Répression antisyndicale. Cinq mois avec sursis pour 17 minutes de discussion chez PSA
Neuf salariés dont huit syndicalistes CGT de PSA Poissy ont été condamnés hier à la suite d’une entrevue dans le bureau d’un chef d’équipe. Ils font appel d’une décision de justice qui s’inscrit dans la criminalisation de l’action syndicale.
«J’ai mis quatre ans à poursuivre Renault pour un accident mortel du travail et là, des syndicalistes discutent 17 minutes dans un bureau et ils sont condamnés dans les six mois, que dire de plus ? » soupire leur avocate, Marie-Laure Dufresne-Castets, au sortir du tribunal correctionnel de Versailles, hier après-midi. En écho, la première phrase qui résonne dans la salle d’audience après l’énoncé du lourd verdict est : « C’est une justice de classe ! » La présidente vient de déclarer les neuf salariés de PSA Poissy « tous coupables des faits qui leur sont reprochés ». « On n’a rien fait ! » clament les syndicalistes en sortant de la salle, dans laquelle de nombreux policiers font soudain irruption. Ils sont condamnés à cinq mois de prison avec sursis. C’est ce qu’avait requis la procureure lors du procès le mois dernier. Pour 17 minutes passées dans le bureau d’un chef d’équipe, le 17 février dernier quand, vers 10 heures, huit syndicalistes CGT ont accompagné un collègue de retour après un arrêt maladie de deux mois, lequel s’était vu arbitrairement changé de poste. « Pour faire respecter ses droits », assurent-ils. Violences psychologiques en réunion et séquestration, a considéré de son côté le tribunal.
« On s’y attendait vu ce qu’il s’était dit au procès »
Les neuf accusés étaient présents hier au tribunal, sauf un, qui subissait une opération chirurgicale. De son côté, la partie civile était représentée par son beau-père. Le chef d’équipe a été débouté du gros des dommages et intérêts demandés, la présidente du tribunal ayant estimé les préjudices impossibles à démontrer… « Il y a quand même une contradiction flagrante entre le fait que la juge rejette les demandes de la victime mais qu’elle condamne les syndicalistes au maximum ! » réagit Me Dufresne-Castets. D’autant que tous l’affirment : aucune violence n’a été commise. La défense a d’ailleurs voulu appeler à témoigner lors du procès un autre cadre entré dans le bureau de la partie civile pendant les 17 minutes en question, mais celui-ci ne s’est jamais présenté et son témoignage devant les policiers n’a pas été versé. Le chef d’équipe s’est lui senti « emprisonné » et « oppressé » durant cette brève entrevue.
« On s’y attendait vu ce qu’il s’était dit au procès », soupire Jean-Pierre Mercier, délégué syndical central CGT de PSA Poissy. La procureure avait alors lancé : « Ce 17 février, les prévenus » ne se sont pas « comportés en syndicalistes » mais « en délinquants », parlant même « d’un véritable coup de force ». Ce qui explique que la vingtaine de militants venus hier soutenir leurs collègues étaient plutôt stressés. « On pourrait les mettre dans cette cage », a rigolé l’un d’eux dans la salle d’audience en pointant le box en Plexiglas avant d’ajouter, pour détendre l’atmosphère : « les séquestrer », déclenchant tout de même quelques francs rires.
L’audience expédiée par la présidente, les accusés et leur avocate ont immédiatement interjeté appel. « Le fait que mon licenciement a été invalidé par l’inspection du travail pourra nous aider pour l’appel », espère Rachid, l’un des syndicalistes condamnés. Il était le dernier d’entre eux encore menacé de perdre son emploi. La direction en avait même appelé, en vain, au ministère pour faire annuler la décision de l’inspection du travail. « On garde notre poste, mais on a tous été mis à pied huit à dix jours, poursuit le syndicaliste. Cela reste bon signe et montre que leur dossier est vide s’ils n’arrivent pas à nous virer. »
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