Les apprenti-e-s

Luttes des travailleurs-euses, chômage, précarité.

Re: Les apprenti-e-s

Messagede kuhing » 30 Aoû 2009, 19:19

Arthur a écrit:Le syndicalisme ce n'est pas, et n'a jamais été je crois, monter une section syndicale tout seul.
La première démarche me semble consister à ce rendre dans une Bourse du Travail - ou dans le cas d'un isolement géographique important contacter des syndicats par internet -, de rencontrer des syndiqués de son métier ou de sa branche, d'apprendre a connaître ses droits, de prendre conscience d'une force qui peut être collective ...
La question dépasse bien évidemment le cas de ton fils.
Je m'étonnais simplement que sur un forum anarchiste, dans une rubrique "luttes actuelles et manifestations" on puisse évoquer la question des apprentis sans envisager une démarche syndicale ...

Fraternelles Salutations Syndicalistes.


D'abord merci pour tes interventions et je n'ai pas comme fu hsang une position aussi tranchée sur les syndicats en général.
D'abord je fais une différence entre les directions syndicales et les syndiqué-e-s qui les débordent d'ailleurs de plus en plus souvent en utilisant ce cadre qui permet déjà de se regrouper.
Ensuite je fais la différence entre les syndicats et, la CGT n'est pas FO et FO n'est pas la CNT-f ou CNT-ait.

Mais il faut être réaliste : comment inciter un jeune de 17 ans à aller dans une bourse du travail alors qu'il n'y a aucun syndiqué dans la boite et qu'il bosse du lundi au vendredi soir de 9h30 à 15h et de 18h à 22h30 ?
C'est surréaliste.
Le faire à sa place ?
Je n'en vois pas l'intérêt à moins que tu me l'expliques.
Il faut comprendre que dans ce genre de situation d'entreprises d'une 40aine de personnes, tout le monde est repéré et celui qui bouge une oreille se fait dégommer.
Nous sommes en 2009 dans ces petites entreprises comme au temps du servage : tu marches ou tu crèves.
Tu ne peux pas demander à un môme pris dans cet enfer d'affronter un tel système et de partir seul en croisades dans de telles conditions.
Peut-être que dans une structure plus importante et avec un syndicat présent quel qu'il soit d'ailleurs, j'aurais incité mon gamin à aller voir les membres de la section mais là ta remarque ne m'est même pas venue un instant à l'esprit.
J'ai donc paré au plus pressé et je l'ai fait même pas pour mon gamin qui n'a pas obtenu ses vacances mais quand j'ai appris qu'un de ses camarade de boulot n'avait trouvé que la mort comme issue à cet enfer de l'exploitation capitaliste.
Et je vais même t'avouer une chose : j'ai écrit à l'inspection du travail sous couvert de l'anonymat, en leur expliquant pourquoi je le faisais pour éviter les représailles sur le môme .

La précédente fois ,je les avais contacté à découvert parce que l'ancien patron faisait travailler les jeunes + de 12 heures par jour avec un seul jour de congé / semaine et en les faisant revenir à minuit.
"Illégal" bien sur et qu'il était hors de question de continuer comme ça. ( le patron en question a eu un contrôle une semaine après qui a remis les pendules un peu à l'heure pour l'apprenti qui était resté )

Donc les choses ne sont pas si simples et la théorie de colle pas toujours à la pratique.

Nous sommes dans une situation de survie immédiate pour un grand nombre de ceux qui travaillent et le combat syndical
n'est pas toujours la solution comme par exemple dans le cas présent.

Une solution concernant la satisfaction des revendications à l'étape actuelle du pourrissement du système dépasse d'ailleurs à mon avis le cadre du combat syndical dans le sens "négociation" . Ce qui peut éventuellement s'obtenir ne peut l'être que dans le cadre d'un affrontement direct et souvent violent, et encore.
Pour cela il faut un rapport de force favorable et ce n'est pas l'état actuel du syndicalisme qui peut aujourd'hui l'offrir.
Ni malheureusement la force de solidarité actuelle entre les travailleurs-ses.
kuhing
 

Re: Les apprenti-e-s

Messagede fu hsang » 30 Aoû 2009, 21:05

oui bon c est vrai j ai des positions tranchées sur les syndicats
mais ayant eu le meme probleme que ton gamin quand j etais en cap , je me suis vite retrouvé dos au mur , et les syndicats ne m ont apportés de reponses satisfaisantes
comme un pote charpentier qui est mort electrocute , il devait faire le toit d un transfo , l edf devait couper a 9h00 du matin le courant, le gars qui devait le faire etait en retard , son syndicat a pris sa defense ^^c est sur ...c etait pas sa faute , c etait la faute au systeme ...trop facile ... de tout mettre sur le dos au systeme
mais sinon j ai rien contre arthur que je ne connais pas
fu hsang
 
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Re: Les apprenti-e-s

Messagede Arthur » 30 Aoû 2009, 21:30

Personne, et moi le dernier, ne contestera la difficulté du syndicalisme dans la restauration.
Syndicaliste du Bâtiment, je peux t'affirmer toutefois que ce n'est pas plus simple dans nos branches, où les entreprises de moins de 10 salariés sont légions.
Ca n'empèche pas des salariés de lutter pour un minimum de droits.
Dernièrement des travailleurs Sans-papiers, dont il me semble tu conviendra avec moi qu'ils se trouvent dans la pire des conditions, n'ont pas reculé quand il s'est agit de lutter pour le respect de leurs droits au delà des questions de régularisation.
Mais il est vrai, comme nous le disons aux syndiqués qui nous rejoignent que: "quand on se lève pour lutter il n'y a plus moyen de se rassoir". Ca s'appelle la lutte de classe, et ça la bourgoisie l'a bien compris.
Le syndicalisme ne se développe pas avec des martyres. Il y va de la responsabilité des équipes syndicales d'assurer la sécurité et l'emploi des camarades qui dans l'entreprise prennent des risques pour le développement de l'organisation syndicale.
Quand il existe 10 organisations syndicales, il faut venir en discuter et, choisir la bonne.
Arthur
 

Re: Les apprenti-e-s

Messagede conan » 30 Aoû 2009, 23:47

D'accord avec Arthur, même si comme tu dis, "il est dur de se rasseoir". Et faut bien voir que plein de gens ont la trouille de se lever pour leur dignité. Lutter, c'est faire un saut dans l'inconnu, toujours plus loin, parce qu'on quitte un truc bancal, vacillant, sur lequel on est pas bien, mais qui tient tant bien que mal ; et qu'on sait pas dans quoi on va se retrouver après ; on a même l'intuition qu'un jour on se cassera bien la gueule. Et le choix de la CNT est d'autant plus difficile que si on n'est pas nombreux, on saute avec d'autant moins de "protection", dans le sens d'une force collective. Je ne crois pas que tout le monde ait le courage de cela.
Pour ma part quand j'ai quitté mes études pour trouver un taf pour protester contre le système éducatif, quand j'ai rompu brutalement pas mal de jobs en balançant mes quatre vérités aux patrons qui m'exploitaient et en claquant la porte au nez, ou encore quand je me suis mis en grève seul sans savoir si j'étais couvert, que j'avais les syndicats réformards sur le dos, j'ai eu la trouille, la trouille de tout perdre. Mais je l'ai fait. pas pour le romantisme, mais avec mes tripes... j'avais pas le choix. Et au final, ça fait du bien. Le seul trésor qu'on ait dans la vie, c'est de se respecter soi-même, tout le reste découle de cela. La révolte aujourd'hui me fait de moins en moins peur. Ca fait un bien fou, même si on sait que tôt ou tard, on se cassera la gueule. Pas grave, je préfère vivre debout qu'à genoux ou en rampant. Aujourd'hui, je suis à la CNT et tout perdre ne me fait pas peur. La lutte seule m'a rendu digne, le travail, ça se trouve toujours. On peut vivre avec peu, mais pas vivre sans dignité. Mais je sais bien que tout le monde n'est pas forcément capable de s'y mettre comme ça. Et je respecte profondément le choix de chacun-e.
conan
 

Re: Les apprenti-e-s

Messagede Arthur » 31 Aoû 2009, 05:27

Se lever contre l'exploitation reste une décision personnelle, et comme le dit Conan nous n'avons pas a juger du "courage" - ou non - individuel qui lui est nécessaire;
Mais rester debout est ensuite de la responsabilité collective de l'organisation que l'on rejoint.
Pour ma part j'ai adhéré à la CNT-f après la réintégration des 10 de la Comatec. Ces 10 salariés, syndiqués à la CNT-f avaient été licenciés en raison de leur appartenance syndicale.Je ne concevais pas d'adhérer moi-même à une organisation syndicale, incapable de protéger ses militants.
Actuellement, au Syndicat Unifié du bâtiment de la RP, nous soutenons financièrement notre camarade Stéphane, père de déjà 2 enfants, désamianteur dans une filiale de Bouygues, licencié pour appartenance syndicale, et ayant perdu de ce fait environ 700 € par mois que le syndicat lui reverse intégralement jusqu'à ce qu'il retrouve du boulot, ou que nous gagnions la procédure engagé contre son ancien employeur. Et pourtant, nous ne sommes qu'un petit syndicat, avec peu de moyens financiers.
Pour une action perdue, nous en gagnons cinq, mais ne devons jamais faillir à notre devoir de solidarité envers les camarades et leurs familles. Ce n'est qu'ainsi que nous renforçons la conscience de classe et créons un rapport de force favorable à notre émancipation.

Fraternelles Salutations Syndicalistes.
Arthur
 

Re: Les apprenti-e-s

Messagede kuhing » 31 Aoû 2009, 11:44

Je suis complètement de vos avis et j'ai toujours eu la même attitude qui m'a valu aussi bien des déboires mais globalement j'en suis sorti gagnant à tous points de vue.
Mais comme vous le dites, c'est un choix avant tout individuel et on est souvent plus prudent lorsqu'il s'agit des autres et d'autant plus quand c'est son môme.
Ceci dit c'est sûr que cette discussion va germer dans mon esprit et, le moment venu, j'en parlerai sans doute pour lui ouvrir cette perspective.
kuhing
 

Re: Les apprenti-e-s

Messagede kuhing » 21 Sep 2011, 08:20

Suite de l'histoire sur les apprenti-e-s commencée avec la description des conditions de travail décrites dans :

l'Anarchiste Révolution numéro 0version pdf

Après cet épisode , mon fils à fait une année supplémentaire en apprentissage dans un grand restaurant étoilé près de Lyon.
Même topo , il a tenu un an .( certains jeunes dormaient 4 heures par nuit, le reste du temps ils étaient au boulot )

De retour dans la région après deux semaines dans une petite structure ( 6 cuisiniers ) le même scénario reprend :

horaires de travail : de 8h à 15h puis de 18h à 24h ( deux jours de congés en milieu de semaine ) payé 800 euros avec une prime de l'Etat touchée par le patron ( heures supplémentaires non payées ) et surtout depuis quelques jours déterioration de l'ambiance avec hurlements du patron contre les employés et bousculade physique sur mon fils il y a 2 jours.

Il s'agit bien là d'usines à esclaves .

Je dirais même les jeunes sont traités comme des animaux d'abattoir.

Je veux juste témoigner encore de cette situation et dire qu'elle est peut-être au moins aussi difficile à vivre pour le jeune exploité que par ses parents.

Et nous sommes impuissants ...
kuhing
 

Re: Les apprenti-e-s

Messagede charlelem » 21 Sep 2011, 09:11

kuhing a écrit:Je veux juste témoigner encore de cette situation et dire qu'elle est peut-être au moins aussi difficile à vivre pour le jeune exploité que par ses parents.

Et nous sommes impuissants ...

Je ne crois pas que nous soyons impuissants en tant que parents : je crois que l'on peut demander des comptes à l'Education Nationale d'un côté et aux Chambres du Commerce et de l'Industrie de l'autre.
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Re: Les apprenti-e-s

Messagede kuhing » 21 Sep 2011, 14:54

charlelem a écrit:
kuhing a écrit:Je veux juste témoigner encore de cette situation et dire qu'elle est peut-être au moins aussi difficile à vivre pour le jeune exploité que par ses parents.

Et nous sommes impuissants ...

Je ne crois pas que nous soyons impuissants en tant que parents : je crois que l'on peut demander des comptes à l'Education Nationale d'un côté et aux Chambres du Commerce et de l'Industrie de l'autre.


Tu parles Charles....

Même l'inspecteur du travail que j'ai contacté m'avait dit dans le cas du suicide du jeune commis il y a + d'un an dans ce restaurant que ce genre de situation ne l'étonnait pas et qui n'y avait "pas grand chose à faire".
Qu'il allait voir pour un contrôle éventuel mais que ce n'était pas le premier.
L'affaire du suicide a été classée par la police.
Le jeune n'avait pas laissé de lettre mettant en cause l'établissement.
Il avait donc des problèmes "d'ordre personnel" alors que mon fils me rapportait qu'il était harcelé en permanence au travail.

Et quand moi-même je suis allé traiter ce petit patron d'exploiteur et lui ai rappelé que le jeune qui s'était suicidé l'avait fait à cause des conditions de travail d'esclaves qui étaient imposées, il m'a menacé oralement puis par lettre recommandé AR le lendemain qu'il allait m'attaquer en justice pour diffamation puisque j'avais dit ça haut et fort en public dans son établissement.
Ce qu'il n'a jamais fait d'ailleurs.

Tout ça m'a coûte des semaines voire des mois de nuits au sommeil perturbé non pas tant à cause de sa menace mais du dégoût et de la haine face à ces injustices dignes du haut moyen-âge.

Mais ça n'a rien changé.

Si je lui avais démonté la gueule , je m'en serais fait un immense plaisir et, sans me vanter, ça n'aurait pas pris 30 secondes,
Mais j'allais direct en prison.
Juste d'en parler l'adrénaline me remonte..

Donc, on peut toujours dire qu'il y a des recours mais non, ce n'est pas vrai.

Sans compter l'énergie que ça demande pour engager une telle bataille qu'il y ait une section syndicale ou pas dans l'établissement d'ailleurs et dans ces structures il n'y en a pour ainsi dire jamais .
T'as rien à faire pour les gamins ni même pour leurs parents : tu te soumets ou te casses si tu peux mais jamais tu ne vas pouvoir ni vouloir mener une quelconque bataille contre ça à cause de la peur des représailles pour le môme et de l'énergie que ça demande.

Donc suite à la discussion que j'ai eu avec mon fils, il va chercher encore un nouvel établissement pour finir son diplôme.
kuhing
 

Re: Les apprenti-e-s

Messagede charlelem » 22 Sep 2011, 08:51

Je ne voudrai pas me méler de ce qui ne me regarde pas mais ta réponse m'alarme un peu, j'ai l'impression que tu passes par une phase de déprime.
J'espère me tromper et que tu vas aller mieux dans l'avenir.
@+
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Re: Les apprenti-e-s

Messagede kuhing » 22 Sep 2011, 10:11

charlelem a écrit:Je ne voudrai pas me méler de ce qui ne me regarde pas mais ta réponse m'alarme un peu, j'ai l'impression que tu passes par une phase de déprime.
J'espère me tromper et que tu vas aller mieux dans l'avenir.
@+


:)

merci de t'inquiéter de mon état.

Je fais effectivement un travail difficile dans lequel je côtoie sans arrêt la misère et la douleur humaine que je dois tâcher de soulager un peu dans le cadre d'un système marchand que je vomis.
L'avantage étant que je me dis que je sers tout de même à quelque chose ce qui n'est pas le cas de tout le monde.
J'ai des petites interuptions régulières qui me permettent aussi d'échanger des idées comme je le fais ici et ça aide parfois.
J'essaye de participer à un regroupement mais ce n'est pas toujours évident d'y gérer les conflits d'égos qui apparaissent dès qu'il a un peu plus de monde.

J'ai aussi deux grands enfants dont je t'ai décrit la situation du premier et une autre qui n'a pas de travail et, ce n'est pas facile pour des jeunes de cet âge.
C'est, je crois, une génération encore plus sacrifiée que la précédente.

Et oui tout ça n'est pas évident et ça m'inquiète pas mal tout comme ça peut me bouffer mon énergie.

L'avenir et la situation générale sont aussi plutôt bouchés pour le moment.
Donc c'est vrai il y a des périodes plus dures que d'autres. C'en est une.

Mais t'inquiète, je suis habituellement assez costaud.
kuhing
 

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