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CA S'APPELLE tout simplement UN COMING OUT...
Pour commencer, je l'écris comme ça, sans fioriture, parce que ça fait du bien : je suis pédé.
Maintenant, tâchons de développer un peu plus...
Ensuite, dans ma vie et dans mes luttes, je suis beaucoup en contact avec des femmes. Quand j'étais hétérobisexuel, je pouvais m'imaginer assez facilement partager une intimité sexuelle avec chacune de mes amies. Parfois, certaines de ces imaginations se transformaient en envies, avec tout le lot puant de rapports transformés, de séductions et de falsifications qui va avec... J'éprouve un profond dégoût pour les idées de drague et de séduction. Ce sont des choses que je trouve fausses et malsaines, et qui dans tous les cas impliquent des mensonges plus ou moins formulés sur la réalité des êtres. Bref, toujours est-il que je ne voulais plus laisser polluer mes relations avec les femmes par ce genre de choses. Tout d'abord, la remise en cause de ma sexualité est apparue dans le cadre de mes réflexions et prises de position “antisexistes” (je n'aime pas du tout ce terme, mais il faudrait beaucoup trop de lignes ici pour vous expliquer que je ne suis ni antisexiste, ni profeministe, mais anarcho-tafioliste !). Je me sentais mal à l'aise en portant une telle lutte. J'avais l'impression de pouvoir me servir de ce combat pour me valoriser auprès des femmes et gagner un certain prestige. J'avais peur de devenir un « mec cool »,
proféministe, en déconstruction de mon genre, et au passage de pouvoir en profiter pour vivre facilement des relations intimes et sexuelles avec des féministes. Je ne souhaitais pas ça. Mais j'en avais peur. J'avais peur de me laisser embarquer dans un truc malsain dans le genre...
Puis, vous avez peut-être remarqué que j'utilise le terme « hétérobisexuel ». Je m'explique. Pendant longtemps je me suis considéré comme bisexuel, pendant un temps plus court, je me suis même revendiqué comme tel. Par ailleurs, j'ai eu quelques petites et brèves expériences sexuelles homoes durant mes cinq années de sexualité hétéra. Enfin, si j'ai décidé de devenir pédé c'est aussi pour enfin m'y mettre, pour enfin avoir le courage d'assumer mes attirances pour
les mecs. Pour ne pas vivre de sexualité frustrante et surtout pour ne pas avoir de rapports sexuels par dépit, juste parce que c'est plus facile avec des femmes. Quand j'ai fais ce choix, il m'arrivait encore parfois de ressentir des attirances pour des femmes. Et voilà que d'un coup, en l'espace de quelques mois, mes attirances (à tout point de vue, tant dans les envies que dans les fantasmes, les regards,...) sont exclusivement homosexuelles. Je n'ai plus la moindre attirance pour les femmes. Et ce que je trouve complètement fou là dedans c'est de me rendre compte, d'une part, du poids énorme de l'hétérosexsime sur nos vies (dans la mesure où au final, si j'étais hétéro c'est juste parce que je ne m'étais jamais vraiment posé la question) et d'autre part, du pouvoir absolu qu'on peut avoir là dessus du moment qu'on met sincèrement en question nos choix et qu'on défini nos réelles envies individuelles.
Mais je ne vis pas dans une société neutre. J'ai de longues années de construction sociale derrière moi. Et ce que j'ai surtout constaté durant tout ce temps où je me sentais bi de part mes attirances, c'est que j'avais une sexualité hétéro ! Eh oui, je maîtrise plus ou mois les codes de cette société hétéra ! Si j'ai de
l'attirance pour une femme et que c'est réciproque, cela reste tout de même relativement facile de concrétiser cette attirance en actes. Car les réactions sont devenues spontanées, les signes sont compris, les codes de communication sont partagés et assimilés. Alors que si j'ai de l'attirance pour un mec, je me retrouve démuni. Je suis perdu, je ne sais pas comment faire. Alors je garde cette attirance pour moi, je la cache et l'oublie, et je retourne vers mes
attirances hétérosexuelles, vaincu...
Pour finir, j'éprouve souvent un malaise vis à vis d'autres pédés qui le sont depuis la naissance, qui ont grandi et vécu comme pédés et qui s'en sont donc pris plein la gueule. J'ai l'impression d'être un privilégié car ça n'a pas été mon cas. J'ai peur aussi qu'ils ne me considèrent pas comme un « vrai ». J'ai peur de consommer une lutte qui ne m'appartient pas. Quelle légitimité je peux avoir à lutter contre une société patriarcale et hétérosexiste alors que je
l'ai cautionné si longtemps ? Si aujourd'hui je rejette la bisexualité, c'est parce qu'elle constitue un choix non radical au sein d'une société radicale
(hétéra) et par conséquent se retrouve engloutie et inoffensifiée (?!) sans pouvoir s'affirmer.
Etre bisexuel-le aujourd'hui, c'est considérer comme égales et symétriques l'hétérosexualité et l'homosexualité. C'est ne pas faire de différence, c'est considérer que ces deux sexualités comportent les mêmes enjeux, et au final, cela revient à nier le système normatif qui nous pousse et nous façonne à l'hétérosexualité. Et pourtant, je ne trouve pas réellement de justification théorique à ces sentiments. Quand bien même j'ai participé à un système sans
le remettre en cause, il n'est jamais trop tard pour s'en rendre compte et contribuer à sa destruction. Et si je considère que chaque personne doit pouvoir choisir et/ou vivre sa sexualité/sensualité librement (ou sa non sexualité, ou ses sexualités, ou...), alors je considère aussi que dans le contexte d'une société hétérosexiste, ce choix n'est pas forcement spontané, facile ou évident. Que ce n'est pas parce que j'ai plutôt bien vécu de façon hétérosexuelle pendant
plusieurs années que je n'ai pas le droit de choisir autre chose qui me correspond mieux. J'avais peur au début d'agir de façon trop artificielle, comme si d'un coup de baguette magique tout pouvait changer. Puis petit à petit, je me rend compte de ce que ça m'apporte d'être pédé, de ce que ça change dans ma vie, dans mes rapports aux autres, au monde et à moi-même, de comment je me sens un million de fois mieux dans mes pompes aujourd'hui...
On ne se rend pas spécialement compte du poids de l'hétérosexisme dans nos vies tant qu'on ne remet pas en cause sa sexualité/sensualité et son identité. C'est seulement à partir du moment où j'ai décidé d'en finir radicalement avec l'hétérosexualité que je me suis rendu compte à quel point c'était quelque chose qui ne m'avait jamais correspondu... Une démarche qui au départ était surtout politique s'est révélée au final être beaucoup plus viscérale, même si le viscéral est politique... Ce que j'ai fait au départ par choix conscient et raisonné s'est révélé d'une profondeur insoupçonnée et est finalement devenue une évidence, comme si au fond de moi j'avais toujours su que j'étais pédé et que j'attendais juste que ça puisse sortir.
Maintenant c'est quelque chose qui sort, et je me sens tellement bien dans mes pompes...
Vibro Libre
Ou Mourir
2008
A titre personnel, j'ai été fortement interpellé par ce texte qui m'a permis de mettre des mots sur mon ressenti. Je ne rejoins pas l'auteur sur tous les points qu'il aborde, notamment le rapport à la séduction, et je ne crois pas que l'homosexualité soit une garantie contre le sexisme néanmoins je crois qu'il a le mérite de soulever une problème de fond: le positionnement des hommes dans la lutte contre le patriarcat. Je crois en effet qu'en tant qu'hétéro, cette lutte reste un problème "extérieur". Un exemple simple: prenons le terme "enculé". Il est couramment utilisé dans la société, et relativement frequement dans les milieu anar sans que cela ne soulève de grandes interrogations. Il est clair que dès lors qu'on a experimenté la sodomie, on ne perçoit plus ce terme de la même manière car "on se sent concerné". Je vie actuellement avec une militante bisexuelle qui a sur ce sujet une position que je trouve assez intéressante politiquement: je ne me laisse pas pénétrer par quelqu'un qui refuserai que je le pénètre". C'est une manière explicite de rétablir une égalité au sein d'un couple hétéro. De plus le fait de s'interroger sur les normes, et sur le genre t'amène à avoir des rapports différents avec les hommes, une plus grande "intimité" qui va nécessairement interroger tes préférences sexuelles. Je penses que la première étape, c'est de s'interroger sur l'hétérosexualité: à partir du moment où on la considdère comme une norme, une possibilité parmis d'autre et en aucun cas comme un choix "naturel" on ouvre ses horizons. Le Privé est politique...