LIP c'est loin et j'ai perdu depuis longtemps les documents critiques sur cette lutte.
Bien sûr que cette lutte a été importante. Mais bien des aspects ont été passés sous silence, au profit d'un vision un peu angélique produite par les divers "soutiens" gauchistes et autogestionnaires..
Pour rappeler la chronologie cruciale du printemps-été 73, j'ai trouvé ça :
Le 20 avril, un comité d’action est créé.
Le 10 juin, l’usine est occupée par les ouvriers pour « la sauvegarde de l’outil de travail ».
Le 12 juin, les administrateurs provisoires sont séquestrés, et le stock de montres disséminé dans des caches, puis revendu par la suite dans une spectaculaire opération « portes ouvertes ».
Le 15 juin, 12 000 manifestants sillonnent les rues de Besançon, avec l’appui de l’évêque de la ville qui fait sonner le glas.
Le 18 juin, une assemblée générale vote la reprise du travail sur le mode de l’autogestion.
Le 3 août, les ouvriers refusent le plan de sauvetage, impliquant de nombreux licenciements, proposé par le ministre du développement industriel Jean Charbonnel.
Le 14 août, les CRS prennent l’usine d’assaut.
Le 29 septembre, 100 000 personnes défilent cette fois à Besançon. Le 29 janvier 1974, un plan de relance est approuvé par les grévistes, contre la promesse d’une réembauche progressive de tous les ouvriers. Le 8 février 1976 enfin, le nouvel administrateur de l’usine, Claude Neuschwander, est acculé à la démission après que l’Etat a décidé d’asphyxier financièrement l’usine. Avec cette démission, la mort longtemps différée de Lip devient effective.
Extrait d’un article du Monde
(passage souligné par moi)
* * *
Il y a d’abord eu appropriation (« vol ») du stock de montres par les grévistes. Ce stock était composé d'environ 6 500 montres (dont certaines en or) pour un montant évalué entre 5 et 10 millions de francs de l’époque.
Ce stock, « trésor de guerre » comme le désignent les grévistes, est caché en différents endroits en dehors de l’usine, chez des particuliers solidaires et aussi dans des lieux de culte (!), surtout en Franche-Compté mais aussi un peu ailleurs.
Et premières ventes à prix réduits, et premières « paies sauvages » issues de la vente de montres provenant de ce stock, en jouant à cache-cache avec les flics…
Le stock de montres, et un peu la fabrication entre fin juin et jusqu’au 13 août, ont été des « otages» entre les mains des ouvriers, à la fois pour tenir mais aussi comme élément du rapport de force… D’après diverses sources dont Jean-Claude Sensemat (patron qui a racheté Lip en 1990), les ouvriers produisent « 500 montres par jour contre 2 500 avant le conflit ».
La paie sauvage du 2 août (plus de 2 millions de francs distribués) est la réponse des ouvriers à la décision du Tribunal de commerce du 13 juillet ayant décidé la liquidation judiciaire de Lip et la possibilité de la continuation de l’activité à la condition de restituer le stock et l’argent.
Chantage contre chantage. Rapport de force
L’usine de Palente est évacuée par les flics à la mi-août, l’autogestion est donc arrêtée, mais magiquement, les ventes sauvages continuent…
Par contre, les paies sauvages de l’autogestion et de la vente du stock, ne sont pas allées jusqu’à remettre en cause la hiérarchie des salaires (cadres / ouvriers) au nom de l’unité du mouvement.
Mais ça, c’est un autre débat…
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Témoignage sur le vol du stock :
Les administrateurs sont séquestrés [le 12 juin]. Le préfet demande leur libération. La police arrive casquée, matraque à la main. « On était plongés dans la guerre », dit Fatima Demougeot. Pour éviter l’affrontement, les otages sont libérés. Et maintenant, que faire ? Le 12 juin 1973, après de longues discussions, une évidence surgit : il faut délocaliser le stock de montres, le seul moyen de pression qui leur reste. « Une décision difficile à prendre car, jusque-là, nous avions toujours veillé à rester dans la stricte légalité », dit Raymond Burgy.
Pour cela, il fallait neutraliser le gardien de l’usine, première personne à être en relation avec la police et qui avait pour rôle de signaler le moindre incident. Fatima Demougeot se souvient : « On a constitué une équipe de femmes, on a éloigné le téléphone et détourné son attention. » Les voitures chargées de montres démarrent.
« Il fallait trouver des caches provisoires. J’étais avec un délégué CGT, le coffre rempli de montres, on attendait une autre voiture. Tout à coup, je regarde dans le rétroviseur et je vois des hommes à casquette s’avancer vers nous. Je me jette sur mon compagnon : “Fais semblant de m’embrasser.” “Pourquoi ?” “Il y a des gendarmes derrière nous !” Il se penche et me dit : “Mais non, ce sont des employés des Eaux et Forêts !” », raconte Jeannine Pierre-Emile, prise d’un grand éclat de rire. « Tout était improvisé, poursuit Raymond Burgy.
Moi même, j’en ai transporté. Je ne savais pas où les mettre. Elles sont restées chez moi. Le lendemain, nous les avons placées en lieu sûr. » Des caches qui, encore aujourd’hui, restent secrètes. Dès ce premier jour, la dynamique d’action est là. Le lendemain, il faut l’annoncer à l’assemblée générale. « On se demandait comment les autres camarades allaient juger notre action. A Lip, on n’était pas des voleurs, encore moins des gangsters. On avait un peu peur de leur réaction.
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