Pour lutter contre le patriarcat, orientations de base

Pour lutter contre le patriarcat, orientations de base

Messagede Pïérô » 09 Juin 2012, 13:51

Participer à construire des contenus partagés, et du sens pour porter la lutte et les éléments de cette lutte.

Orientation congrès 2010 d'Alternative Libertaire, http://www.alternativelibertaire.org/

Nos orientations de base pour lutter contre le patriarcat


1. Préambule

Les femmes sont les premières et principales victimes de l’oppression patriarcale c’est donc d’abord à elle de lutter ensemble pour leur émancipation. Mais les hommes ont aussi intérêt à la disparition de ce système oppressif parce qu’il leur impose une place, un rôle et une fonction en fonction de leur sexe et non pas de leurs propres aspirations.


2. Définir les mécanismes de l’oppression

La division sexuée du travail a été une des causes fondatrices de l’oppression subie par les femmes. Pourtant l’accumulation des connaissances en biologie, neurologie, psychologie atteste qu’il n’existe aucune spécificité psychologique, intellectuelle ou comportementale liée au sexe biologique d’une personne, justifiant cette répartition des rôles. Cette division sexuée du travail se traduit par l’exploitation domestique que subissent encore aujourd’hui les femmes du monde entier, base matérielle du système patriarcal.

Encore aujourd’hui, ce sont les femmes qui assurent l’essentiel des soins aux enfants. C’est autour des congés maternité, des absences pour enfant malade, des temps partiels « choisis » pour élever les enfants que se creusent les écarts dans les carrières entre hommes et femmes. Cette place assignée aux femmes dans l’organisation des tâches domestiques et des soins à apporter aux enfants fonde, ou au moins, renforce le système patriarcal.

Mais d’autres processus fondateurs de l’oppression patriarcale sont à trouver :
. Dans la structuration de la famille patriarcale - réduite au père, à la mère et aux enfants, avec parfois des ascendant-e-s - qui a atomisé le groupe social des femmes et leur pouvoir collectif au sein des sociétés premières. Le fait que la famille est souvent le lieu principal où des hommes, des femmes et des enfants tissent des liens de solidarité, d’affection, d’amour, masque aux yeux de beaucoup le rôle oppressif de la famille patriarcale.
. La hiérarchisation affirmée entre les activités publiques et privées et le cantonnement des femmes dans la sphère privée ont fortement contribué à la dégradation du statut des femmes : assignées à des tâches socialement dévalorisées, dépendantes économiquement d’un homme, soumises à l’appropriation de son corps par celui-ci, y compris parfois par la violence physique et/ou psychologique, la femme voit sa dignité et sa personne même niées.

L’organisation matérielle de la société détermine le genre, ce qui dans notre « identité » est associé à notre sexe. Le genre, construction socioculturelle, est le résultat de l’organisation de la société. Il est aussi un facteur qui consolide l’oppression patriarcale. Lutter contre les mécanismes matériels qui organisent l’oppression des femmes se traduira implicitement par la remise en cause de cette identité construite socialement et culturellement. Mais la lutte idéologique ne doit pour autant être négligée : la « vulgarisation » des analyses sociologiques sur le genre est nécessaire pour permettre au plus grand nombre de prendre conscience des mécanismes de l’oppression.


3. Oppression capitaliste, oppression patriarcale, deux processus différents mais imbriqués

Le capitalisme est né au sein d’une société marquée par l’oppression patriarcale. Les deux oppressions partagent la même logique hiérarchique. L’État capitaliste impose la croyance dans un ordre viriliste et une relation infantile de soumission de la femme. Patriarcat et capitalisme ont autant besoin l’un que l’autre de la logique patriarcale, le premier pour y subordonner les femmes, le second pour perpétuer les inégalités sociales

Nous affirmons que l’égalité économique et l’abolition des classes sociales ne sont pas des garanties pour faire disparaître la domination sur les femmes, mais qu’il existe un lien entre ces deux combats qui ne peuvent être compris ni comme confondus, ni comme indépendants.

Nous affirmons qu’une disparition progressive du patriarcat est improbable et que sa destruction nécessite une rupture sociale et politique permettant de fonder réellement d’autres rapports humains débarrassés de toutes les impositions sociales ordonnées par la société en fonction de notre sexe. La remise en cause du patriarcat nécessite l’éclatement de la famille patriarcale. Cela facilitera la remise en cause de la transmission des inégalités, un des fondements de l’oppression capitaliste.


4. Une absence de norme familiale

AL, dans le cadre de son « combat contre toutes les aliénations », prône le démantèlement de tout ce qui organise les discriminations. Mais cette affirmation a été insuffisamment été prise en compte dans nos réflexions stratégiques : comment agir alors que l’interdiction de toute discrimination liée au sexe pourrait ne pas se traduire mécaniquement par la disparition de la division sexuée du travail ?

AL défend un modèle d’organisation économique en alternative au capitalisme - démocratie directe, égalité économique, solidarité entre les collectivités humaines et fédéralisme autogestionnaire -, mais n’a pas de modèle positif à proposer concernant la structure de base de la société qui pourrait remplacer la famille patriarcale. Nous ne proposons pas une contre-norme, mais l’absence de toute norme familiale. Ce sont les femmes et les hommes débarrassé-e-s des normes sociales imposées qui définiront eux/elles-même leur future émancipation individuelle et collective.

L’oppression patriarcale se lit dans l’organisation matérielle de la société, dans la sphère publique comme dans la sphère privée : organisation et le rôle de la famille – institution-clé de la société - et répartition du travail en son sein.

Rappelons que la famille patriarcale n’est pas un invariant de l’organisation des sociétés humaines. Elle est un cas particulier de « groupe familial », ensemble des adultes et des enfants vivant sous le même toit, gérant ensemble les tâches domestiques, partageant leurs ressources économiques et rassemblées autour de liens affectifs forts. Et dans de nombreuses sociétés humaines, il existe des personnes qui, par choix ou par obligation, vivent en dehors de tout groupe familial.

Dans une société communiste libertaire, les droits et les devoirs seront attachés à chaque personne, sans que la société ne s’autorise à s’occuper des modes de vie, même si les enfants devront bénéficier de droits particuliers - notamment de protection - liés à leurs besoins matériels et affectifs.

La distinction sphère publique - sphère privée tendra à disparaître. Il se reconstruira probablement des formes plus collectives de vie en commun permettant à toutes et à tous une baisse de la quantité de travail domestique et une prise en charge plus collective des soins aux enfants. Ces modes de vie collectifs seront probablement amenés, dans un premier temps, à coexister avec la reproduction de modes de vie hérités du patriarcat.

L’éclatement des cadres normatifs favorisera la réalisation par chacune et chacun de sa propre aspiration à vivre, travailler, s’exprimer et aimer comme il/elle l’entend. Il existera une diversité assumée et reconnue des modes de vie, dont le prolongement sera l’éclatement de toute norme sexuelle - entre adultes consentants - et dans l’épanouissement de l’amour libre.

Nous rejetons toute moralisation de la sexualité, nous prônons des comportements fondés sur le respect de chaque être humain et de son droit au plaisir, qui permettent d’étendent la liberté de chacune et de chacun à l’infini. En revanche nous combattons ce qui est de l’ordre du libéral, dans le sens où tout serait permis au nom de l’argent.


5. Une stratégie de lutte

Notre stratégie de lutte contre le patriarcat s’appuie sur les axes suivants :
. accentuer les contradictions internes au système social permettant d’affaiblir les mécanismes de domination en vue de les abolir à terme ;
. agir collectivement pour le renforcement des mouvements de lutte de femmes, mais aussi des collectifs LGBT (Lesbiennes, Gays, Bisexuels et Transsexuels), à la fois en solidarité et en tant que porteurs de luttes autonomes ;
. porter au sein du mouvement social notre projet de société libérée du système patriarcal.

Les mécanismes concrets par lesquels le patriarcat impose une domination sur les femmes repose principalement sur le triptyque : répartition sexuée des tâches ; famille patriarcale ; séparation sphère publique / sphère privée.

Notre combat contre une répartition sexuée du travail concerne autant la sphère publique que la sphère privée.

Dans la première, nous visons à faire sauter tous les verrous permettant à des femmes (parfois à des hommes) d’accéder à quelque profession que ce soit. De même, nous devons poursuivre notre combat pour une égalité des revenus, des statuts et contre les mécanismes qui conduisant les seules femmes à prendre des temps partiels pour élever les enfants.

Quant à la marginalisation des femmes dans la vie politique, elle appelle à des réponses spécifiques. Il s’agit à la fois de mettre en œuvre tous moyens qui incitent les femmes à prendre leur place dans la vie publique et à l’assumer, et de combattre toutes les logiques de prise de pouvoir au sein du mouvement social. En tant que libertaires, nous nous inscrivons dans les pratiques anti-autoritaires qu’ont pu développer de nombreuses femmes au sein des mouvements sociaux : refus de la violence viriliste, expression de la démocratie basée sur l’écoute … Il faut reconstruire la politique à partir des lieux de vie et de travail, permettant la prise de parole de toutes et de tous.

Dans la sphère privée ce qui est en jeu c’est une répartition égalitaire des tâches ménagères et des soins aux enfants. Nous ne voulons pas que la société s’autorise à contrôler la vie quotidienne des femmes et des hommes. Nous voulons favoriser, par la mise en place de services publics pour la petite enfance, par une évolution du droit du travail, une modification des comportements collectifs. Il nous faut mener la réflexion sur ces questions dans nos lieux de vie, de travail, dans nos syndicats et autres lieux militants, afin de favoriser une prise de conscience de ces mécanismes d’oppression.

S’il ne s’agit pas de faire campagne pour l’abolition de la famille patriarcale, notre action vise clairement à ce que cette forme d’organisation sociale n’ait aucun privilège et perde son statut de modèle social. Nous nous battrons pour que toutes les autres formes de « groupe familial » se voient reconnaître leur pleine légitimité sociale, famille homoparentale, monoparentale, célibat, groupe familial élargi, ou toute forme d’association librement passées entre des adultes consentants, tant que l’enfant bénéficie de l’environnement éducatif sur le plan affectif et matériel nécessaire à son épanouissement.

Un enjeu majeur de notre combat est d’agir pour que la thématique antipatriarcale soit reprise au sein des luttes dans les entreprises comme dans les quartiers, qu’elle devienne réellement transversale aux différents lieux des luttes sociales.

Nous participerons aussi, tout en étant conscient-e-s de leurs limites, à des organisations telles le Planning familial apte à répondre à un besoin social au sein de la société patriarcale ou au Collectif National pour le Droit des Femmes (CNDF) ou la Marche Mondiale des Femmes qui permettent de poser les problématiques du droit des femmes à un niveau de masse.

L’émergence de cette complémentarité entre les luttes antipatriarcales et les autres luttes sociales nécessite l’existence d’organisations plus spécifiquement centrées sur l’antipatriarcat, plus orientées sur une réflexion sur les questions de genre et de sexualité : groupes locaux luttant contre le patriarcat, éventuellement totalement ou partiellement non mixte, collectifs LGBT…


6. Le front intérieur de l’organisation

Le congrès d’AL de 2006 (Agen) a affirmé : « Simultanément, le peu d’évolution des rôles sexués dans la sphère domestique et dans les mentalités fait barrage à l’investissement des femmes dans les luttes […]. AL ne fait pas exception en la matière. »

Cette question doit être posée à deux niveaux dans notre organisation. AL doit se donner les moyens pour que le plus systématiquement possible les tâches dites domestiques soient prises en charge collectivement, organisation de la vie collective comme gardes d’enfants. Et d’autre part, une pratique révolutionnaire impose une modification de nos comportements individuels et interpersonnels. Cette logique doit être présente dans nos analyses, dans nos formations, dans nos discours et d’une manière générale dans notre organisation collective.

Les obstacles à la féminisation de notre organisation sont de deux ordres : internes et externes.

Les obstacles internes relèvent des rapports de pouvoir entre les militants et les militantes de notre organisation, comme au sein des autres organisations du mouvement social. L’organisation et ses militant-e-s doivent être en permanence vigilant-e-s face à d’éventuelles manifestations machistes. A cette fin, l’organisation doit se donner des outils de formation et d’analyse collective de son fonctionnement.

Le fonctionnement de la société patriarcale induit une spécialisation sexuée, y compris dans les formes de militantisme. La si faible féminisation en France des organisations libertaires est sans doute liée à l’image « virile » du combat anarchiste qu’il importe de combattre. Une participation plus importante de notre organisation aux luttes de quartier - là où les femmes sont souvent le plus investies - pourrait permettre des avancées vers sa féminisation.


7. Retour sur les revendications

Pour lutter contre la division sexuée du travail, nous devons combiner des revendications à même d’ébranler les inégalités professionnelles hommes/femmes, d’engager un investissement des hommes dans la sphère domestique et de faire évoluer les pratiques éducatives.

Nous devons poursuivre le combat pour une égalité professionnelle non seulement de salaire, mais aussi de statut et de niveau de qualification et obtenir sur ce sujet une obligation de résultat pour les entreprises. Pour aller vers la disparition des temps partiels imposés nous revendiquerons qu’aucun temps partiel ne puisse être rémunéré moins que le minimum vital (un SMIC décent).

La division sexuée du travail domestique ne disparaîtra pas sans une remise en cause des rôles traditionnels face à l’enfant : droit à un temps partiel sans perte de revenu, à une égalité entre les parents sans considération de sexe ou d’orientation sexuelle permettant à chaque parent de disposer de suffisamment de temps pour assumer à égalité ses responsabilités vis-à-vis des enfants ; développement d’un véritable service public gratuit de la petite enfance, etc.

Ces revendications doivent être complétées par une réflexion sur les pratiques éducatives qui aujourd’hui se traduisent par des choix de métiers spécifiques à chaque sexe ; pour exemple, les femmes sont majoritairement cantonnées dans 6 Catégories socioprofessionnelles sur les 31 définies par l’INSEE. Les communautés éducatives, associant parents, enseignant-e-s et enfants, seront incitées à réfléchir ensemble à cette réalité, à lutter contre toutes les autocensures des jeunes dans leurs choix de filière et à favoriser tous les choix rompant avec les stéréotypes. A ce principe nous opposons toutefois une interrogation : la participation aux structures régaliennes de l’État ou aux directions des multinationales ou de l’État est-elle réellement un progrès ?

Les femmes étant les plus touchées par la précarité et le chômage, avec comme conséquence une dépendance financière pour celles que les subissent, la revendication d’un véritable droit à un revenu et à un travail pour toutes et tous reste un combat important pour l’émancipation des femmes.

Le second grand axe de lutte que nous prônons est celui du droit à disposer de son corps et de la liberté sexuelle : droit absolu à la contraception et à l’avortement gratuits ; pour une éducation sexuelle et une information sexuelle des adolescent-e-s, informant sur les sexualités, le plaisir, la contraception etc. Nous combattons aussi les campagnes « pro-allaitement » visant à culpabiliser les femmes qui donnent le biberon.

Notre combat contre les violences sexistes a pour objectif de : protéger et soutenir les victimes en leur garantissant un logement et un revenu décent ; offrir des lieux d’accueil et d’écoute ; développer une prise en charge des hommes violents ; agir pour l’éducation et l’information des adolescent-e-s sur une sensibilisation à l’égalité entre les hommes et les femmes, à des comportements respectueux de l’autre et son droit à refuser des relations.

Il ne faut pas négliger de lutter contre les agressions que peuvent subir des femmes dans la rue, quelle que soit les tenues qu’elles ont choisi de porter.

De même, nous prônons l’interdiction de l’utilisation du corps des femmes à des fins marchandes, en particulier dans la publicité et nous sommes, en ce qui concerne la prostitution, pour une politique abolitionniste sans répression contre les prostitué-e-s.

7-10) De manière générale, il s’agira de mettre fin à toute forme de discrimination liée au mode de vie de chacun et de chacune ; reconnaître toutes les formes de vie commune librement consentie et d’éducation partagée des enfants ; affirmer la légitimité et l’égalité des droits de l’homoparentalité ; abolir tout privilège lié à la famille patriarcale et à tout autre modèle familial ; créer un statut et des droits sociaux et économiques des personnes indépendants des choix de modes de vie de chacune et de chacun.

Alternative Libertaire


Motion CGA 2011

MOTION ANTIPATRIARCALE CGA

La CGA parce qu’elle entend lutter contre toutes les dominations se définit aussi contre le système de domination masculine et dans la lutte anti-patriarcale.

La construction genrée de la société

Le genre est, pour nous, une construction sociale hiérarchique, qui repose sur un partage construit sur le postulat de deux sexes biologiques strictement différenciés. Cette construction binaire est présentée comme naturelle (ce qui la protège des contestations et remises en cause). Le rejet de l’hermaphrodisme, à travers une intervention chirurgicale imposée à la naissance pour définir un sexe, témoigne de la prégnance de cette idéologie. Cette supposée binarité biologique fonctionne comme marqueur de la domination. C’est la hiérarchie, autrement dit les rapports de pouvoir, qui induit la division sexuée de la société, et non l’inverse. Les catégories « masculin/féminin » et «hommes/femmes » n’existent donc qu’en fonction l’une de l’autre et dans le cadre de la domination de genre. Ce qui est désigné comme féminin ou masculin est socialement construit par des techniques de dressage perpétuées par l’éducation (de la famille, de l’école, l’industrie du jouet…), les médias, un certain discours scientifique, les institutions et les religions.

Cette séparation est maintenue, avec la participation plus ou moins consciente et volontaire de tous et toutes, par des rappels à l’ordre permanents qui renforcent ce système inégalitaire.

Il n’y a pas plus d’essence ni de spécificité féminine naturelle ou biologique qu’il n’y en a de masculine. Les femmes ne sont pas du côté de la douceur sous prétexte d’une potentielle maternité et les hommes du côté de la violence sous prétexte d’un taux particulier de testostérone.p { margin-bottom: 0.21cm; }
L’oppression des femmes n’est pas due à la dévalorisation de leurs « aptitudes naturelles ». En revendiquant l’existence d’une identité féminine et sa revalorisation, les théories différentialistes tendent à naturaliser les différences entre hommes et femmes. Les rôles attribués aux femmes et aux hommes n’ont rien de «naturels»: ils ne découlent pas de leurs différences morphologiques, mais sont le fruit d’une construction sociale qui n’est pas neutre dans l’organisation globale et inégalitaire de la société. Nous nous opposons donc à toute vision essentialiste des sexes.

Un système social organisé : la domination masculine ou patriarcat

Le système de genre véhicule la norme hétérosexuelle, l’impose et dénigre les autres sexualités. Cette idéologie induit notamment l’homophobie, la lesbophobie, la biphobie et la transphobie. L’instauration de la norme hétérosexuelle comme norme dominante entraîne l’oppression des personnes refusant cette norme ou n’y correspondant pas et cloisonne nos désirs à tou-te-s.

Malgré des avancées, ce système perpétue l’oppression des femmes notamment à travers :
le travail domestique gratuit et l’éducation des enfants, comprenant la prise en charge affective des personnes.

l’appropriation des corps des femmes aux fins de la reproduction ou non, notamment par des politiques visant à ériger la famille comme modèle unique et indépassable et les entraves au droit de disposer librement de son corps ;

le continuum des violences exercées contre les femmes, différentes dans leur degré mais non dans leur nature, allant de la prostitution aux violences physiques et psychologiques, en passant par les publicités sexistes et la réquisition de l’espace public au profit des hommes notamment la nuit.

la monopolisation masculine des armes, des outils, des compétences, de l’espace et de la parole,

le travail, à travers les différences de salaires, une précarité accrue, des temps partiels imposés pour allier travail et tâches domestiques gratuites, et un taux de chômage plus élevé ;

l’éducation différenciée selon les destinataires : « garçon» ou « fille ». Le contenu est différent et le formatage commence la plupart du temps dès la conception.


Le patriarcat positionne les hommes comme dominants dans l’ensemble des sphères de la vie. Les hommes jouissent de cette domination en profitant des privilèges liés à leur place dans ce système, et la très grande majorité participe à son maintien par des comportements d’oppression à des degrés divers. En revanche, ce système malmène les hommes qui refusent de se comporter dans la « normalité sociétaire ».

La lutte contre le système de domination masculine en interne de la CGA

On ne naît pas anarchiste et on ne le devient pas en considérant uniquement que le capitalisme et le système de domination masculine sont des « ennemis» à abattre. Être anarchiste est un combat quotidien qui ne s’arrête pas au moment où l'on a identifié les rapports de dominations. C’est la même chose dans la lutte contre le patriarcat et la déconstruction du genre: personne n’est à l’abri des rapports de pouvoirs, de l’éducation qu’il/elle a reçue, et chacun-e a donc un travail permanent à mener sur lui/elle-même pour changer les rapports de dominations. Il est aussi difficile pour une femme que pour un homme (bien qu'elle n'ait pas les mêmes privilèges) de se débarrasser des réflexes genrés que l'on a construits pour elles/lui.
Nous considérons que « le privé est politique ». La sphère privée et la sphère politique ne peuvent pas être abordées de manière différenciée quand les agissements et les comportements repérés dans le privé sont antinomiques avec les engagements politiques qui sont ceux des anarchistes/libertaires. L’engagement politique ne s’arrête pas à la porte de la maison ou de la chambre à coucher. C’est à chacun-e d’y chercher la cohérence avec son analyse politique.
L’organisation collective et la discussion permettent à tou-te-s d’acquérir des outils d’analyse pour penser les rapports de domination des hommes sur les femmes, et d’éviter de reproduire les logiques qui la perpétuent, de la violence domestique à l’occupation de l’espace public. Une réflexion collective sur la norme hétérosexuelle permet aussi de se poser individuellement la question de l’influence du genre sur ses propres pratiques de vie.
Nous intégrons cette réflexion à nos pratiques collectives. L’analyse politique de la place des femmes au sein de l’organisation, de la parole dont elles peuvent se saisir et de leur nombre permet de remettre en question nos pratiques afin de ne pas reconduire des logiques de domination plus ou moins violentes, de l’invisibilisation à l’intimidation. L’abandon d’un vocabulaire et d’une vision viriliste de la lutte sociale fait aussi partie de notre travail. Aussi, la CGA s’engage dans un travail de déconstruction au niveau collectif qui vise également à alimenter la réflexion et un positionnement individuels dans ce système de domination.

Nous nous engageons collectivement à :
Mener une réflexion permanente et autonome au sein des groupes sur le système de domination masculine, la norme hétérosexuelle et l’anarchaféminisme ;

Déconstruire le genre au niveau collectif pour également alimenter la réflexion et un positionnement individuel dans ce système de domination.

Être vigilant-e-s à ne pas décharger ce travail sur des volontaires, finissant par créer des spécialistes et un décalage dangereux entre militant-e-s du groupe. Cette spécialisation entraînera de plus la non-possibilité pour les militant-e-s concerné-e-s de s’impliquer dans d’autres luttes

Intégrer une grille de lecture féministe par une approche de genre à tous les thèmes abordés par la CGA, dans la mesure où ils ont tous un lien avec le patriarcat (élections, sans papiers, antifascisme, précarité, société de consommation, prostitution, monde du travail, syndicalisme, militantisme, éducation, école, guerre, laïcité, religion, famille, médias…).

Travailler à l’abandon d’un vocabulaire et d’une vision viriliste de la lutte sociale.


La pertinence de la lutte féministe dans nos idées et nos combats anarchistes

Le système patriarcal en établissant les catégories hommes-femmes, les a associées à des lieux, fonctions et moments non-mixtes imposés. Les luttes contre le patriarcat ont pris et prennent toujours la forme d'un mouvement autonome des femmes, dans lequel la non-mixité choisie peut être un outil de lutte comme dans toute lutte d'émancipation.

L’égalité à laquelle nous aspirons concerne tou-te-s les individu-e-s et n’est donc pas envisageable sans égalité réelle et effective entre femmes et hommes au delà des divisions et des différences de genre qui nous sont imposées. Idem pour notre aspiration à la liberté, laquelle est entravée par des rapports de domination et de soumission à abolir.
Cette égalité effective entre hommes et femmes ne peut s’envisager comme un exercice de rattrapage du pouvoir qu’ont les hommes ou d’un quelconque partage du pouvoir entre hommes et femmes, ni d’une manière de définir des critères de parité dans l’exercice du pouvoir. Il s’agit bien de viser la destruction de tout pouvoir et donc du pouvoir masculin au profit de rapports sociaux égalitaires. La seule destruction du capitalisme n’y suffira pas.
Le capitalisme et le patriarcat sont deux systèmes de domination « qui se nourrissent l’un l’autre » et qu’il convient d’abolir. Nous ne donnons pas la priorité à un domaine de lutte plutôt qu’un autre et préférons nous battre sur tous les fronts. La lutte contre le système de domination masculine a ainsi toute sa place dans nos activités, ni plus ni moins que notre implication dans les mouvements sociaux, le syndicalisme l’antifascisme, l’antimilitarisme, l’anti-électoralisme, la lutte contre les religions…
La CGA parce qu’elle est anarchiste et lutte contre tout système de domination se reconnaît dans la lutte anarcha-féministe. Elle s’inscrit dans les luttes féministes et les soutient. Pour ces luttes comme pour les autres, la CGA estime que les moyens ne doivent pas être en contradiction avec les finalités. Par exemple, la CGA ne se reconnaît pas dans la lutte pour la parité hommes-femmes dans les institutions quelles qu'elles soient.

La lutte contre le patriarcat de la CGA dans ses relations externes, c'est :

Proposer une alternative dans le mouvement féministe en introduisant nos référents antiétatiques, anticapitalistes, antiracistes et anti-patriarcaux,
Prendre en considération notre investissement dans les structures féministes extérieures aux groupes comme dans d’autres structures du mouvement social.
Faire prendre en compte dans les mouvements sociaux la question du genre et la nécessité de lutte contre la domination masculine.

La CGA revendique :

L’abolition du système de genre : le sexe biologique ne détermine pas la place des individu-e-s, et les catégories hommes – femmes cessent d’être la norme de référence pour l’organisation de la société.

La liberté du désir et de la sexualité.

La maitrise de nos corps et le respect de nos choix de vie.


Pour cela, la CGA soutient et s’inscrit dans les luttes féministes

Suppression des politiques natalistes

Lutte contre les violences faites aux femmes, dans la sphère publique ou/et privée.

Lutte contre les publicités sexistes

Lutte contre les inégalités salariales genrées

Lutte contre l'homophobie, la lesbophobie, biphobie et la transphobie

Accès à une éducation sexuelle non basée sur la norme hétérosexuelle

Accès à une éducation non sexiste

Accès à la contraception masculine et féminine et à l’avortement libres et gratuits

Respect de nos choix de vie

Motion adoptée le 11 novembre 2011 par la Coordination des Groupes Anarchistes
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Les actes du colloque "Patriarcat : prostitution, pédocrimin

Messagede clateuf » 21 Oct 2017, 11:42

Suite au colloque auquel nous avons participé en mai 2016, nous avons rassemblé les textes des intervenantes et du collectif d’organisations à l’origine de cette initiative,
pour les lire et / ou les telecharger en version A4 et en version livre voir l'article :
http://clas.pe.hu/spip.php?article400

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Re: Les actes du colloque "Patriarcat : prostitution, pédocr

Messagede clateuf » 22 Oct 2017, 09:43

Extrait des actes du colloque "Patriarcat : prostitution, pédocriminalité et intégrismes"

Propos de Mélusine Vertelune

Tant que le viol est perçu comme une violence exceptionnelle qui ne pourrait être commise que par un inconnu, condamner le viol n’engage à rien. Tant que la représentation que l’on se fait du viol est cantonnée à une agression brutale commise contre une victime qui se débat, qui crie son non consentement et qui sera ensuite capable d’aller porter plainte contre son agresseur toute seule comme une guerrière invaincue, il est facile et n’engage à rien de déclarer que l’on combat le viol.
L’écrasante majorité des viols sont commis par un proche de la victime ou par un individu qui achète un « permis de viol » (un prostitueur donc).

Et lorsque la victime d’un viol commis par l’un de ses proches trouve le courage de prendre le risque de dénoncer le viol à l’entourage qu’elle a en commun avec son agresseur, chaque membre de cet entourage révèle son « vrai visage ».

Il y a celles et ceux qui prennent partie pour l’agresseur, celles et ceux qui prétendent être neutres pour ne pas assumer clairement leur manque de solidarité avec la victime, plaçant cette dernière au même niveau de crédibilité que l’agresseur et prônant la fameuse « présomption d’innocence » de l’accusé qui induit de fait une « présomption de mensonge » affublée à la victime dite « présumée ».

Les moins nombreuses sont les plus courageuses, celles et ceux qui prennent clairement, définitivement, radicalement et .... lire la suite http://clas.pe.hu/spip.php?article401
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Re: Pour lutter contre le patriarcat, orientations de base

Messagede bipbip » 02 Nov 2017, 15:48

Comprendre et combattre les idéologies patriarcales aujourd’hui

Comprendre et combattre les idéologies patriarcales aujourd’hui

Fleurissent aujourd’hui, sur Internet ou à la télévision, les pensées conspirationnistes supposant un complot de la « féminisation de la société » qui s’opérerait « sournoisement » (Soral, Zemmour). La perte de « virilité » des hommes deviendrait palpable, dans les rapports domestiques, dans les rapports de séduction, et même dans les rapports de pouvoir. Les femmes finiraient par « s’approprier » des valeurs initialement « masculines », et se « masculiniseraient » finalement, à tel point que tout deviendrait confus. La postmodernité « déconstructionniste », la « théorie des genres », feraient violence à un « bon sens » élémentaire (« un homme et une femme, c’est pas la même chose »), et brouilleraient les significations établies. Sur un plan politique et économique, ceci serait la résultante d’un ultra-libéralisme débridé, dissolvant les rapports traditionnels « familiers » garantissant une société plus « stable », plus « harmonieuse », et plus « ordonnée ».

Le « libéralisme des mœurs » (ou « culturel ») de la « gauche du capital » (normes sociales et morales assouplies en faveur d’une égalité « abstraite », « pernicieuse ») et le « libéralisme économique » de la droite capitaliste (libre-échange, droit bourgeois) se tiendraient main dans la main, au profit d’une totalité socio-économique errante, amorale, dépourvue de repères fixes (cf. Michéa). Une forme de pensée « anticapitaliste » ici encore (et qui pourra recourir à Marx, ici et là), prétend s’exprimer, pour dénoncer une réalité chaotique, où plus rien ne ferait sens.

Ces pensées confuses et confusionnistes s’appuieront essentiellement sur des faits superficiels, empiriques, visibles dans une sphère spectaculaire inessentielle, et occulteront délibérément les bases objectives d’une domination patriarcale qui, dans le cadre d’une réalité capitaliste, fondée sur l’accumulation de la valeur, ne fait que confirmer toujours plus sa barbarie. Car qu’on ne s’y trompe pas : l’impersonnalité de la valeur, l’automouvement des marchandises, qui déclenche cette incapacité à reconnaître des « conspirateurs » humains dans les mécanismes de domination, peut très bien cohabiter avec une domination inconsciente et latente de certains sur d’autres (des hommes sur les femmes, dès lors). Seulement les dominants inconscients, ne se sachant plus dominants, dans le contexte où ils sont eux-mêmes dominés par un procès d’accumulation des choses qu’ils ne contrôlent pas, ne supporteront pas cette situation incompréhensible pour eux. Agissant inconsciemment comme des dominants, sans pour autant se sentir responsables d’une « conspiration » intentionnelle qu’ils mèneraient, mais se sentant dominés en même temps par une logique objective supérieure à eux, ils chercheront à identifier des groupes humains différenciés comme coupables de cette « domination » objective qu’ils subiraient. Paradoxalement, ils considéreront que ce sont précisément celles et ceux qu’ils dominent sans le savoir qui seraient responsables de leur soumission objective (occultant la dimension non-humaine de ce qui les soumet).

La critique d’un capitalisme structurellement patriarcal

Concernant la condition des femmes dans la société capitaliste, Roswitha Scholz (théoricienne de la Wertkritik) évoque le principe d’une dissociation sexiste-patriarcale fondée sur une dissociation-valeur, propre au capitalisme. Initialement, les femmes, dans les sociétés modernes, sont assignées au travail domestique, qui s’effectue dans la sphère privée, c’est-à-dire qu’elles effectuent des tâches qui ne sont pas valorisées de façon marchande, qui ne s’insèrent pas dans le processus d’accumulation marchande. Les hommes quant à eux, effectuent un travail qui est producteur de valeur (travail abstrait), ils sont insérés de ce fait dans la totalité sociale et économique par laquelle toute « valeur » émerge (non seulement économique, mais aussi symbolique, politique et culturelle, dans la mesure où la valeur économique implique toutes les autres formes de valorisation sociale, dans un contexte capitaliste).

Pourtant le travail domestique féminin, indirectement, permet la reproduction de la force de travail masculine qui produit de la valeur, et reste un élément indispensable dans le procès capitaliste d’accumulation de la valeur. Mais cette « participation » à un procès de production de valeur, parce qu’elle reste indirecte et cachée (cantonnée dans l’espace privé), n’est pas « reconnue » en tant que telle. Telle sera donc d’abord la condition des femmes, dans la réalité capitaliste : une participation non reconnue à un procès de valorisation qui les exclut dans le même temps où il les rend indispensables.

Sur un plan psychologique, on pourra dès lors penser que la haine sexiste et masculiniste dirigée contre le « féminin », que la tendance à réifier « la » femme, à la soumettre de façon agressive, renvoie à une forme de mauvaise conscience masculine, à un inconscient collectif masculin furieux de se sentir à la fois dépendant et coupable, et qui ne pourrait se manifester que de manière violente, de la même manière que le déni, très souvent, prend des formes violentes – on verra par exemple que « le féminin », chez Nietzsche, grand inspirateur des conspirationnistes sexistes, est le principe de la culpabilisation masculine (culpabilisation insupportables pour ces « mâles virils » !) ; les femmes rappellent aux hommes, en effet, ce fait élémentaire, qu’ils préfèreraient oublier : « votre espace public où s’exerce un pouvoir patriarcal dominant ne serait rien sans notre participation, pourtant assignée au mépris et au silence ; vous jouissez d’une volonté de puissance qui repose sur l’intervention nécessaire d’une puissance dépossédée, si bien que nous sommes le rappel constant de votre propre dépossession ».

Cela étant dit, au sein de notre modernité tardive, les choses auraient changé. Les femmes se seraient davantage insérées dans la sphère publique de la valorisation de la valeur, en accédant massivement au salariat, et même parfois à certains postes de gestion économique ou politique du capital. Cette modification, culturellement, et sociétalement, aurait débouché sur la situation que les conspirationnistes sexistes « déplorent » : perte des repères, remise en cause « déconstructivistes » de la différence ontologique entre les genres, etc.

Seulement, peut-on voir, dans cet accès des femmes à la sphère publique de la valorisation marchande, une façon de s’emparer d’un pouvoir qui remettrait en cause la domination masculine ? Certainement pas, pour plusieurs raisons.

D’une part, la sphère de la valorisation est, initialement, historiquement, la sphère de la domination masculine. Si les femmes finissent par accéder à cette sphère, on ne saurait dire qu’elles remettent en cause les fondements de la domination masculine : car, à défaut de créer de nouvelles valeurs, elles ne pourront que « s’approprier » passivement des valeurs prédéterminées par les hommes. Cette appropriation n’est pas vraiment une émancipation, mais plutôt une forme nouvelle de sujétion.

D’autre part, les femmes « insérées » dans la sphère de la valeur ne continuent pas moins de devoir assurer, majoritairement, les tâches domestiques dans la sphère du foyer privé. En ce sens, Roswitha Scholz évoquera le principe d’une « double socialisation » (publique et privée, « reconnue » et ignorée). Ce principe d’une « double socialisation » n’est en rien une forme d’émancipation, mais bien plutôt l’accroissement de la soumission : à l’aliénation du travail producteur de valeur se surajoutent les tâches domestiques épuisantes. Le déni de reconnaissance s’accroît par ce fait : les femmes, qui devraient se sentir « honorées » d’être insérées dans la sphère masculine de la valeur, d’être enfin « reconnues » socialement, sont en fait inscrites dans une activité astreignante dédoublée, dont l’aspect privé n’est jamais thématisé, et dont l’aspect public, de ce fait, est ignoré en tant que facteur d’accroissement de la sujétion.

Enfin, puisque l’accession des femmes à la sphère publique et initialement masculine de la valeur n’est que dérivée et secondaire, une domination masculine au sein de cette sphère, empiriquement, doit se perpétuer malgré tout : inégalité des salaires hommes/femmes, majorité d’hommes à des postes « à haute responsabilité », etc. Les femmes restent implicitement assignées au foyer privé, dans la mesure où l’espace public masculin de la valeur, qui les traite comme des travailleuses de « seconde zone », indique qu’elles ne seront jamais complètement « à leur place » dans sa sphère. A l’accroissement de la soumission liée à une simple appropriation « réactive » des valeurs masculines, et à une « double socialisation » doublement astreignante, se surajoutent une inégalité économique et sociale dans la sphère publique de la valeur, et le sentiment d’humiliation, de non-reconnaissance, de réduction, qui va avec.

Sur ces bases, on pourrait déjà dénoncer une totale imposture des conspirationnistes sexistes (Soral, Zemmour, etc.). Ils prétendent en effet dénoncer « l’ordre libéral » postmoderne, c’est-à-dire, implicitement, quelque « structure capitaliste » confusément appréhendée, en évoquant un principe de « féminisation » de la société, voire de « domination féminine » latente. Mais il est clair, à la lumière du principe de la dissociation-valeur, que le capitalisme est intrinsèquement patriarcal, et qu’il se perpétue comme domination masculine, jusque dans les formes barbares de la « double socialisation ». Les sexistes ou les masculinistes aujourd’hui ne sauraient être des anticapitalistes, mais ils défendent bien au contraire une structure capitaliste primitive. Ils ne voient pas que la « double socialisation » qu’ils déplorent inconsciemment (dans ses effets culturels ou sociétaux) ne remet pas en cause la domination masculine, mais qu’elle l’entretient, voire la radicalise au contraire. S’ils étaient vraiment des masculinistes cohérents, d’ailleurs, ils se réjouiraient de l’état actuel des choses : de fait, les femmes, aujourd’hui, sont plus que jamais assujetties, dans l’ordre capitaliste qu’ils défendent sans même le savoir. De fait, il n’y a pas, dans cette réalité, de remise en cause des « genres » ontologisés, mais la réaffirmation constante d’une différence de nature entre « l’homme » et « la femme », au sein d’une division toujours plus fonctionnelle, rationnelle, et barbarisée, des activités productives et reproductives.

La critique du « libéralisme des mœurs »

Qu’en est-il donc de ce « libéralisme des mœurs » (ou « culturel ») qu’ils déplorent (ils se référeront ici peut-être à Michéa) ? Il s’agit d’abord d’une confusion : d’une confusion entre des mouvements d’émancipations libertaires, réellement anticapitalistes, car dénonçant les effets pernicieux d’une « double socialisation » fondée sur une soumission-réification accrue des femmes (luttes pour le droit à l’avortement, luttes pour le droit des femmes à disposer de leur propre corps, luttes féministes matérialistes pour une abolition du salariat, luttes contre la chosification publicitaire du corps des femmes, luttes contre le patriarcat capitaliste homophobe et transphobe) et entre des mouvements, inscrits dans la logique libérale, d’intégration des femmes dans la sphère de la valeur. Les premières formes de mouvements (émancipation libertaire) n’ont rien à voir avec le libéralisme : ils ne sont ni individualistes, ni inscrits dans une logique marchande, mais sont initialement collectifs, et critiques de la société patriarcale-marchande. Les deuxièmes formes de mouvements (intégration libérale) n’ont rien d’émancipateur pour les femmes, et ne correspondent en rien à des formes de « féminisation » de la société : ils perpétuent au contraire une logique de domination masculine, liée à la « double socialisation » déjà évoquée. La confusion entre ces deux mouvements crée un mélange assez étrange : un pseudo-anticapitalisme, fondé en réalité sur un désir inconscient de maintenir un capitalisme « éternel », et sur l’incapacité à voir que la domination masculine, à travers l’échec des premières formes de mouvements libertaires, est aujourd’hui plus que jamais florissante.

Déconstruction critique

Que faire donc finalement des fondements « empiriques » exposés par les conspirationnistes sexistes, lorsqu’ils veulent justifier leur délire d’un complot de la « féminisation de la société » ? Les hommes feraient de plus en plus le ménage, ils deviendraient « efféminés », moins autoritaires, moins fermes, moins « virils », là où les femmes auraient tendance à « émasculer » les hommes, à imposer leurs normes d’égalité de façon dictatoriale, au point que ces normes deviennent de nouveaux principes de domination (féminine), etc. Sur un plan social, d’abord, ces descriptions nauséeuses feront l’impasse sur des phénomènes de domination masculine massifs et concrets, quoique dissimulés le plus souvent : violences domestiques massivement masculines, travail domestique massivement féminin, viols massivement masculins, harcèlements de rue massivement masculins, assignations sociales réductrices, etc.

Mais ils vous répondront que ces données élémentaires ne sont qu’ « idéologiques », non existantes (négationnisme). Ils réduisent l’existant à ce qui serait rendu visible massivement et spectaculairement, reconnaissant malgré eux qu’ils sont totalement insérés dans le mensonge du spectaculaire, et qu’ils sont déconnectés des réalités sociales concrètes.

S’en tenant donc à des phénomènes superficiels et médiatiques, ils déploieront un babil pénible et fragile. Comment leur répondre ? D’abord, concernant cette idée d’une prétendue « virilité » intrinsèque des hommes qui serait menacée, on peut constater que cette menace n’est qu’apparente : dans l’ordre objectif matériel des choses, les effets de la dissociation-valeur (jusque dans la « double socialisation ») privilégient explicitement, d’un point de vue économique et politique, les individus masculins. Qu’ils soient « efféminés », ou « moins autoritaires », en superficie, ne change rien au statut privilégié que leur confère leur genre, et donc ne remet pas en cause une forme d’autorité objective dont ils bénéficieraient. Matériellement parlant, les hommes n’ont rien perdu de leur « virilité », assignée par leur statut supérieur dans l’ordre de la valeur. D’autre part, la figure fantasmée de la femme « dominatrice » et « castratrice », placée parfois à des hauts niveaux hiérarchiques dans l’ordre de la valeur, ne saurait en rien, matériellement, être assimilée à l’exercice de quelque « domination féminine ». Le fait que certaines femmes se réapproprient des valeurs dites « intrinsèquement masculines » (mais qui sont en réalité des valeurs construites historiquement par les dominants patriarcaux) ne semble pas traduire un projet de domination « féminine », mais plutôt une soumission à un ordre initialement masculin, qui se voit dès lors confirmé dans ses structures. Par ailleurs, ici encore, la « transformation » ne s’opère qu’en superficie, et, dans l’ordre matériel des choses, une femme, même « autoritaire » ou « masculine », « dominatrice » (évaluations totalement subjectives et idéologiques) demeure un sujet dominé dans l’ordre de la dissociation-valeur. Enfin, concernant le partage plus égalitaire des tâches domestiques, dont le progrès est déploré implicitement, voire explicitement, par les conspirationnistes sexistes, il faut tout simplement noter qu’un tel partage, qui de toute façon est souhaitable pour toute société qui ne se voudrait pas barbare (c’est-à-dire qui ne voudrait pas fonder la division des activités productives sur des rapports dits « biologiques » ou « naturels »), relève davantage d’une logique d’émancipation au moins relative, qui ne confirme en rien l’ordre « libéral », mais qui vient contrecarrer au contraire les effets désastreux de la « double socialisation », qui sont des effets liés à l’économie capitaliste. En ce sens, celui qui déplore ce partage plus égalitaire des tâches défendra un « capitalisme éternel », et s’opposera à tout ce qui peut venir contrecarrer la logique barbare de ce « capitalisme éternel ».

Dans ce contexte, les femmes, et même les femmes dites « bourgeoises », quoique très différemment, sont éminemment réifiées dans le procès abstrait de la valeur. Une manifestation empirique masculine, initialement, sera le contenu particulier de l’universel abstrait de la valeur, et « l’intégration » a posteriori de certaines femmes dans cet universel abstrait produira une violence, symbolique et réelle, certaine. De ce fait, l’émancipation des personnes assignées au genre du féminin, prolétarisées, voire esclavagisées, par un patriarcat qui se barbarise au sein du capitalisme tardif, suppose très certainement un combat intrinsèquement anticapitaliste. Les femmes, subissant universellement, et concrètement, la violence de la dissociation, pourraient ainsi défendre les intérêts de la société tout entière, dans la mesure où la société aurait tout à gagner de l’abolition des rapports capitalistes (qui sont des rapports ultra-violents, et détruisant constamment le monde humain et naturel).

Les hommes que « nous » sommes, dans un premier temps, n’ont peut-être pas assez d’intérêts « réels » à défendre dans la lutte contre le capitalisme patriarcal, pour engager des luttes radicales. Mais, par effet d’universalisation, le combat féministe (comme combat anticapitaliste) pourrait s’adresser, en dernière instance, aux mâles dominants eux-mêmes, lesquels souffrent, sans le savoir, d’une volonté de puissance qui ne repose que sur le mépris et l’occultation de ce qui rend possible pourtant son exercice (haine, ressentiment triste), lesquels également demeurent soumis en dernière instance à l’automouvement des marchandises, qu’ils ne contrôlent pas, en tant qu’agents de la valeur globalement impuissants.

On pourrait voir, dans la façon dont Soral et Zemmour méprisent le féminin, les femmes, la manifestation d’un sentiment de culpabilité qui ne veut pas se dire, d’un sentiment d’impuissance ignoré, et qui se transmue en ressentiment, en désir de vengeance. Ces sinistres individus, ne nous demandent-ils pas de faire cesser leur détresse inconsciente, à travers leurs discours compulsifs et confus ? Ils ne demandent en tout cas qu’à être éduqués : la lutte féministe est peut-être là pour ça, aussi.

Benoit Bohy-Bunel (retrouvez plus d’articles sur son blog http://benoitbohybunel.over-blog.com/)

http://www.lepoing.net/comprendre-et-co ... ujourdhui/
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Re: Pour lutter contre le patriarcat, orientations de base

Messagede bipbip » 21 Avr 2018, 18:21

Se former, un outil dans la lutte antipatriarcale

Militantisme : Se former, un outil dans la lutte antipatriarcale

Début mars, le collectif AL de Lyon accueillait une formation antipatriarcat ouverte à l’ensemble de l’organisation. L’occasion de faire le point sur les positions et les pratiques au sein d’Alternative libertaire.

Depuis quelques temps, les militants et militantes d’AL travaillent à l’augmentation de formations internes, afin de répondre aux besoins de tous et toutes de se rencontrer, d’échanger et d’avancer dans la construction du militantisme au quotidien ; ces formations sont donc proposées à un rythme régulier et accueillies dans différentes villes. Les méthodes de formation reprennent les outils de l’éducation populaire qui permettent de co-construire les contenus avec le savoir de chaque participant et participante.

Les 4 et 5 mars, c’était au tour de Lyon d’accueillir une formation sur le thème de l’antipatriarcat. Elle a réuni 10 personnes, principalement des femmes. Au cours du week-end, plusieurs ateliers se sont succédé autour de thèmes aussi divers que les positions fédérales d’AL, la prostitution ou encore la prévention des agressions sexuelles. Ces ateliers ont été conçus de façon à permettre à chacune et chacun de partager son savoir et à faciliter la prise de parole des plus réservé.es, ce qui implique aussi le silence de ceux et celles qui donnent plus facilement leur avis.

Les échanges ont mis en avant le besoin constant d’asseoir nos théories en lien avec nos pratiques. Certaines problématiques liées à la domination masculine ont pu être abordées avec pragmatisme : qu’est-ce qui marche, qu’est-ce qui ne marche pas, mes idées sont-elles des vœux pieux ou sont-elles basées sur du concret ? On s’aperçoit ainsi qu’en analysant les mécanismes de domination des hommes sur les femmes, on comprend beaucoup sur les dominations et l’émancipation en général. Ici, chacun et chacune réinterroge sa position dans l’espace social, autour des rapports « dominant /dominé ».

Système d’oppression

Le constat est évidemment partagé, que si les comportements individuels sexistes sont à blâmer, ils sont une résultante du système d’oppression patriarcal. En effet, il n’a pu qu’être réaffirmé que les réponses individuelles ne peuvent changer en profondeur ce système ; et que c’est collectivement que nous pouvons et devons nous y opposer.

Le samedi soir a permis une rencontre avec une organisation proche d’AL, tant dans les positions politiques que dans beaucoup de pratiques. Les militants et militantes d’AL ont ainsi pu accueillir des camarades de la Coordination des groupes anarchistes (CGA) à l’occasion de la projection d’un documentaire. Ce dernier, Pourquoi les femmes sont plus petites que les hommes ?, démontre que l’inégalité de traitements entre femmes et hommes commence dès la naissance, à travers l’alimentation.

Nous sommes reparti.es de cette formation en faisant le constat que notre organisation est un outil d’émancipation, pas seulement pour la révolution à venir, mais ici et maintenant, et qu’être dans une démarche collective nous permet aussi d’évoluer dans notre parcours individuel.

Nous regrettons cependant que si peu d’hommes aient participé à cette formation ; car s’il est évident que ce sont les premières concernées, donc les femmes, qui doivent mener la lutte, il nous semble important que les hommes prennent conscience de l’exercice de leur domination, ce qui est rarement le cas.

Marion et Épic (AL Auvergne)


http://www.alternativelibertaire.org/?M ... atriarcale
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Re: Pour lutter contre le patriarcat, orientations de base

Messagede Lila » 12 Mai 2019, 23:33

LE CORPS DES FEMMES, CHAMP DE BATAILLE DU PATRIARCAT

à lire : https://revolutionfeministe.wordpress.c ... atriarcat/
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Re: Pour lutter contre le patriarcat, orientations de base

Messagede Fred1 » 30 Mai 2019, 13:57

Bonjours.
Je suis peintre en bâtiment et dans mon milieu le patriarcat reste la règle, du fait que c'est un milieu pour l'instant dominé par des hommes.
Nous avons recruté une peintre qui nous rejoint se lundi, mais une menuisière à déjà était recruté.
Cela dit le patriarcat reste pour l'instant la règle, mais ont avancé en étant éloigné de la parité idéale. Je dit ont mais j'avance aussi sur cette voie anti patriarcat.
C'est pour nous (m'est collègues et moi) une petite victoire et une joie que je voulais partager.
Nous n’avons pas peur des ruines. Nous sommes capables de bâtir aussi.

Buenaventura Durruti
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