La démocratie bourgeoise : pas si démocratique que ça.

La démocratie bourgeoise : pas si démocratique que ça.

Messagede atheus » 03 Sep 2012, 11:18

Un article tiré de la revue 'Rafale' au sujet de la démocratie :

Démocratie, j'écris ton nom

Démocratie, j'écris ton nom
Auteur: Brousse
Zine : Rafale #7

Il est de bon ton, dans nos sociétés occidentales, de montrer du doigt les
radicalismes du monde arabe. Mais, presque jamais nous ne remettons en cause
nos radicales méthodes qui visent à occidentaliser le reste du monde. Et le
bouclier de façade que nous nous offrons pour légitimer tous les impérialismes
(culturels, scientifiques, politico-économiques) est la volonté de transmettre
ce modèle de démocratie qu'est le nôtre, modèle qui n'est en réalité que du
vernis démocratique sur du marbre autoritaire . Effectivement aujourd'hui, les
promoteurs de la démocratie justifient des guerres colossales au nom de
l'exportation primordiale de cette prétendue démocratie exemplaire qu'ils
représentent. Mais rares sont les exemples historiques où la démocratie s'est
téléportée dans un pays (dont les caractéristiques sociales, politiques,
économiques et historiques nécessaires à l'instauration d'une démocratie
n'était pas au rendez-vous) par un simple claquement de doigt d'un dirigeant en
cravate en mal de notoriété. Parce qu'on ne naît pas démocrate, on le devient !
Imposer à un pays le régime démocratique (même si l'exemple de la guerre en
Irak nous permet d'affirmer que cette résolution a souvent bon dos) lorsqu'il
n'y est pas prêt, c'est forcer un accouchement... pire, cet impérialisme est en
fait un avortement politique ! Premièrement, il est totalement absurde et
paradoxal de prétendre instaurer la démocratie par la force : cette méthode
sera forcément source de conflit et une situation conflictuelle est
inconciliable avec le développement d'un quelconque processus démocratique.
Ensuite, dicter à un autre la ligne politique à suivre sous-tend de se vanter
d'avoir la situation politique la meilleure qu'il soit, hors, et c'est ce point
qui sera développé par la suite, nous sommes loin de cette réalité. Nos
gouvernements surfent constamment sur l'ambiguïté de la démocratie, comme
l'illustre affreusement bien la phrase devenue célèbre de Winston Churchill,
dont beaucoup de hauts dirigeants se revendiquent : " La démocratie est le pire
des régimes, à l'exception de tous les autres ". Le cynisme est à revendre !
Mais alors, si les pays se prévalant de la démocratie ont des démarches et des
pratiques peu démocratiques, ne serait-il pas grand temps de rappeler ou de
redéfinir les fondements, les principes, et les frontières de ce régime ?
A la frontière entre les sujets politiques et philosophiques, la Démocratie
représente, à l'échelle de l'histoire de l'humanité, le modèle idéologique le
plus admirable. Elle est le seul concept aboutit visant à l'épanouissement des
individus dans la collectivité. Il me semble important, dans la mesure où la
Démocratie comme valeur noble est un idéal inaccessible à viser, de dénoncer
toutes les dérives modernes lui étant nuisibles, dans l'objectif de
caractériser et de délimiter notre futur idéal.

Séparation des pouvoirs... tous les pouvoirs ?

Montesquieu, au XVIIIe, a poursuivi les travaux de Locke pour théoriser la
séparation des pouvoirs : exécutif, judiciaire et législatif. Cette séparation
est obligatoire pour combattre l'absolutisme et éviter que le système se
métamorphose en monarchie, où un seul homme détiendrait tous les pouvoirs.
Lorsque l'on sait qu'en France, la constitution de la Ve République stipule que
le président de la République est aussi le président du Conseil de la
Magistrature, qu'il tire les ficelles de la quasi-totalité du législatif, qu'il
est maître de l'exécutif, et que son emprise sur le judiciaire est importante ;
que c'est lui qui maîtrise l'ordre du jour du gouvernement ; et qu'il a, seul,
la possibilité de dissoudre l'assemblée ou de contourner les débats
parlementaires via l'article 49-3, est-il légitime de parler de monarchie ?
Subséquemment, est apparu dans l'ère mondialisé deux autres facteurs,
d'authentiques pouvoirs dont l'émergence était aussi imprévisible
qu'inimaginable pour Montesquieu : les pouvoirs financiers et médiatiques. Non
pas que l'émergence d'un (contre-)pouvoir me soit dérangeante, bien au
contraire, mais dès lors qu'il est intimement lié à l'une des trois fonctions
de l'Etat, il convient de se demander si la démocratie en place ne craquelle
pas sous le joug d'un de ces deux lobby.

Tout d'abord, les pouvoirs financiers, qui sont de plus en plus liés aux hommes
d'état. Régulièrement, des " affaires ", plus ou moins médiatisées, ébranlent
les sphères financière et politique, remuant d'épineuses questions quand à de
nouvelles formes modernes de corruption. Alain Juppé est le protagoniste le
plus emblématique de cette faille dans notre système politique. Il avait déjà,
en 1995, était impliqué dans une affaire dont il était soupçonné d'avoir donné
des ordres à ses services pour diminuer le loyer de son fils, et d'avoir
utilisé l'argent du contribuable pour réaliser les travaux de ce même
appartement au coeur de Paris. Verdict de la Cour : son fils doit déménager !
Trois ans plus tard, il est accusé d' " abus de confiance, recel d'abus de
biens sociaux, et prise illégale d'intérêt " pour être le principal participant
à un système de financement occulte d'emplois fictifs au sein même du RPR.
Nouveau verdict ? Quatorze mois de prison avec sursis et un an d'inéligibilité.
Qu'à cela ne tienne, il partira un an en vacances à Montréal. Si la peine est
si faible, c'est, selon la Cour, grâce à " ses années au service de l'Etat ".
Que l'on me montre l'article qui stipule que l'implication dans la vie
politique est une circonstance atténuante. La Justice a ici clairement annoncé
qu'un homme politique est assujetti à une peine moins lourde qu'un citoyen
ordinaire. Donc, quand c'est un dirigeant qui est assis sur sa chaise dans le
tribunal, le marteau du juge n'est rien d'autre qu'un instrument pour tester
les réflexes d'une justice hémiplégique ; lorsque c'est un citoyen lambda qui
est à la même place, ce marteau sert alors à enfoncer le clou de la misère
sociale, et les barreaux de la barre devant laquelle il se tient, titubant, ne
sont qu'un avant goût des barreaux de la cellule qui l'attend. C'est ainsi
qu'en 2004, un jeune qui insulta le Ministre de l'intérieur de l'époque écopa
d'un mois de prison ferme en moins de deux jours... Dans le même ordre d'idée,
notre nouveau président présente des affinités avec les principaux groupes
financiers, affinités faisant trembler les plus lourdes statues de marbre. Avec
la société Lasserre, grand groupe immobilier, il est accusé d'avoir bénéficié
de l'acquisition de terrains sur l'île de Jatte et d'un rabais de 300 000 euros
pour l'achat et l'aménagement de son appartement, sous prétexte qu'il était
maire de Neuilly-sur-Seine. L'affaire sera classée sans suite par le parquet.
Il est également très proche de Martin Bouygues (PDG du groupe Bouygues et
administrateur de TF1), qu'il présente comme " [son] frère ". Celui-ci est le
parrain du dernier fils des Sarkozy et était présent à son mariage aux côtés de
Bernard Arnault (PDG du groupe LVMH, qui détient les grandes marques de luxe
mondiales : Louis Vuitton, Dior, Moet et Chandon, Kenzo, Jacobs... mais aussi
des marques de parfums, de vins, de montres de luxe, de médias...). Le petit
homme est un ami de longue date avec Edouard de Rothschild, le descendant des
célèbres banquiers ; avec François Pinault, administrateur de Mittal-Steel ;
avec Dominique Desseigne, président du conseil de surveillance du groupe Lucien
Barrière, principal groupe de casinos et d'hôtels-palaces en France ; avec
Antoine Bernheim, président de Generaldi, administrateur de LVMH et de Bolloré
; avec Vincent Bolloré, président du groupe Bolloré qui est implanté autant
dans l'industrie cinématographique, que dans l'agriculture, dans les médias ou
bien dans les transports d'affaires : il a payé les vacances du président sur
son yacht personnel au large de Malte juste après son élection, et, plus
récemment, il lui a prêté son jet privé pour avoir la joie de partir en
vacances en Egypte avec sa nouvelle famille. Justification bringuebalante "
Vous auriez préféré que je me déplace aux frais du contribuable ? 1". Soupir.
Vient enfin la récente affaire Clearstream, qui impliqua pas moins que Michèle
Alliot-Marie, Jacques Chirac, Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy pour les
politiques les plus connus ; EADS, AB Associates et la société Salamandre du
côté industriels financiers. Cette affaire est, de par sa complexité,
finalement bien méconnue du public. Ce qu'on en retiendra, même si l'affaire
est encore en cours, c'est qu'une fois de plus, les pouvoirs financiers et
politiques ont des liaisons bien trop obscures et intimes pour que n'en émane
un soupçon de vérité. Si les hommes politiques profitent de leur mandat pour
couvrir les plus sinistres méthodes qui renflouent leur compte en banque off-
shore, alors il nous appartient de se demander si leur mandat sert à gouverner
un pays et à augmenter le bien-être des citoyens, ou si il est un instrument de
défense pour dissimuler et masquer leurs pratiques crapuleuses, tout en se
couvrant d'éventuelles futures poursuites judiciaires...

Ensuite, les pouvoirs médiatiques, dont la dangerosité est de plus en plus
palpables en raison de ses attachements avec les pouvoirs politiques.
Commençons par Arnaud Lagardère, président du groupe Lagardère. Cette
entreprise comprend deux branches : Lagardère Média et EADS, filiale
aéronautique. Le président de l'entreprise est en ce moment inculpé de délit
d'initié pour avoir vendu ses actions EADS avant la chute du cours à cause des
retards de l'A380. Je ne me fais pas de souci pour lui quand au jugement final
du tribunal. Lagardère Média comprend la filiale Hachette et la filiale
Lagardère Active, qui s'occupe des nouveaux médias. Mais cette branche est
surtout détentrice d'une quantité affolante de sources d'informations2.
Rajoutons à cela Patrick Le Lay, ancien PDG de TF1 et actuel président du
conseil d'administration de la même chaîne. Il est à l'origine de la création
de la chaîne de télévision TV Breizh, haut-gradé de la franc-maçonnerie, et est
aussi proche de Jack Lang que de Sarkozy. Etienne Mougeotte, ancien vice-
président de TF1 et de LCI, et actuel vice-président de la chaîne d'information
internationale France 24 et du Figaro Magazine et est par ailleurs le
conseiller officieux de Nicolas Sarkozy sur son attitude médiatique à avoir.
Allez donc dans un kiosque et enlevez Marianne, Le Monde diplomatique, Le
canard enchaîné, Charlie Hebdo et le Nouvel observateur. Quasiment la totalité
de la presse restante, les centaines de magasines et de journaux, sont détenus
par trois personnes : Lagardère, Dassault, et Bouygues. Trois fidèles et
intimes amis du président. Alors que nous assistons de plus en plus à des
méthodes de censure et de propagande, les liens entre hommes d'état et pouvoirs
médiatiques ne peuvent que représenter une accélération du processus qui
viserait à éradiquer les décombres de démocratie à disposition du citoyen.

Enfin, une nouvelle courroie s'est implantée dans le mécanisme de notre
société, celle liant les deux groupes de pression : les finances et les médias.
Récemment, le groupe Socpress, étant l'un des principaux éditeurs de journaux
d'information hexagonale, qui ne dirige pas moins qu'une soixante-dizaine de
journaux et magazines (L'express, L'expansion, Le figaro, les hebdomadaires
régionaux du nord-est et de l'ouest...), et qui, accessoirement, est détenteur
du club de football de Nantes, est dirigé par un personnage non méconnu des
scandales financiers : Serge Dassault. Vendeur d'armes à ses heures perdues et
ancien sénateur, ses liens avec Sarkozy ne sont plus à établir : il l'a
ouvertement soutenu pendant sa campagne ; mais il est surtout un ami personnel
de longue date et est le client du cabinet d'avocat que détient le président.
Dans un élan d'insolence, il n'hésite pas à postillonner ces quelques mots " la
presse doit diffuser des idées saines, car nous sommes en train de crever à
cause des idées de gauche 3". Dire et expliquer pourquoi il faudrait s'insurger
et se révolter contre le gauchisme, c'est une chose, mais dire que la presse
doit arrêter de diffuser des idées de gauche malsaines, c'est est une autre -
c'est, pour ma part, ce que j'en ai compris. Mais alors, entre être contre une
idéologie, une valeur ou simplement une idée, et promouvoir la diffusion de
débats unilatéraux, voire pas de débat du tout, il y a un pas énorme vers la
censure, pas géant pour le pouvoir en place, pas immense, mais en arrière, pour
la Démocratie. Déjà, qu'un homme financier ait des liens avec le président,
cela me remue l'estomac, même si j'en conviens que ces liens aient toujours
existé, et ce, pas qu'avec la droite au pouvoir ; mais que ce même homme, qui
détient la majorité de la presse française, se montre publiquement contre le
pluralisme d'information, il faudra que je garde les dents bien serrées pour ne
pas dégueuler. Pour ma part, ma conviction personnelle est que devrait être
punie par la loi tout acte qui tenterait de déposséder les propriétaires d'une
entreprise de presse ou qui limiterait leur liberté d'expression.

Pluralisme d'information, censure et propagande.

Le pluralisme d'information se définit comme étant la capacité de l'ensemble
des médias à proposer des idées opposées, de manière à ce que le paysage
médiatique puisse fournir aux auditeurs, aux téléspectateurs ou aux lecteurs
les éléments pour pouvoir créer un débat et se faire un avis sur un sujet
précis. Il est l'une des composantes essentielles de la Démocratie dans la
mesure où celle ci repose sur l'envergure de la palette d'outils offerte aux
citoyens qui permette de s'informer et de s'interroger sur quelque sujet que ce
soit, de quelque manière que ce soit. Seulement, à observer l'actuel état des
médias, il me paraît évident qu'il faille soupçonner notre société de réduire
ce pluralisme d'information et, de fait, d'anesthésier encore et toujours plus
les restes de démocratie. Même si les individus qui ne se contentent d'accéder
qu'à la partie émergée de l'information ne sont pas imputables dans ce triste
constat, les médias ont leur grande part de responsabilité, dès lors où leur
seul souci reste la direction de la courbe d'audience. Parlons de la nouvelle
presse dite gratuite. Outre le fait que sa gratuité n'étant qu'une illusion,
puisque cette presse est rémunéré par la publicité (à l'évidence, le coût de la
publicité est répercuté sur le prix des produits, et donc du pouvoir d'achat :
tout le monde paye le journal que l'on prend en sortant du métro !), elle est
une incroyable ressource pour uniformiser et standardiser l'information, quand
celle-ci ne se transforme pas en communication. 20 Minutes est le journal le
plus lu en France ! Au côté de Direct Soir et de Métro, ils sont un arsenal
contre l'émergence de débats, débats qu'ils gomment de leur liste de leurs
préoccupations. Sous couvert de neutralité, la presse gratuite ressemble
farouchement à des copiage des dépêches de l'AFP. Il est primordial, tout de
même, de rappeler que l'Agence France Presse est en grande partie financée par
l'Etat, ce qui fait de la troisième agence de presse internationale (derrière
American Press et Reuters) une particularité franco-française. Elle fournit de
l'information à 400 000 médias sur le globe, dont les médias gratuits français.
Sophie Caillat, journaliste à 20 Minutes, n'hésite pas à avouer que les quatre
(sic) rédacteurs du journal relèvent et copient leurs informations
principalement de l'agence française4. Lorsque la majorité de la presse lue
dans l'hexagone tire ses informations de la même source et n'offre pas d'idées
opposées mais seulement des articles brutes et neutres (curieusement, neutre a
la même étymologie que neutraliser5...), est-il nécessaire de continuer à
chercher les résidus de pluralisme d'information au sein des médias ?

Est plantée la question de la manipulation de l'opinion publique. Cette
manipulation, en plus de l'état de fait où les médias ne sont pas indépendants,
passe notamment par les sondages. Ceux-ci ne sont rien de plus que des calculs
pseudo-scientifiques. Il est navrant de voir l'attachement des sujets de notre
société aux seuls argument rationnels et scientifiques. Prenez une expression à
consonance grecque, rajoutez-y un chiffre, mélangez le tout. Le résultat
explosif vous offre un des plus grand concept marketing : l'omega3 ! Question :
qui est capable de me dire ce qu'est de l'omega3 ? Du bifidus actif ?
Qu'importe, c'est scientifique, donc vendeur. Le rationalisme, aux côté de
l'individualisme, est un pilier du néolibéralisme. Pas surprenant, alors, que
les individus plongés dans cette course effrénée accordent de l'importance au
sondages qui, en plus de s'offrir cette illusion scientifique composée de deux
chiffres tout au plus, oppose par définition deux camps : les majoritaires et
les minoritaires. Mais au delà de cela, la croissance du nombre de sondages
représente un réel piège pour la démocratie, principalement pour deux raisons.
La première réside dans le fait que les sondages prétendent êtres
représentatifs de l'opinion publique. En réalité, Pierre Bourdieu avait
démontré qu'il existe non pas une, mais plusieurs opinions publiques, toutes
différentes selon les catégories d'individus. Or les sondages supposent que
tous les sondés ont un avis sur la question posée, et qu'ils sont tous sur le
même pied d'estale, c'est à dire que les sondés sont considérés comme des
individus uniformisés, démunis de personnalité et de statut social. Seulement,
la réforme des régimes spéciaux ne mobilise pas les mêmes personnes que la
problématique de l'indépendance du Pays Basque, tandis que les sondages mettent
tous les oeufs dans le même panier, ou tous les citoyens devant les mêmes
questions. Les sondages additionnent les réponses mécaniquement sans se soucier
de la source de la réponse, et c'est en ce sens que les sondages se
différencient de l'enquête sociologique : il sont donc bien pseudo-
scientifiques. Au yeux du sondeur, un ouvrier, un technicien de surface, un
retraité, un chômeur, un cadre ou un immigré rwandais sont des atomes clonés
qui forment, ensemble, la molécule sociétaire. C'est avoir une bien triste
vision de la société que de considérer que tout ses membres sont semblables,
voire similaires. Et la deuxième raison, plus évidente, est dans la réponse à
la question : A quoi servent les sondages ? Fondamentalement , si notre volonté
principale était d'avoir, au pire un esprit critique, au mieux un avis précis,
sur un maximum de sujets possibles, quel intérêt pourrait-on apporter à l'avis
de la majorité ? Seulement, cette volonté d'épanouissement personnel ne peut se
faire sans temps libre, qui lui même se voit être diminué de jour en jour avec
la précarisation de la population. Donc, pour accréditer l'idée véhiculée par
les médias bien-pensants, on martèle la pensée dominante à coups de
pourcentages... La normalité est la ligne tracée par la majorité de la
population au milieu d'un vide des possibles. Les individus formant la majorité
ont peur d'ouvrir une autre voie possible, parce que peur de franchir et les
lois sociales, et les lois juridiques. Une transgression constituerait un signe
de déviance, voire de délinquance, à l'opposée même de la normalité. La crainte
de la déviance est symptomatique de l'individu appartenant à la majorité.
Ainsi, faut de temps libre, on se tient au courant du discours ambiant sans
trop d'efforts : en encadré, en gros, sur la couverture de 20Minutes, lu juste
avant de se traîner au bureau-supplément-climatisation : " 68 % de la
population française est pour la vidéosurveillance, parce qu'elle n'a rien à se
reprocher ". Soulagement. Tension qui baisse. Pouls qui diminue. C'est bon, moi
non plus je n'ai rien à me reprocher... Donc, pour répondre à la question
initiale, les sondages serviraient seulement à faire penser aux indécis, aux
naïfs ou aux imbéciles ce que pense la majorité. Les sondages resteront dont
antidémocratiques tant que les chiffres avancés auront davantage un objectif
maniputatoire qu'informationnel. A cela s'ajoute l'idée que les enquêtes
d'opinion sont, plus souvent que ce que l'on pense, faussées : la majorité est
vouée, pour la plupart du temps, à, en plus de rester toujours la même
majorité, grossir en effectifs.

En son sens originelle, la censure est définie comme une limitation de la
liberté d'expression. C'est à dire qu'elle consiste à éradiquer une quelconque
émergence d'une idée dérangeante pour le pouvoir en place. Les hommes
politiques contemporains ayant vite compris, après la chute du mur de Berlin et
l'extinction du dernier grand totalitarisme, que cette forme de censure - bien
qu'encore trop en application - était trop connue de la population pour
continuer à en abuser, ils coopérèrent à la création d'une nouvelle forme de
censure : celle où, au lieu de supprimer l'information perturbante, on la noie
dans d'innombrables autres informations. Ce n'est pas d'une théorie du complot
qu'il s'agit ici, mais d'un consensus (que je veux bien qualifier
d'involontaire) entre les hautes sphères, consensus axé autour de la bien-
pensance. C'est ainsi qu'un journaliste indépendant pourra, certes, publier un
article un tant soi peu dérangeant, mais cet article n'occupera qu'une colonne
dans un journal régional, journal appartenant à une rare presse indépendante
dont les déficits provoquent des sauve-qui-peu-généraux dans l'ensemble de la
rédaction. Quelle est donc l'influence de cet article sur la population, face
aux déferlantes d'images télévisées qui occupent en moyenne trois heures vingt
par jour les foyers français ? Bien que peu en application, la censure qui a
pour nature de supprimer purement et simplement de l'information fait, de temps
à autres, un aller-retour dans notre paysage, puis retourne se cacher derrière
son paravent translucide. Ainsi, en août 2006, Arnaud Lagardère qui détient
Paris match, a renvoyé son rédacteur en chef Alain Génestar. Son crime étant
d'avoir accepté de mettre en Une du magazine une photo de Cécilia Sarkozy en
compagnie de son amant, le président de Publicis Event Worldwide. Nicolas,
alors en rogne et proche de Lagardère, lui a simplement demandé de s'occuper
du cas de Généstar. Peu de temps après, Paris Match change de rédacteur en
chef. De la même façon, Victor Noir, auteur du livre à scandale " Nicolas
Sarkozy ou le destin de Brutus ", était invité sur le plateau d'Ardisson en
2005 pour promouvoir son ouvrage, lorsque, au dernier moment, la production a
annulé le rendez-vous sous prétexte qu'il " n'y a pas de contradicteurs à
opposer 6". Un mois plus tard, deux journalistes ayant réalisé un reportage
intitulé " Sarkozy mot à mot " voient sous leurs yeux l'annulation de la
diffusion de leur reportage sur France 2 et France 5. Cette vidéo se retrouvera
donc sur le site internet français Daylimotion... pas pour longtemps : la
plateforme l'a finalement retiré pour cause de " non respect des conditions
d'utilisation ". A savoir que son directeur à l'époque était Séverin Naudet,
aujourd'hui conseiller technique de François Fillon. Dans les pires régimes
dictatoriaux, la censure a toujours donné la main à la propagande. Ainsi, nos
manuels d'histoire nous montrent cette photo célèbre où Trotsky est effacé,
pour le plus grand bonheur de Staline. Mais quelle différence entre supprimer
un opposant d'une photo et se faire effacer les bourrelets dans une photo du
magazine le plus lu, le tout pour soigner son image ? Le président, 1m68, se
retrouve dans un cliché à la même auteur que son homologue américain, 1m83.
Frustration, ou simple volonté de ne pas apparaître plus petit que le plus
grand des grands ? George Orwell, dans 1984, avait somptueusement bien montré à
quel point le contrôle du passé est inhérent à un régime dictatorial. Dans
cette société, les institutions ont un pouvoir complet sur les écrits, les
affiches, les diffusion audiovisuelles passés, dans l'objectif d'apporter un
semblant de véracité aux nouvelles déclarations du gouvernement. Sans tomber
dans la thèse conspirationniste, nous sommes en droit de nous demander si ce
n'est pas de la manipulation que de dire que " La France n'a jamais commis de
génocide ", ou encore de vanter les mérites du colonialisme français dans les
manuels scolaires... Dès lors, on ne s'insurgera plus des méthodes
dictatoriales et autoritaires des pires régimes internationaux sans avoir
préalablement osculté de près notre propre régime politique.

Que l'on soit en démocratie aujourd'hui, beaucoup en doutent. Affirmer que le
modèle théorique de démocratie représentative dans lequel on est soit
véritablement démocratique, il y a matière à débats. Mais il faut souligner une
chose, c'est que les défenseurs de ce modèle se cachent derrière le caractère
souverainiste de cette démocratie. Autant dire que pour donner raison à ces
personnes, il faudrait que les citoyens soient libres de penser, que leurs
pensées ne soient pas influencées par une idéologie dominante, de manière à ce
que la démarche intellectuelle qu'à fait le citoyen pour choisir ce
représentant plutôt qu'un autre n'ai pas été insufflée ni par les médias, ni
par le pouvoir en place ; sans quoi le mandat des représentants du peuple ne
serait plus légitime. Ainsi, on peut critiquer la démocratie représentative en
théorie, tout en s'enfermant dans d'interminables débats sur ce qu'on entend
par Démocratie, mais il faut avant tout mettre le doigt sur les paradoxes en
pratique de notre régime. La démocratie représentative est démocratique en
théorie ? Bien. Mais en pratique, est-ce démocratique d'organiser de nouvelles
formes de campagnes de propagandes et de manipuler ceux qui, plus tard,
glisseront un bout de papier dans une fente ?



Démocratie et liberté

La liberté, dans sa dimension la plus simpliste, réside dans l'absence de
contraintes. Mais la vie en collectivité est inévitablement sujette à créer
diverses contraintes. C'est en suivant ce raisonnement que la liberté en
collectivité est finalement le droit de faire tout ce dont l'interdiction n'est
pas justifiée par la nature de l'homme et la préservation de la société. Mais
alors, toutes les dérives imaginables de notre société peuvent être légitimés
par un appel à la liberté, et la préservation de la société qui en découle.
Nous en sommes ainsi arrivés à cet état de fait, aussi accablant que paradoxal,
où c'est au nom de la liberté que tous les aspects les plus virulents des
dictatures (tyrannie, arbitraire, impérialisme...), donc les plus aliénants et
ceux entravant le plus les libertés, sont justifiés et appliqués dans nos
régimes dits démocratiques. De cette façon, l'argument nous effleurant chaque
jour les tympans pour autoriser le service minimum est la préservation de la
liberté de l'usager, qui serait pris en otage par une horde de criminels
égoïstes sans foi ni loi. Petit rappel : Ingrid Bétancourt, elle, est un otage.
Les Farc, eux, sont des preneurs d'otage - avec des cagoules, des
mitraillettes, des grenades, de l'explosif et tout le toin-toin. Je cherche,
avec difficulté, les point communs entre un CGTiste, armé de son drapeau et
protégé par son gilet fluo de chantier, et un membre des révolutionnaires
colombiens. Je cherche, avec plus de facilité, les points communs entre des
travailleurs dont les ficelles les liant à leurs supérieurs leur menotte les
poignets, tous se bousculant dans une jungle urbaine, et Ingrid Bétancourt dans
une jungle quelque peu différente, avec des mains tout aussi liées. Où sont les
preneurs d'otage ? Je cherche. Je cherche... Mais, n'est ce pas une atteinte à
la liberté que d'anéantir un droit - celui de faire la grève - acquis depuis
une époque plus ancienne que notre constitution ? Inversion des sens et des
valeurs. Schizophrénie générale. Dans cette époque où l'individualisme - c'est
à dire où l'attention apporté seulement à sa propre sphère privé est croissante
et où le désintérêt pour les problématiques collectives est une pandémie - est
roi, la sécurité est une valeur de plus en plus promulguée et prisée, pour le
plus grand désarroi de notre liberté. Il est donc primordial, autant pour la
préservation de nos libertés que pour réussir à s'aiguiller vers une
démocratie, de garder un oeil fixé sur l'évolution du statut de la liberté, a
fortiori lorsque la société dans laquelle nous sommes plongés est en constante
mutation - et c'est indubitablement le cas.

Observons notre triste paysage. Étudions ses effets pervers. Désossons le et
contemplons ses entrailles. A la loupe, notre atmosphère contemporaine donne le
vertige à n'importe quel être humain qui considère le mot Liberté. Les fichiers
des administrations, les cartes de crédit, les téléphones portable, Internet,
la vidéosurveillance, les implants, les nanotechnologies, les puces RFID, les
écoutes internationales... combien d'être humains reste-il ? Trajet : Toulouse-
Paris. Pose au milieu du parcours dans une station service. Le péage, payé par
carte bleu, à enregistré votre passage, de même que la pompe à essence. Le
Kinder Bueno acheté en payant à la caisse, qui a une puce RFID, vous offrira la
joie de laisser à l'entreprise Ferrero votre traçage juste qu'à
l'engloutissement du succulent en-cas. Votre téléphone portable, même hors
communication, envoie régulièrement des signaux aux antennes-relais les plus
proches. Chaque réception de votre signal dans une de ces antennes est
enregistré par l'opérateur, et donne donc, pour notre plus grand bonheur, à
cette opérateur la possibilité de nous suivre à une dizaines de mètres près en
permanence. Pour peu que vous ayez prononcé, pendant une conversation sur votre
mobile, un des mots-clefs appartenant à un des ces super-ordinateurs du réseau
d'écoute Echelon7, alors votre conversation sera écoutée, localisée et
enregistrée. A votre arrivée dans votre appartement de la capitale, vous filez
surfer sur internet. Là, le fournisseur d'accès prend le relais et enregistre
tout vos faits et gestes : site visités, heures et durées des visites. Et la
récente loi Dadvsi oblige les FAI de conserver ces " logs " (les
enregistrements) pendant plus de deux ans. Comme 95% des internautes, vous avez
un système d'exploitation appartenant à Microsoft. Alors vous avec un numéro
d'identification nommé GUID, qui permet à la firme Redmond, au même titre que
les FAI, de connaître tous vos doux déplacements sur l'immensité de la toile
internet. Mieux : ce numéro d'identification permet aussi à Microsoft de sonder
le contenu du disque dur, à l'insu de l'utilisateur. Intel, dans les pas de
Windows, a incorporé dans ses microprocesseurs Céléron, Pentium II et III un
numéro d'identification visible à distance... Ca, c'est pour maintenant. Mais
autant dire qu'une réalité plus sombre se profile à l'horizon d'un futur
proche. L'état actuel de la vitesse d'évolution des technologies ne peut que
donner des frissons dès lors où bon nombres de ces évolutions ont pour
conséquences le grignotage de notre vie privé et de notre liberté. L'apogée de
l'espionnage étatique vient d'être déclaré par le pentagone, qui vient de
lancer la mise en place du plus grand système de rassemblement des
informations. Celui-ci se nomme Total Awareness Information System9 et a pour
objectif de collecter une quarantaine de pages d'informations sur chaque
habitant du globe : " paiements par carte, abonnements aux médias, mouvements
bancaires, appels téléphoniques, consultations de sites web, courriers
électroniques, fichiers policiers, dossiers des assureurs, informations
médicales et de la sécurité sociale ". Dur à croire que ce soit au nom de la
lutte contre le terrorisme. Nous connaissons déjà les dérives que le système de
" détection de comportements suspects8", en matière de vidéosurveillance, a
engendré. Aujourd'hui, des études sont à l'oeuvre pour repousser les limites de
la biométrie : des logiciels informatiques permettront d'identifier un visage
dans une foule. Fusionnée avec une base de données, la vidéosurveillance pourra
tracer tous les visages présents dans cette même base. Lorsque l'on voit à
quelle vitesse s'est généralisé le fichage ADN par la police nationale, et que
l'on constate avec quelle rapidité ces modes opératoires sont adoptés et admis,
la question voulant mettre sur la table dans combien de temps ce fichage serra
effectif me paraît raisonnable et légitime. Outre le fait que la délinquance
est intrinsèque à une société et que de fait, vouloir éradiquer la délinquance
par la répression ou la dissuasion consiste à demander à la mer d'arrêter de
faire des vagues, il est incontestable que la vidéosurveillance ne fait pas
reculer la délinquance. Au mieux, elle la déplace, au pire elle augmente la
cécité des individus qui, rassurés, ne la voient plus. L'argument voulant
prétendre que la vidéosurveillance aurait la force de faire reculer les
délinquants dénonce lui-même l'étroitesse d'esprit du marchand de sable qui
l'utilise : la délinquance est la résultante de situations sociales, et un bout
de métal rivé à du béton n'altère aucunement la charpente de la société. Du
reste, affirmer que des caméras ferait disparaître les terroristes constitue
une tromperie sans nom. On-t-elles permis d'anticiper les attentats islamistes
à Londres le 7 juillet 2005, alors que cette ville est la plus surveillée au
monde, avec l'honorable palmarès de 400 000 yeux électroniques pour la ville ?
Tenez ! La semaine dernière, un ami vient me voir et me meugle ces quelques
mots : "Sais-tu pourquoi il n'y pas d'éléphants roses sur la place du Capitole
à Toulouse ?" Moi, dubitatif : "Non..." "Parce que toutes les nuits, des
individus anonymes et masqués déposent une poignée de ciboulette et de piment
d'Espelette aux quatre coins de la place, cela les fait fuir !" Plutôt
réticent, je lui répond : "Mais il n'y a jamais eu d'éléphants roses sur la
place du Capitole !?" A mon ami de rétorquer, fort et fier : "Heureusement
qu'il y a des gens dévoués qui, toutes les nuits, font fuir les pachydermes !"
Que l'on ne rie pas trop fort, le niveau du débat sur la vidéosurveillance est
aujourd'hui réduite à cette boutade. En effet, dans la plupart des médias bien-
pensants, il est fréquent d'entendre un débat similaire : "La vidéosurveillance
fait fuir les terroristes !" "Mais, cela fait des années que nous n'avons pas
eu affaire à des terroristes !?" "Tu vois, heureusement que, depuis des années,
la vidéosurveillance est là !" Croire qu'il puisse y avoir un terroriste qui se
fasse exploser au milieu de la place du Capitole requiert le même niveau de
naïveté que de croire qu'il puisse y avoir un éléphant rose au milieu de cette
même place. Mais alors, lorsque l'on croit que c'est une poignée de ciboulette,
du piment d'Espelette, de clous de girofles ou la vidéosurveillance qui
feraient fuir des monstres imaginaires -- éléphants roses ou terroristes --
nous sommes bel et bien en train de sombrer dans les méandres de la connerie
humaine.



Dans le discours dominant, dès lors où l'on remet en cause le régime politique
dans lequel nous sommes plongé, la réplique du naïf conformiste consiste à se
satisfaire d'être unijambiste quand les autres sont cul-de-jatte : " On est
pas sous Castro quand même ! ". Bien sûr que la presse française est plus libre
que sous Poutine. Bien sûr que l'armée française n'écrase ni ne tue son peuple
comme le fait la junte birmane Bien sûr que le pouvoir français n'est pas
aussi corrompu que le pouvoir guinéen. Est ce pour autant qu'il faille stopper
court à une quelconque évolution institutionnelle, alors même que les
institutions sont sclérosées et décomposées ? Ces institutions sont la seule
composante de la société à n'avoir évolué aux cours de ces dernières décennies,
pendant que tout son environnement a été bouleversé. Et autant il est
attristant de voir que les vieilles fondations rouillées n'arrivent pas à
suivre l'infernale modification constante des cadres de vie imposée par la
mondialisation, autant il est lamentable que les nouvelles institutions crées
aient étés recopiés sur la même base de fonctionnement. L'Onu, par exemple, est
condamnable ne serait-ce que dans son organisation institutionnelle : seul le
Conseil de sécurité peut décider de l'envoi de casques bleus. Ce conseil est
composé de dix membres (représentant un pays) non-permanents élus pour deux
ans, et de cinq membre permanents, ayant seuls le droit de veto. Qui sont ces
cinq membres ? La Chine, la Russie, les États-Unis, la France et le Royaume-
unis ! Par conséquent, impossible par exemple d'envoyer les casques bleus en
Irak : les États-unis poseront leur veto. Aussi, il a toujours été considéré
que dans une société démocratique un homme valait une voix. Le FMI s'accepte ce
petit délice de répartir les droits de vote en fonction du montant de
cotisation du pays. Plus tu payes, plus ta voix aura de l'influence sur les
enjeux internationaux. Cens mondialisé ? Voilà donc que les Fonds monétaires
internationaux, cette institution crée pendant Bretton Woods qui a survécu à
son démantèlement, se transforme en une abominable machine qui ne sert qu'à
affermir la donne internationale, c'est à dire la progression des inégalités.
La Banque mondiale, à ses côtés, impose une condition sine qua non pour
l'obtention de prêts financiers : diriger la politique économique du pays vers
le néolibéralisme, avec toutes les difficultés que cette doctrine implique
(privatisation, délocalisation, augmentation de la flexibilité...). C'est avec
audace qu'il faut savoir rappeler à nos dirigeants que ces institutions
internationales n'ont étés ni réclamés ni mandatés par aucun peuple. En quoi
peuvent-elles donc se revendiquer démocratiques ? Quelle différence entre le
système monarchique de l'époque féodale, où le peuple n'avait aucun crédit face
à la noblesse, et le trio FMI-OMC-BM, qui ne laisse pas plus de contre-pouvoir
aux principaux concernés ? La surface du plateau de jeu s'est juste élargie à
toute la surface du globe. Et ce n'est pas être un imposteur que d'affirmer que
ces institutions, dès lors où elles imposent une direction à suivre en matière
de politique économique, contribuent à l'impérialisme économique des pays
riches.

A l'échelle internationale, les organisations privées regroupant la
nomenklatura de la planète sont, certainement encore plus que les institutions
décrites ci-dessus, antidémocratiques par essence. Une fois par an a lieu la "
commission trilatérale "10, regroupant quelques centaines de personnalités
influentes - des intellectuels, des politiciens, des entrepreneurs...- dont
l'objectif officiel est d'orchestrer la mondialisation économique. Basée sur le
système parlementariste, elle utilise le même modus operandi que le FMI :
l'attribution de sièges en fonction de l'influence économique du pays. Ainsi,
les États-Unis ont 85 sièges pendant que le Mexique n'en a que 7. S'ajoute le
fait que seuls les pays un tant soit peu développés puissent y participer. Exit
l'Afrique subsaharienne ! Le groupe de Bilderberg, dans le même ordre d'idées,
regroupe les individus détenant du pouvoir, à ceci près qu'il a, lui, une
orientation ouvertement plus libérale. La difficulté de pouvoir discuter de ces
groupes est dû au fait qu'elles manquent indubitablement de transparence.
Aucune information n'en sort. Ces réunions ont lieux une fois par an, alors
même qu'aucun journaliste ne peut approcher le lieu de rencontre sans se faire
renvoyer par les militaires. Les membres de ces organisations, lorsque qu'un
téméraire journaliste ose gratter du bout de l'ongle la recherche de vérité, se
camouflent derrière la dénonciation des partisans d'une théorie du complot
international. Dans la mesure où les organisateurs des ces réunions choisissent
librement d'opter pour l'opacité la plus complète au sujet de leurs
agissements, ils serait effectivement absurde de prétendre qu'ils sont des
marionnettistes qui tirent les ficelles de la donne mondiale. Mais puisqu'aucun
renseignement n'en sort, il serait tout aussi absurde de prétendre (comme le
fait Patrick Devedjan, Bilderberger, interviewé par Karl Zero11) que ce
rassemblement se contente de " discuter " et "qu' " aucune décision n'est
prise ". Pour l'instant donc, la critique majeure à leur attribuer reste donc
leur caractère antidémocratique. A quand bien même il n'auraient
effectivement pas d'ascendant sur les décisions politiques qui suivent, le
simple rassemblement de dirigeants, qu'ils soient politiques ou économiques,
dans l'ombre la plus obscure constitue un déni de démocratie évident.

La Démocratie doit être réinventée dans son ensemble. Les intérêts privés étant
un virus de l'homme dont, extraordinairement, ses propensions à se multiplier
sont proportionnelles au pouvoir dudit homme, il est primordial d'imposer aux
dirigeants un mandat impératif. L'ascension à un poste de pouvoir n'a jamais
constitué un chèque en blanc social ! La Démocratie ne doit plus s'arrêter ni
sous le porche des entreprises, ni dans les coins sombres des instances d'Etat.
La presse libre doit être soutenue et promulguée, pendant que les liaisons
entre les médias et les politiques doivent être, sinon interdites, au moins
transparentes. L'Histoire nous apprend que l'être humain ne peut accepter une
constante restriction des libertés. Il a toujours, lorsque celles-ci se
voyaient glisser entre ses doigts, su les ressaisir avant qu'elles ne
s'écrasent au sol. Une montée des inégalités ; une justice de plus en plus
bicéphale ; un fossé sans cesse grandissants entre la classe dirigeante et la
population ; un massacre environnemental irréversible ; un roulements des
tendances politiques au sommet de l'Etat, sans même que la situation formelle
ne soit altérée un chouia, sont autant de raison de tout changer. L'application
du mot d'ordre de l'An 01, " on arrête tout et on réfléchit ", paraît aussi
primordial qu'imminente, tant il est bigrement d'actualité. Lorsque la
population prendra conscience de sa force et qu'elle assimilera qu'elle doit,
d'elle même, aller chercher son bonheur, rien ne l'arrêtera. Lorsqu'elle
décidera, seule, que ses chaînes sont si serrées qu'il faut les arracher, aucun
homme ne pourra l'en empêcher. Lorsqu'elle jugera qu'il est juste de changer
radicalement de direction, sur le plan social, politique et économique,
personne ne pourra se mettre sur son chemin. Ce sera une révolution.

Brousse

Notes :

1- http://www.lejdd.fr/cmc/scanner/politiq ... sarkozy-s-
explique_84467.html

2- En fait, le groupe Lagardère détient 88 marques différentes, dont toutes les
branches d'Hachette, mais aussi Paris Match, Choc, Dunod, Larousse, Elle,
Europe 1, Europe 2, Fallard, Filles TV, France Dimanche, les editions Grasset,
Ici Paris, La provence, le journal de mickey, le journal du dimanche, Maximal,
MCM, Picsou Magazine, RFM, les kiosques Relay, Télé 7 jours, Première, Nice
Matin, l'echo des savanes, les éditions Hatier, et une partie des magasins
Virgin Megastore (principal actionnaire). Voir
http://fr.wikipedia.org/wiki/Cartograph ... upe_Lagard.
C3.A8re

3 - http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Figaro# ... 9ditoriale

4 - http://www.animafac.net/imprimersans.ph ... ticle=1871

5 - http://www.ac-orleans-tours.fr/lettres/ ... eutron.HTM

6 - http://www.re-so.net/spip.php?article1743

7 - Le réseau Échelon est un réseau d'immenses antennes semés sur la surface du
globe, qui permettent d'intercepter absolument toutes formes de communications
modernes : Gsm, téléphone satélitaire, mails, SMS, faxs. Il fut crée en pleine
guerre froide et fut le résultat d'un projet entre les États-Unis, le Canada,
la Nouvelle-zelande, l'Australie, et le Royaume Unis, nommé pacte UKUSA.
Aujourd'hui toujours en vigueur et ayant une bien plus grande ampleur. il
dispose d'énormes ordinateurs avec des puissances de calculs dépassant
l'imaginable. Ils sont couplés à des dictionnaires de mots, et l'écoute est
activée dès qu'un de ces mots est prononcé. A savoir que la France disposerait
d'un système similaire mais à l'échelle nationale. Bien que non reconnu
officiellement, des antennes similaires à celles d'Echelon sont agencées sur le
territoire.

8 - Ce système, mis en place à Londres, détecte les comportements suspects dans
les lieux publics : personne qui " tourne en rond ", qui a oublié son sac
(potentielle bombe)... En 2005, un jeune innocent dans le métro londonien a été
tué de six balles par la police parce que, selon les caméras, il avait un de
ces comportements suspects.

9 - http://www.monde-diplomatique.fr/2003/08/RAMONET/10252

10 - http://fr.wikipedia.org/wiki/Trilat%C3% ... s_operandi

11 - http://fr.wikipedia.org/wiki/Trilat%C3% ... s_operandi

atheus
 

Re: La démocratie bourgeoise : pas si démocratique que ça.

Messagede frigouret » 03 Sep 2012, 12:25

Ce texte est complètement à côté de la plaque. C'est quoi la démocratie pour toi atheus ?
frigouret
 
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Enregistré le: 07 Mar 2012, 19:24

Re: La démocratie bourgeoise : pas si démocratique que ça.

Messagede atheus » 03 Sep 2012, 12:32

frigouret a écrit:Ce texte est complètement à côté de la plaque. C'est quoi la démocratie pour toi atheus ?


je n'ai pas dit que je partageais tout ce qui est dit dans ce texte, mais ça n'en fait pas un texte inintéressant, et si tu développais un peu plus en quoi tu trouves que ce texte est à côté de la plaque ?
atheus
 

Re: La démocratie bourgeoise : pas si démocratique que ça.

Messagede altersocial » 09 Sep 2012, 09:29

Je préfère ce texte paru dans Le Monde Libertaire n°1472, 5-11 avril 2007, p. 9-10. Louis Janover "La Démocratie comme science-fiction de la politique", paru Éditions Sulliver (144 pages).
La démocratie comme science-fiction de la politique

La démocratie repose sur une fiction alors que la science politique a pour but de nous faire croire à son existence. Avec le triomphe incontesté, sinon incontestable, du capital-monde et le nivellement des différences, on assiste à la venue tant attendue du divin enfant, du citoyen. Un homme universel est enfin né, et la démocratie est devenue le véritable espace politique de notre société, son horizon indépassable.

Ce règne de l’égalité fictive, cette fiction démocratique, atteint donc son apogée au moment même où les inégalités réelles ne peuvent plus être masquées par des faux-semblants. D’un côté, les grands principes de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen proclament l’égalité entre les citoyens, de l’autre, ils s’accommodent de l’inégalité la plus féroce des conditions sociales. Et la Vertu citoyenne ne cesse de faire la morale au Vice du marché ! C’est pourquoi rien ne donne mieux le ton de notre époque que l’ouvrage d’un auteur de science-fiction, Omega de Robert Sheckley. Il décrit une société où le droit est vénéré. Le but est de protéger les personnes en faisant respecter leurs droits d’une manière rigoureuse. Mais une fois qu’on est sûr que les choses se passent dans le respect des règles de l’art, advienne que pourra. On peut tuer, pressurer, torturer, exercer toutes les formes de violences imaginables, là n’est pas le plus important. Ce qui importe ce sont les droits, pas les victimes. Si vos droits n’ont pas été enfreints et s’ils permettent qu’on vous tue, mais dans le cadre légal, alors la démocratie est respectée. Démocratie, ceux qui vont mourir te saluent !

Ce que Robert Sheckley inscrit dans un contexte de science-fiction, on le retrouve exposé, en termes plus ou moins savants, dans tous les ouvrages de philosophie politique. Ils vous expliquent doctement que quelles que soient les violations du droit et les entorses, la démocratie bourgeoise contient ce que tel casuiste, issu comme tant d’autres du trotskisme, appelle le principe de l’affirmation du droit. Ajoutons qu’elle contient aussi le principe qui légitime la négation de ce droit, et que cette négation est bien plus qu’un principe. Elle est tout simplement la réalité de l’exploitation et le ressort de la répression, contradiction que la science-fiction fait apparaître avec réalisme, et que la philosophie politique s’évertue à occulter... scientifiquement. En brodant notamment sur l’idée de servitude volontaire, reprise non sans quelque imprudence de La Boétie et associée de mille manières aux deux questions complémentaires : Pourquoi ne se révolte-t-on pas ? Pourquoi la majorité donne-t-elle à ses maîtres pouvoir sur son propre sort ? Interrogation absurde et néanmoins considérée comme une évidence ! Elle pose l’existence du tyran et elle demande ensuite pourquoi on ne se révolte pas. Mais le tyran est là précisément pour rendre la révolte impensable et impossible, donc parce qu’il y a possibilité de révolte.

Jusqu’à ce que « l’invention démocratique » installe son égalité-Potemkine, le simple corps du Tyran était formé de tous les serviteurs dont il s’incorporait le pouvoir, et qui soutenaient son glaive et sa couronne. Ils étaient à la fois les attributs et les victimes de sa puissance, l’expression d’un rapport de forces brutal et visible de tout un chacun. Mais le tyran actuel se drape dans un manteau, le vrai manteau impérial, tissé des millions de bulletins de vote déposés dans l’urne, que ce soit en sa faveur ou même contre lui. Il se couvre des deux et c’est ce qui fait sa puissance inégalée. Ce sont ces bulletins de vote qui lui confèrent l’invulnérabilité. C’est en leur nom qu’il peut user légitimement du glaive quand on touche au droit de propriété privée et aux intérêts économiques tout-puissants. Le tyran absolu n’attend pas d’être investi par la volonté populaire pour se croire légitime. L’onction de Dieu ou de ses pairs lui suffit, mais il n’en est que plus fragile. Nul souci de ce genre n’embarrasse le tyran anonyme ! Le pouvoir souverain qui est acquis au nom du peuple rend illégitimes tous ceux qui le contestent et donne à ceux qui en sont les détenteurs la quasi-certitude que rien ne peut le remettre en cause.

On parle de l’acte fondateur de la démocratie, de cet acquis sacré que furent droit de vote et suffrage universel, et des sacrifices consentis pour l’obtenir ! On a pu croire, en effet, à tort ou à raison, qu’on tenait là l’instrument nécessaire pour procéder à un véritable changement de société. En réalité, ces nouvelles formes d’expression démocratiques furent surtout utiles pour légitimer l’existence et la permanence d’un nouveau statut social de l’inégalité et se débarrasser des questions gênantes - et, s’il en était besoin, des gêneurs. Qu’en est-il maintenant, alors qu’une chose est indubitablement acquise : aucune des réponses sorties des urnes ne peut changer l’ordre des choses et elles sont faites au contraire pour le réassurer ?

N’est-ce pas justement à cela que veillent désormais les intellectuels dits de gauche, qui suivent pas à pas l’itinéraire de leur classe. Après avoir exploré tous les chemins de la contestation, de Mai 68 à Mai 81, de l’autogestion à l’association, du PC au PS, du camarade au citoyen, en passant par Mao, Castro ou par une autre des multiples variétés de l’alterstalinisme, ils sont revenus de tout, et s’accommodent de n’importe quoi et de n’importe qui - pourvu que le nouveau maître investi par leurs suffrages conserve l’essentiel de leurs propres acquis. Rien d’étonnant qu’au bout de la dégringolade électorale qui les a conduits au degré zéro de la conscience politique se dresse au-dessus des autres figurants utiles une nouvelle figure, ce troisième larron de l’histoire qui prend à tous pour que tout recommence, ou continue. N’est-il pas le mystère révélé des métamorphoses de ces intellectuels qui entre Gauche, Droite et Centre ne savent plus à quel saint se vouer. Et pour cause : cette Sainte Trinité électorale n’est qu’une même personne en trois, preuve qu’en dépit de leurs palinodies nos chantres sont d’une fidélité aveugle : ils adorent et servent toujours le même maître qui s’offre à eux sous différents déguisements pour les dispenser de le nommer tel qu’en lui-même. Il en est du Capital comme du Méphisto du Faust de Goethe. Il n’est jamais si présent dans le monde qu’après avoir adopté la mode des faux mollets grâce auxquels son pied fourchu passe inaperçu !

Aussi n’existe-t-il aujourd’hui qu’un seul acte de refus capable d’ébranler cette pyramide d’impostures et d’imposteurs, de saper à la base cette légitimité factice sans sortir de la logique démocratique : une sécession qui serait dans le monde moderne l’équivalent de ce que fut le retrait de la plèbe dans la Rome antique. Voilà pourquoi, dans notre système de représentation, le mal absolu c’est l’abstention consciente, le refus de participer, et tout tourne autour d’une figure du pire qui ramène les gens aux urnes au nom du moindre mal.

La sécession, c’est une manière d’échapper à un système complètement sclérosé, qui fait tourner les choix politiques dans le même cercle vicieux ; c’est la démocratie prise au pied de la lettre, le droit du citoyen de refuser de se dessaisir de la seule arme en sa possession. Ce geste annule la délégation de pouvoir sans contrevenir au principe démocratique lui-même, puisqu’il affirme un droit imprescriptible : le pouvoir délégué qui n’est pas respecté doit être retiré immédiatement au mandataire et restitué au mandant. Et au-delà de cette limite...

... on entre dans le domaine de la vraie démocratie, la démocratie directe qui revient à la source de la pensée démocratique et prend le risque de poser la vraie question. Non pas pour qui ou contre qui voter, mais : Pourquoi voter ? Qu’est-ce qui peut arriver quand les citoyens refusent que leurs voix soient utilisées encore et toujours pour défendre des intérêts contraires aux leurs ; et qu’ils en tirent enfin les conséquences en donnant un sens « politique » à leur geste ?

— Une révolte ?

— Non, sire, une révolution !

Louis Janover


J'ai hésité à poster ce message dans le topic sur la Démocratie directe, je laisse aux admins le soin de trancher .... :wink:
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