Critique des médias

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Messagede kuhing » 14 Oct 2008, 15:21

La presse est de quel coté ?

Voilà ce que la presse française dit dans dans son ensemble sur le plan de financement des faillites bancaires amené par Sarkozy.
Même la télé n'ose pas aller si loin.
40 ans après le nouveau slogan c'est
"Ouvrez les yeux , jetez les journaux !"
(Le commentaire de l'huma est assez savoureux dans la pirouette : "le capitalisme est en faillite ...mais on sort de la crise")

Dans Libé du 14/10/08


La presse française se réjouit mardi du retour de l'Europe sur la scène internationale grâce à son plan commun sur la crise financière. Et, dans son enseble, elle écrit qu'un homme s'impose tout particulièrement dans cette réussite: Nicolas Sarkozy, président de fait de l'Union européenne jusqu'en décembre.

«Les flottements inquiétants d'une administration américaine à bout de souffle imposaient aux dirigeants européens de dépasser leurs égoïsmes nationaux, de renoncer à faire cavalier seul et d'assumer leur responsabilité collective. Ils l'ont fait, observe Le Monde. Le président français n'y est pas pour rien (...) Il a su jouer collectif», estime le quotidien du soir.

«Sarkozy fait bouger les lignes», titre Le Figaro dans son éditorial: «Le volontarisme de Nicolas Sarkozy et de ses homologues a davantage convaincu que celui de George Bush et de Henri Paulson. L'espoir est venu de Paris, non de Washington. Le Vieux Continent inspire la confiance, le Nouveau Monde inspire la défiance.»

Encore plus dithyrambique, La Tribune lance à Nicolas Sarkozy un «bravo, monsieur le Président!». «L'histoire montre que l'Europe n'avance que dans la crise (...) Ce déclic qui allait faire revenir la confiance, les marchés en rêvaient, Nicolas Sarkozy l'a fait!», s'enthousiame le quotidien économique.

«Cette démonstration d’une Europe agissant de concert tranche avec les réactions nationales et dispersées du début du mois», note pour sa part La Croix.

L'optimisme est plus tempéré dans les journaux de gauche. L'Humanité souligne qu'«il est indispensable que le débat sur la sortie de crise ne soit pas contenu, comme actuellement, dans le cadre du système lui-même». «La question n'est plus de savoir s'il faut plus ou moins de régulation. C'est le capitalisme qui est en faillite», estime le quotidien communiste.

De son côté, Libération s'inquiète de «l’addition vertigineuse de 1.700 milliards euros versés à des banques que l’opinion publique tient pour responsables de la crise».

La presse régionale se montre globalement très sarkophile. «C'est bien à une nouvelle étape de la construction européenne à laquelle on vient d'assister», écrit ainsi La République des Pyrénées.

«Ce serait faire preuve de mauvaise fois que de nier, aujourd'hui, le rôle prépondérant joué par Nicolas Sarkozy dans le sursaut collectif», affirme Sud-Ouest.

«Bravo l'artiste», renchérit avec modération Le Républicain lorrain.

L'Alsace est un peu plus modéré: «Avant de pousser un sarkocorico bien français, attendons tout de même d'avoir la facture. Le collectif budgétaire en préparation risque de nous faire passer l'envie de chanter.»

Quant au Dauphiné Libéré, il ose la question que tout le monde se pose: «Est-ce que le répit enregistré hier va durer? Et jusqu'à quand?».
kuhing
 

Re: La presse est de quel coté ?

Messagede gyhelle » 15 Oct 2008, 14:52

Est-ce que le répit enregistré hier va durer? Et jusqu'à quand?».


jusqu'à aujourd'hui : http://fr.finance.yahoo.com/


sinon achetez le plan b, cqfd, le monde diplo et laissez tomber la presse maintream
gyhelle
 

Re: La presse est de quel coté ?

Messagede joe dalton » 17 Oct 2008, 13:09

si vous connaissez pas acrimed, c'est un bon site !
Même si a force d'être trop focalisé sur la critique des médias, ils ont mis 3 semaines a faire paraitre un article sur la crise et son traitement, et parler du sourire de laurence ferrari.
Voila l'article et j'espere qu acrimed nous en sortiras des plus intéressant
http://www.acrimed.org/article2984.html
joe dalton
 

Re: La presse est de quel coté ?

Messagede kuhing » 17 Oct 2008, 13:23

joe dalton a écrit:si vous connaissez pas acrimed, c'est un bon site !
Même si a force d'être trop focalisé sur la critique des médias, ils ont mis 3 semaines a faire paraitre un article sur la crise et son traitement, et parler du sourire de laurence ferrari.
Voila l'article et j'espere qu acrimed nous en sortiras des plus intéressant
http://www.acrimed.org/article2984.html


Une camarade du CAam m'a parlé de http://www.mediapart.fr/ monté par Edwin plenel et Laurent Mauduit
journal en ligne mais payant.
Plenel est un ancien de la LCR (faut dire que la camarade du CAam en question est restée à la LCR pendant 13 ans)
Mauduit je le connaissais un peu, il a été chez les lambertistes dans les années 80.
Sans doute mieux que le Figaro mais bon ... :)

PS : mais non, le CAam n'est pas noyautée par les trotskistes ! :D
kuhing
 

Re: La presse est de quel coté ?

Messagede joe dalton » 17 Oct 2008, 13:29

Cette edwidge plenel est vraiment une petite crapule.
Le genre qui redécouvre les vertus de l'indépendance une fois licencié !
joe dalton
 

Re: La presse est de quel coté ?

Messagede kuhing » 17 Oct 2008, 13:50

joe dalton a écrit:Cette edwidge plenel est vraiment une petite crapule.
Le genre qui redécouvre les vertus de l'indépendance une fois licencié !


Je ne connais pas trop cette histoire. Il s'est fait viré du journal "le Monde" je crois ?
Mais c'est sur qu'avec un prénom comme edvige.. :lol:
Il n'avait pas été mis sur écoutes téléphoniques aussi par ailleurs ?
Ma camarade du CAam dit plutôt du bien de lui et j'avais lu son bouquin qu'elle m'avait passé il y a quelques années sur son passage chez les trotskistes si je me souviens bien.
j'avais trouvé ça pas mal à l'époque.
kuhing
 

Re: La presse est de quel coté ?

Messagede joe dalton » 17 Oct 2008, 14:30

Edwy plenel était un peu plus que simple écrivaillon au monde. C'était plus un décideur qu'un collaborateur, a l'époque ou le monde a opérer son grand tournant réaliste(c'est a dire : pro l'économie de marché)
Sur sa vie, son œuvre, va sur acrimed,tape dans la recherche edvy plenel et tu pourra te faire un panorama assez complet de ses convictions antiliberales.
D'ailleurs le fait qu'un site comme mediapart soi payant(tout un programme), nous informe deja sur comment ils comptent lutter contre le capitalisme et diffuser la critique du système.
Sinon, même dans le figaro, tu peux avoir des articles intéressants(si, si, dans les pages étrangère, ça arrive des fois)
joe dalton
 

Re: La presse est de quel coté ?

Messagede joe dalton » 18 Oct 2008, 10:49

Sur la création de mediapart voila un un article sur leurs vision de l'indépendance tirer toujours d'acrimed .
Le dernier épisode de cette compétition concerne précisément MédiaPart, projet porté entre autres par Edwy Plenel, auquel l’ex-candidate à la présidentielle Ségolène Royal vient d’apporter son soutien. Dans un courriel en date du 13 décembre, elle invite donc les militants de Désirs d’Avenir à soutenir, « au nom de la liberté de l’information et du pluralisme », le projet MédiaPart, qui fait partie selon elle des « initiatives audacieuses qui tentent de changer la situation de la concentration de la presse ». Elle conclut son courriel par ces mots : « Au nom du pluralisme des médias, je vous invite à leur donner leur chance en vous abonnant. Merci de ce geste militant qui s’inscrit dans la logique de la démocratie participative. » [2]

Immédiatement, ce message déclenche un flot de réactions chez les concurrents de MédiaPart. Alors que jusque là, les réactions à la création de MédiaPart dans la « blogosphère citoyenne » avait été plutôt bienveillantes, tout d’un coup, chacun se met à s’indigner d’une éventuelle collusion entre MédiaPart et les formations politiques, et plus exactement, le Parti socialiste.

Quelques heures seulement après avoir publié un papier accommodant sur MédiaPart qui a suscité les remerciements d’Edwy Plenel, « pour ce papier factuellement juste et confraternel sans complaisance » [3], Rue 89 change son fusil d’épaule et dénonce à mots couverts un soutien royaliste suscité par « l’amitié » qui lie Ségolène Royal à Benoît Thieulien, responsable de sa campagne sur le Net et co-fondateur de Médiapart : une « amitié » que le site de la « révolution de l’info » feint de découvrir. Aussitôt Edwy Plenel répond dans des termes que son comparse Laurent Mauduit reprendra presque mots pour mots dans une réponse que l’on lira plus loin [4].

Rue 89 est suivi dans la foulée par Daniel Schneidermann qui profite de l’occasion pour régler ses comptes avec Edwy Plenel, son « ancien patron et co-licencieur », qu’il accuse implicitement d’avoir copié le concept d’Arrêt sur images nouvelle formule, « en appel[ant] les futurs lecteurs à s’abonner (ça ne vous rappelle rien ?) ». Et puisque Plenel, bientôt suivi par MédiaPart, se réjouit de ce soutien, tout en en espérant d’autres afin de ne pas être accusé de collusion avec Royal, Schneidermann ajoute : « Si je comprends bien Plenel, il souhaite en finir avec la dépendance des médias par rapport aux politiques. Sauf...quand ils le soutiennent. » Suit une petite phrase assassine contre Rue 89, financé par la publicité.

Ayant ainsi fustigé ses principaux adversaires, Schneidermann peut donc se poser en parangon de vertu : Arrêt sur images ne sera pas financé par la publicité et ne cherche pas à s’attirer des soutiens politiques. Rappelant l’épisode du soutien de Royal à Arrêts sur images, il précise : « En recevrait-on, qu’on serait bien embarrassés. Pour tout vous dire, l’été dernier, après la suppression de l’émission sur France 5, quand Royal nous avait offert l’asile politique en Poitou-Charentes (proposition qui s’est ensuite perdue dans les méandres du marais poitevin), je n’avais pas trop sû comment gérer ce cadeau empoisonné. Je pense que la proximité, la sollicitude des politiques, sont tout aussi handicapants pour un média, que leur hostilité. » Pourtant, à l’époque, il avait accepté ce soutien, avec quelques réserves, certes, mais tout de même [5]... Daniel Schneidermann, dont l’indépendance vis-à-vis des puissances politiques et des puissances de l’argent [6] n’a donc jamais été prise en défaut, conclut : « Nous souhaitons rester indépendants. Obsessionnellement, maladivement indépendants. » [7] A bon entendeur...

Puis viennent les « amis » de nonfiction.fr qui font part du courriel royaliste, précisant qu’il est « rare et significatif » et même « atypique » : « nonfiction.fr ne porte aucun jugement favorable ou défavorable sur la lettre de Mme Royal, ou sur ce soutien, mais estime intéressant de la poster ici. » [8] Et pour cause : Benoît Thieulin est également l’un des animateurs de nonfiction.fr...

Enfin, ratissant large, Guy Birenbaum, collaborateur de la Télé Libre et lui aussi ancien du Vrai Journal, soupçonne, sur LePost.fr (l’hébergeur de blogs du Monde), Ségolène Royal de vouloir « s’appuyer sur un vrai réseau médiatique parallèle, alternatif. Un réseau, apparemment ni politique, ni, surtout, socialiste, qui pourrait lui permettre de relayer ses propositions et ses initiatives jusqu’en 2012 », et qui serait composé de nonfiction.fr, BetaPolitique et MédiaPart, autant de sites animés – entre autres – par des proches de l’ex-candidate socialiste à la présidentielle. Et Guy Birenbaum de souligner qu’en appelant à « Un "geste militant" "au nom du pluralisme des médias" et de l’indépendance donc et qui "s’inscrit dans la logique de la démocratie participative" », madame Royal oublie de « préciser cependant que Benoît Thieulin, co-fondateur de MediaPart donc, fut aussi l’artisan de sa propre campagne web... » [9].

Et du côté de MédiaPart ? Pris en flagrant délit de contradiction entre l’indépendance revendiquée et le soutien obtenu (voire sollicité ?), on est embarrassé, mais on se défend, dans Le Figaro notamment [10]. Selon Benoît Thieulin, justement, Ségolène Royal « soutient le site, mais elle n’a aucune mainmise sur les contenus et aucun lien capitalistique ». Quant à Laurent Mauduit, ex-soutien de Plenel au sein de la rédaction du Monde, il « trouve l’initiative de Ségolène Royal courageuse. Car, dans le passé, dans mon travail de journaliste à Libération puis au Monde, j’ai souvent conduit des enquêtes qui ont bousculé la gauche ou écrit des éditoriaux critiques - tout comme Edwy Plenel qui dirige notre projet. La dirigeante socialiste a donc du mérite de défendre d’abord un principe : le pluralisme de la presse est actuellement sous très forte menace. Elle a du mérite... et j’espère fortement que d’autres dirigeants politiques de toutes sensibilités suivront son exemple [...]. En clair, ce soutien socialiste ne nous embarrasse pas ; il nous réjouit. Et nous en espérons de nombreux autres, de toutes sensibilités, à droite comme à gauche, dans le monde des affaires, comme dans le monde intellectuel. » Ainsi soustrait aux influences politiques, parce qu’il rêve d’être appuyé de tous côtés, MédiaPart promet des grands moments de journalisme ! Nous verrons sur pièces.
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Re: La presse est de quel coté ?

Messagede sebiseb » 18 Oct 2008, 11:08

La presse est du côté de SON pouvoir !
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Messagede kaliméro » 16 Fév 2010, 18:14

Rumeurs, intox les nouvelles guerres de l'info 1/3






http://www.dailymotion.com/video/x5kc44 ... erres_news



Rumeurs, intox les nouvelles guerres de l'info 2/3






http://www.dailymotion.com/video/x5kd1c ... erres_news



Rumeurs, intox les nouvelles guerres de l'info 3/3








http://www.dailymotion.com/video/x5kdk3 ... erres_news
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Les médias et l’«insécurité» : Une irrésistible ascension ?

Messagede bipbip » 02 Aoû 2012, 12:55

Les médias et l’ « insécurité » : Une irrésistible ascension ? extraits de "La France a peur" trouvé sur ACRIMED, http://www.acrimed.org/.

Comment un certain traitement de la sécurité s’est-il imposé ? Quelles ont-été les modalités de ce traitement à la télévision, en particulier dans les magazines télévisés ? À ces deux questions, l’ouvrage de Laurent Bonelli – La France a peur [1] - apporte des réponses. Si l’enquête qu’il propose s’arrête en 2005, il ne fait aucun doute que, pour l’essentiel, elles valent pour les années qui ont suivi. Nous publions donc, avec l’accord de l’auteur, deux articles extraits de son livre. Voici le premier (Acrimed)


. . . . . . . . . . Image


Les médias et l’ « insécurité » (1) : Une irrésistible ascension ?
(extraits de La France a peur)

I. Une irrésistible ascension ?

Sans faire une généalogie de l’apparition du crime dans les médias, force est de constater que ce dernier a depuis longtemps été considéré comme une manière privilégiée d’attirer l’attention du public et de susciter son intérêt. Dans les années 1820, aux Etats-Unis, le Morning Herald réagissait à la baisse de son audience en diminuant les comptes rendus des débats parlementaires, et en leur substituant le récit de cas policiers. Il multiplia ses ventes par cinq en huit ans [2]. En France, c’est à partir du second Empire que les faits divers se diffusent dans la presse. À la fin du XIXe siècle, des journaux populaires comme Le Petit parisien ou Le Petit journal, consacrent plus de 12% de leurs publications aux agressions, aux cambriolages et aux crimes. L’ouvrier, puis le rebelle au travail, le vagabond, le gréviste, l’étranger, la femme deviennent, dans leurs colonnes, les principales figures menaçantes pour l’ordre social [3]. L’existence d’une presse consacrant une grande part de son activité aux faits divers les plus sordides ou les plus crapuleux n’est donc pas nouvelle.

En revanche, leur traitement par les médias d’information générale et politique s’adressant à des publics les mieux pourvus en capitaux culturels et économiques (et donc situés du côté du pôle le plus valorisé de la profession) est plus nouvelle et surprenante. C’est sous le triple effet de la part croissante de la télévision dans la définition des modes de traitement de l’information ; de la recherche vitale de « l’audience » dans un contexte de dépendance accrue des principaux médias à l’égard des financements publicitaires ; et de constitution de « l’insécurité » comme objet et enjeu de débat politique que ce secteur des médias s’en est saisi, participant en retour à la reformulation et à la diffusion de ce thème.

De la désignation des quartiers « chauds » aux déclinaisons multiformes des violences concernant les jeunesses populaires (« chiens dangereux », « tournantes », « bandes de filles »), de la mise en accusation des hommes politiques, des magistrats ou des travailleurs sociaux à l’élection « d’experts », mobilisés pour donner « de la profondeur » au reportage, les journalistes jouèrent ainsi un rôle central dans la mise en scène publique de certains comportements, territoires et groupes sociaux.

Annie Collovald a montré que depuis le début des années 1980, on assistait à une homogénéisation progressive des points de vue adoptés, en même temps qu’à l’émergence d’une catégorie commune de perception : la « violence urbaine » [4]. Pour nombre de journalistes, les flambées de violence de l’automne 1990 et du printemps 1991 à Vaulx-en-Velin, à Sartrouville, à Mantes-la-Jolie et à Meaux marquent un renversement de perspective : si les mesures sociales adoptées durant dix ans de politiques de la Ville n’ont pas empêché l’irruption de la violence, c’est que celle-ci aurait une autre nature. La violence devient alors dans les médias la caractéristique et le mode d’existence essentiel d’une jeunesse défavorisée, notamment immigrée.

Cet angle de vue est conforté par le virage politique du parti socialiste, qui gagne les élections de juin 1997. L’inscription de la lutte contre la violence urbaine dans l’agenda gouvernemental ouvre la porte à la banalisation du thème dans la presse. La « violence » sort de la catégorie des faits divers, pour devenir un « problème de société » dont se saisissent notamment les journalistes généralistes et les éditorialistes. Les initiatives et les querelles gouvernementales sont abondamment commentées (à partir de 1998) et constituent autant d’occasions pour ces journalistes de mettre en accusation l’action de l’État. Les violences urbaines dans leurs différentes modalités seraient ainsi l’expression d’un désordre, lui-même explicable par l’insuffisante capacité de la société française à assurer l’exercice de l’ordre. Les deux principaux schèmes interprétatifs qui traversent l’ensemble de la presse à partir du début des années 1990 sont ainsi le binôme ordre versus désordre et celui d’une rupture interne à la société française entre ceux qui « jouent le jeu » de l’intégration et ceux qui la refusent [5].

On aurait tort de sous-estimer l’effet d’amplification de ces cadres interprétatifs : « par leur capacité à choisir ce qu’ils vont transmettre et les énormes audiences auxquelles ils vont le transmettre, les journalistes ont probablement plus d’influence dans la construction de la déviance et participent davantage à son contrôle que ne le font quelques-uns des agents les plus évidents du contrôle. […] Les journalistes ne rendent pas seulement compte des efforts de ces derniers pour définir et contrôler la déviance, mais sont directement impliqués comme agents du contrôle social. En effet, les journalistes jouent un rôle clé dans la constitution des visions de l’ordre, de la stabilité et du changement, et influencent les pratiques de contrôle qui concordent avec ces visions. En résumé, les journalistes sont des agents centraux dans la reproduction de l’ordre [6] ». Il faut donc étudier leurs représentations, leur manière de travailler et les contraintes encadrant leur activité, autant que celles des agents les plus visibles des institutions de contrôle, comme les policiers, les procureurs, les juges ou les personnels pénitentiaires.

Il n’existe bien entendu pas de « vision médiatique » unifiée du monde social. Le mode de traitement de l’information varie non seulement selon le type de support (audiovisuel, presse écrite, radio), mais aussi en leur sein. Un journaliste de presse quotidienne régionale n’écrit pas de la même manière que l’un de ses confrères de la presse nationale ; celui travaillant pour un quotidien est soumis à des contraintes différentes que son homologue de la presse hebdomadaire et le journaliste spécialisé diffère du journaliste « généraliste ». Pour autant, ces diverses visions journalistiques ne sont pas des points de vue indépendants : elles font système. L’espace médiatique est en effet un champ [7]. En d’autres termes, ce dont vont parler les journalistes et la manière dont ils vont le faire peut s’analyser au travers des positions que chacun d’eux occupe dans le champ. Les règles dominantes (montée de la publicité, de l’information spectacle) autant que les stratégies de distinction (presse « populaire » contre journaux « parisiens », télévision « culturelle » contre télévision « de masse » par exemple) ne prennent sens qu’en regard de l’ensemble de cet espace, structuré par des règles du jeu spécifiques. Ainsi, quel que soit le type de média dans lequel ils travaillent, les journalistes se lisent, s’écoutent ou se regardent beaucoup entre eux. Au point que deux des règles principales de cet univers professionnel soient l’autoréférence dans la concurrence. C’est-à-dire qu’il est très difficile pour un journaliste de ne pas parler de ce dont parlent ses collègues (et notamment ceux qui occupent une position dominante), mais qu’il doit essayer en permanence de trouver un petit plus par rapport à eux (le scoop).

De ce point de vue, l’intérêt croissant des médias généralistes pour les questions de « sécurité » est inséparable des transformations contemporaines du champ journalistique et notamment de la montée en puissance de la télévision dans la définition des normes professionnelles dominantes.

Retenons d’abord que l’univers journalistique s’est profondément transformé durant ces trente dernières années [8]. La télévision y a conquis une position prépondérante pour ce qui est de fixer ce que les anglo-saxons appellent l’agenda, c’est-à-dire ce dont il faut parler, les sujets importants. Dans les années 1950, les journalistes de télévision étaient doublement dominés tant du point de vue du prestige qu’économiquement. Suspects d’être dépendants du pouvoir politique, leur travail était lié également à des subventions de l’État. Entre des journaux à grand tirage, comme France soir et des journaux à tirage plus restreint, mais dotés d’une autorité semi officielle, des organes de « réflexion », comme Le Monde, cumulaient les deux facteurs de pouvoir dans le champ journalistique (tirage et capital symbolique) et en représentaient le pôle dominant.

Le développement massif de la télévision (qui s’installe dans presque tous les foyers), de même que le délitement de l’influence politique qui s’exerçait sur elle jusqu’en 1981, ainsi que la baisse du tirage des quotidiens changent profondément la donne. Dans l’évolution des rapports entre les différents organes de presse la télévision s’impose comme le média prépondérant, dictant de plus en plus son tempo et ses manières de traiter l’information aux autres médias [9].

L’une des conséquences de l’hégémonie de la télévision est l’homogénéisation et la dépolitisation (notamment au sens partisan du terme) de l’information. En effet, plus un média étend sa diffusion (et plus il est contraint par des logiques commerciales, c’est-à-dire la nécessité de réaliser une forte audience), plus il doit présenter une information omnibus, sans aspérités et surtout non conflictuelle. Autrement dit, une information destinée au plus grand nombre exclut tout ce qui peut diviser et ne soulève jamais de problèmes ou seulement des problèmes sans histoire. Comme le signalait Pierre Bourdieu, « à travers l’accroissement du poids symbolique de la télévision et, parmi les télévisions concurrentes, de celles qui sacrifient avec le plus de cynisme et de succès à la recherche du sensationnel, du spectaculaire, de l’extraordinaire, c’est une certaine vision de l’information, jusque là reléguée dans les journaux dits à sensation, voués aux sports et aux faits divers, qui tend à s’imposer à l’ensemble du champ journalistique. […] Les faits divers ont pour effet de faire le vide politique, de dépolitiser et de réduire la vie du monde à l’anecdote et au ragot […], en fixant et en retenant l’attention sur des évènements sans conséquences politiques, que l’on dramatise pour “en tirer les leçons” ou pour les transformer en “problèmes de société” » [10].

Les faits spectaculaires et proches vont progressivement supplanter d’autres thèmes, comme en témoignent la diminution des sujets « étranger » et la montée des faits divers [11]. La concomitance entre ce mouvement et le développement du traitement médiatique de l’« insécurité » semble indiquer qu’elle constitue l’un des thèmes parfaitement adaptés à ces nouvelles contraintes journalistiques, particulièrement à la télévision. La place désormais conquise par cette dernière dans le traitement de l’actualité rendait légitime d’en faire un terrain d’enquête privilégié pour étudier la manière dont l’« insécurité » est mise en récit.

« L’insécurité » télévisée

De manière accélérée à partir du début des années 1990, des séries de faits divers, souvent dramatiques, mais indépendants les uns des autres quant à leurs motivations et leur déroulement vont être constitués dans les discours médiatiques comme « violences urbaines », « problème des banlieues », ou « montée de l’insécurité ». Les approches liées à l’« intégration » ou à la « dégradation sociale » laissent la place à la focalisation sur les minorités des pires et leurs actions violentes [12]. Les dossiers spéciaux, les reportages à sensation se multiplient, pour culminer au printemps 2002, lors de la campagne précédant l’élection présidentielle.

Entre le 1e janvier et le 5 mai 2002, les journaux télévisés n’ont pas consacré moins de 18 766 sujets aux crimes, agressions sexuelles, braquages, ou aux interventions des forces de police et de gendarmerie, soient 987 sujets par semaine [13].

L’influence du traitement des faits divers criminels par la presse fut abondamment invoquée pour dénoncer son rôle dans l’accession au deuxième tour de Jean-Marie Le Pen. Le député socialiste européen Olivier Duhamel expliquait ainsi que « l’hypertrophie sécuritaire a été orchestrée par le tandem Elysée-TF1 », alors que Julien Dray, pourtant grand habitué des plateaux s’emportait : « Il y a une chaîne de télé qui porte une part particulière de responsabilité, elle s’appelle TF1, et je pourrais d’ailleurs l’appeler TF-Haine [14] ». Bien qu’épargnées par la polémique, la presse quotidienne, la presse quotidienne régionale et la presse magazine n’avaient pourtant pas été en reste. L’institut TNS Media Intelligence a de la sorte évalué que « l’insécurité » avait été le thème le plus médiatisé à partir de mars 2001, et que la presse écrite avait y avait contribué à hauteur de 25,6% [15].

Cet intérêt médiatique se prolonge dans les magazines télévisés, pourtant présentés par leur promoteurs comme des émissions permettant de donner de la « profondeur », de prendre le « temps de l’analyse », par rapport aux journaux télévisés.

Laurent Bonelli


A suivre : Médias et« insécurité » (2) : Les magazines télévisés de 1995 à 2002 (extraits de La France a peur)


Notes

[1] Laurent Bonelli, La France a peur. Une histoire sociale de l’"insécurité", La Découverte, coll. « cahiers libres », 2008.

[2] R.V Ericson, P. M. Baranek et J.B.L. Chan, Visualizing Deviance. A Study of News Organization, University of Toronto Press, Toronto, 1987, pp. 50-51.

[3] Voir M. Lever , Canards sanglants, Fayard, Paris, 1993 et D. Kalifa, L’encre et le sang. Récits de crimes et société à la Belle Epoque, Fayard, Paris, 1995.

[4] A. Collovald, Violence et délinquance dans la presse. Politisation d’un malaise social et technicisation de son traitement, Rapport pour la DIV, septembre 1999, dactylographié.

[5] A. Peralva et E. Macé, Médias et violences urbaines. Etude exploratoire sur le travail des journalistes, rapport pour l’IHESI, avril 1999, pp. 4-5.

[6] R.V Ericson, P. M. Baranek et J.B.L. Chan, Visualizing Deviance…, op. cit., p. 3.

[7] P. Bourdieu, « L’emprise du journalisme », Actes de la recherche en sciences sociales n°101-102, mars 1994, pp. 3-9.

[8] Notamment D. Marchetti, Contribution à une sociologie des transformations du champ journalistique dans les années 80 et 90. A propos d’« événements sida » et du « scandale du sang contaminé », Thèse de sociologie, EHESS, Paris, 1997 ; J. Duval, Critique de la raison journalistique. Les transformations de la presse économique en France, Seuil, Paris, 2004 et E. Neveu, Sociologie du journalisme, La Découverte, Paris, 2001.

[9] P. Champagne et D. Marchetti, « L’information médicale sous contrainte. A propos du ‘scandale du sang contaminé’ », Actes de la recherche en sciences sociales n°101-102, mars 1994, pp. 40-62.

[10] P. Bourdieu, Sur la télévision, Seuil-Raisons d’agir, Paris, 1996, pp. 58-59.

[11] Pour les journaux télévisés, voir Les Nouveaux Dossiers de l’Audiovisuel, n°10 mai-juin 2006.

[12] A. Collovald, « Des désordres sociaux à la violence urbaine », Actes de la recherche en sciences sociales, n°136-137, mars 2001, pp. 108 et suiv. Voir également S. Bonnafous, L’immigration prise aux mots. Les immigrés dans la presse au tournant des années 80, éditions Kimé, Paris, 1991.

[13] J. Terral, L’insécurité au journal télévisé. La campagne présidentielle de 2002, L’Harmattan, Paris, 2004, pp. 35 et suiv.

[14] Cité par J. Terral, L’insécurité au journal télévisé… op. cit., pp. 9-10.

[15] Cité par Le Monde du 24 avril 2002.

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Re: Les médias et l’«insécurité» : Une irrésistible ascensio

Messagede Ulfo25 » 02 Aoû 2012, 14:04

Livre à lire pour ceuw qui s'intéresse à ce sujet de la "sécurité" ou de "l'insécurité" à travers les médias. Laurent Bonelli étant sociologue spécialiste de ces questions "sécuritaires" et maitre de conférence à l'Université de Nanterre.
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Re: Les médias et l’«insécurité» : Une irrésistible ascensio

Messagede bipbip » 07 Aoû 2012, 00:06

Voici le second consacré aux magazines télévisés (de 1995 à 2002), « pourtant présentés par leurs promoteurs, souligne Laurent Bonelli, comme des émissions permettant de donner de la "profondeur", de prendre le "temps de l’analyse", par rapport aux journaux télévisés. » (Acrimed)

II. Les magazines télévisés de 1995 à 2002

Par les invités qu’ils ont conviés et les reportages qu’ils ont diffusés, ces magazines ont largement participé à la construction d’images publiques de l’« insécurité » et à la diffusion de points de vue particuliers.

Que sont les magazines télévisés consacrés à « l’insécurité » ?

Nous avons recherché dans les archives de l’Institut national audiovisuel (INA) les magazines diffusés sur les télévisions hertziennes (TF1, France 2, France 3, la Cinquième, ARTE, M6 et Canal +) et consacrés pour tout ou partie aux sujets « délinquance », « insécurité » et « violences urbaines ». Entre le 1er janvier 1995 et le 17 juin 2002 [2], 53 émissions répondaient à ces critères [3]. France 2 arrive en tête quant au nombre d’émissions consacrées à « l’insécurité » (15), juste devant France 5/la Cinquième (14). Mais cette dernière a diffusé la moitié de ses émissions (7) durant l’après-midi, à une heure de moindre écoute. Inversement, la totalité des émissions diffusées en soirée (après 22h) l’ont été sur les trois grandes chaînes généralistes : TF1, France 2 et France 3.

La fréquence des magazines consacrés à « l’insécurité » suit assez fidèlement les priorités de l’agenda politique […]

Bien qu’elle ne soit que bimensuelle, l’émission animée par Arlette Chabot (en compagnie parfois de Alain Duhamel), Mots croisés, figure en tête, revenant six fois sur le sujet durant la période [4]. L’émission quotidienne d’Yves Calvi, C dans l’air vient ensuite, avec quatre occurrences, puis les programmes hebdomadaires amenés par Christine Ockrent (France Europe Express), Michèle Cotta (Polémiques) et Philippe Gildas (Le grand forum) : trois émissions. […] Les plus fortes récurrences de ce thème concernent l’élite du journalisme politique : Arlette Chabot est devenue directrice de l’information de France 2 ; Michèle Cotta fut directrice de l’information à TF1 de 1987 à 1992 et directrice générale de France 2 de 1999 à 2002 ; Christine Ockrent fut directrice adjointe de TF1 et Philippe Gildas est un ancien directeur de l’information de RTL. Si Yves Calvi ne peut se prévaloir de la carrière de ses aînés, son émission fut l’un des programmes phare de France 5, ce qui lui permit d’ailleurs de remplacer en septembre 2005 Arlette Chabot, comme présentateur de Mots croisés. Cette prépondérance des magazines politiques se reflète également dans le statut des invités, qui proviennent majoritairement du champ politique.

Qui sont les invités sur les plateaux de télévision ?

190 personnes ont été invitées dont 179 (94,2 %) étaient identifiables par leur profession ou leur statut [5]. Si l’on opère quelques regroupements, on s’aperçoit que 33 % des invités sont des professionnels de la politique (élus, membres du gouvernement), 27 % appartiennent aux institutions coercitives (police, gendarmerie et justice) et 16% interviennent comme « experts » (universitaires et consultants). C’est-à-dire qu’ils représentent plus de 75 % des invités, contre 7 % pour les institutions sociales, culturelles ou médicales, 2 % pour l’école ou 2 % pour ceux qui ont eu affaire à la police et à la justice.

Cette très inégale répartition enregistre le crédit qu’accordent les journalistes à ces différents agents sociaux pour agir contre « l’insécurité ». En effet, ces magazines ne se contentent pas de décrire des situations, mais entendent également prescrire des solutions (« mais alors, vous proposez quoi ? » est l’une des phrases récurrentes de ce type de débats). C’est sans surprise que le personnel politique est surreprésenté. Journalistes et hommes politiques partagent en effet les mêmes principes de vision et de division du monde (au premier rang desquels la croyance fondamentale en l’efficacité de l’action politique pour faire ou défaire le social et peser sur le quotidien des individus [6]) et le même accord sur les règles du jeu (le débat démocratique). Ces croyances communes sont facilitées par le fait qu’élites journalistiques et politiques sont souvent passées par les mêmes filières de formation (Sciences Po), et évoluent dans les mêmes milieux sociaux [7]. Ceci favorise une circulation circulaire des idées et des problématiques, qui fonctionnent sur le mode de l’évidence et ne font plus débat.

[…] Il va de soi que l’origine et la trajectoire des principaux journalistes politiques français les prédispose assez peu à connaître directement la situation des milieux et des quartiers populaires. Leurs interprétations vont de la sorte s’intégrer dans leurs grandes catégories d’analyse du monde comme la « crise du modèle français d’intégration », ou la « nécessaire réforme de l’État ». Au-delà des différences observables d’une émission à l’autre, les interventions de ces journalistes vedettes de télévision font ressortir des mêmes types d’impensés, dont on peut construire la structure logique comme un idéal type.

D’abord, tous concordent sur l’inexorable montée de la délinquance et de la violence, dont il faudrait rechercher des responsables. De manière étonnante, les auteurs de délits ne sont presque jamais mentionnés par les journalistes, pas plus qu’une quelconque cause sociale. Les coupables sont sans hésiter les services de l’État. Les juges, d’abord, accusés de relâcher les criminels que la police arrêterait péniblement. L’indépendance de la Justice (et notamment des magistrats du siège) est ainsi régulièrement fustigée, au nom de la défense de l’ordre public. Les policiers ensuite, présentés alternativement comme désabusés, en sous-effectif ou comme corporatistes, repliés sur leurs privilèges et refusant de travailler. On retrouve ici les stéréotypes les plus fréquents de la critique libérale de l’État qui habite nombre d’élites politico-médiatiques. Contre cet « immobilisme », ces « lourdeurs », les journalistes invitent à réagir. C’est le troisième axe. Ils vont alors énumérer toutes les solutions qui sont dans « l’air du temps », sans bien sûr les évaluer ou s’interroger sur leurs possibilités et leurs effets. Couvre-feux, centres renforcés, sanction des parents, ou réforme de l’ordonnance de 1945 sont ainsi proposés aux invités, qui doivent se prononcer. Dans un contexte marqué par le discrédit des politiques éducatives ou de prévention, aucune solution allant dans ce sens ne vint à l’esprit de ces journalistes.

On ne mesure sans doute pas complètement la force que ces préjugés, ces idées reçues exercent sur les hommes politiques. Non seulement, ils les partagent parfois pleinement, mais surtout les relations d’interdépendance qu’ils entretiennent avec les journalistes les rendent en effet plus attentifs aux critiques que ces derniers peuvent leur adresser. La crainte de la « mauvaise prestation » aussitôt décortiquée par leurs conseillers en communication, les amène sans doute à refuser d’argumenter sur des sujets « difficiles ». Le temps de parole, l’agressivité des interlocuteurs et le sentiment d’évidence rendent en effet difficile de prendre le contre-pied de la doxa sécuritaire, sauf à chercher l’affrontement.

Aux côtés des professionnels de la politique, policiers et magistrats (27 % du total) viennent confirmer que pour les journalistes politiques, l’insécurité est d’abord une question de police et de justice. Le contraste saisissant entre la place des institutions sociales, médicales et socioculturelles dans la régulation des désordres juvéniles et leur représentation parmi les invités (7 %) est sans doute la manifestation la plus claire de l’opinion des journalistes sur ces institutions. Alors que leur travail quotidien ne peut être ignoré (on verra ensuite que les reportages leur font une plus large place), elles sont tenues à l’écart des plateaux.

C’est également le cas des habitants des quartiers populaires. Qu’ils soient victimes, auteurs ou simplement qu’ils y résident, ils doivent laisser d’autres s’exprimer à leur place. La désorganisation des organes de représentation collective des classes populaires tend à faire de celles-ci un groupe social parlé et non parlant. Leur exclusion est une constante des plateaux de télévision. En 1989-1990, ces derniers ne comptaient que 10 % d’ouvriers et d’employés invités à s’exprimer, alors que ces deux groupes représentaient près de 60 % de la population active. À l’inverse, 53 % des invités appartenaient aux cadres et professions intellectuelles supérieures, un groupe qui ne totalisait alors que 10 % de la population active [8]. Ceci permet aux professionnels de la politique, aux journalistes et « experts » de se poser en porte-parole autorisés des « habitants des cités », une entité dont on aurait bien du mal à tracer les frontières sociales.

Les « experts » sont d’ailleurs le troisième groupe (16 % du total) en nombre d’invités. Qu’ils soient universitaires ou consultants, ils viendront dire les « demandes » des habitants des quartiers, donner de la profondeur historique ou sociologique aux propos, à condition bien sûr de le faire dans des formats adaptés. […] Les « bons » invités doivent en effet être un peu plus qu’un « expert », qu’un homme politique, qu’un chef de police ou qu’un magistrat en ajustant leurs propos et leurs attitudes aux règles non écrites du fonctionnement de ce type de dispositif médiatique. En d’autres termes, ce ne sont pas leurs propriétés prises en elles-mêmes et pour elles-mêmes qui importent mais la manière dont elles trouvent à se déployer dans les logiques du champ médiatique.

Sebastian Roché, qui cumule six invitations [9] durant la période étudiée est de ce point de vue emblématique. Né en 1961 et diplômé de l’Institut d’études politiques de Grenoble, il est recruté au CNRS en 1991, immédiatement après une thèse portant sur le « sentiment d’insécurité [10] ». Il devient directeur de recherche au CNRS et est l’auteur de nombreux ouvrages et articles sur la délinquance et l’insécurité [11]. Enseignant à l’IEP de Grenoble, il intervient également dans des formations spécialisées comme le DESS « métiers de la sécurité » de l’université Paris-5, ou celui de l’École nationale supérieure de la Police, de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or (Lyon). Ses titres académiques, de même que l’abondance de ses publications lui confèrent une légitimité pour intervenir sur ces sujets dans les médias. Et ce à plus forte raison qu’il accepte volontiers de collaborer avec la presse, qu’elle soit écrite, radio ou télévisée. Persuadé que « ce qui est important en France, c’est la visibilité, plus que l’investissement à caractère scientifique [12] », il répond aux sollicitations, qui étant donné les logiques d’autoréférence des médias, tendent à se multiplier. Mais son omniprésence est également due à la nature de ses analyses. Théoricien du « sentiment d’insécurité » et du rôle des « incivilités » dans son développement, il offre aux journalistes un renouvellement des catégories de pensée sur un sujet qui risquait d’être limité aux affrontements police/justice [13].

C’est également le cas pour les invités qui proviennent de ces deux univers, comme le magistrat Georges Fenech, ou la commissaire de police Lucienne Bui-Trong, conviés à trois reprises. Ce sont des professionnels qui sont capables de tenir un discours s’affranchissant des manifestations les plus visibles du corporatisme (ce qui ne les empêche pas d’être profondément corporatistes) et d’opérer des montées en généralité au-delà de leur profession, en formulant des opinions sur « l’état de la violence » ou les évolutions de la société.

Quant aux hommes politiques, ils se divisent entre responsables gouvernementaux en charge de questions touchant à la sécurité et « spécialistes » du sujet. Aux côtés des ministres de l’Intérieur, de la Justice ou de la Ville, on retrouve des gens comme Julien Dray, député de l’Essonne, Pierre Bédier, maire de Mantes-la-Jolie de 1995 à 2005 et député des Yvelines, (quatre invitations) ; Jean-François Copé, qui fut le maire de Meaux et prit de nombreuses positions sur le sujet, par exemple au sein de l’association des maires d’Île de France (trois invitations) ou encore Bruno Le Roux, député-maire d’Épinay-sur-Seine (deux invitations). Le fait que ces professionnels de la politique soient individuellement moins présents sur les plateaux que les « experts », alors même qu’ils sont numériquement les plus importants parmi les invités s’explique peut-être par le fait qu’ils sont moins « rares ». Les maires de communes dites « sensibles », les députés auteurs de rapports ou d’ouvrages touchant à la sécurité sont en effet plus nombreux que les « experts ».


Les reportages

Après l’analyse des propriétés des invités, les 107 reportages qui ont été présentés lors de ces émissions ont été dépouillés. L’équilibre entre reportages et débats varie largement selon les émissions. Chaque programme repose de la sorte sur des formules et des équilibres différents, valorisant selon les cas l’un ou l’autre des points de vue, bien que la légitimité (politique, professionnelle ou intellectuelle) des invités leur permette bien souvent d’avoir le dernier mot en matière d’interprétation des reportages.

La structure des reportages

159 personnes ont été interrogées dans ces reportages, dont 147 (92,5 %) ont pu être identifiées par leur profession ou leur statut. Les institutions coercitives (police, gendarmerie, armée et justice) arrivent largement en tête (37 % du total), alors que le personnel politique et les « experts » sont très peu représentés (respectivement 3 % et 2 %). Les délinquants ou leurs familles apparaissent également de manière beaucoup plus fréquente que parmi les invités (16 % contre 3 %), notamment à travers des « portraits » plus ou moins spectaculaires. De la même manière, les institutions sociales, culturelles et médicales, sur lesquelles repose l’essentiel de la prise en charge quotidienne des « jeunes à problèmes » recouvrent un peu d’importance au travers des reportages.

Mais cette impression d’une « revalorisation » de ces institutions doit être replacée dans les dynamiques de construction des reportages. D’abord, près de 60 % des reportages mettent en scène les forces de l’ordre, des délinquants ou des victimes. Ensuite, il faut voir sous quel angle sont abordées les institutions sociales et de réhabilitation. En effet, si le nombre de reportages est un indicateur d’importance, il doit être rapporté au contenu de ces derniers. Un reportage sur la police n’a pas la même signification lorsqu’il met en scène l’intervention policière, ou s’il enquête sur la corruption d’un service.


La teneur des reportages

Une grille de mesure de la teneur de ces reportages a donc été élaborée qui les distribue en cinq catégories

Les résultats de l’enquête montrent que près de 80 % des reportages valorisent l’approche coercitive ou spectaculaire et alarmiste. La prévention, la réhabilitation ou la critique représentent moins de 10 % des reportages.

Image

Faut-il dire que les magazines télévisés consacrés à « l’insécurité » présentent des reportages largement orientés ?

Plusieurs séries de raisons expliquent cette distribution, les reportages télévisés amplifiant les logiques journalistiques ordinaires dans le traitement de l’information. D’abord, le travail journalistique favorise des modes de présentation, dont les velléités pédagogiques induisent un travail de simplification, d’explicitation projeté sur les capacités de compréhension présumées du public. Tout événement complexe doit pouvoir être réduit à une explication simple. Ceci est d’autant plus vrai que les journalistes ont peu de temps pour enquêter et peu de place pour rendre compte des faits. De ce point de vue, un article du journal Le Monde est généralement moins réducteur que quelques minutes de reportage. Mais même en tenant compte de ces différences, le principe demeure. Le cadrage d’une question aussi vaste que celle des « banlieues », qui renvoie à des causes comme le chômage, les politiques urbaines, de transport, d’éducation, de sécurité, à l’immigration, à la décomposition de l’identité ouvrière est réduit dans les médias à quelques stéréotypes préétablis comme la dérive vers les ghettos à l’américaine, par exemple [14], le rajeunissement ou le durcissement de la violence. Cette volonté de simplification explique l’engouement pour les catégories explicatives sommaires (ou manichéennes), permettant d’attribuer bons et mauvais points, de désigner les « victimes » et les « coupables ».

La simplification s’accompagne également d’une tendance à la personnalisation des protagonistes. Que la focale soit mise sur une victime, sur un délinquant, sur un policier ou sur un juge, l’individu incarne le tout. Il symbolise l’ensemble des victimes, des délinquants des policiers ou des juges. Sa souffrance, sa méchanceté, ou son courage, sa résignation sont celles de tous ses homologues. Cette « écriture » renforce ainsi la proximité des faits et les rend bien plus réels qu’une explication abstraite. Elle fait primer l’émotion qui ressort du propos sur la froideur d’une analyse plus distanciée.

L’affaire de « Papy Voise » illustre de manière parfaitement caricaturale ce phénomène. Trois jours avant le premier tour de la présidentielle, le 18 avril 2002, un septuagénaire est agressé à Orléans. Selon son récit, deux « jeunes » auraient tenté de le rançonner avant de mettre le feu à son pavillon. Dans une campagne dominée par le thème de l’insécurité, ce fait divers est collectivement transformé en symbole. Comme l’indique ce journaliste : « le visage tuméfié du gentil vieillard tombait à pic. Comme si la fresque apocalyptique brossée toute l’année précédente, sur les écrans de télévision, avait besoin de l’image de la victime absolue, faible d’entre les faibles, un vieillard sans ressources, et naturellement dépourvu de toute méfiance, triplement faible, triplement victime, victime idéale [15] ». L’auteur supposé de cette agression (« un jeune maghrébin bien connu des services de police » selon la presse) a été ensuite innocenté par la justice et on apprit plus tard que « Papy Voise » fut condamné pour des faits qui entreraient directement dans la catégorie médiatique de « pédophilie »). Et les mea culpa postérieurs (renforcés par le traumatisme de l’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle) n’empêchèrent pas la répétition à l’identique de ce qui peut être considéré comme une tendance lourde du traitement de l’information.

Ensuite, cette dramatisation est aussi l’un des procédés utilisés pour éviter le décrochage des publics. Titres, manchettes, photos, infographies en presse écrite, succession rapide des séquences et images choc à la télévision apparaissent comme autant de technologies visant à maintenir l’attention et, dans la logique de concurrence commerciale entre médias, à conquérir des publics. Or, certaines unités de police (comme les BAC) sont potentiellement pourvoyeuses d’images « choc ». Il suffit d’une course poursuite, d’une intervention un peu musclée, d’un jet de pierre, pour ramener des images, qui, montées et couplées avec une voix off auront l’effet recherché (ou du moins ceux qui se livrent à ce travail le croient-ils). L’exemple le plus abouti est sans doute l’émission Cops, diffusée aux États-Unis sur la chaîne Fox, dans laquelle des caméramans embarquent dans les voitures de police et suivent, caméra à l’épaule leurs interventions. S’ils sont moins « bruts » en France, ces reportages spectaculaires constituent une grande part de ceux qui sont présentés dans les magazines télévisés étudiés. Faciles à réaliser, ils ont l’avantage de concilier temporalité courte, images d’action et explication simple. Exactement le contraire de ce que pourrait être le traitement du travail d’un juge des enfants, d’un éducateur spécialisé ou d’un travailleur social, qui travaillent dans la durée, souvent sans résultats visibles et font coïncider causes sociales, familiales et personnelles.

Aux côtés de ces contraintes strictement professionnelles (ou du moins de ce qui est vécu comme tel), il ne faut sans doute pas sous-estimer la part d’attraction personnelle pour les actions spectaculaires des forces de l’ordre, que l’on observe chez certains journalistes (et notamment des journalistes d’image). Le sentiment que l’ordre ordinaire des choses est suspendu lors d’une « chasse » aux délinquants participe d’une forme de fascination dont certains chercheurs ne sont pas toujours exempts.

Et ceci d’autant plus que les institutions coercitives se prêtent assez facilement au jeu, allant parfois jusqu’à devancer les demandes. En mettant en scène leur lutte contre les formes de délinquance les plus visibles, ces reportages constituent en effet autant d’attestations publiques de l’action énergique de l’État (et de justification de l’utilité des forces de sécurité).

Laurent Bonelli


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Un bon client : Alain Bauer

Alain Bauer incarne une sorte de figure-type de l’expert en sécurité. Outre le cumul de ces positions d’autorité, il possède trois atouts majeurs pour plaire aux médias : le sens de la formule, la mise en cause de « l’immobilisme » des administrations publiques et la disponibilité.

Le discours du consultant repose d’abord tant sur des « coups médiatiques » que sur des formules brèves et travaillées. « La France est plus criminogène que les États-Unis », assène-t-il contre toute vraisemblance dans Le Figaro (18 juin 2001) et sur les ondes de France Inter. « Nous vivons sous le règne des trois A : Aveuglement – Angélisme – Amateurisme (refus de voir un problème, exportation du problème et mauvais diagnostic du problème) » explique-t-il de conférence en plateau de télévision, de tribune de presse en émission de radio. Outre le caractère bref et percutant de ces formules (i.e. adaptées aux formats médiatiques), elles cadrent parfaitement sur le fond avec la mise en cause par les journalistes du traitement de « l’insécurité » par les pouvoirs publics. La cécité, les lourdeurs « bureaucratiques », les revendications « corporatistes » ne manquent en effet jamais d’être opposées aux « vraies » souffrances des gens. L’invocation de « l’expert indépendant » donne à voir l’expression de leurs préjugés, en les plaçant sous la protection de son « autorité ». De cette manière, le rapport qu’il réalisa de sa propre initiative sur le temps de travail des policiers ne doit pas tant son succès à sa justesse (ses failles furent rapidement mises en lumière), à son « courage » (il fut fait avec l’aval du cabinet du ministre de l’Intérieur) qu’à l’image qui en fut donnée. En raison de dissensions internes au ministère de l’Intérieur, la polémique qui éclata conféra en effet à son auteur le statut de pourfendeur de la gabegie de l’institution policière. Catégorie médiatique dont certaines émissions télévisées (Combien ça coûte sur TF1) ou certains journalistes (François de Closets par exemple) se sont depuis longtemps fait les hérauts. Ajustés dans le fond et dans la forme, ces discours sont d’autant plus attractifs pour des journalistes qu’Alain Bauer n’est pas avare de ses interventions dans les médias. Comme il indiquait en entretien :

« Je refuse deux interviews sur trois parce qu’à force, ça n’a aucun sens et j’ai l’impression de rabâcher toujours la même chose. Ce que j’aime le plus, c’est plutôt la radio, des émissions où on a du temps. […] Sur l’affaire lilloise [16], là, j’ai fait deux télés, sept radios plus la BBC dans la même journée. Je le fais parce que je considère que c’est légitime, parce qu’on répond à la sollicitation, parce que le vide n’est pas une chose intelligente. […] De toute façon, une fois qu’ils récupèrent un expert, les journalistes se le refilent. Ils sont très gentils ; ils sont très partageurs. C’est-à-dire qu’il y en a beaucoup qui viennent par l’intermédiaire d’autres, qui disent : "Ah, ben Machin m’a parlé de vous". Et puis voilà. […] Comment vous voulez qu’un journaliste qui s’occupe de faits divers passe ses journées à dépiauter les statistiques. C’est pas son métier. Je le reconnais parfaitement. Notre métier à nous, c’est de lui dire : "Voilà ce qui se passe". Soit c’est un journaliste qui fait bien son travail et il dit : "Tiens, j’ai au moins un interlocuteur qui le jour nécessaire pourra mettre en perspective des choses" et il vient vous voir, soit il continue à raconter n’importe quoi gentiment » [17].


Notes

[1] Laurent Bonelli, La France a peur. Une histoire sociale de l’"insécurité", La Découverte, coll. « cahiers libres », 2008.

[2] Date du second tour des élections législatives, remportées par l’UMP et qui borne ce travail.

[3] Les reportages strictement consacrés à la police ont été écartés, pour éviter la surreprésentation logique des policiers parmi les invités qui en découlerait.

[4] « Quel remède à l’insécurité ? », 25 janvier 1999 ; émission du 11 décembre 2000 ; « La montée de la délinquance », le 12 février 2001 ; « Que faire des mineurs délinquants ? », le 11 juin 2001 ; « La violence des mineurs », le 3 décembre 2001 et « L’insécurité », le 13 mai 2002. Émissions auxquelles il faudrait rajouter celle du 5 novembre 2001 portant sur « Le malaise de la police française ».

[5] Il est probable que ceux dont les professions restent inconnues soient davantage liés au travail social ou à la vie des quartiers.

[6] E. Neveu, « Les émissions politiques à la télévision : l’impossible vulgarisation ? », Quaderni n°16, hiver 1991-1992, pp. 86 et suiv.

[7] Nombre de journalistes de premier plan, parmi lesquels certains présentateurs des émissions étudiées, ont ainsi pour partenaire des hommes politiques de premier rang. Sur les relations entre élites politiques, médiatiques et intellectuelles, voir S. Halimi, Les Nouveaux Chiens de garde, Liber-Raisons d’agir, Paris, 2005.

[8] S. Rouquette, L’impopulaire télévision populaire. Logiques sociales, professionnelles et normatives des palabres télévisées (1958-2000), L’Harmattan, Paris, 2001.

[9] Auxquelles il faudrait ajouter une interview présentée comme un reportage dans l’émission France Europe Express du 5 novembre 1997, animée par Christine Ockrent et consacrée à « L’insécurité dans la ville ».

[10] Elle sera publiée sous le titre Le Sentiment d’insécurité, Presses universitaires de France, Paris, 1993.

[11] Citons notamment Insécurité et Libertés, le Seuil, Paris, 1994, La Société incivile, le Seuil, Paris, 1996, Sociologie politique de l’insécurité, Presses universitaires de France, Paris, 1998, La Société d’hospitalité, le Seuil, Paris, 2000, La Délinquance des jeunes. Les 13-19 ans racontent leurs délits, le Seuil, Paris, 2001, Tolérance zéro ? Incivilités et insécurité, Odile Jacob, Paris, 2002.

[12] Le chercheur et les médias. Entretien avec Sebastian Roché, in A-C. Douillet et J-P. Zuanon, Quarante ans de recherche en sciences sociales. Regards sur le CERAT 1963-2003, Presses universitaires de Grenoble, 2004, pp. 167-177.

[13] Les arguments de Sebastian Roché seront développés au chapitre 11.

[14] L. Wacquant, Parias urbains. Ghetto, banlieues, État, La Découverte, Paris, 2006.

[15] D. Schneidermann, Le cauchemar médiatique, Denoël, Paris, 2003, pp. 63 et suiv.

[16] Affrontements dans le quartier de Lille-sud suite à la mort de Riad Hamlaoui, tué par un policier dans la nuit du 15 au 16 avril 2000.

[17] Entretien, 24 avril 2000. Cité dans P. Rimbert, « Les managers de l’insécurité »…, op. cit, pp. 272-273.

http://www.acrimed.org/article3870.html
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Critique des médias

Messagede Nyark nyark » 15 Oct 2012, 12:05

Acrimed
Voici la lettre d'information du site "Acrimed | Action Critique Médias" (http://www.acrimed.org/).

Cette lettre recense les articles parus sur notre site entre le 9 septembre et le 15 octobre 2012.


N'hésitez pas à copier/coller et à transmettre tout ou partie des informations contenues dans ce message à celles et ceux qui pourraient être intéressés.
La religion est la forme la plus achevée du mépris (Raoul Vaneigem)
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Re: Critique des médias

Messagede altersocial » 15 Oct 2012, 16:18

Un article qui m'a beaucoup intéressé puisque illustrant certaines de mes propositions dans le sujet "fonction socio-politique de l'islamophobie" :


« Le traitement médiatique de l’ «insécurité» » : vidéos d’un Jeudi d’Acrimed, avec Laurent Bonelli

le 10 octobre 2012

Le 24 mai 2012, dans le cadre des « Jeudi d’Acrimed », nous recevions Laurent Bonelli, maître de conférences en science politique à l’Université de Paris Ouest Nanterre-La Défense. Laurent Bonelli est notamment l’auteur de La France a peur. Une histoire sociale de l’ « insécurité » [1], dont nous nous avons publié deux extraits [2]

I. En guise de présentation du débat

Les médias font volontiers leurs choux gras de l’« insécurité ». Le thème se prête aux raccourcis et aux amalgames ; il alimente régulièrement les pratiques journalistiques les plus douteuses et les commentaires les plus démagogiques. De manchettes racoleuses jusqu’aux dossiers en apparence sérieusement documentés, la décennie écoulée n’a pas été avare en accroches saisissantes déclarant ou prédisant l’explosion de l’ « insécurité », vantant la réussite ou (plus souvent) dénonçant l’échec des « politiques de sécurité », annonçant la publication des prétendus « vrais chiffres de l’insécurité »... Mais de quelle « insécurité » parle-t-on ? Quels sont les impensés véhiculés par l’usage générique, souvent simpliste et irréfléchi, de ce terme fortement équivoque ? Comment l’imaginaire sécuritaire imprègne-t-il les représentations communes ? Comment tâcher de se défaire de son emprise ?

L’ « insécurité » – ou plutôt son exploitation médiatique – fait vendre. Et ce, particulièrement en période de « crise ». La chose n’est pas nouvelle et les historiens ont bien décrit la façon dont des périodes de mutation sociales et politiques s’accompagnent d’une inflation des discours publics autour du « crime », de la « délinquance », de la « violence » ou de l’ « insécurité » ; autant de termes qui méritent des guillemets, tant ils renvoient à des phénomènes très divers tant par leurs formes que par leurs causes et leurs conséquences sociales et individuelles. Ces mêmes historiens ont en même temps montré combien les discours publics sur les diverses formes de déviance qui se manifestent dans la vie sociale ne sont pas neutres : ils reflètent, et souvent contribuent à reproduire, un état momentané des rapports de force sociaux. Ainsi, si les transgressions des nantis gagnent parfois à être placées sous les projecteurs, ce sont bien plus souvent les déviances populaires qui sont thématisées et dramatisées. De ce point de vue, le début du XXIe siècle n’est pas sans faire écho à des périodes passées, notamment la fin du XIXe siècle.

Or, pris dans l’urgence de l’actualité, le commentaire journalistique manque souvent du recul nécessaire à un traitement équilibré et raisonné de ces questions. En faisant l’économie d’une mise en perspective de la situation présente, il nourrit une certaine amnésie sociale. Montant en épingle des faits divers tragiques, ou se gargarisant de statistiques sans en préciser les précautions d’emploi, le discours médiatique le plus courant ne permet pas d’avoir une vue globale, informée et distanciée de phénomènes hétéroclites hâtivement regroupés sous le terme d’ « insécurité ». Cette insécurité dont il est abondamment question se réduit généralement aux atteintes directes et visibles aux biens personnels et aux personnes privées. Ce faisant, des formes plus diffuses ou subreptices, mais bien réelles, d’insécurité, sont passées sous silence ou du moins minorées, ou ne sont simplement pensées à travers cette grille de lecture. Quelle place celle-ci accorde-t-elle à l’insécurité sociale, face au logement, à la santé, au salaire ? Le traitement médiatique ne se focalise-t-il pas outre mesure sur les quartiers populaires, auxquels il semble imputer exclusivement des comportements condamnables qui sont aussi le fait de classes plus aisées ? Quid de la délinquance « en col blanc », dont le coût social est parfois colossal ? Bref, peut-on dissoudre, comme les médias le font trop souvent, la question sociale dans des problèmes de délinquance qui tendent à lui faire écran ?


+ vidéos :

Jeudi d’Acrimed avec Laurent Bonelli - Conférence

A diffuser. A faire circuler. 8-)
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