Abolition des genres

Re: Abolition des genres

Messagede Neill » 05 Sep 2009, 14:12

Ce sujet est très intéressant et les 6 pages de débat à lire sont riches d'expériences et de regards différents.

Par contre, étant moi-même pour l'abolition des genres, mon niveau de réflexion à ce niveau-là (de lecture du débat) en est plutôt à un stade très pratico-pratique. Je pense tout bonnement à l'aspect juridique du clivage entre les hommes et les femmes. Ces codes juridiques : celui de la famille, de la santé, etc. qui portent avec autant de lourdeur que possible cette distinction discriminatoire des genres dans cette société. Ajouté à cela toute la jurisprudence "blablatante", sorte de labyrinthe incompréhensible pour tout citoyen, même quelque peu intéressé...Sans compter toutes ces moeurs sociales qui reposent sur lesdits codes et textes jurisprudentiels cités. Tout ce qui permet des abus de positions et le maintien de relations inégalitaires entre les hommes et les femmes dans cette société. Tout ce qui permet l'invisible de comportements, d'attitudes révoltantes...

Parfois, il suffit de commencer par le plus simple. S'il est peut-être utile de connaître le genre d'une personne à sa naissance (pour des raisons médicales?), de l'inscrire dans son état civil, je ne comprends pas pourquoi, à chaque formulaire administratif (ou non) rempli, on doit constamment signaler son genre...Quel intérêt? Si ce n'est perpétuer un clivage, une catégorisation à des fins de domination?

Maintenant, ce qui me paraît important, après toutes les "avancées" obtenues (droit à l'avortement, à disposer de son corps, bref vous les connaissez tous), c'est de constater la stagnation au niveau de l'émancipation des femmes depuis plusieurs années et de réfléchir à ce qui reste encore à faire. Cela a déjà été entrepris par ci par là, par des orgas, par des partis, par associations, des collectifs temporaires. Néanmoins, et j'espère me tromper, on ne sait pas trop par où aller...Pour ma part, c'est l'émancipation personnelle de l'individu-e qui me préoccupe en tout premier lieu car c'est un préalable strictement nécessaire qui peut prendre du temps. Puis, tout ce qui touche à l'"invisible", aux moeurs (dit autrement aux constructions culturelles): ce qui résulte davantage d'une absence de prises de positions fermes quant à l'égalité des individus entre eux, ce qui résulte de l'ignorance et de la peur de beaucoup de gens vis à vis des autres "différents", ce qui résulte des rapports de forces devenus rapports de pouvoirs, etc. Par exemple, m'offre-t-il ce travail car je suis une femme et qui je lui plais? La boulangère me donne-t-elle cette baguette brûlée parce que je suis une personne de couleur? Puis, il y a le sujet brûlant des salaires, celui des enfants aussi...

Donc, pour ce qui est de la question de l'abolition des genres, sans revenir sur tout ce que vous avez déjà dit de très bien dans les 6 précédentes pages, je résumerai mon propos en disant simplement que cette question tient plus jamais la route!!! Et dans mon optique, elle devrait s'orienter vers une relance des débats entre femmes relativement à l'émancipation personnelle et se recentrer sur les principaux aspects juridiques qui façonnent encore ce clivage.
Neill
 

Re: Abolition des genres

Messagede conan » 06 Sep 2009, 21:33

C'est intéressant ! Si je peux me permettre une réflexion qui m'est venue, dans les exemples que tu cites je me suis dit combien, sans lui être exclusivement corrélée bien sûr, la lutte pour l'abolition des genres s'articule à la lutte contre le pouvoir et notamment la lutte anticapitaliste - comme lutte contre l'accaparation du pouvoir économique et la division du travail...
Dès lors que la décision politique privatisée (sur qui va taffer dans quoi) disparaît, la discrimination à l'embauche disparaît ; dès lors que le salaire disparaît, la question du chantage ignoble plus ou moins latent à la libido patr(iarc/on)ale disparaît ; dès lors où les gens ayant une couleur de peau ne sont plus obligés de vivre dans des situations économiques inférieures, le préjugé sur la couleur=infériorité économique=catégorie de la population sur laquelle taper... disparaît et la distinction artificielle s'évapore, n'ayant plus d'assise économique ; etc... on pourrait aussi dire que si l'argent disparaît comme condition pour vivre dignement, pornographie et prostitution s'évaporeraient aussi enfin.
Bien sûr, cela ne suffira pas à gommer des siècles, voire des millénaires de la violence inhérente à la distinction des genres, d'exploitation économique, de spécialisation des taches et de brutalité sexuelle contre les individus féminins. Les mauvaises habitudes sont tenaces dans les cerveaux des individus nés du côté auquel tout inculque qu'il est normal d'aliéner l'autre côté... et c'est pourquoi l'anarchisme est bien plus indiqué que l'anticapitalisme basique pour s'ocuper de toutes ces questions... en remettant plus largement en cause toutes les constructions sociales d'oppression, comme (pour en rester à l'antisexisme) dès lors que la sainte famille et ses constructions aliénantes (couple hétéronormé, contrôle des enfants) disparaît, la spécialisation discriminatoire de la gestion des enfants disparaît, et la spécialisation des taches domestiques avec, etc...
conan
 

Re: Abolition des genres

Messagede Neill » 06 Sep 2009, 22:36

conan a écrit:C'est intéressant ! Si je peux me permettre une réflexion qui m'est venue, dans les exemples que tu cites je me suis dit combien, sans lui être exclusivement corrélée bien sûr, la lutte pour l'abolition des genres s'articule à la lutte contre le pouvoir et notamment la lutte anticapitaliste - comme lutte contre l'accaparation du pouvoir économique et la division du travail...


Ce que tu dis c'est que la lutte pour l'abolition des genres n'est pas une "véritable" lutte puisqu'elle s'inscrit dans la globalité de la lutte contre l'accaparation des pouvoirs - économique, social - et la division du travail (et ma foi, bien d'autres choses du même acabit).
Pour être sincère, j'ai eu du mal à comprendre ton point de vue au premier abord. Puis ça m'a fait rire.
Si je partage l'idée générale (et essentielle) de lutte contre toute forme de pouvoir, je peux difficilement nier que, concrètement, des problématiques spécifiques d'oppression/ de soumission existent!!!! Notamment celle de l'oppression des femmes, notamment celle de l'oppression des personnes de couleur. Si on peut parler de lutte contre l'accaparation du pouvoir économique ou de lutte contre la division du travail, il n'en reste pas moins que ça reste abstrait. Il y a des gens et des visages derrière ces rapports de domination et de pouvoir. Et il se trouve que certaines catégories en pâtissent plus que d'autres.

conan a écrit:Dès lors que la décision politique privatisée (sur qui va taffer dans quoi) disparaît, la discrimination à l'embauche disparaît ; dès lors que le salaire disparaît, la question du chantage ignoble plus ou moins latent à la libido patr(iarc/on)ale disparaît ; dès lors où les gens ayant une couleur de peau ne sont plus obligés de vivre dans des situations économiques inférieures, le préjugé sur la couleur=infériorité économique=catégorie de la population sur laquelle taper... disparaît et la distinction artificielle s'évapore, n'ayant plus d'assise économique ; etc... on pourrait aussi dire que si l'argent disparaît comme condition pour vivre dignement, pornographie et prostitution s'évaporeraient aussi enfin.

Tu as vraiment l'air de penser ce que tu écris!!!
Si le salaire disparaît, qu'est-ce qui empêcherait quiconque de trouver un substitut pour assouvir le chantage à la libido d'un patron?
Si la précarité sociale et financière d'un trop grand nombre de personnes de couleur disparaît, qu'est-ce qui empêcherait quiconque de trouver un substitut pour continuer à les tenir à l'écart au nom de la peur de la différence de couleur de l'autre?
Si l'argent disparaît, exit la prostitution et la pornographie???? Il suffirait pourtant de payer des robes, des bijoux, rendre des services aux proches, etc bref tant de possibilités "invisibles" existeraient encore pour perpétuer tout ça...

Enfin, je crois que le projet de société anarchiste ne se résume pas aux sacro-saints problématiques économique, de concentration des pouvoirs et de salariat. Des motivations bien plus anciennes (et donc bien plus complexes avec le temps) aux structures économiques modernes ont produit la domination de l'homme sur la femme. La civilisation et le progrès n'auront pas permis aux êtres humains de s'élever au-delà. Et les sursauts que nous avons connus grâce auxquels certains droits ont pu être acquis, mais surtout grâce auxquels l'émancipation personnelle des individues a pu progresser, ne sauront pourtant suffire. Abolir les genres dans les textes qui nous régissent c'est permettre de reconnaître chacun avant tout comme un individu avec ses richesses, ses expériences, ses potentialités etc, plutôt que de le catégoriser d'emblée et le mettre dans des représentations sociales pré formatées, collectives et individuelles, conscientes ou inconscientes.
Neill
 

Re: Abolition des genres

Messagede conan » 07 Sep 2009, 01:02

Neill a écrit:Ce que tu dis c'est que la lutte pour l'abolition des genres n'est pas une "véritable" lutte puisqu'elle s'inscrit dans la globalité de la lutte contre l'accaparation des pouvoirs - économique, social - et la division du travail (et ma foi, bien d'autres choses du même acabit).
Pour être sincère, j'ai eu du mal à comprendre ton point de vue au premier abord. Puis ça m'a fait rire.
Si je partage l'idée générale (et essentielle) de lutte contre toute forme de pouvoir, je peux difficilement nier que, concrètement, des problématiques spécifiques d'oppression/ de soumission existent!!!! Notamment celle de l'oppression des femmes, notamment celle de l'oppression des personnes de couleur. Si on peut parler de lutte contre l'accaparation du pouvoir économique ou de lutte contre la division du travail, il n'en reste pas moins que ça reste abstrait. Il y a des gens et des visages derrière ces rapports de domination et de pouvoir. Et il se trouve que certaines catégories en pâtissent plus que d'autres.


Je ne nie pas la spécificité de chaque lutte, je pense juste qu'elles sont d'autant plus efficaces qu'elles s'inscrivent dans une remise en cause globale de l'autorité (notamment économique, mais pas seulement, ainsi que je l'ai dit).

Neill a écrit:
conan a écrit:Dès lors que la décision politique privatisée (sur qui va taffer dans quoi) disparaît, la discrimination à l'embauche disparaît ; dès lors que le salaire disparaît, la question du chantage ignoble plus ou moins latent à la libido patr(iarc/on)ale disparaît ; dès lors où les gens ayant une couleur de peau ne sont plus obligés de vivre dans des situations économiques inférieures, le préjugé sur la couleur=infériorité économique=catégorie de la population sur laquelle taper... disparaît et la distinction artificielle s'évapore, n'ayant plus d'assise économique ; etc... on pourrait aussi dire que si l'argent disparaît comme condition pour vivre dignement, pornographie et prostitution s'évaporeraient aussi enfin.

Tu as vraiment l'air de penser ce que tu écris!!!
Si le salaire disparaît, qu'est-ce qui empêcherait quiconque de trouver un substitut pour assouvir le chantage à la libido d'un patron?
Si la précarité sociale et financière d'un trop grand nombre de personnes de couleur disparaît, qu'est-ce qui empêcherait quiconque de trouver un substitut pour continuer à les tenir à l'écart au nom de la peur de la différence de couleur de l'autre?
Si l'argent disparaît, exit la prostitution et la pornographie???? Il suffirait pourtant de payer des robes, des bijoux, rendre des services aux proches, etc bref tant de possibilités "invisibles" existeraient encore pour perpétuer tout ça...


Je crois que tu m'as mal compris. je ne parle pas d'un monde où il y a encore des patrons ou de l'argent en circulation ! Encore une fois, je me situe dans une perspective globale pour dire que si le capitalisme est aboli (c'est-à-dire que l'anarchisme triomphe, youpi), pas mal de ces problèmes se délitent pour diparaître. Si plus de salariat, plus de patron (c'est logique !)... si disparition de l'argent (plus besoin d'argent pour vivre dignement), il n'y aurait plus de prostitution ni pornographie, là aussi logique... quant aux distinctions de couleur de peau, elles sont apparues avec l'esclavagisme à échelle industrielle. Les explorateurs ne parlent pas de couleur de peau, et ne parlent pas d'infériorité. Ces classifications apparaissent avec la traite négrière... je suis persuadé que si les gamins blancs grandissaient sans entendre tous les jours que l'Afrique est pauvre, que le monde vivait dans l'égalité économique réelle, les distinctions de "couleur de peau" s'évanouiraient avec le temps, on les verrait pas plus que les jeunes enfants, ça serait comme la différence entre des yeux bleus, marrons ou verts, ça n'aurait aucune importance pour catégoriser. Même si j'ai en effet dit que les préjugés ont la vie dure. :wink:

Enfin, je crois que le projet de société anarchiste ne se résume pas aux sacro-saints problématiques économique, de concentration des pouvoirs et de salariat. Des motivations bien plus anciennes (et donc bien plus complexes avec le temps) aux structures économiques modernes ont produit la domination de l'homme sur la femme. La civilisation et le progrès n'auront pas permis aux êtres humains de s'élever au-delà. Et les sursauts que nous avons connus grâce auxquels certains droits ont pu être acquis, mais surtout grâce auxquels l'émancipation personnelle des individues a pu progresser, ne sauront pourtant suffire. Abolir les genres dans les textes qui nous régissent c'est permettre de reconnaître chacun avant tout comme un individu avec ses richesses, ses expériences, ses potentialités etc, plutôt que de le catégoriser d'emblée et le mettre dans des représentations sociales pré formatées, collectives et individuelles, conscientes ou inconscientes.


C'est ce que j'ai dit aussi en évoquant la nécessité de l'anarchisme radical au lieu d'une simple lutte "anticapitaliste", on est d'accord.
conan
 

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