Re: Tarnac : quand la répression s’appelle anti-terrorisme
Posté: 11 Sep 2013, 15:21
L'enquête étouffée par le secret-défense Laurent Léger 11/09
On n’en entend plus parler, mais ceux qu’on appelait «le groupe de Tarnac », ces types d’extrême gauche que MAM et Sarkozy ont voulu rhabiller en terroristes, se battent toujours pour tenter de démontrer qu’ils ne sont absolument pour rien dans le sabotage d’une caténaire d’une ligne de TGV en 2008, au niveau de Dhuisy, en Seine-et-Marne.
La nuit des faits, du 7 au 8 novembre 2008, filés par une bonne vingtaine de flics de la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur) et de la sous-direction antiterroriste de la police judiciaire, Julien Coupat et Yildune Lévy, les plus connus d’entre eux, se baladent en voiture entre Trilport et Dhuisy, et finissent par dormir à bord de leur Mercedes, car, ont-ils expliqué, l’hôtel du coin était complet.
Un procès-verbal de la PJ, sur lequel se fonde toute l’instruction, se charge de dresser le déroulé de la nuit, minute par minute, au prix d’un certain nombre d’approximations, voire de contrevérités aux yeux de la défense, qui estime que les dés étaient pipés. Une plainte pour faux contre ce PV a donc été déposée à Nanterre en 2012, mais la juge vient de clore l’enquête, en dépit des gros traits de marqueur noir qui ponctuent le dossier.
MUETS COMME À LA DCRI
Le secret-défense est en effet passé par là... La juge, cherchant à savoir comment cette filature avait été effectuée sur Julien Coupat et Yildune Lévy, cette fameuse nuit de novembre 2008, et si les flics avaient vraiment vu quelque chose, a voulu examiner «le trafic téléphonique» intervenu dans la zone de surveillance, puis «vérifier la présence effective des policiers [...] au vu de leurs numéros de téléphone», comme il est écrit dans la commission rogatoire délivrée à l’IGPN (Inspection générale de la police nationale), chargée de l’enquête. Comme la loi protège l’identité des membres des services secrets, un protocole a été passé avec le patron de la DCRI, et douze fonctionnaires ont témoigné anonymement, se présentant grâce à des numéros de code : A 1, A 2, A 3, etc.
Résultat ? Des tableaux des numéros de téléphone qui ont fonctionné cette nuit-là, entre 5 h 10 et 6 heures du matin, ont bien été remis à la juge, mais ils étaient biffés de noir.
Impossible donc de localiser chaque flic de la DCRI dans le dispositif de surveillance, et donc impossible de poser à chacun les bonnes questions; de toute façon, les intéressés seraient restés muets ou presque. Aucun d’entre eux n’a accepté de donner son numéro de téléphone privé ou professionnel. Tous font la même réponse: «Étant tenu de protéger le secret de la défense nationale, je ne peux pas vous révéler cet élément dont la divulgation pourrait compromettre le secret de mon identité.» Bon. Alors, monsieur le membre des services secrets, pouvez-vous au moins dire si votre téléphone, cette nuit-là, était allumé ou éteint et si vous l’avez utilisé? «Je vous fais la même réponse que précédemment», ont-ils répondu à la queue leu leu. Dans quelle voiture avez-vous participé à la surveillance? «Je ne peux pas vous révéler ces éléments en raison de l’article 413-9 du CP et suivants protégeant l’organisation, le fonctionnement, les méthodes, les moyens et les personnels de la DCRI.» Instructif! Impossible également de savoir s’ils ont utilisé cette nuit-là des jumelles de vision nocturne à infrarouges. En revanche, personne n’a quoi que ce soit à redire sur la manière dont les filatures ont été menées et sur la synthèse qui en a été faite dans le PV suspect. Le rapport final, adressé le 2 juillet 2013 par l’IGPN à la juge, conclut que «les investigations menées en exécution de [sa] commission rogatoire ont permis de constater que l’ensemble des fonctionnaires présents sur le terrain ont confirmé chacun en ce qui le concerne à titre individuel, les termes du procès verbal» mis en cause. Point barre.
Cette enquête rondement menée a suffi à la juge, qui a clôturé le dossier. «Le secret-défense est une arme redoutable contre la manifestation de la vérité lorsqu’il est instrumentalisé de la sorte, s’insurge l’avocate Marie Dosé. Nous demanderons au magistrat instructeur d’en solliciter la levée compte tenu de la particulière mauvaise foi des agents de la DCRI ayant procédé à la surveillance de Julien Coupat et Yildune Lévy.» Elle prépare déjà des demandes d’acte à foison, afin de relancer les investigations.