ContexteÊtre ouvrier chez ContinentalTravailler 2 jours, dormir 3 nuits, dormir 1 jour, travailler 3 jours... Tous ont connu les “3 X 8“, voire les “4 X 8“, et pour quelques uns les “5 X 8“. Ces rythmes de travail ont été mis en place pour satisfaire aux contraintes de la production mais personne ne s’y retrouve. Même la direction est revenue au traditionnel « 1 semaine de matin, 1 semaine d’après-midi et 1 semaine de nuit ».
Depuis 2007, ils étaient repassés aux 40 heures afin de pérenniser le site jusqu’en 2012.
C’était le deal qu’ils avaient bon gré mal gré, passé avec la direction. Il faut dire qu’en Picardie, travailler chez Continental, signifiait pour la plus part d’entre eux, être propriétaire de sa maison, avoir des enfants et un cousin ou un beau-frère à l’usine. Les salaires étant supérieurs à bien d’autres entreprises du bassin industriel, c’était plutôt apprécié des banquiers lorsqu’ils devaient s’engager sur un crédit de vingt ans.
A peine deux ans plus tard, ils apprennent que leur usine va fermer et que leur licenciement va être prononcé rapidement. C’est alors qu’ils entrent dans un autre moment : Assemblée générale, formation, recherche d’emploi, bistrot, balade en forêt, manifestations, télévision et déprime, ça a été le quotidien pour une grande majorité des Conti. Encore sous contrat de travail jusqu’au 31 décembre 2011, 80 % de leur salaire leur a été versé jusqu’au licenciement. A cette date, ils sont partis avec une « prime supra-légale » de 50 000 euros, une prime qu’ils ont voulue égale pour tous, arrachée à la direction par une lutte menée collectivement.
Aujourd’hui, ils sont au chômage pour une bonne partie d’entre eux et ont perdu en plus de leur emploi ce qui va avec : statut, dignité et parfois maison. Pour certains, c’est beaucoup, voir tout. Pour d’autres, c’est une aubaine, un nouveau départ.
La fermeture La raison invoquée pour fermer ce site de production est, comme d’habitude, la diminution des profits mettant en péril l’entreprise. Ceci malgré les 17 millions de bénéfices qu’elle se partage avec l’usine de Sarreguemines, située à quelques kilomètres de la frontière allemande. A Clairoix, on fabrique des “premières montes “, pneus aux spécifications particulières, installés sur les voitures neuves. La crise faisant, la vente de véhicules neufs a chutée, il est donc impératif de revoir l’organisation de la production... Paradoxalement, le directeur de la toute nouvelle usine de Timisoara, en Roumanie, qui connaît très bien Clairoix pour y avoir été non seulement le directeur des ressources humaines mais également l’initiateur du retour aux heures hebdomadaires, n’a jamais fait appel aux ouvriers français, bien que le site roumain était cruellement en manque de main-d’œuvre.
La réaction à chaud Un délégué de la Confédération Générale du Travail (CGT), Xavier Mathieu, est interviewé sur France Inter. Il promet que les salariés de Continental ne vont pas en rester là. “Là“, c’est devant le local syndical, entre le parking bien rempli et l’entrée de la cantine, à trois tours de roues de l’usine. Franc-parler, colère et virulence tranchent avec le discours des médias. Quelques heures plus tard, quand le directeur du site se présente aux milliers de salariés, caméras et œufs se donnent rendez-vous sur le crâne du directeur du site. Les tirs sont précis et l’image fait le tour des rédactions : les Conti font déjà parler d’eux.
DispositifCe film, c’est 5 portraits, une ouvrière et quatre ouvriers. Tous ont porté la lutte au sein du comité de lutte. Chacun s’exprime lors d’entretiens filmés. Ils réagissent à une sélection d’archives de lutte, filmées 5 ans plus tôt lors de la lutte. On part du concret des images du conflit, celui qui se joue devant nous pour arriver au plus personnel de chacun d’entre eux. Ce dispositif est aussi un prétexte pour savoir ce qu’ils sont devenus et ce que la lutte laisse comme trace.
Les archives, la lutte Elles retracent la lutte au présent. On se retrouve en assemblée générale devant l’usine, aux réunions du Comité de lutte dans le réfectoire, aux discussions informelles dans le local syndical, sans oublier manifestations et actions. Ces moments de rigolades, de chansons et de coups de gueules sont collectifs, agités, vivants, intenses. Les prises de paroles régulières en assemblée générale posent les enjeux du moment et permettent de saisir leur stratégie.
Tourné seul, caméra à l’épaule, je porte un regard de sympathie et d’adhésion au mouvement et j’adopte une posture de neutralité bienveillante. Cette matière se distingue par sa tonalité incisive et ses couleurs vives comme les salariés, elle marque un moment de mobilité collective, dans les corps comme dans les esprits. Certains n’ont jamais autant voyagé que dans ce moment. Les enjeux y sont clairement exprimés.
Les entretiens Filmés tour à tour dans la pénombre de la salle de visionnage, leur regard oscille entre l’écran qu’ils ont devant eux et ma caméra. Certain qu’ils attendaient ce moment : celui des explications.
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