« Morgane Merteuil, la porte parole du STRASS peut jouer l’indignation, tout ce qu’elle peut reprocher aux "343 raclures de chiottes" c’est d’utiliser l’expression "ma pute" ; sur tout le reste leur position est la même, leur vision du monde est la même, c’est la liberté bourgeoise perpétuant la domination éternelle.»
Contre le STRASS et son monde
La récente polémique autour de la prostitution ne doit pas laisser aux exploité-e-s l’impression que ce type de débat tombe du ciel, et ne concernerait que les convictions de chacun.
Ce qui se passe actuellement est un combat culturel entre deux parties de la bourgeoisie :
- Celle qui tient avant tout au maintien de l’ordre, quelle que soit la nature du désordre et que celui ci s’attaque aux prolétaires ou à l’Etat. C’est le camp de Najat Vallaud-Belkacem, ou d’une personnalité comme Ségolène Royale. Ce courant s’alarme d’une montée forte de la prostitution dans la société, revêtissant de nouvelles formes (comme les propositions de plus en plus fréquentes d’appartements contre services sexuels). C’est eux qui veulent faire du fait de payer un-e prostitué-e une contravention (le type d’infraction le moins grave en droit français).
- Celle partisane d’un libéralisme total en tous les domaines (économie, drogues, sexualité, religion...), et qui ne comprend pas qu’elle ne puisse pas disposer des prolétaires librement, du moment qu’elle a l’argent nécessaire. On retrouve dans ce courant des universitaires, un homme d’affaire comme Pierre Bergé, un politicien comme DSK, un cartoon comme South Park, ou le STRASS (Syndicat du Travail Sexuel).
Il semble naturel à tous que le STRASS soit assimilé au mouvement féministe et aux luttes sociales. Mais contrairement aux apparences, toute l’idéologie du STRASS est celle de la bourgeoisie ultra-libérale, où l’on retrouve les partisans de la GPA, de la libéralisation de la prostitution, jusqu’aux "transhumanistes" et autres cybernéticiens.
Sous prétexte de liberté, il devrait être permis à tout le monde d’acheter et de vendre n’importe quelle partie de lui. Or, pour nous qui voulons détruire le Capital, l’argent, la valeur et voulons que chacun puisse choisir sa vie et la réaliser librement, cette "liberté" pue le fric et les rapports autoritaires. La liberté sans éthique, la liberté dans le Capital, c’est celle des plus riches qui possèdent toujours plus de pouvoir sur les pauvres.
Pour nous qui pensons que personne ne devrait faire ce qu’il ne voudrait pas faire si l’argent n’était pas nécessaire à notre survie, la banalisation de la prostitution (par exemple, une blogueuse comme "Une cagole à Paris" parle de "plan de vie possible" concernant le fait de se prostituer) par les activistes du STRASS ou une partie du mouvement "queer" est scandaleuse. Elle désarme théoriquement les exploité-e-s, en leur disant que considérer le fait de se prostituer comme quelque chose de malheureux est "putophobe". Elle fait de la solidarité bienveillante entre pauvres – "je suis triste que tu fasses un métier qui implique qu’on utilise ton corps" – une oppression. Dire qu’on trouve la prostitution dégradante est, de la même manière, censé être putophobe. Quand ce n’est que l’expression d’une exigence de dignité humaine et de solidarité entre pauvres.
Et dans un mouvement de renversement digne des plus grandes magouilles idéologiques, les révolté-e-s se soulevant contre le fait que des riches payent des pauvres pour profiter de leur intimité deviennent des "putophobes", des dominants. Les personnes ayant choisi ce camp se mettent au service de la fraction la plus décadente et sans éthique de la bourgeoisie, qui profite aujourd’hui la première de l’existence de la prostitution.
Le coeur de la prostitution, la raison pour laquelle les bourgeois ne la répriment pas, ce sont des individus comme Dominique Strauss Kahn qui organisent des soirées infâmes où des riches couchent avec des prostitué-e-s en groupe, ce qu’ils appellent entre eux des "parties fines". Ces dégénérés sont partisans du plus grand libéralisme sur le sujet, pour pouvoir continuer leur passion répugnante : payer des pauvres pour les consommer entre riches. La scène finale du film "Requiem for a dream" donne un bon aperçu de ce que peuvent être ces soirées. On y voit deux jeunes femmes ayant besoin d’héroïne avoir des rapports sexuels entourés d’hommes en costards cravates, affublés de masque et leur lançant des billets.
D’où cette solidarité de la part des riches de droite de la pétition des "343 salopards" (pardon des "343 connards" euh ...) avec les clients du bois de Boulogne, souvent bien moins aisés financièrement (les pauvres consommant de la prostitution pouvant être à mon sens considérés avec autant de pitié que les flics, les matons et les militaires).
C’est le patriarcat soudé autour d’une logique de domination sans pitié : les hommes doivent pouvoir disposer des femmes et les riches des pauvres. Ceci avec l’assentiment du STRASS : on pouvait encore trouver récemment sur leur site une rubrique "nos clients nous aiment", un de leurs slogans, à coté du sinistre "travail sexuel libre" est "touche pas à mon client"...
Morgane Merteuil, la porte parole du STRASS peut jouer l’indignation, tout ce qu’elle peut reprocher aux "343 raclures de chiottes" c’est d’utiliser l’expression "ma pute" ; sur tout le reste leur position est la même, leur vision du monde est la même, c’est la liberté bourgeoise perpétuant la domination éternelle.
Celle qui se présente comme une "féministe postmoderne" participe d’un mouvement de banalisation de la violence faites aux femmes, aux trans, aux pauvres, et l’on pourrait se demander où s’arrête cette "liberté totale" : les bastons de SDF filmées et mises sur la toile contre rémunération, ça va, ou c’est limite ?
La question n’est pas d’appuyer l’Etat dans son entreprise de maintien de l’ordre, ni de servir la soupe aux dominants que sont les clients, la question c’est de s’attaquer à la domination d’où qu’elle vienne, pour arracher une vie qui mérite d’être vécue, sans capitalisme, sans riches, sans pauvres, sans machos, sans clients, sans Etat et sans argent.
Un amoureux de vivre à en mourir.
http://paris.indymedia.org/spip.php?article14404