'insoumis-e-s et d'infidèles. Nous la revendiquons.
Nous voulons trahir l'hétéronormativité parce que c'est un système de réclusion des femmes dans le domestique, une politique d'enfermement des hommes dans le professionnel, un monde marchant constitutif des oppressions et des inégalités où le corps des femmes, ou des hommes mis en situation de femmes, sert de monnaie entre les hommes qui se partagent les pouvoirs.
Nous sommes, et nous resterons, des insoumis-e-s aux catégories, y compris celle par laquelle nous nous définissons, et par laquelle vous prendrez l'habitude de nous définir. Quand, suite à nos luttes, la bisexualité sera d'usage courant, nous inventerons autre chose. Nous voulons nous insoumettre aux petites cases qui limitent nos désirs et nos vies.

Nous sommes aussi profondément infidèles. Infidèles aux injonctions de l'Eglise qui tend à amalgamer sexualité et fécondité. Lorsque nous voulons vivre avec des enfants, nous voulons faire exister des biparentalités en dehors de la reproduction de l'ordre androcentrique, agiste, viriarcal ou patriarcal ; cet ordre-mascarade qui impose aux femmes la reproduction au nom du père-mari et aux enfants soumission, respect et dépendance.
Nous sommes infidèles au Dieu-Couple qui dicte qu'il suffit d'être deux pour survivre dans nos sociétés, ou que seules les relations longues et investies sont importantes. Nous sommes infidèles à la famille. Nous revendiquons l'ensemble de nos amours, les furtifs et les autres. Face à l'obsolescence de la famille nucléaire, à la pacsisation des amours lesbiens ou gais (l'obtention de demi-droits pour les homosexuel-le-s), nous voulons inventer de nouvelles solidarités sociales, sexuelles où nos attirances, nos sensualités, nos désirs se moquent du nombre, du sexe, de l'origine et de la nationalité des personnes décidant de partager tout ou partie de leurs vie.

Daniel Welzer Lang


Source : http://www.multisexualites-et-sida.org/ ... exrad.html

J'aimerais lancer une discussion là-dessus, car je suis en désaccord avec certains points du texte.
En particulier, je l'ai compris comme une volonté de remplacer l'ordre hétéro-normé par un ordre bi-normé : "Quand, suite à nos luttes, la bisexualité sera d'usage courant". Je suis contre, dans le sens où je suis contre une quelconque norme dans la sexualité.
Il y a d'autres choses qui me gênent, mais je trouve que c'est un bon début de commencer par ce problème que je trouve le plus gros dans ce manifeste.

Re: Manifeste pour une bisexualité radicale

MessagePosté: 21 Mai 2009, 02:56
de conan
Ce texte est intéressant en effet, merci ! je suis assez d'accord avec pas mal de choses.
Sur le point que tu soulèves, je ne vois guère plus que l'exposé d'une utopie séduisante, celle de se détacher d'une identité fondée sur des préférences sexuelles.
Potentiellement en effet, ce serait super de n'être pas moulé dans un hétérocentrisme ou homocentrisme ; de ne se fermer aucune porte à l'expérience, à l'amour...
Mais il est clair qu'il existe quand même souvent de nettes préférences selon les individus. Et pas qu'imposées... mais parfois élaborées par une libre expérience. Est-ce un mal que de se bâtir une identité sexuelle vivante ? Je ne le crois pas, le sexe étant un paramètre important dans la constitution du moi et dans son épanouissement...
A condition que cette "identité" ne soit pas imposée, mais librement construite, à condition de rester à l'écoute de son désir et de ne s'enfermer dans aucune contrainte.
J'essaie, c'est pas toujours simple mais j'essaie ! :)

Re: Manifeste pour une bisexualité radicale

MessagePosté: 21 Mai 2009, 11:29
de Olé
Je trouve le texte intéressant mais j'y trouve pas mal de contradictions en fait, notamment ce que souligne Rikroll.

"je l'ai compris comme une volonté de remplacer l'ordre hétéro-normé par un ordre bi-normé "
C'est exactement aussi ce que j'ai compris. En fait je pense qu'il y a erreur de la part des auteurs ( ou alors c'est moi qui ai mal compris) à vouloir lier le dépassement d'une norme sexuelle hétéronormée et patriarcale à la construction en fait d'une autre norme, la bisexualité.

De plus la définition même de cette "bisexualité radicale" me parait pour le moins byzarre...
"La bisexualité est une stratégie" ah... donc une énième construction imaginaire et matérielle dans ce cas non? Une stratégie n'est pas quelque chose de vécu naturellement... On abolit une norme, pour en refaire une nouvelle.
"La bisexualité radicale est une identité" Donc le comportement sexuel et les choix sexuels seraient liés à la construction d'une identité? Je pensais pourtant que le but était de dépasser une identité de l'individu fondée sur sa sexualité, en détruisant les normes et autres barrières capitalistes et patriarcales?

Pour moi le dangers de ce type de texte est vraiment là. Le constat de départ est cohérent, mais il débouche sur des contradictions et surtout le risque de construire une identité bisexuelle qui serait celle du révolutionnaire, du militant radical refusant les normes de la société.
Pourtant il me semble qu'on peut n'avoir d'attirance et de rapports qu'avec des individus de sexe opposés au sien tout en rejetant les normes patriarcales et hétéro!
Un manifeste pour une sexualité libre oui... pour une autre sexualité servant de modèle, bah moi j'suis pas du tout sur la même ligne..

Re: Manifeste pour une bisexualité radicale

MessagePosté: 21 Mai 2009, 12:39
de willio
D'accord avec Léo, le texte est intéressant mais parfois un peu confus et contradictoire.
Je suis contre l'affirmation d'un genre ou d'une sexualité comme identité. Ma position tient en une ligne, ya pas besoin de partir dans des constructions plus ou moins claires d'une stratégie identitaire bi-normée.

Re: Manifeste pour une bisexualité radicale

MessagePosté: 27 Mai 2009, 15:57
de lou
Daniel Welzer Lang est pour moi beaucoup trop proche des masculinistes. Il utilise sa bisexualité comme un alibi, quelque chose qui lui permettrait de se deresponsabiliser dans les questions de sexisme sur le mode: moi aussi je suis un opprimé. Oui je peu entendre que la bisexualité soit UNE DES alternatives politiques qui permettent de travailler sur la deconstruction masculine, c'est effectivement ma position mais ça n'est pas la seule possible. Je pense qu'il vaut mieux être un hétéro conscient qu'un bisexuel mysogyne :)

Re: Manifeste pour une bisexualité radicale

MessagePosté: 27 Mai 2009, 16:14
de Olé
lou a écrit:Daniel Welzer Lang est pour moi beaucoup trop proche des masculinistes. Il utilise sa bisexualité comme un alibi, quelque chose qui lui permettrait de se deresponsabiliser dans les questions de sexisme sur le mode: moi aussi je suis un opprimé. Oui je peu entendre que la bisexualité soit UNE DES alternatives politiques qui permettent de travailler sur la deconstruction masculine, c'est effectivement ma position mais ça n'est pas la seule possible. Je pense qu'il vaut mieux être un hétéro conscient qu'un bisexuel mysogyne :)


Et pkoi cela?
Je ne vois pas en quoi la sexualité d'un individu constitue une alternative politique en fait. J'aimerais comprendre, y'a aucune attaque hein.
Juste la dessus:
L'hétéro sexualité est une norme.
Pour la combattre il ne faut pas en créer une autre à la place, bisexuelle ou autre, mais combattre le principe même de norme sexuelle, non?
Je pense moi que la sexualité ne fait pas l'identité d'un individu, et qu'il n'y a pas d'identité sexuelle.

Re: Manifeste pour une bisexualité radicale

MessagePosté: 27 Mai 2009, 16:37
de lou
Je comprends ta question, et je t'accorde que mon cheminement intellectuel et politique sur la question n'a pas encore aboutie. Selon moi si je pars du principe que l'hétérosexualité est une norme sociale, cela veut dire qu'elle peut être dépassée. Le fait d'avoir des rapports sexuels ou sentimentaux avec les hommes me permets de comparer et de mettre en perspectives les rapports que j'ai avec les femmes. Je ne crois pas que ce soit une solution mais c'est une alternative. ma compagne est moi sommes non monogame ce qui nous permet d'échanger et de nous positionner sur le rapport de possession qui peut s'instaurer dans un couple. Evidement je trouve important de théoriser sur les rapports hommes/femmes mais je suis dans une perspectives où la théorie à besoin d'une accroche avec le réel sinon elle reste virtuelle. La non monogamie et la bisexualité me permettent d'appréhender "en live" les problèmes de domination et de possession. De plus, se revendiquer bi où gay t'expose assez rapidement à certaines discrimination qui permettent de mieux comprendre certains phénomènes, puisque tu les subies. Bourdieu en parle dans "la domniation masculine" (dont l'essentiel a été piqué a des féministes femmes qu'il oublie de citer mais passons) qui explique que les homosexuels sont sans doute les mieux placés pour comprendre les problèmes de dominations de genre mais il y a aussi Leo Thiers Vidal qui dit ceci "... je crois que notre masculinité - le fait que nous occupons une position sociale de domination selon l'axe de genre - ne nous permet pas (nous handicape même) d'analyser et de lutter contre l'oppression des femmes sur un mode féministe, puisque ce mode part précisément du vécu de l'oppression, et déploie une analyse et pratique de lutte à partir de cette position vécue."

C'est cette phrase qui m'a amené à la bisexualité comme "outil" militant. Tu as aussi un texte sur l'anarcho tafiolisme qu'il faudra que je retrouve.

Ai je répondu à ta question?

Re: Manifeste pour une bisexualité radicale

MessagePosté: 27 Mai 2009, 18:00
de Communard
Salut,
je me garderais bien de donner des leçons. Mon avis tout de même :

En ce qui concerne le passage souligné, je précise que les mots ont un sens, ce qui on ne peu plus normal comme réflexion, pour nous libertaires et/ou anarchistes. Ainsi, il est dit "la bisexualité sera d'usage courant" ne veut pas imposer une norme. il n'est pas dit : "lorsque nous serons tous et toutes bisexuel-les", mais bien "d'usage courant". Cela renvoie plus à l'acceptation de la collectivité (je n'aime pas le terme société), comme choix, comme mode de relation, comme identité sexuelle, et non à une norme qui serait imposée.

En ce qui concerne la critique de Olé, je pense que l'on peut prendre ce que l'on nomme les identités sexuelles (homo, hétéro, bi, trans, etc) tout comme l'identité "femme". A savoir que d'une, il n'y en a pas UNE (il n'y a pas LA femme, mais des femmes, comme il n'y pas pas le/la bisexuel-le, mais des bisexuel-les) mais des multiples, des multitudes. Enfin, que revendiquer à partir d'une position sociale, permet d'exprimer son ressenti, son vécu (relations sociales, oppression, discrimination,...) pour la dépasser. Le mouvement féminisme a élaborer une théorie là-dessus, pour expliquer comment elles se revendiquaient femmes, tout en voulant la destruction de ce modèle construit socialement. C'est comme revendiquer sa position de travailleur, pour partir de la conscience de classe et aller vers l'émancipation et la destruction de la valeur travail.

Car « femme » est historiquement une condition étriquée, naturalisée, un agencement sclérosé et oppressant qu’il s’agit de démanteler - en invoquant un monde sans genres (Beauvoir : on ne naît pas femme on le devient). Mais, en tant que sujet politique, « femme » est aussi devenu position qui se construit dans une solidarité politique qui stimule la créativité de ces êtres particularisés et dévalorisés par la mesure majoritaire d’un faux universel. Loin de pouvoir se réduire l’une à l’autre, ces deux dimensions (condition et position) demeurent en tension, dans un processus qui a fait proliférer des agencements nouveaux dont l’avenir demeure dans l’inconnue de l’expérimentation existentielle et politique. Tension donc, par rapport à ce que l’on veut quitter et qui est pourtant levier de nouvelles constructions - aller-retour caractéristique des débats féministes, signe d’un état en devenir.

Autour des politiques féministes des savoirs situés


Je pense moi que la sexualité ne fait pas l'identité d'un individu, et qu'il n'y a pas d'identité sexuelle.


Oui et non. L'identité d'une individualité est fondée par bien des choses et la sexualité en est une, mais pas la seule. Il y a pour moi une identité sexuelle dominante, contraignante, qui est l'hétéronormalisme. Je parle bien d'hétéronormalisme, pour ne pas diaboliser l'hétérosexualité, qui ne doit pas être entendu comme "le diable". Car par exemple, celui qui sort de la monogamie, sort bien de l'hétéronormalisme (fondé en parti par notre héritage judéo-chrétien - mais pas que), tout en restant une personne attiré par ceux/celles du sexe opposé. Les mots ont un sens, mais ce sens est aussi travaillé par l'imaginaire et les représentations collectives. L'hétérosexualité renvoie, pour la plupart des personnes, à un style de vie, à des styles de relations, et non à ce que ça veut dire : "personne attiré par ceux/celles du sexe opposé". La société patriarcale, fondée sur le couple binaire (qu'il soit hétéro, homo, bi), a valorisé une certaine conception de l'hétérosexualité, en en éliminant toutes autres interprétations.

Mais, le système patriarcal sait très bien recycler et faire du développement durable, ici aussi. Ainsi, on voit depuis quelques temps une recrudescence des milieux dit libertins ou échangistes. Il ne faut jamais globalisé et généralisé, mais ce courant se satisfait assez bien du système, voir en réutilise les aspets négatifs. il est donc courant de parler de bisexualité féminine, mais quasiment pas masculine. Elle n'est d'ailleurs pas très bien accepté en général. Le système se satisfait bien de "ses marges", de ses espaces un peu plus libre, mais pas tant que ça, et surtout dans des espaces commerciaux, restreints, voire même connu des seuls pratiquants.

Il n'y a pas d'identité sexuelle ?


Si il y en a une : celle que l'on se donne. Car il me paraît illogique de dire d'un côté que l'hétérosexualité est construite socialement, et en même temps de dire que la sexualité ne se choisit pas, ou ne peut changer au fil du temps par une réflexion et une déconstruction de son identité. Pour parler de mon expérience, un fondement a été d'entendre parler de sexisme, d'amour libre, mais de n'en voir aucune réalisation concrète, individuelle ou collective, et de me dire que comme la grève générale se construit dans le temps, mon identité hétéronormé-patriarcale-monogame pouvait être déconstruite par mes réflexions, mes recherches intellectuelles, mais aussi par la pratique, la mise en œuvre de mes principes que j'ai construit avec le temps. J'ai donc bien déconstruit mon identité, et en suis venu à la bisexualité. Car repenser le genre, c'est certes repenser les rapports sociaux, mais aussi son rapport à soi, à sa sexualité, à ses plaisirs, à ses modes de relations amoureux.

La bisexualité est donc devenu pour moi une stratégie, comme une ligne de fuite qui m'a fait sortir de l'impasse où j'étais. Elle est aussi une stratégie dans le sens où cela a changé mon rapport aux femmes, aux hommes. Cela m'a permis de voir plus clairement mes comportements autoritaires et sexistes.

Voilà déjà une partie de mes positions/réflexions.

Re: Manifeste pour une bisexualité radicale

MessagePosté: 29 Mai 2009, 13:44
de Olé
ok pour Lou.

Communard a écrit:Salut,
je me garderais bien de donner des leçons. Mon avis tout de même :

En ce qui concerne le passage souligné, je précise que les mots ont un sens, ce qui on ne peu plus normal comme réflexion, pour nous libertaires et/ou anarchistes. Ainsi, il est dit "la bisexualité sera d'usage courant" ne veut pas imposer une norme. il n'est pas dit : "lorsque nous serons tous et toutes bisexuel-les", mais bien "d'usage courant". Cela renvoie plus à l'acceptation de la collectivité (je n'aime pas le terme société), comme choix, comme mode de relation, comme identité sexuelle, et non à une norme qui serait imposée.


Moue c'est là ou je suis pas convaincu justement. Je comprends tout à fait le mécanisme visant à construire une identité sexuelle affirmée ( et jusqu'alors dominée) face à une norme sexuelle, mais à l'arrivée le risque pour moi est justement de substituer l'une à l'autre, de penser une identité à la place d'une autre, là ou il ne doit pas y en avoir du tout. ( je ne dis pas que la sexualité ne fait pas parti de l'identité individuelle, je dis qu'elle n'est pas identité individuelle)


Communard a écrit:En ce qui concerne la critique de Olé, je pense que l'on peut prendre ce que l'on nomme les identités sexuelles (homo, hétéro, bi, trans, etc) tout comme l'identité "femme". A savoir que d'une, il n'y en a pas UNE (il n'y a pas LA femme, mais des femmes, comme il n'y pas pas le/la bisexuel-le, mais des bisexuel-les) mais des multiples, des multitudes.


S'il y en a des multiples, propres à chaque individu unique, alors il n'y a plus d'identité sexuelle! Puisque le terme d'identité ( au niveau sexuelle, mais sociale ou politique aussi) renvoie à un sentiment d'appartenance collectif. Lorsqu'un individu déclare revendiquer une identité sexuelle homosexuelle par exemple, c'est bien une construction identitaire qui rejoint le collectif, en gros l'idée de "communauté sexuelle". Donc c'est contradictoire.
S'il y en a plusieurs, toutes uniques, alors plus d'identité collective et de communauté sexuelle, non?

Communard a écrit: Enfin, que revendiquer à partir d'une position sociale, permet d'exprimer son ressenti, son vécu (relations sociales, oppression, discrimination,...) pour la dépasser. Le mouvement féminisme a élaborer une théorie là-dessus, pour expliquer comment elles se revendiquaient femmes, tout en voulant la destruction de ce modèle construit socialement. C'est comme revendiquer sa position de travailleur, pour partir de la conscience de classe et aller vers l'émancipation et la destruction de la valeur travail.


C'est encore une fois là ou je pense qu'il y a contradiction et surtout risque de logique identitaire, comme je le disais plus haut.
Je ne critique pas pour autant cette stratégie

Car « femme » est historiquement une condition étriquée, naturalisée, un agencement sclérosé et oppressant qu’il s’agit de démanteler - en invoquant un monde sans genres (Beauvoir : on ne naît pas femme on le devient). Mais, en tant que sujet politique, « femme » est aussi devenu position qui se construit dans une solidarité politique qui stimule la créativité de ces êtres particularisés et dévalorisés par la mesure majoritaire d’un faux universel. Loin de pouvoir se réduire l’une à l’autre, ces deux dimensions (condition et position) demeurent en tension, dans un processus qui a fait proliférer des agencements nouveaux dont l’avenir demeure dans l’inconnue de l’expérimentation existentielle et politique. Tension donc, par rapport à ce que l’on veut quitter et qui est pourtant levier de nouvelles constructions - aller-retour caractéristique des débats féministes, signe d’un état en devenir.


Oui. Je pense aussi qu'il faut détruire les genres, mais sans renier la biologie, donc bien distinguer sexe biologique et genre, construction sociale.

[/quote]

Je pense moi que la sexualité ne fait pas l'identité d'un individu, et qu'il n'y a pas d'identité sexuelle.


Oui et non. L'identité d'une individualité est fondée par bien des choses et la sexualité en est une, mais pas la seule. Il y a pour moi une identité sexuelle dominante, contraignante, qui est l'hétéronormalisme. Je parle bien d'hétéronormalisme, pour ne pas diaboliser l'hétérosexualité, qui ne doit pas être entendu comme "le diable". Car par exemple, celui qui sort de la monogamie, sort bien de l'hétéronormalisme (fondé en parti par notre héritage judéo-chrétien - mais pas que), tout en restant une personne attiré par ceux/celles du sexe opposé. Les mots ont un sens, mais ce sens est aussi travaillé par l'imaginaire et les représentations collectives. L'hétérosexualité renvoie, pour la plupart des personnes, à un style de vie, à des styles de relations, et non à ce que ça veut dire : "personne attiré par ceux/celles du sexe opposé". La société patriarcale, fondée sur le couple binaire (qu'il soit hétéro, homo, bi), a valorisé une certaine conception de l'hétérosexualité, en en éliminant toutes autres interprétations. [/quote]

Oui je suis d'accord ( sur l'hétéro normalité).

Communard a écrit:Mais, le système patriarcal sait très bien recycler et faire du développement durable, ici aussi. Ainsi, on voit depuis quelques temps une recrudescence des milieux dit libertins ou échangistes. Il ne faut jamais globalisé et généralisé, mais ce courant se satisfait assez bien du système, voir en réutilise les aspets négatifs. il est donc courant de parler de bisexualité féminine, mais quasiment pas masculine. Elle n'est d'ailleurs pas très bien accepté en général. Le système se satisfait bien de "ses marges", de ses espaces un peu plus libre, mais pas tant que ça, et surtout dans des espaces commerciaux, restreints, voire même connu des seuls pratiquants.


Je pense surtout que la bisexualité féminine est un fantasme chez beaucoup d'hommes, d'ou le fait qu'elle ait été récupérée commercialement ( exemple les films pornos) et qu'elle s'est fondue mieux dans le moule patriarcal, là ou la bisexualité masculine a continué à être rejetté par les normes virilistes de domination. ( je pense d'ailleurs que pour un point de vue masculin hétéronormé il n'y a guère de différence entre un homme homosexuel et un bisexuel, ça rejoint la fiotte, la tapette, dans les deux cas).




Communard a écrit:Si il y en a une : celle que l'on se donne. Car il me paraît illogique de dire d'un côté que l'hétérosexualité est construite socialement, et en même temps de dire que la sexualité ne se choisit pas, ou ne peut changer au fil du temps par une réflexion et une déconstruction de son identité. Pour parler de mon expérience, un fondement a été d'entendre parler de sexisme, d'amour libre, mais de n'en voir aucune réalisation concrète, individuelle ou collective, et de me dire que comme la grève générale se construit dans le temps, mon identité hétéronormé-patriarcale-monogame pouvait être déconstruite par mes réflexions, mes recherches intellectuelles, mais aussi par la pratique, la mise en œuvre de mes principes que j'ai construit avec le temps. J'ai donc bien déconstruit mon identité, et en suis venu à la bisexualité. Car repenser le genre, c'est certes repenser les rapports sociaux, mais aussi son rapport à soi, à sa sexualité, à ses plaisirs, à ses modes de relations amoureux.

La bisexualité est donc devenu pour moi une stratégie, comme une ligne de fuite qui m'a fait sortir de l'impasse où j'étais. Elle est aussi une stratégie dans le sens où cela a changé mon rapport aux femmes, aux hommes. Cela m'a permis de voir plus clairement mes comportements autoritaires et sexistes.

.

ok très intéressant. Mais à l'arrivée est ce bien naturel ce travail intérieur, cette déconstruction individuelle? Toi même parle de "stratégie", ce qui dénote cet aspect. Je ne veux pas critiquer, juste discuter, je sais qu'il est plus facile d'être dans ma position ( je suis "hétéro", enfin dans le sens que tu donnes =>"personne attiré par ceux/celles du sexe opposé" , pas ds le sens social etc ) que lorsqu'on y est directement confronté comme c'est ton cas ou d'autres ici.
En quoi le fait d'être attiré uniquement par des personnes du sexe opposé serait une impasse pour poser ces questions là et y réfléchir?
J'avoue aussi que la paralèlle avec la notion de classe sociale ou de grève générale me laisse un peu perplexe, je pense que c'est une mauvaise comparaison dans le sens ou la classe est juste une place dans le rapport de production, et la grève générale une simple stratégie, alors que je vois dans la sexualité d'abord quelque chose de personnel qui ne vient pas forcément de la place dans la société, d'une classe.
J'sais pas si je suis clair. J'suis pas un spécialiste de ces questions hein dc bon. :mrgreen:

Re: Manifeste pour une bisexualité radicale

MessagePosté: 29 Mai 2009, 16:33
de Roro
lou a écrit:Oui je peu entendre que la bisexualité soit UNE DES alternatives politiques qui permettent de travailler sur la deconstruction masculine, c'est effectivement ma position mais ça n'est pas la seule possible. Je pense qu'il vaut mieux être un hétéro conscient qu'un bisexuel mysogyne :)


En ce qui concerne, ce n'est pas spécialement la bisexualité qui m'a amené à me rendre compte spécifiquement de l'hétéronormativité de la société, ça en fait partie, mais c'est un tout qui te le montre. Y a qu'à voir les pubs à la télé par exemple pour se rendre compte que la société patriarcale a encore de beaux jours devant elle.

Par ailleurs, ce n'est pas ma bisexualité qui m'a amené à l'anti-sexisme, mais bel et bien l'anarchisme et le militantisme. Comme tu le dit, on peut très bien être sexiste et bi.

Re: Manifeste pour une bisexualité radicale

MessagePosté: 29 Mai 2009, 23:52
de willio
A lou :

La bisexualité comme outil, c'est un peu bizarre. Tu te forces à "être bi" pour voir comment ça fait de se prendre des insultes et mieux analyser la situation ?

Re: Manifeste pour une bisexualité radicale

MessagePosté: 01 Juin 2009, 23:42
de lou
La bisexualité comme outil, c'est un peu bizarre. Tu te forces à "être bi" pour voir comment ça fait de se prendre des insultes et mieux analyser la situation ?


Non rassures toi, mon idéal revolutionnaire ne va pas jusque là. :D

Par contre c'est vrai que pour moi c'est une des façons de me confronter aux systèmes de discrimination. Un exercice beaucoup plus simple est facilement réalisable par n'importe quel mec, mec hétéro jusqu'au bout des ongles. S'habiller en femme et sortir dans la rue. C'est assez éprouvant mais c'est très efficace. :mrgreen:

Re: Manifeste pour une bisexualité radicale

MessagePosté: 27 Juin 2009, 18:12
de joe dalton
cela dit quand la sexualité ne sera ramener qu'a une question de choix politique, j'espere que nous seront nombreux a entrer en guerre contre la politique !
c'est quand le sexe n'est qu'affaire de positionnement idéologique, que l'on vois des gourous anars se constituer des harems "non-genré" !

Re: Manifeste pour une bisexualité radicale

MessagePosté: 03 Juil 2009, 06:24
de post-gaucho
lou a écrit:C'est cette phrase qui m'a amené à la bisexualité comme "outil" militant.

Communard a écrit:Pour parler de mon expérience, un fondement a été d'entendre parler de sexisme, d'amour libre, mais de n'en voir aucune réalisation concrète, individuelle ou collective, et de me dire que comme la grève générale se construit dans le temps, mon identité hétéronormé-patriarcale-monogame pouvait être déconstruite par mes réflexions, mes recherches intellectuelles, mais aussi par la pratique, la mise en œuvre de mes principes que j'ai construit avec le temps. J'ai donc bien déconstruit mon identité, et en suis venu à la bisexualité.

Ces deux citations me laissent perplexe, et je suis d'accord avec Olé (qui met en avant le désir) et joe (qui critique la politisation du sexe). Je voulais donc demander à Communard et lou si vos désirs actuels sont "construits" ou bien s'ils sont "naturels" (les deux termes ne sont peut-être pas bon, mais j'espère que vous voyez ce que je veux dire). Avez-vous déjà eu l'impression d'avoir eu des désirs bisexuels avant de vous êtres affirmés pleinement ?

Je pose des questions personnelles, mais j'ai du mal à comprendre cette "construction" bisexuelle, étant convaincu jusqu'à présent que le désir était "naturel" (et je précise que "naturel" n'a rien à voir avec une conception rétrograde du sexe où ce dernier a un rôle reproducteur : il s'agit d'un désir spontané, que l'on ne peut expliquer, ne dépendant d'aucune réflexion, d'aucun véritable choix). Car si tel était le cas, la plupart des personnes engagées contre le sexisme (c'est-à-dire tout le monde ici, je l'espère) seraient ou devraient être bisexuelles.


Sinon je n'ai rien à rajouter vis-à-vis du texte, les interrogations ayant déjà été soulevées par d'autres.

Re: Manifeste pour une bisexualité radicale

MessagePosté: 03 Juil 2009, 11:38
de RickRoll
Notre désir est construit en partie par l'éducation, les conventions. Il n'y a qu'à voir, nombre d'homosexuel-les ne se rendent compte qu'il-les le sont que tard, il y a beaucoup d'homosexuel-les refoulé-es...