Tarnac : quand la répression s’appelle anti-terrorisme

Re: Tarnac : quand la répression s’appelle anti-terrorisme

Messagede Nico37 » 09 Mar 2011, 11:23

Démasquer les méthodes du collectif de Tarnac
LEMONDE.FR | 07.03.11 | 09h45
Philippe Cibois, professeur émérite de sociologie de l'université de Versailles-St-Quentin en Yvelines

Les "mis en examen dans l'affaire dite de Tarnac" viennent de préciser leur attitude dans Le Monde du 25 février : il faut les critiquer mais aussi leur répondre. Les critiquer d'abord : il n'est pas possible d'identifier la France avec la Tunisie de Ben Ali sous prétexte de persécutions policières. En effet, si la police les pourchasse, c'est, disent-ils, pour des "motifs dérisoires" comme s'attaquer à des distributeurs automatiques, des voitures, ou poser "quelques innocents crochets" sur des caténaires. L'aveuglement est ici total car si ces violences ne portent pas atteinte aux personnes, elles relèvent du mécanisme qui est celui de toute insurrection dont la légitimité est à peser avec soin.

La rébellion peut être un devoir moral, on l'affirme depuis Sophocle dans le cas d'Antigone et la Résistance l'a rappelé, mais il faut que les actions utilisées soient adaptées au but recherché pour qu'elles deviennent légitimes. Ce n'est pas le cas : on ne lutte pas contre la crise en "bloquant les flux", périphrase employée pour bloquer les TGV. De plus, les "tarnaciens" retrouvent des réflexes classiques : comme on n'arrive pas à faire la révolution, on se rabat sur des objectifs plus limités et, comme ceux-ci sont l'objet de poursuites pénales, se produit alors le cercle de la répression protestation qui devient la justification idéale. Comme la réalité de la répression ne peut être mise en doute, elle légitime d'une manière rétroactive ce qui a été fait auparavant.

Dans une démocratie comme la France, c'est l'action non-violente qui doit être utilisée car son efficacité est liée au fait que l'on doit arriver à convaincre. Une manifestation, une grève, un boycott, une pétition supposent autrement d'énergie qu'un sabotage ponctuel : il faut argumenter, expliquer et ne pas rester dans les certitudes du cercle restreint de ses camarades. Penser que l'on a raison contre l'apathie des masses et que l'on est la conscience qui réveillera les intelligences ne devrait plus être pensable après ce qui a été vécu au siècle précédent. Comme c'est le cas des tarnaciens, il faut leur répondre, mais pas à la manière du pouvoir en place.

J'emprunterai ma réponse à Eugenio Scalfari, le créateur et ancien directeur du quotidien La Repubblica, conscience de la gauche italienne. Il reprend, après les attentats en Espagne de mars 2004, l'image du révolutionnaire qui doit être dans son milieu comme un poisson dans l'eau et utilise l'expérience de l'éradication du terrorisme dans l'Italie des années de plomb.

"Si les poissons grands et petits du terrorisme nagent dans une eau nutritive et abondante, ils seront imprenables et de toute façon se reproduiront, ils élargiront leur rayon d'action, ils se répandront comme un cancer jusqu'à ce qu'ils infestent tout l'organisme social et le tuent. Il n'existe qu'une recette efficace pour combattre le terrorisme : il faut assécher l'eau qui l'entoure et le laisser à sec et, une fois ceci fait, extirper les racines du phénomène." (La Repubblica du 16 mars 2004).

L'astuce des tarnaciens est de montrer qu'ils ne pratiquent pas de méthodes terroristes comme les brigades rouges alors qu'ils en ont le même modèle intellectuel : ils veulent par leurs actions symboliques accélérer les prises de conscience. Les assimiler à des terroristes comme le voudrait le pouvoir est exagéré et ils ont raison sur ce point. Leur attitude n'en est pas moins injustifiable car elle nie les règles de l'action politique : il faut donc "assécher l'eau qui les entoure" en n'ayant aucune complaisance vis-à-vis de leur action.

Pour "extirper les racines du phénomène", il faut agir contre la crise et la financiarisation de l'économie : il faut s'attaquer aux prélèvements indus qui sont générés par la mondialisation de l'économie et par exemple employer des armes qui ont montré leur efficacité planétaire comme le boycott. Mais ce genre d'action fait appel à l'intelligence humaine et ne cherche pas à frapper les imaginations par un geste violent symbolique : c'est plus difficile, mais plus efficace. Le cercle vicieux de la répression protestation doit être cassé : il faut juger rapidement les actes commis et eux seuls. Mais si, face au traitement actuel de la crise, l'indignation est nécessaire, l'action collective non violente l'est encore bien davantage.
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Re: Tarnac : quand la répression s’appelle anti-terrorisme

Messagede Nico37 » 10 Mar 2011, 14:10

Article de Karl Laske à paraître... demain jeudi 10 Mars 2011 dans Libération.
_________________________________________

Tarnac : l’épicerie était sur écoute sauvage
Justice. Une plainte a été déposée par les militants.

C’est une opération secrète, et peut-être l’une des clés de l’affaire de Tarnac. Il y a un an, l’un des gérants de l’épicerie du village corrézien a révélé avoir découvert l’existence d’un dispositif d’écoutes visant leurs lignes téléphoniques, huit mois avant leur mise en cause dans les sabotages des lignes TGV. En mars 2008, des barbouzes, ou des policiers, s’étaient mis au travail sans qu’on sache encore pourquoi et sur ordre de qui.

L’écoute sauvage, confirmée par des agents de France Télécom, n’est jamais apparue au dossier d’instruction. Au nom de Benjamin Rosoux, cogérant de l’épicerie de Tarnac, Me William Bourdon vient de déposer plainte auprès du procureur de Brive-la-Gaillarde pour «interception de correspondances» et «atteinte à l’intimité de la vie privée». «Il y a un fil rouge dans ce dossier, c’est celui de la manipulation, commente Me Bourdon, et cette enquête démontrera l’existence d’écoutes clandestines, antérieures à la procédure, en violation de la loi.» Alors que les juges antiterroristes se sont désintéressés de ces faits, l’avocat a saisi la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada) pour obtenir de France Télécom un historique du suivi technique des lignes de l’épicerie. L’opérateur avait répondu que «les données 2008» n’étaient «plus consultables». Mais la Cada a jugé que, si France Télécom devait répondre de la fourniture de l’accès téléphonique, il n’en était pas de même pour son intervention technique,
qui n’est plus de son ressort exclusif.

L’opérateur a opté pour le silence. Et pour cause : il a engagé une procédure disciplinaire contre Gilles C., l’agent qui a découvert et débranché le système d’écoute devant l’un des gérants de l’épicerie, le 4 avril 2008. Le terminal de carte bancaire des militants épiciers ne fonctionnait plus normalement. «L’écoute provoquait un affaiblissement des signaux, a expliqué à Libération un délégué du personnel de France Télécom. L’agent a coupé la dérivation et rétabli la ligne. Puis il a appelé le chef de département qui lui-même a averti le service national qui s’occupe des écoutes.» Très vite, le technicien fait l’objet d’une mise à pied et de quinze jours de suspension, pour avoir laissé entrer un particulier avec lui dans le central téléphonique.

Il est donc «avéré que les interceptions des lignes téléphoniques ont eu lieu», concluent les plaignants, qui jugent «extrêmement probable» que les commanditaires des écoutes «soient les forces de l’ordre en charge de l’enquête de Tarnac». Or, signalent-ils, «l’enquête préliminaire dans l’affaire n’ayant été ouverte que le 16 avril 2008, à la date des interceptions, aucun fondement juridique ne pouvait justifier une quelconque écoute».
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Messagede Nico37 » 12 Mar 2011, 13:21

Le cogérant de l'épicerie de Tarnac dépose plainte pour atteinte à la vie privée
SAMEDI 12 MARS 2011 - 05:30

Benjamin Rosoux, le cogérant de l'épicerie de Tarnac, a déposé plainte auprès du tribunal de Brive pour « atteintes à l'intimité de la vie privée » et « interception de correspondances ».

L'affaire de Tarnac n'en finit plus. Entre méandres judiciaires et recours déposés par la défense. Après les saisines, Me William Bourdon, l'avocat de Benjamin Rosoux, cogérant de l'épicerie de Tarnac, est passé au cran supérieur. Voilà quelques jours, il a déposé plainte pour « atteintes à l'intimité de la vie privée » et « interception de correspondances » auprès du tribunal de grande instance de Brive (*).
La plainte intervient dans le cadre des écoutes téléphoniques découvertes à l'épicerie. La défense soupçonne la police de les avoir effectuées sans l'autorisation d'un magistrat et bien avant l'ouverture de toute enquête préliminaire. Une pièce de plus à rajouter au dossier pour attaquer, une nouvelle fois, une instruction jugée « fragile » par les conseils des « dix de Tarnac ».

" Montrer que le dossier est bancal "
« Le cogérant de l'épicerie a souhaité déposer plainte sur cette affaire d'écoutes téléphoniques pour démontrer une évidente manipulation policière et un affranchissement des forces de l'ordre sans l'autorisation d'un magistrat, explique-t-on au cabinet parisien de Me Bourdon. Certaines procédures n'ont pas été respectées. Pour ces écoutes clandestines antérieures à la procédure, il y a même eu des dommages collatéraux (un agent de France Télécom qui était intervenu pour débrancher le système d'écoute a été suspendu de ses fonctions durant plusieurs jours, NDLR). Il s'agit pour nous, à travers toutes ces plaintes, de montrer que le dossier est bancal ».

Contacté, le procureur de Brive n'a pas souhaité commenter le dépôt de plainte.

(*) Le tribunal de Brive est la juridiction compétente car situé dans le département de l'infraction présumée.

Magali ROCHE

magali.roche@centrefrance.com
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Re: Tarnac : quand la répression s’appelle anti-terrorisme

Messagede Nico37 » 19 Mar 2011, 19:53

2 livres (passés un peu inaperçus)... librement "inspirés" de "l'affaire de Tarnac" :

- "Tomates" de Nathalie Quintane, éditions POL 2010
(premières pages : http://www.pol-editeur.com/pdf/6378.pdf)
(en conversation avec Eric Hazan : )

- "Tarnac, un acte préparatoire" de Jean-Marie Gleize, éditions du seuil 2011
(très courte présentation sur le site de l'éditeur :
http://www.seuil.com/fiche-ouvrage.php? ... 2021028348)
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Re: Tarnac : quand la répression s’appelle anti-terrorisme

Messagede Nico37 » 23 Mar 2011, 21:17

Le monde appartient à ceux qui se soulèvent tôt

LEMONDE.FR | 23.03.11 | 09h10

Que la sociologie prenne souvent parti pour le maintien de l'ordre, c'est un fait connu, mais il est plus inhabituel de voir un sociologue s'engager carrément du côté de la police. Tel est pourtant le cas de l'auteur d'un article intitulé "Démasquer les méthodes du collectif de Tarnac" publié le 7 mars sur Le Monde.fr
http://www.lemonde.fr/idees/article/201 ... _3232.html.

Comme dans une garde à vue, M. Cibois feint de comprendre l'inverse de ce qu'ont écrit les "mis en examen de Tarnac" dans une tribune publiée dans Le Monde daté 24 février
http://www.lemonde.fr/idees/article/201 ... _3232.html
: "Il importe peu de savoir à qui, pour finir, on imputera les actes qui furent le prétexte de notre arrestation." Tenir ces lignes pour un aveu, ou pire, pour la revendication des actes en question : il faut pour cela avoir l'âme d'un policier ou d'un juge d'instruction antiterroriste.
Quiconque a un peu suivi l'affaire sait que les sabotages en question ont été revendiqués par un groupe allemand le jour même des faits, que le crochet est comme une signature des antinucléaires allemands, et que cette méthode ne comporte aucun danger pour la vie humaine. La dernière fois que la France a convoyé outre-Rhin des déchets nucléaires, il s'est trouvé quelque 50 000 personnes pour essayer de bloquer le convoi. Traiter de "terroristes" ceux qui s'opposent à l'empoisonnement du monde par le lobby nucléaire relève de la terreur d'Etat.

Si l'on s'en tient aux faits, cette affaire se réduit à la tentative désespérée d'attribuer à deux personnes un sabotage, celui de Dhuisy, en
Seine-et-Marne. Ce sabotage n'a d'ailleurs arrêté aucun train. Il a endommagé huit petits bouts de plastique qui ont été changés en un
tourne-main par la SNCF – ce qui a peut-être coûté deux ou trois mille euros, à mettre en balance avec les deux ou trois millions d'euros de
frais engagés pour l'instruction de l'affaire. Cette disproportion entre les faits et la procédure est bien la preuve – l'une des preuves – du
caractère politique de cette instruction.

Un sociologue n'est pas tenu d'être historien, c'est vrai, mais il y a des limites à l'ignorance. M. Cibois propose de déployer contre les gens de Tarnac les méthodes utilisées par l'Etat italien contre les Brigades rouges dans les années 1970. Il reprend même à son compte la métaphore répandue à l'époque : "Assécher la mer pour prendre le poisson." Cette riche idée, dont la "démocratie" italienne ne s'est jamais relevée, a signifié : lois d'exception, torture, tirs à balles réelles sur des manifestants, rafles massives, assassinats ciblés. Francesco Cossiga, ministre de l'intérieur de l'époque, a reconnu plus tard avoir mené une guerre. M. Cibois, partisan de "l'action collective non violente", propose donc de mener "dans une démocratie comme la France" une guerre du même genre. On reconnaît là une pensée que M. Cibois partage avec son collègue Alain Bauer, comme lui prêt à tout pour défendre "la société". Il est vrai que pour un sociologue, la société est en quelque sorte un gagne-pain.

"Il n'est pas possible, écrit M. Cibois, d'identifier la France avec la Tunisie de Ben Ali sous prétexte de persécutions policières." En effet, l'empilement des lois sécuritaires depuis dix ans – avec, dernière en date, une Loppsi 2 digne de la présente démocratie chinoise – n'est pas le seul symptôme de la "Benalisation" du régime en France. Il faut y ajouter le placement de proches du président, voire de sa famille, à des postes-clefs de l'économie et des médias, le caractère tristement fantoche de l'opposition officielle, l'extension de la misère dans un corps social dont les "élites" se disputent les derniers morceaux de choix. Sans compter le chiffre annuel record des gardes à vue, les yeux crevés au flashball, les morts du taser, les étouffés dans les fourgons de police, les chauffards abattus aux barrages "en légitime défense". En attendant que M. Cibois et consorts aient fini de soupeser la légitimité de l'insurrection, soutenons, appuyons tous ceux qui sont entrés en lutte ouverte avec ce régime. Le monde appartient à ceux qui se soulèvent tôt.

Eric Hazan, éditeur
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Re: Tarnac : quand la répression s’appelle anti-terrorisme

Messagede Nico37 » 28 Mar 2011, 21:36

Tarnac: trois plaintes visent la police antiterroriste Par Louise Fessard
[Paru le 26 mars 2011 sur mediapart.fr]

Après la reconstitution de la nuit du 13 au 14 janvier 2011 qualifiée de «simulacre» par leurs avocats, les dix mis en examen du groupe de Tarnac s'attaquent aux deux pièces maîtresses de l'enquête menée par le juge antiterroriste Thierry Fragnoli sur le sabotage de la ligne TGV-Est dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008. A savoir la déposition anonyme du 14 novembre 2008 qui présentait Julien Coupat comme capable de tuer pour ses idées ; et le procès-verbal de filature de Yildune Lévy et Julien Coupat
dans la nuit du 7 ou 8 novembre, qui démontrerait leur présence à proximité des lieux du sabotage sur la ligne TGV-Est.

Les mis en examen de Tarnac ont récemment déposé trois plaintes contre X : pour subornation de témoin (au tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand, le 23 février 2011), pour interception de correspondances et atteinte à l'intimité de la vie privée (au TGI de Brive-la-Gaillarde le 25 février), et pour faux et usage de faux en écriture publique (au TGI de Nanterre le 1er mars).

Le 7 novembre, une vingtaine de policiers de la Sdat (sous-direction antiterroriste) et de la DCRI (direction centrale du renseignement intérieur) filent depuis son départ de Paris la Mercedes de Julien Coupat et Yildune Lévy, membres de l'«ultra-gauche, mouvance anarcho-autonome».
Le couple, qui se sent suivi, joue pendant plusieurs heures au chat et à la souris avec eux sur des petites routes de Seine-et-Marne aux abords de la ligne TGV-Est.

Après avoir dîné dans une pizzeria puis dormi quelques heures dans leur voiture à Trilport, Julien Coupat et Yildune Lévy seraient, selon les agents du Sdat, revenus à proximité de la ligne TGV, à Dhuisy (à 26 kilomètres de Trilport). En pleine nuit, ils auraient stationné une vingtaine de minutes sur une voie de service, proche de l'endroit où sera découvert au matin un crochet métallique posé sur les caténaires de la ligne LGV. Puis ils repartent à Paris.

Mais la plainte pour faux et usage de faux en écriture publique, déposée par Yildune Lévy et Julien Coupat, pointe de nombreuses failles dans les récits des policiers. Et notamment dans le récit de la filature, connu sous le nom de PV 104 et daté du 8 novembre 2008, qui constitue, selon les conseils des jeunes gens, l'unique élément à charge retenu contre le couple.

Les nouvelles précisions apportées en mars 2010 par deux agents de la Sdat (le lieutenant Mancheron et le capitaine Lambert), à la demande expresse du juge, ne font qu'empirer la chose, puisqu'ils se contredisent eux-mêmes sur plusieurs points cruciaux. «C'est Dupond et Dupont», s'amuse l'un des avocats du groupe, Me Jérémie Assous. Chronologie.

Une silhouette sur les voies ?

3h50. Selon le PV 104, la Mercedes, qui «cheminait à allure normale», parcourt les 26 kilomètres entre Trilport et Dhuisy en dix minutes. Soit une petite moyenne de 160 km/heure. Les policiers de la Sdat prétextent depuis une erreur de «transcription». Ils indiquent avoir confondu le chiffre «3» et le chiffre «5».


4h. La Mercedes de Julien Coupat se gare près de la voie ferrée. Les enquêteurs sont incapables de se mettre d'accord sur son emplacement exact, un coup à droite du pont de la voie ferrée, un coup à gauche, voire carrément sous ou sur le pont. Selon le PV 104, le véhicule a été observé à l'arrêt «sur la voie de service au pied du pont de chemin de fer». C'est cette voie secondaire à droite du pont que les gendarmes choisissent d'ailleurs de «geler» pour préserver les éventuelles preuves. Mais d'après la nouvelle version de mars 2010 du capitaine Lambert, la Mercedes aurait en fait été garée sur une autre voie de service, à gauche du pont.

Certains procès-verbaux évoquent la présence d'un individu sur la voie de la ligne ferroviaire entre 4h et 4h20. D'après le lieutenant colonel Gosset, un gendarme chargé des constatations, un officier de la Sdat lui aurait déclaré le 8 novembre au téléphone que la personne suivie «a accédé à l'emprise de la voie ferrée à l'endroit du sabotage sans qu'il puisse déceler ses agissements».

Curieusement, les enquêteurs de la Sdat se montrent plus prudents dans leurs PV et se gardent bien de mentionner une silhouette sur les voies.
«Eu égard à la configuration du terrain, les policiers n'ont pas pu observer directement les individus sans risque d'être détectés par eux», relate le PV 104.

Le capitaine Lambert précise même dans son procès-verbal de mars 2010, que «le chauffeur du véhicule 1 (...) s'est avancé à pieds sur la route pour monter en haut d'une butte formée par la chaussée (...). C'est après avoir parcouru plusieurs centaines de mètres que le fonctionnaire a pu distinguer brièvement à l'aide du matériel d'intensification de lumière le véhicule Mercedes qui était stationné sur la voie d'accès à l'emprise SNCF».

Pourquoi après avoir parcouru plusieurs centaines de mètres, se contenter d'observer «brièvement» le véhicule sans se soucier du comportement de ses occupants, pourtant soupçonnés d'avoir des intentions criminelles ? Selon les avocats, la reconstitution du 13 janvier 2011 jette un doute supplémentaire sur l'authenticité des récits des policiers.

«Il a été constaté que si un individu avait été présent près du véhicule Mercedes, lorsque celui-ci était stationné sur la voie d'accès à l'emprise SNCF, il aurait nécessairement été aperçu par le conducteur du véhicule V1 à l'aide de son matériel d'intensification de lumière», expliquent-ils.
Surtout s'il a été fait usage d'une lampe frontale, comme le suggèrent les policiers, qui ont par la suite retrouvé un emballage de lampe parmi les objets jetés par Julien Coupat dans une poubelle de Trilport.

4h20. La Mercedes redémarre. Une partie des policiers poursuivent la filature. Que font les autres policiers restés sur place ? Mystère, car «il n'y a aucune précision apportée sur la surveillance de la Sdat entre 4h20 et 5 heures», indiquent les avocats.

Nouveau record à 324km/h

5h. Les policiers restants effectuent, selon le PV 104, «une minutieuse recherche aux abords immédiats de la voie ferrée et du pont de chemin de fer». D'après cette première version, les policiers se positionnent «à l'endroit exact où le véhicule a été observé à l'arrêt». Au contraire, selon la deuxième version de mars 2010, «les véhicules du dispositif restés sur place se sont stationnés (...) du côté opposé au lieu où était stationné le véhicule Mercedes».

Ce «afin de ne pas polluer les lieux où pouvaient avoir été commise une infraction». Mais relèvent les avocats, ces policiers si soucieux de ne pas «polluer les lieux», n'en inspectent même pas les abords et n'effectuent aucun gel des lieux au fin de préservation des traces et indices. Et ils ne semblent pas avoir pris la peine de prévenir la gendarmerie ou la SNCF de l'endroit de stationnement de la Mercedes de Julien Coupat.

«A l'évidence, s'ils avaient été avisés (...), la SNCF n'aurait pas stationné son camion sur la voie de service principale, et la gendarmerie n'aurait pas relevé de traces et d'indices que la Sdat revendique à présent comme siens», remarquent les avocats.

Une équipe de la Sdat se rend donc sur la voie de chemin de fer «en enjambant le grillage» selon le capitaine Lambert. Sacrée enjambée puisque la clôture métallique et les portails mesurent environ deux mètres de haut, selon les constats des gendarmes.

Le capitaine raconte alors que «ne découvrant aucun indice suspect, les fonctionnaires sont revenus sur leurs pas et c'est alors qu'ils venaient de dépasser le pont à 5h10 qu'un TGV arrivant de Paris a été repéré et qu'il a été donné pour ordre (...) aux effectifs de s'écarter de la voie ferrée (...). Ceux-ci ont alors sauté dans le talus situé de part et d'autre de la voie ferrée». Selon le PV 104, certes moins épique, les policiers n'ont pas du tout été surpris par le TGV. Ils sont «par mesure de précaution, restés sur place jusqu'au passage du TGV chargé de l'ouverture de voie».

Le passage du premier TGV provoque, selon le PV 104, «une gerbe
d'étincelle au niveau de la caténaire accompagné d'un bruit sec».

5h25. Selon le capitaine Lambert, «l'ensemble des effectifs ont quitté la zone immédiatement (après l'inspection des voies, ndlr) pour se rendre sur la commune de Trilport». Mais d'après le tableau de trafic téléphonique fourni en juin 2010 par la police, les enquêteurs sont encore à Dhuisy à 5h25, d'où ils passent plusieurs appels à leur hiérarchie.

5h30. Selon le PV 104, les policiers sont de retour à Trilport. Ils fouillent la poubelle où ils ont vu Julien Coupat jeter des objets quelques heures plus tôt. Un nouveau record est pulvérisé. Les enquêteurs auraient donc parcouru un trajet de 26 kilomètres en cinq minutes, à la vitesse de 324 km/heure. Deux fois plus vite que la Mercedes de Julien Coupat et Yildune Lévy à l'aller.

5h50. Les policiers quittent Trilport, après avoir trouvé un emballage de lampe frontale et des plans du réseau TGV dans la poubelle. Derner hic, le tableau de trafic téléphonique signale des appels des enquêteurs depuis Dhuisy jusqu'à six heures du matin, alors qu'ils sont tous censés être partis depuis longtemps.

«Ils n'ont rien vu»

Et pendant ce temps que font les policiers qui suivent la Mercedes ? A 4h45, selon le PV 104, ils constatent que «le véhicule s'arrête au pied du pont de La Marne sur la commune de Trilport, puis après quelques minutes repart en direction de Paris». Plus d'un an après, le 24 mars 2010, des plongeurs repêchent à l'aplomb du pont de La Marne, plusieurs tubes de PVC ayant pu servir à poser le crochet métallique sur les câbles de la voie à grande vitesse.

Selon le Nouvel Obs, les enquêteurs soupçonnent Julien Coupat d'avoir acheté ces tubes de PVC le 7 novembre dans un Bricorama de Châtillon alors qu'ils avaient perdu sa trace entre midi et 14h50. «Il était suivi à bonne distance grâce à une balise GPS placée sur sa vieille Mercedes», explique la source «proche de l'enquête» du Nouvel Obs. A midi le signal disparu comme cela arrive quand la cible entre dans un parking souterrain. Et justement le Bricorama de Châtillon en possède un pour ses clients.»

Oups ! La pose d'une balise GPS est illégale si elle n'a pas été autorisée par un juge. «Si cette information s'avérait justifiée, elle pourrait démontrer l'absence d'authenticité du PV 104, les services de police ne pouvant raisonnablement déclarer procéder à des constatations visuelles alors qu'ils ne faisaient que suivre une balise», écrivent les avocats.

Conclusion : une vingtaine de policiers chevronnés ont suivi le couple pendant un jour mais «ils ne les ont pas vus à côté de la voie ferrée, ni en train de poser les fers à béton, ni les jeter dans la Marne, ils n'ont rien vu quoi», ironise Me Thierry Levy. Fort opportunément, le 14 novembre, alors que neuf membres du groupe de Tarnac sont en garde à vue depuis trois jours, un témoin sous X apporte de nouveaux éléments.

Entendu par deux officiers de police judiciaire de la Sdat, il décrit les gardés à vue comme «un groupe sectaire dont les membres ont été endoctrinés par Julien Coupat». Ce dernier «souhaite le renversement de l'Etat par le biais d'actions de déstabilisation qui auraient pu aller jusqu'à des actions violentes».

«Une volonté de tromper»

«C'est ce témoignage, les présentant comme un vrai groupe criminel, qui va donner l'apparence de sérieux aux interpellations, car les filatures n'ont pas donné grand-chose», estime un des avocats du groupe, Me Thierry Lévy. Alors que la rumeur sur l'identité de ce témoin crucial se répand dans les médias, la Sdat l'entend à nouveau le 11 décembre 2008 mais cette fois sous son vrai nom, Jean-Hugues Bourgeois, éleveur bio dans le Puy-de-Dôme de son état.

Le discours est inversé, Jean-Hugues Bourgeois déclare tout ignorer du projet politique du groupe de Tarnac. «Le but semblait être de noyer le poisson en me faisant apparaître parmi d'autres témoins», expliquera Jean-Hugues Bourgeois au juge, le 26 novembre 2009.

«A ce moment là, seuls les enquêteurs de la Sdat savent qu'il s'agit de la même personne, qui a témoigné une fois sous X et l'autre fois sous sa vraie identité, mais ils n'en avisent personne, dit Me Louis Marie de Roux, l'un des avocats des mis en examen. Il y a une volonté de tromper tout le monde.»

Un an plus tard, interviewé par TF1, Jean-Hugues Bourgeois explique que manipulé par la Sdat, il a signé une déposition sous X préparée à l'avance. «Le mec (l'OPJ de la Sdat, ndlr) m'explique très posément que (...) le problème c'est qu'il y a tout un tas d'infos, d'interceptions de mails, d'infos de gars infiltrés en squat, ce genre de choses, qui ne sont pas exploitables dans une procédure judiciaire et que juste ils ont besoin d'une signature», raconte Jean-Hugues Bourgeois.

Interrogé dans la foulée par le juge, l'agriculteur fait état de pressions mais refuse d'être plus précis et de revenir sur les faits. Yildune Lévy et Julien Coupat ont donc déposé une plainte contre X pour subornation de témoin.
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Re: Tarnac : quand la répression s’appelle anti-terrorisme

Messagede Nico37 » 29 Mar 2011, 18:24

Tarnac : une QCP examinée par la Cour de cassation

le 29/03/2011 10h40

Une question prioritaire de constitutionnalité (QCP) déposée par la défense de Julien Coupat doit être examinée ce mardi après-midi devant la Cour de cassation du palais de justice de Paris. Le groupe de Tarnac conteste notamment le fait qu'on ait écarté des débats pour des seules raisons de délai ainsi que des actes de procédure dont l’irrégularité serait avérée. Il s'agit notamment de la surveillance visuelle du domicile de Julien Coupat, mise en place en 2008 par les policiers sans autorisation. Julien Coupat, sa compagne et huit autres personnes sont mises en examen, notamment pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, après des sabotages sur les lignes TGV en 2008.
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Re: Tarnac : quand la répression s’appelle anti-terrorisme

Messagede Nico37 » 30 Mar 2011, 19:22

Patrice Spinosi, avocat de Julien Coupat
Tarnac : nouvelle tentative de la défense pour faire annuler une partie de l'enquête
LEMONDE.FR | 29.03.11 | 18h31 • Mis à jour le 29.03.11 | 18h53

La défense du groupe de Tarnac, ces dix personnes mises en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste après des sabotages de lignes SNCF fin 2008 , a fait, mardi 29 mars, une nouvelle tentative pour faire annuler une partie de l'enquête qu'elle estime entâchée d'irrégularités. L'un des avocats de Julien Coupat, Me Patrice Spinosi, a plaidé devant la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) – nouvelle procédure permise par la révision de la Constitution et rendue célèbre par le récent procès de Jacques Chirac – sur laquelle la Cour pourrait se prononcer dès mercredi matin.

Sur quels points cette question prioritaire de constitutionnalité portait-elle ?

Dans le dossier, au début de l'instruction, le domicile de Julien Coupat a été placé sous surveillance par les policiers en août 2008 sans autorisation. Nous avons donc demandé l'annulation des pièces de la procédure liées à cette surveillance. Mais cette nullité a été refusée en octobre 2010 par la cour d'appel de Paris, non parce qu'elle a estimé que cette surveillance était légale : elle n'a pas jugé sur le fond. Elle a rejeté la nullité, car cette demande a été faite trop tardivement dans l'instruction. En France, aujourd'hui, la défense n'a que six mois pour relever la nullité de pièces du dossier. Et dans cette affaire, elle n'a été demandée qu'au bout d'un an et demi environ. Mais le parquet, lui, a jusqu'à la fin de l'instruction. Il y a donc ici atteinte au principe d'égalité des armes. Notre QPC consiste donc à exiger que désormais, sur ce point, les droits de la défense s'alignent sur ceux de l'accusation, et que n'importe quel mise en examen puisse demander la nullité d'une pièce jusqu'à la fin de l'instruction. Car imaginez, de façon plus générale : un mis en examen change d'avocat au bout d'un an et celui-ci remarque des irrégularités dans le dossier que son prédécesseur n'avait pas vues. Aujourd'hui, il ne peut pas en demander la nullité.

Ce que vous reprochez à la procédure judiciaire en cours, c'est que personne n'a jamais remis en cause cette surveillance sans autorisation ?

Oui. Il est quand même extraordinaire qu'on doive se battre pour qu'un juge veuille bien examiner le contenu du dossier qui contient un certain nombre de pièces irrégulières. On est là dans une affaire ultra-sensible, où les policiers ont commis de nombreuses fautes. On ne peut quand même pas condamner quelqu'un sur la base de pièces obtenues de façon illégale ! Et cette loi qui limite le temps laissé à la défense pour dénoncer des pièces a jusqu'ici empêché qu'un juge se penche sur le fait que les policiers n'étaient pas autorisés à surveiller le domicile de Julien Coupat. Et qu'ils ont commis une atteinte grave à ce droit fondamental qu'est en France le droit à la vie privée. Pour une simple raison de délai, les pièces obtenues sans autorisation seraient recevables ? C'est inacceptable.

Vous avez plaidé mardi devant la Cour de cassation. Quelle est la prochaine étape ?

La Cour doit décider si elle transmet, ou pas, notre QPC au Conseil constitutionnel. On pourrait avoir la réponse dès mercredi matin. Si la réponse est négative, alors nous pourrions saisir la Cour européenne des droits de l'homme. Si la réponse est positive, alors le Conseil constitutionnel devra examiner notre question. Il faut changer cette loi qui impose ce délai de six mois et aligner le régime de l'ensemble des parties sur celui du parquet. Cette procédure existait d'ailleurs dans le droit français jusqu'en 1993, et n'a été changée que pour des questions d'organisation, de gestion administrative. Cela ne peut prévaloir sur le respect d'une liberté fondamentale. Si ce verrou était remis en cause, alors cela nous permettrait une nouvelle saisine de la chambre d'instruction qui pourrait entraîner l'annulation d'une partie importante du dossier contre Julien Coupat et les autres mis en examen.
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Re: Tarnac : quand la répression s’appelle anti-terrorisme

Messagede Nico37 » 04 Avr 2011, 22:44

[url=http://www.humanite.fr/03_04_2011-en-matière-dantiterrorisme-rien-nest-tout-blanc-ni-tout-noir-469192]"En matière d'antiterrorisme, rien n'est tout blanc ni tout noir"[/url] Marc Trévidic - SOCIÉTÉ - le 3 Avril 2011

Pour le juge antiterroriste Marc Trévidic, la principale menace qui pèse sur ses fonctions tient à la confusion entre affaires à la teneur réellement terroriste et les autres. Le terme même de terrorisme lui apparaît toujours susceptible d'être instrumentalisé. Refusant tout manichéisme, le juge considère qu'on peut récupérer certains jeunes égarés dans le terrorisme.

En février, on l'a entendu porter avec humour et sans détour la voix des juges en colère contre les attaques répétées de Nicolas Sarkozy contre l'institution judiciaire. Marc Trévidic, juge antiterroriste et secrétaire général de l'Association des magistrats instructeurs, n'a pas la langue dans sa poche. Son livre, Au cour de l'antiterrorisme, est une plongée à la première personne dans les coulisses d'une justice souvent secrète, l'antiterrorisme. Sans langue de bois et sans évacuer les problèmes éthiques rencontrés dans l'exercice de ses fonctions.

(...)

"Ne considère-t-on pas un peu trop rapidement comme terroristes des personnes qui ne s'en prennent qu'aux biens et pas aux personnes ?"


Á ce titre, que pensez-vous du traitement de l'affaire Tarnac ?

Marc Trévidic. J'évite toujours d'en parler parce que ce sont des collègues qui l'instruisent. C'est le problème d'une atteinte aux biens qualifiée terroriste : il faut voir de l'intérieur si ça tient. Je prends souvent un exemple : la personne qui faisait sauter des radars. Au départ, on pourrait très bien se dire qu'après tout il ne terrorise personne. Ou, avec un peu d'humour : il rend plutôt service. Mais si vous allez sur les lieux et que vous constatez que le radar est à un mètre de la route, qu'un motard qui passe peut être tué par un éclat de radar, vous avez déjà une vision du dossier un peu différente. Il faut regarder concrètement chaque dossier. Je ne peux pas répondre sur Tarnac parce que, pour savoir si la qualification est tenable ou pas, il n'y a que ceux qui connaissent très bien le dossier qui peuvent le dire. De toute façon, le problème reste: ne considère-t-on pas un peu trop rapidement comme terroristes des personnes qui ne s'en prennent qu'aux biens et pas aux personnes ? C'est un problème de fond.

(...)
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Re: Tarnac : quand la répression s’appelle anti-terrorisme

Messagede Nico37 » 09 Avr 2011, 14:02

[url=http://humanite.fr/07_04_2011-tarnac-le-récit-intérieur-et-communautaire-de-linsurrection-469510]Tarnac, le récit intérieur et communautaire de l'insurrection[/url]
Á partir du raid policier sur ce village limousin, le 11 novembre 2008, Jean-Marie Gleize pose la question de l'inscription de la politique en poésie : la question révolutionnaire est pour lui une « question musicale ».

Tarnac, un acte préparatoire,Jean-Marie Gleize Éditions du Seuil. 164 pages, 18 euros.

Pour qu'il y ait « association de malfaiteurs en vue de commettre une action terroriste », il suffit : premièrement, d'être plus d'un, deuxièmement, d'avoir accompli un « acte préparatoire ». Le lien entre l'« acte préparatoire » et l'« action » en elle-même n'est pas défini, non plus que celui qui unit les membres du « groupe ». En clair, n'importe quoi peut préparer au terrorisme, et n'importe qui, faire partie de la bande. Magie des mots qui peuvent envoyer au secret des jeunes gens contre qui aucun acte précis n'a pu être retenu. De quoi intéresser un poète. Avec cet autre fait : le seul élément du dossier constitué contre Julien Coupat et ses amis, mis à part le fait de ne pas avoir de portable et de tenir une boutique autogérée dans un village déserté par les commerces, est d'avoir - peut-être - écrit un livre dont le titre comprend le mot inquiétant d'« insurrection ». Qu'auraient-ils fait de « la constante insurrection de l'herbe » plusieurs fois répétée dans le Pré, de Francis Ponge, semble demander Jean-Marie Gleize, qui cite le texte à plusieurs reprises ?

Est-ce cela qui a déclenché chez lui la nécessité d'écrire ce Tarnac, acte préparatoire qu'il nous propose aujourd'hui ? Cela, parce qu'on poursuit aujourd'hui, à nouveau, pour vouloir « changer l'état de choses existant ». « Tarnac sera le nom d'un récit intérieur et communautaire », annonce l'auteur d'emblée, car « la question révolutionnaire est désormais une question musicale ». L'ouvrage se présente dès lors comme le tressage de trois fils principaux. L'un est ce qui s'est passé le 11 novembre 2008, quand 150 policiers investissent Tarnac. L'autre, le retour dans le texte de ce mort de dix-sept ans, Gilles Tautin, lycéen, militant maoïste, noyé dans la Seine en tentant, en juin 1968, d'échapper à la police. Le troisième renvoie à cet homme, « F », tertiaire de saint François, dont le livre donne quelques extraits des carnets de méditation, retrouvés dans une boîte en fer-blanc. Histoire de la poussière. Avec quatre photos très sombres de la forêt autour du village. « F » était de Tarnac, comme l'auteur. Ainsi naît de cette nuit, de cette eau qui enferme le corps de Gilles Tautin, de l'actuel et des deux mémoires, une exigence. Devant l'inacceptable, dire « un poème n'est pas une île » est nécessaire. Plus encore de « construire son dialecte » : « Communiste est pour moi ce mot enfermé dans l'eau. » Tarnac contribue ainsi, sans payer tribut aux tentations régressives, à « faire de chaque page un poste de tir ».

Alain Nicolas
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Re: Tarnac : quand la répression s’appelle anti-terrorisme

Messagede Nico37 » 12 Avr 2011, 21:35

"Sécurité Globale" se présente comme une - je cite - "revue de référence française consacrée aux questions de sécurité intérieure et aux enjeux sécuritaires internationaux, Sécurité globale offre une plate-forme de recherche et de débats sur des thématiques comme le terrorisme, la criminalité organisée, les crises sanitaires, la gestion des catastrophes naturelles et industrielles. Son approche se veut autant conceptuelle qu’opérationnelle, selon une logique qui vise à éclairer la globalité des enjeux de sécurité de ce XXIe siècle naissant." (!!!) : http://choiseul-editions.com/revues-geo ... le-23.html

La revue est publiée en partenariat avec, entre autres :
"La Fondation pour la recherche stratégique", "le Haut comité français pour la défense civile", "le Centre français de recherche sur le
renseignement", "l'Assemblée française des Chambres de commerce et d'industrie"... (liste complète de son "comité éditorial" et détail des
autres crapules de son "conseil scientifique" : http://choiseul-editions.com/revues-geo ... le-23.html)

Dans son numéro 12, daté Eté 2010, un dossier intitulé "A la recherche de l'ultra-gauche"

Au sommaire, entre autres articles :

- "Renseignement, l’état de la réforme" par BAJOLET Bernard
- "L’ultra-gauche : le retour des autonomes ?" par DAGUZAN Jean-François
- "De quoi Tarnac est-il le nom ? Herméneutique d’une sombre histoire" par RAUFER Xavier
- "Ultra-gauche : le mot, l’idée, l’action" par BAUER Alain et HUYGHEFrançois-Bernard
Fichiers joints
raufer-ultra-gauche.pdf
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daguzan-ultra-gauche.pdf
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Re: Tarnac : quand la répression s’appelle anti-terrorisme

Messagede Nico37 » 30 Avr 2011, 01:06

Le terrorisme d’extrême-gauche vu par Europol

Dans son rapport annuel sur le terrorisme, Europol parle surtout de la menace islamiste, mais note aussi une augmentation des attentats d'extrême-gauche, après une année marquée par la violence politique en Grèce.

611 personnes ont été arrêtées pour des faits de terrorisme en Europe en 2010. C’est moins que l’année précédente, mais l’organisation Europol ne veut pas avoir l’air de lever le pied sur d’éventuelles menaces à venir.

Si l’islamisme reste la priorité des polices européennes, leur rapport (en anglais) traite aussi des possibilités d’attentats séparatistes, d’extrême-gauche, d’extrême-droite ou d’actes isolés.

Europol, en croisant des renseignements donnés par les Etats membres, donne une idée des craintes partagées par les pouvoirs publics et dresse le bilan des actes effectivement commis. En ce qui concerne le terrorisme d’extrême-gauche, très présent sur la scène politique grecque en 2010, en voici un panorama.

Le terrorisme anarchiste, un problème de type grec

Le rapport d’Europol, qui repose sur des informations policières, ne prétend pas sociologiser les terroristes mais aider à adapter les politiques publiques à la menace perçue. La crise économique et l’augmentation du chômage chez les jeunes, y compris diplômés, sont donc avancés comme seule explication du regain de violence politique.

De la part des groupes anarchistes “révolutionnaires, anticapitalistes et anti-autoritaires”, le rapport note une augmentation du nombre d’attentats cette année et une violence accrue. Ce type d’actions reste toutefois largement minoritaires dans le bilan total. En tout, 34 personnes soupçonnées d’appartenance à une organisation terroriste d’extrême-gauche ont été arrêtées en 2010. Elles seraient à l’origine de 45 attaques dans cinq pays.

“Traditionnellement, ces groupes sont plus actifs en Grèce, Italie et Espagne”, est-il écrit dans le rapport, qui se concentre sans surprise sur la Grèce, siège de la moitié des attentats attribués à l'extrême-gauche, dont les seuls ayant fait des victimes.

Six personnes sont mortes l’an dernier, dans des conditions très différentes : le chef de la sécurité du ministère de l'Intérieur (en ouvrant un colis piégé) et un journaliste (tué par balles) trois employés de banque (dans un incendie provoqué par des cocktails molotov) et un adolescent de 15 ans (en ouvrant un sac dans lequel se trouvait une bombe).

Une possible internationalisation

Outre la Grèce, le rapport signale le développement du terrorisme d’extrême-gauche “dans d’autres pays, surtout depuis 2007”. Et donne pour exemple le début d’incendie de l’ambassade grecque à Prague ou d’une agence pour l’emploi à Vienne. Il évoque également une internationalisation du mouvement, illustré par la vague de colis piégés envoyés aux ambassades et chefs d’Etats européens en novembre dernier.

Rien sur la France. Mis en avant par les pouvoirs publics alarmés par l'exemple grec, le terrorisme d'extrême-gauche n'a pas pris pied dans l'Hexagone, à en croire le rapport.

Comme souvent, les analyses sur le terrorisme en viennent à inclure la confrontation physique entre militants d’extrême-droite et d’extrême-gauche, ou de violences contre des policiers lors de manifestations. Europol semble sortir du cadre des attentats pour s’intéresser à la violence politique en général.

L’organisme européen ne voit pas les actions anarchistes faiblir en 2011, au contraire. Les arrestations en Grèce et les procès en cours - dont celui, calamiteux, de la Conspiration des cellules de feu - “pourraient entraîner des marques de solidarité en Europe. Dès lors, la violence anarchiste devrait continuer à se développer en 2011”. Le rapport envisage une polarisation des groupuscules sur la question des prisonniers politiques et de la répression.

A contrario, Europol considère que le continent n’a pas subi d’attentats de la part des organisations d’extrême-droite en 2010.

“Les incidents qui se sont produits cette année pourraient être qualifiés d’actes extrémistes. Cela pose des questions d’ordre public, mais n’a absolument pas mis en danger les structures politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales des Etats-membres.”

Le rapport note une “professionnalisation” de ces groupes, qui comptent sur Internet pour recruter, ce qui pourrait entraîner un élargissement de leur public basé sur la peur de l’immigration nord-africaine.

Camille Polloni Les Inrocks
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Re: Tarnac : quand la répression s’appelle anti-terrorisme

Messagede Nico37 » 05 Mai 2011, 22:29

Des mis-ses en examen de "l'affaire" dite "de Tarnac" ont déposé 3 plaintes contre X :

- pour subornation de témoin (au tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand, le 23 février 2011) :
http://fragmentsduvisible.org/obtenir/d ... exte11.doc

- pour interception de correspondances et atteinte à l'intimité de la vieprivée (au TGI de Brive-la-Gaillarde le 25 février 2011) :
http://fragmentsduvisible.org/obtenir/d ... exte12.doc

- pour faux et usage de faux en écriture publique (au TGI de Nanterre le 1er mars 2011) :
http://fragmentsduvisible.org/obtenir/d ... texte9.doc
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Re: Tarnac : quand la répression s’appelle anti-terrorisme

Messagede Nico37 » 12 Mai 2011, 17:42

PSYCHO TEST Marre de ton boulot d'expert-comptable à EDF ? Le job d'ennemi public numéro 1 est à prendre depuis la mort de Ben Laden. Mais une carrière de terroriste ça se prépare: tu dois d'abord savoir vers quel mentor te tourner.

Image

http://www.streetpress.com/sujet/3340-t ... iste-es-tu
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Re: Tarnac : quand la répression s’appelle anti-terrorisme

Messagede Nico37 » 13 Mai 2011, 21:42

Tarnac : enquête ouverte sur des écoutes sauvages 13 Mai 2011 par Karl Laske

C'est un dossier que les juges antiterroristes n'ont pas osé ouvrir. Comme ils ont écarté la plupart des vérifications qui pouvaient embarrasser les policiers dans l'affaire de Tarnac. En mars 2008, un agent de France Télécom avait découvert et débranché un dispositif d'écoutes des lignes téléphoniques de l'épicerie du village, reprise quelques mois plus tôt par les militants.

Ces «branchements» avaient été repérés peu avant l'ouverture d'une enquête préliminaire sur le groupe de Tarnac, mais surtout plus de huit mois avant les sabotages des lignes TGV. Aucune écoute légale – administrative ou judiciaire – n'était en cours à l'époque. Une équipe parallèle était, semble-t-il, déjà au travail pour incriminer les militants.

Après avoir signalé, en vain, les faits aux juges antiterroristes, Benjamin Rosoux, le militant devenu épicier à Tarnac, a donc déposé plainte, le 5 février à Brive-la-Gaillarde, pour «interception de correspondances» et «atteinte à l'intimité de la vie privée». Cette fois, le parquet a ouvert une enquête, confiée au SRPJ de Limoges. Des premières auditions ont été effectuées fin avril.

Les témoins et les éléments matériels ne manquent pas pour remonter cette piste. Fin mars 2008, les gérants de l'épicerie s'aperçoivent d'une panne de leur terminal de carte bleue. Ils se tournent vers leur banque et l'agence France Télécom (FT) d'Ussel. Après avoir réalisé plusieurs essais, c'est le technicien envoyé par l'opérateur qui trouve un dispositif d'écoutes dans le central téléphonique du village. Le signal du terminal CB était perturbé par la «dérivation». L'agent prévient son chef d'équipe qui l'autorise à retirer le dispositif: un boîtier en plastique connecté à l'arrivée de la ligne par des fils jaunes et bleus.

Le paiement en carte bleue est rétabli à l'épicerie, mais les problèmes commencent pour les agents de FT. Le technicien et son chef d'équipe sont convoqués à Bordeaux. Et le directeur régional, lui-même, doit monter s'expliquer à Paris. Une procédure disciplinaire est engagée contre le technicien, non pas pour avoir débranché l'écoute, mais pour l'avoir fait devant l'un des gérants de l'épicerie, entré avec lui dans le local technique. Il écope d'une mise à pied assortie de quinze jours de suspension. La procédure disciplinaire multiplie par trois ou quatre le nombre de témoins aujourd'hui. Puisque les faits ont aussi été débattus devant la commission régionale de discipline, où le technicien était défendu par un délégué du personnel de la CFDT.

L'enquête dira si la dérivation bénéficiait de l'aval du service officiellement chargé du suivi des écoutes judiciaires et administratives chez France Télécom, installé à Montrouge. Contacté par les avocats des militants de Tarnac, l'opérateur avait prétendu qu'il ne disposait plus de l'historique de ses interventions techniques en 2008.
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