Produire et acheter français: une farce sinistre.

Produire et acheter français: une farce sinistre.

Messagede Nyark nyark » 24 Juil 2013, 12:17

Produire et acheter français: une farce sinistre.

Les idées nationalistes resurgissent en Europe. C’est qu’en temps de crise, le passé fait recette. Et on ne parle pas ici de mettre en avant la danse folklorique dans le Poitou et les plus belles chansons de Patrick Sébastien : Nos nouveaux Saint Louis et Jeanne d’Arc (ou Mireille, on sait plus) s’attaquent à l’économie. Alors voici un petit Kit de démontage de ces discours, qui font l’objet d’un quasi consensus sur l’échiquier politique, depuis l’extrême-droite version Soral, jusqu’à la gauche du PS.


De nos jours, un ouvrier tout jaune coûte moins cher qu’un ouvrier « made in France » (même s’il est tout jaune d’ailleurs… à vous dégoûter d’employer des français). Et comme dans la pub Duracell, un ouvrier chinois travaille carrément plus longtemps. Du coup, les patrons tendent à s’installer à Pékin plutôt qu’à Maubeuge.

Alors, depuis quelques années des discours protectionnistes se développent. Pour contrer les délocalisations, il faudrait « produire et acheter français ». Et si les gens préfèrent acheter chinois quand même : qu’a cela ne tienne, on taxe fortement les produits en provenance de Chine, et bing, ils valent super cher, et ne sont donc plus si compétitifs que ça.

Avec un bon coup d’intervention de l’État, un peu de stratégie industrielle de derrière les fagots, on se retrousse les manches, et au boulot les prolos !

En commençant la lecture, on pourrait se dire « mais ils sont tarés, si on intervient pas pour sauver l’emploi, alors les prolos du coin n’ont plus qu’a se faire virer sans rien dire» ?

Bien entendu que non. Simplement, le discours nationaliste qui tend à mettre en cause les pauvres bougres qui bossent à l’autre bout du monde, est une farce sinistre.

RAPPEL : il n’y a pas de « fin de l’industrie ». En revanche une grande partie de la production industrielle est partie des pays du centre, ou le capitalisme est né, pour aller vers les pays de la périphérie. ( Par exemple la Chine, mais aussi l’Inde, le Vietnam…)

Si on parle de centre et de périphérie, c’est que ce sont des termes qui nous semblent plus clairs, moins confus que « pays riches» ou « émergents ».

Centre et périphérie renvoie ainsi a la manière même dont le capitalisme s’est développé : partant de certaines régions du monde (le centre) pour investir progressivement les pays alentours, puis l’ensemble du monde ( la périphérie). De plus, ces termes renvoient directement aux relations de puissances entre ces différentes régions du monde, relations issues du développement du capitalisme.

Ainsi, si pendant toutes ces années (en particulier les dites « 30 glorieuses ») on a pu avoir un capitalisme qui bon an mal an, assurait un emploi plus ou moins pour tous ici, c’est parce qu’on fabriquaient et refourguaient des cercueils au reste du monde et avec leurs propres arbres en plus. A ce sujet, voir notre article sur l’industrialisation.

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Arnaque N°1« Il faut relocaliser la production »
(Entendre : il faut diviser par deux les salaires. »)

Comme on le disait donc, jusqu’au années 70, l’industrie dans les pays de la périphérie, c’était quasi que dalle. Maintenant les prolos des pays périphériques fabriquent eux-mêmes leurs cercueils (et les nôtres), et le chômage explose ici… Ça s’appelle faire jouer la concurrence entre les ouvriers.

Et la deuxième étape, c’est le chantage : OK on revient vous faire bosser, mais faut être moins gourmand les cocos. Bah oui, pour inciter les patrons à relocaliser, il faudrait encore que les prolos français soient rentables… Ce qui veut dire beaucoup moins payés.

C’est déjà le principe des « aides à l’embauche » ou des « aides à la préservation de l’emploi » : en général, il s’agit d’autoriser les patrons à ne pas payer « les charges », c’est à dire les salaires indirects. En somme, c’est donner aux patrons une partie de nos salaires pour qu’ils restent ! Et pourquoi pas des ONG « SOS Patrons » tant qu’on y est ?

Car ne nous leurrons pas, pour être compétitifs dans la concurrence internationale, faut trinquer : sans même chercher hors d’Europe, le salaire minimum en Bulgarie, c’est moins de 200 euros. Et en Grèce, avec toutes les mesures qu’ils se sont pris dans la tronche, c’est 570 euros : y a de la marge !

C’est tout l’enjeu des accords-chantage à l’emploi qui fleurissent en Europe, de l’Espagne à l’Allemagne en passant par Dunlop en France : nous faire accepter la baisse des salaires, et avec le sourire en prime, c’est pour la Patrie!

Pourtant, et c’est là ou on voit que ces discours sont clairement de l’arnaque, même avec une baisse importante des salaires, les ouvriers, en France ou en Allemagne, ne sont pas prêt de se retrouver au niveau des Chinois.

Et c’est pas nous qui le disons, c’est Phillipe d’Arvisenet, chef économiste pour BNP Paribas:
« Le coût du travail en Chine est très inférieur à ce qu’il est dans les pays de l’OCDE. Si l’on prend comme référence des pays comme l’Allemagne, la France, les Etats-Unis d’un côté et la Chine de l’autre, on a un écart au niveau des salaires qui va de 1 à 20.

Pour dire les choses autrement, 10 euros de salaire horaire ici c’est ½ euro de salaire horaire en Chine. Cela n’épuise pas le sujet du coût du travail puisqu’il y a bien d’autres choses qui rentrent dans le coût d’un produit qu’on fabrique à partir du travail, notamment les gains de productivité.
Le niveau de productivité en Chine est très inférieur à ce qu’il est dans des pays comme la France, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne. Il y a un écart de 1 à 3, grosso modo, entre ces niveaux de productivité, ce qui vient relativiser énormément le coût du travail, et là on passe d’un écart de 1 à 20, selon la manière dont on voit les choses, à un écart qui est plutôt de 1 à 6 ou 1 à 7. »


En somme, même une fois calculé la productivité horaire, qui est trois fois plus importante en France ou en Allemagne à celle de la Chine (« écart de 1 à 3″), pour que les capitalistes puissent produire aussi peu cher ici qu’en Chine, il faudrait encore couper les salaires en 8…

D’autant que là bas, les capitalistes sont déjà en train de penser que les ouvriers chinois coûtent trop cher, et veulent délocaliser…. On est pas sorti de l’auberge. Ainsi, en Chine, on parle depuis déjà plusieurs années de délocalisation dans l’intérieur du pays, ou vers l’étranger, ou les salaires sont encore plus bas.

En résumé, les patrons n’ont rien contre relocaliser la production : mais avec des salaires de galériens. Ils n’ont pas le choix, s’ils veulent maintenir leurs profit ! Ce n’est donc en rien une « solution » pour nous. Juste un mytho de plus pour justifier les attaques contre les prolos.

Mais on entend déjà les partisans du protectionnisme avec leurs solutions miracle : si les gens du coin n’achetaient que les produits du coin, y aurait plus de problème de compétition avec les Chinois, non ? Et paf, plus de problèmes de pressions sur les salaires ? C’est ce qu’on va voir.

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Arnaque N°2 : « Il faut acheter Français »
Entendre : « Il faut accepter de payer plus cher des produits car ils sont Français. Comment ça vous n’avez pas les moyens ? »
Voilà une autre proposition, qui rappelle un peu la première, mais en prenant les choses par un autre bout, celui de la consommation : nous faire acheter par « patriotisme » des produits plus chers mais nationaux (ou régionaux, ou par villes, voire par quartiers…)

On a vu ce mot d’ordre aux dernières Présidentielles dans la bouche de la plupart des candidats. C’est sans doute l’affirmation la plus « insensée », comme dirait Sexion d’Assaut.

D’abord parce que les produits « made in France » ne le sont presque jamais d’un bout à l’autre tant les circuits de production sont imbriqués : une partie est faite ici, une autre là, le tout assemblé encore ailleurs. Car si les produits nécessitant du travail très complexe (forte qualification) sont encore fabriqués en France, tout le reste est en général déjà délocalisé ou c’est moins cher.

Prenons l’exemple d’un produit phare de l’industrie capitaliste, la voiture. Une voiture est aujourd’hui divisée en plus de 5000 pièces qui peuvent être produites chacune séparément. Bien sûr, cette séparation suis des règles bien précise.

Ainsi, pour BMW, comme l’indique l’image ci dessous (cliquer dessus pour l’agrandir) on voit qu’il y a une division internationale du travail bien précise:

- Les sites de productions… ( soit la production des composants mécaniques et informatiques et les dernières étapes du montage, dernières étapes en général faites a la demande, pour éviter les stock) . Sont essentiellement en Allemagne, en Europe et aux USA.

- Les sites de montages ( les premières étapes de la production de la bagnole, ce qui nécessite moins de travail qualifié) sont tous délocalisés.

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Ce n’est pas par volonté de compliquer les choses, pour les patrons : cela tient là aussi de la nécessité pour eux de maximiser leurs profits. Voir a ce sujet notre article sur la restructuration.

Ensuite, car si la France ne se mettait à produire que des marchandises 100 % made in france, nous n’ aurions pas les moyens de les acheter !

Les artisans « d’chez nous », l’ont bien compris, eux qui vendent à des bourgeois sur internet partout dans le monde leurs produits « typiques » pressés avec les pieds, sans additifs.

Ah ben oui, le capital chinois c’est de l’argent sale, mais bon s’il vient acheter nos produits gentiment, ça change tout…

C’est que c’est bien beau, de vouloir nous faire acheter local, mais c’est pas avec un SMIC (sans parler d’un RSA) qu’on va y arriver ! Demandez vous une seconde si vous pourriez arrêter d’aller acheter vos meubles chez IKEA, qui les produits dans la périphérie, pour vous rendre chez des artisans locaux… Franchement vous manquez de civisme ! ( Et ne nous faites pas le coup de parler d’Emmaüs : vous croyez qu’il se passe quoi, si tout le monde vit de la récup ? Ben y en a pas assez pour tout le monde.)

Le cas le plus impressionnant, c’est celui des USA. Là bas le discours anti-Chine est particulièrement présent chez les « politiques ».

Faut dire qu’ils ont l’habitude, il y a trente ans, c’était contre le Japon, ses motos, ses voitures moins chères et qui consommaient moins : on appelait ça le « Japan-bashing ».


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C’est que c’est pratique de dire aux prolos que la faute vient d’ailleurs ! Le nombre de personnes sous le seuil de pauvreté aux USA est le pire de tous les pays du centre. Alors imaginez s’ils se mettaient à acheter des produits « made in USA » de A à Z, ce qu’il leur resterait… En fait, arrêtez d’imaginer, c’est mort : juste, les prolos américains ne peuvent pas faire autrement : ils sont trop peu payés pour ça. Pour rappel, on a déjà traité ce sujet y a un petit moment, Chine je te tiens…

En somme, si les prolos aux USA ou ici, arrivent à joindre les deux bouts, c’est parce qu’une grande partie de ce qu’on achète n’est pas cher… Car produit à bas coût. C’est même la délocalisation dans ces pays qui a « permis » de rendre tenable la baisse des salaires ici.

C’est tout le problème que ne comprennent pas, ou font mine de ne pas comprendre les protectionnistes : il n’y a pas deux situations séparées, ici le chômage, là bas les bas salaires : il y a un seul monde, capitaliste, ou ces deux situations font système.

Et aujourd’hui, ce système est en crise. Ici, car la dette public et privée explose. Là bas, car si l’Europe par exemple ne consomme plus, eh bien les prolos chinois risquent à leur tour de se retrouver au chômage. ( Et qu’ils sont trop peu payés pour acheter leurs propres produits… Ce qui ce n’est pas prêt de changer, comme on vous en parlera un de ces quatre.)

Ainsi, la première chose qu’il faut dire aux nationalistes aujourd’hui, c’est : le monde dont vous parlez n’existe plus, ce qui est estampillé français ne l’est pas plus, hormis quelques babioles artisanales, ou dieu sait quoi…

Non content de vouloir nous payer moins cher, vous voulez nous culpabiliser de pas avoir de pognon, non mais franchement…

Le protectionnisme aujourd’hui, c’est le discours de la guerre contre les prolos.
Il est temps de sortir un peu du discours « la France va mal ». Ce n’est pas la France qui va mal. C’est les prolos qui y vivent. Le nationalisme revient en avant aujourd’hui, et comme toujours avant une bonne guerre, on nous en parle en termes de sacrifices qu’il va falloir faire pour cette nation.

La guerre qui nous attend n’est pas contre le Teuton ou l’Angliche. Elle est lancée par le patronat contre nous, parce qu’on est sa principale marge de profit, la seule sur laquelle il peut jouer : les salaires. Pourquoi se sacrifier pour la grandeur de la France et de ses patrons ? Elle et Ils ne vont pas vous rendre un sou de votre dévotion. La France c’est comme 250 autres pays dans le monde un état, des flics, des juges, dont la première fonction est de maintenir l’ordre bourgeois, coûte que coûte. C’est une matraque au service de l’exploitation de la moitié de l’Afrique. Et on devrait lui redonner sa grandeur ? Que la France meure, on portera pas le deuil.

Et les deux positions, la relocalisation, le produire français & le discours sur « acheter français », sont les deux faces d’une même pièce : notre écrasement. Comme souvent dans l’histoire, c’est au nom de la nation qu’on va moins payer les prolos, les faire bosser plus, etc. Tout le discours nationaliste vise a nous inciter a ne pas lutter contre les restructurations en cours, ou encore à accuser les prolos étrangers… Voilà pourquoi il est nuisible.


Bon, c’est bien beau, mais sinon, quoi de positif dans tout ça ?
De positif difficile à dire. Parce que ce qu’on vous dit là, c’est quand même que le patronat va avoir bien du mal à relancer d’une quelconque manière l’activité en Europe sans couper en huit les salaires. Il ne faut pas chercher de plan B dans le cadre du capitalisme, il n’y en a pas.

Le capitalisme ne se réforme pas, on ne pourra pas le renationaliser, le protéger, le materner, c’est inutile. Quelques pays dans le monde qui sont gavés de matières premières (Iran, Venezuela) et quelques périphéries de troisième rang comme Cuba, ont encore des situations particulières (c’est pas non plus la fête!), mais eux-mêmes vont avoir de sales lendemains qui déchantent.

Mais cet immense nivellement vers le bas n’est pas encore réalisé. Et pour qu’il fonctionne, il va falloir nous passer sur le corps. A tantquil, on pense que ça ne se passera pas si facilement que ça.

Le Capital VS l’immense collection des prolos du monde, de toutes les couleurs, nationalités, etc. C’est BetClic (un site de pari en ligne) qui risque d’être surpris…

Bientôt la suite : la nationalisation des industries, une solution ?


http://www.tantquil.net/2013/06/11/prod ... -sinistre/
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Re: Produire et acheter français: une farce sinistre.

Messagede Winston » 25 Juil 2013, 16:14

Pour ma part je trouve cet article/billet d'un niveau tres faible.

J'ai pas l'impression que l'auteur/les auteurs saisissent ce qu'est un protectionnisme (et pas "le") et dans quel contexte il se place.

La notion de protectionnisme se situe dans le contexte ideologique liberal, du libre echange, blablabla concurrence pure et parfaite (je m'etends pas la dessus, les renseignements sont faciles a trouver), implique le "libre echange", en gros le libre echange ideal (ou tout le monde serait au final sensé etre gagnant), ca consiste theoriquement a enlever tout ce qui peut paraitre entraver la circulation des marchandises et des personnes.
Je crois qu'on peut dire que l'opposé du libre echange ("parfait") serait l'autarcie, entre les deux se situeraient les protectionnismes.

Un protectionisme n'est pas forcement qu'une question de barriere tarifaire comme une taxe douaniere, ca peut etre aussi des normes environnemental, sociale, etc....

Par exemple les reglementations qui limitent ou interdisent les ogm, peuvent etre considéré comme une forme de protectionnisme. Les USA qui ont toujours pas enlevé l'embargo sur le boeuf europeen apres la crise de la vache folle maintiennent une mesure protectionniste, les europeens qui refusent le boeuf aux hormones ou le poulet au chlore americain, font de meme.

La fameuse directive Bolkenstein, voulait faire sauter des normes imposés pour un emploi, pour permettre une plus grande circulation des travailleurs.

Bref derriere ce debat entre liberaux se cache l'idee d'une homogénéisation des normes par le "marché" donc une reduction de l'espace de decision politique.

L'enjeu des negociations du traité de libre echange entre les USA et l'Europe, sont moins les barrieres douanieres que l'harmonisation des normes... on peut deviner dans quel sens ca ira...

Des penseurs tres liberaux consideraient, contre d'autres, que l'ouverture au de libre echange pouvait etre desastreues pour certaines economies dans certaines situations : quand il y'a une trop grande difference entre les niveaux de developpement de certaines economies (c'etait le cas a l'epoque ou l'angleterre avait une avance industrielle considerable, sur la plupart des autres pays), on peut le voir avec les pays en voie de developpement a qui le FMI a imposer des mesures du type dont on parle, ces pays la ont du mal a developper un noyau produtif efficace, et l'ecart s'agrandit, et le quasi seul gagnant est le pays le plus developpé.


Bref y'a pas mal a dire sur la plupart des arguments employés, mais j'en resterai la, rien que le niveau theorique en dit pas mal.... et quand je fais trop long j'ai trop tendance a me perdre. Mais Nyark Nyark, j'aimerais bien connaitre ta position par rapport a ton copié/collé.
Pour ma part je crois que l'auteur(s), si il veut critiquer les ideologies nationalistes devrait plutot se contenter de la faire par rapport aux domaines qu'il connait mieux, parce que ces raccourcis elevent pas le niveau de la reflexion. Je suis pas un specialiste des theories economiques, mais la meme un gars comme moi peut voir a quel point la personne est a la ramasse dans ce domaine.
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Re: Produire et acheter français: une farce sinistre.

Messagede Nyark nyark » 26 Juil 2013, 19:36

Merci de ta réponse.
J'ai justement posté ce texte (qui me semble pertinent, mais je suis loin d'être une spécialiste à vrai dire !) pour susciter la discussion. Et j'aimerais bien avoir quelques autres réponses avant de te donner un avis plus personnel.
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Re: Produire et acheter français: une farce sinistre.

Messagede luco » 26 Juil 2013, 22:03

Ce texte est un tissu de simplifications et de contradictions... qui mènent à la confusion.

Et les deux positions, la relocalisation, le produire français & le discours sur « acheter français », sont les deux faces d’une même pièce : notre écrasement.


Non. Deux plans qui peuvent (sans l'être nécessairement) disjoints : d'un côté la "relocalisation" pourrait ne renvoyer qu'à une problématique écologique potentiellement révolutionnaire et juste) quant le "produire français" renvoie à une problématique de compétition économique au sein du capitalisme mondial (un réformisme / régulationnisme patriotard).

Comme souvent dans l’histoire, c’est au nom de la nation qu’on va moins payer les prolos, les faire bosser plus, etc. Tout le discours nationaliste vise a nous inciter a ne pas lutter contre les restructurations en cours, ou encore à accuser les prolos étrangers… Voilà pourquoi il est nuisible.


Mais lutter contre les restructurations qui justement peuvent aller dans le sens d'une délocalisation peut très bien rester dans un cadre réformiste et donc protectionniste.

Quant au "moins payer les prolos au nom de la nation", c'est bien l'inverse dont il s'agit dans le protectionnisme qui postule au contraire que s'aligner sur le moins disant social et salarial mondial nous mène à la misère et que donc le protectionnisme national ou continental est l'une des manière de lutter pour la défense des salaires et des acquis sociaux.

Bref. C'est un peu... nawak et caricatural, tout ça.

C'est un peu le "tout ou rien gauchiste" qui lui-même dérive de certains écrits du karl marx "scientifique" qui appelait à généraliser et hâter l’avènement du libre échange mondial qui nous rapprocherait nécessairement de l'avènement de l'ère révolutionnaire après destruction des marchés et particularismes nationaux (locaux).

D'ailleurs, le système protectionniste n'est qu'un moyen d'établir chez un peuple la grande industrie, c'est-à-dire de le faire dépendre du marché de l'univers, et du moment qu'on dépend du marché de l'univers on dépend déjà plus ou moins du libre-échange. Outre cela, le système protecteur contribue à développer la libre concurrence dans l'intérieur d'un pays. C'est pourquoi nous voyons que dans les pays où la bourgeoisie commence à se faire valoir comme classe, en Allemagne, par exemple, elle fait de grands efforts pour avoir des droite protecteurs. Ce sont pour elle des armes contre la féodalité et contre le gouvernement absolu, c'est pour elle un moyen de concentrer ses forces, de réaliser le libre-échange dans l'intérieur du même pays.

Mais en général, de nos jours, le système protecteur est conservateur, tandis que le système du libre-échange est destructeur. Il dissout les anciennes nationalités et pousse à l'extrême l'antagonisme entre la bourgeoisie et le prolétariat. En un mot, le système de la liberté commerciale hâte la révolution sociale. C'est seulement dans ce sens révolutionnaire, Messieurs, que je vote en faveur du libre-échange.


http://www.marxists.org/francais/marx/w ... 480107.htm

Bref, la parousie est proche : pour lutter contre l'uniformisation capitaliste, hâtons son triomphe total. La résurrection des corps après l’Armageddon.
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Re: Produire et acheter français: une farce sinistre.

Messagede mimosa rouge » 18 Aoû 2013, 09:28

moi je trouve que c'est un bon texte !
et il est plus syndicaliste que les auteur ne le pensent ! et donc je n'y vois pas grand chose de gauchiste

ils expliquent juste que la classe ouvrière n'a pas a se cloisonner ... sinon elle perd .

On peut développer ce concept a tout les niveaux, même au niveau de la boite (ou de l'établissement/filliale d'un grand groupe), se refermer sur son établissement revient a faire presque du syndicalisme jaune ou en tout cas a défendre objectivement son patron contre le reste du capital !
c'est pareil pour le cloisonnement national ! et l'expérience le prouve depuis plus de 150 ans .
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Re: Produire et acheter français: une farce sinistre.

Messagede Pïérô » 21 Aoû 2013, 01:33

Cela amène à une simplification qui pourrait faire tenir l'alternative en deux lignes sinon en deux mots, la révolution internationale. Après on réfléchira plus tard...
Il ne s'agit pas de cloisonner, ou d'oblitérer cette perspective mondiale, incontournable de tout manière pour des révolutionnaires conscient-es, mais bien d'imaginer et aussi de manière concrète comment produire sans être dans un système qui marche sur la tète. Même dans un système communiste réel, autogestionnaire en terme de gestion collective, et mondialisé, on va pas "importer"/faire venir du blé d'Ukraine, ou du lapin de Chine, sauf si on en manque, c'est complètement imbécile. La question de la relocalisation et des circuits courts çà permet de rapprocher "consommateurs" et "producteurs", de réinterroger la question de la production, et surtout de la qualité de production et de la qualité de vie dans le domaine. Il ne s'agit pas là de mettre la classe ouvrière, productive (paysans compris), en concurrence, ou en opposition régionale à l'échelle monde, mais bien de participer à construire, et dans des actes déjà aujourd'hui opérationnels justement en terme d'alternatives en actes et en dynamique autogestionnaire et révolutionnaire, des éléments d'un projet, et un projet global, qui marcherait sur ses pattes.
Alors évidemment il ne s'agit pas de "Produire et acheter français" et de concevoir un pays/nation coupé du monde, mais bien d'autre chose dans l'enjeu qui doit nous porter, et nous faire réfléchir d'avantage, et nous amener à développer des pratiques, car dans ce cadre il s'agit bien de jalons en alternatives en actes, pour une alternative globale, et pas d'un repli sur soi. Dans ce domaine si l'on a rien à dire, sinon le sermon de messe, cela me semble assez préjudiciable alors que l'on a les moyens de construire des contenus, des pratiques, et du sens.
Le texte qui ouvre ce topic est interessant dans le sens où il s'attaque justement au "produisons français", au protectionnisme, mais il n'ouvre pas malheureusement sur une réflexion, des pistes, des perspectives, qui permettraient de construire en projet sociétaire, et en dynamique pour ici et maintenant sur laquelle construire un projet global qu'on attend pas comme la pluie qui tombe du ciel.
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Re: Produire et acheter français: une farce sinistre.

Messagede mimosa rouge » 23 Aoû 2013, 16:01

en gros c'est donc surtout une question d'outils anticapitaliste, plus que des programmes législatif ou politique (même ultra gauche) qu'ils faut construire . Je pense être d'accord avec toi pierrot . Mais je le dis aussi aux partisans du protectionnisme

Par exemple comment va t'on lutter contre :

La fameuse directive Bolkenstein, voulait faire sauter des normes imposés pour un emploi, pour permettre une plus grande circulation des travailleurs.


quand on est pas capable de lutter dès maintenant contre le principe que la loi interdit pourtant actuellement ? quels outils de contrôle ouvrier pouvons nous construire autre que le syndicalisme de classe internationale .

et puis imaginons que l'Etat français le fasse (et il faudrait que le mouvement ouvrier arrive à faire suffisamment peur pour le voir) , préparons nous surtout à une lutte armé, à la manipulation de bande paramilitaires etc ..etc ... pour relacher la pression que le mouvement de classe exercera sur l'Etat .ou alors cela se passera de la façon que le dit le texte "une farce sinistre" :
Et la deuxième étape, c’est le chantage : OK on revient vous faire bosser, mais faut être moins gourmand les cocos. Bah oui, pour inciter les patrons à relocaliser, il faudrait encore que les prolos français soient rentables… Ce qui veut dire beaucoup moins payés.


Mais lutter contre les restructurations qui justement peuvent aller dans le sens d'une délocalisation peut très bien rester dans un cadre réformiste et donc protectionniste.
non ce n'est ni réformiste ni protectionniste, c'est défensif le but n'est pas de gagner du plus mais d'éviter du moins ! Pourquoi en est on là , d'après moi par ce qu'on ne réfléchit plus en terme d'outils anticapitalistes et de classe, qu'on a perdu notre autonomie et qu'on n'arrive ainsi plus a imaginer les luttes au niveau internationale sans outils efficace de coordination internationale on ne lutte pas vraiment contre le réflexe nationaliste et inversement avec le réflexe nationaliste on arrive pas a concevoir l'utilité d'une internationale ! C'est exactement le même principe qu'au niveau d'une ville ou d'un département : quand des copains ne sortent plus de leur boite et ne consacre pas du temps a la solidarité de branche ou interpro locale, ils se tirent en fait une balle dans le pied car le patron va jouer la concurrence au sein même de la ville (CDD, intérim, sous traitance ...) et toute l'énergie qu'ils dépensent dans la lutte exclusivement dans la boite ne sert plus a grand chose ... elle est gaspillé jusqu'à la démoralisation finale . Une fois que les seules syndiqué sont les CDI de la grosse boite du coin je vois mal comment on se défend ensuite ?! surtout que défaite et démoralisation réduisent vite le nombre de syndiqué même dans la boite .


il y a un autre problème aussi, imaginons une réforme de ce type, quels personnes seront prêt spontanément à réduire leur consommation, à connaitre les réseaux de distribution alternatifs, a trouver le temps de cuisiner.... ? C'est un problème culturel et de classe qui va se poser et qui la aussi ne se résout pas tout seul . Des outils d'éducations populaires seront à mettre en place ... là aussi la lutte des classe va être terrible, il faut l'anticiper .


Un protectionisme n'est pas forcement qu'une question de barrière tarifaire comme une taxe douanière, ça peut être aussi des normes environnemental, sociale, etc....
... sans proposition ni perspective, ni outil de classe anticapitalistes, on devra subir la hausse des prix !!!
Le LKP parce qu'il est avant tout une organisation de classe, un front unique des syndicat et associations de classe (avec des éléments partidaires ainsi que des membres d'autres classe sociales mais trop minoritaires pour être décisifs ) à posé la question des outils de classe plus que de la question nationaliste pour résoudre les même problèmes . ce front unique de classe a été nécessaire pour préparer et faire vivre la gréve générale mais aussi pour se donner les moyens de controller la suite des événements ( controlle des maigres victoires immédiates, controlle des prix et continuer la stratégie unitaire qui permet de construire la gréve ). Je dis pas que des copains la dedans sont pas nationalistes, mais au moins c'est pas l'enjeu de la lutte . C'est pas non plus révolutionnaire je suis d'accord mais au moins c'est matérialiste . On a des revendication de classe, donc on construit les outils pour les faire aboutir.

donc c'est bien de nos outils et de nos stratégies que dépendront nos victoires. Une stratégie de classe c'est penser en terme de classe et pas en terme de pays. C'est être autonome de nos patrons respectifs au niveau de la boite et de nos bourgeoisies nationales respectives au niveau du pays.
Pour éviter que les revendications des travailleurs fassent le jeu du nationalisme et du capitalisme, il faut penser a construire nos outils anticapitalistes qui nous rendront le plus autonome possible.
et pour finir quand "luco" dit :
Non. Deux plans qui peuvent (sans l'être nécessairement) disjoints : d'un côté la "relocalisation" pourrait ne renvoyer qu'à une problématique écologique potentiellement révolutionnaire et juste) quant le "produire français" renvoie à une problématique de compétition économique au sein du capitalisme mondial (un réformisme / régulationnisme patriotard).

moi je dirais que ça dépendra de qui le dit et le fait en se posant la question de quels outils et pourquoi (donc avec des outils de classe ne serait ce que pour mener le débat !).
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Re: Produire et acheter français: une farce sinistre.

Messagede mimosa rouge » 24 Aoû 2013, 09:51

je voulais aussi dire autre chose quand je citais le texte plus haut :
Et la deuxième étape, c’est le chantage : OK on revient vous faire bosser, mais faut être moins gourmand les cocos. Bah oui, pour inciter les patrons à relocaliser, il faudrait encore que les prolos français soient rentables… Ce qui veut dire beaucoup moins payés.


Il y a en ce moment (et depuis quelques années) une récupération institutionnelle du produire local . Effectivement pour le moment c'est marginal, on a la création de label, un ministère s'est crée mais reste marginal dans son action, les grand médias (assis a de grands groupes internationaux) n'ont pas de tabou sur ça et reprennent ces notions ...

Alors soit cela va aboutir a valoriser sur le marché intérieur la production française actuelle (sans plus ) surtout le luxe et le haut de gamme , soit la mayonnaise prend, les revendications relocalistes se propagent mais sous controlle institutionnelle (du même genre que les revendication sécuritaires un peu) et on va se se croire tous en lutte contre le "systeme" car on veut acheter des Peugeot entièrement fabriqué à Sochaux ... et là le chantage à l'emploi va prendre une nouvelle forme, ce sera l'avenir de l'humanité qui va être en jeu si on ne baisse pas nos salaires et on augmente pas notre temps de travail, (car il ne faudrait pas faire baisser nos capacités de consommations) ... et je pense vraiment qu'ils sont capable de ce genre filouterie car ça serait une manière de rebooster le capital et sa profitabilité et d’empêcher ce qu'il considèrent eux même comme la chute de l'humanité !
... et puis rassurons nous, le chômage de masse c'est quand même bien commode, ils vont pas le saboter en rapatriant trop de production ... non ils vont nous prendre dans le sens du poil en dévalorisant certaines industries ou certaines productions ... que ça reste loin de chez nous toute ces saleté qui polluent !

Donc comme pour toute revendications controllons nous même son élaboration et sa diffusion et méfions nous de la capacité de l'Etat à se montrer comme neutre et outil d'émancipation . C'est lui notre "concurrent" à nous même .
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Re: Produire et acheter français: une farce sinistre.

Messagede mimosa rouge » 24 Aoû 2013, 10:07

Cette stratégie à été tenté dans la construction avec les labels BBC http://fr.wikipedia.org/wiki/B%C3%A2tim ... nsommation, HQE http://fr.wikipedia.org/wiki/Haute_qual ... nnementale etc ... les fameux programmes d'éco-quartier, le plan de rénovation des bâtiment publique aux norme environnementale (grenelle de l'environnement)...
Alors du point de vue du capital ça pas été une réussite, les investisseur ne se sont pas jeté en masse sur les logement HQE . Mais cela ne semble pas les refroidir et l'avenir semble etre là : fabriquer des normes qui soient en fait des "marques" .
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