Pièces et main d’oeuvre : une conception du progrès ?

Pièces et main d’oeuvre : une conception du progrès ?

Messagede Nyark nyark » 28 Aoû 2012, 13:00

Reçu aujourd'hui car je suis abonnée à leur newsletter :
Bonjour,

Voici l’éditorial et le sommaire du numéro 17 d’”Aujourd’hui le nanomonde”, en ligne sur
http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip ... rticle=381

Merci de faire circuler,
Pièces et main d’oeuvre

***
Le présent a-t-il besoin de nous ?
En avril 2000, voici des âges de cela, le chercheur Bill Joy, co-fondateur de Sun Microsystems, publiait dans Wired, mensuel américain le plus technolâtre du monde, une mise en garde intitulée « Why the future doesn’t need us ». Il pointait les risques d’emballement et d’autoréplication en particulier dans les bio et nanotechnologies, mais aussi l’évincement accéléré de l’homme par un système d’automatisation générale, dit de « planète intelligente ».

Ce futur est déjà notre présent et nous sommes ici à l’endroit idéal, dans la technopole, pour l’exposer. Outre leurs multiples applications industrielles, les technologies convergentes (Nano-Bio-Info-Cogno) rendent possible le pilotage cybernétique du monde, des masses et des individus, grâce aux puces RFID. L’asservissement se conjugue avec l’évincement. La société de contrainte s’implante dans les cerveaux grâce aux nano-électrodes de Clinatec. L’industrie solaire prend son essor grâce aux capteurs nanostructurés de Soitec et du CEA-Léti. La biologie de synthèse, la fabrique du « vivant artificiel », est soutenue par Geneviève Fioraso, ministre de la Recherche et de l’enseignement supérieur, celle-là même qui depuis vingt ans, avec ses partenaires de l’écosystème local, a propulsé Minatec et tous les projets techno-industriels grenoblois. Ces projets, célébrés dans les rapports de Jean-Louis Beffa, grand patron du CAC40, et de Christian Blanc, préfet et grand patron d’entreprises publiques, ont suscité la création des « pôles de compétitivité » et la politique de recherche et développement depuis deux ou trois lustres. Jean-Louis Beffa étant aujourd’hui, selon Le Monde, l’un de ces patrons « qui parlent à l’oreille de François Hollande ».

Il n’a échappé à personne, durant les dernières campagnes électorales, que « la réindustrialisation de la France » était la grande affaire du moment. Celle-ci passe par « l’innovation », c’est-à-dire par cette accélération technologique évoquée plus haut. Cette accélération a un prétexte : la création d’emplois, qu’elle détruit par ailleurs. Elle a ses partisans : la classe technocratique, la caste politico-médiatique, y compris les progressistes du Front de Gauche et du Monde diplomatique, dont on lira ici le sinistre plaidoyer en faveur des nécrotechnologies.

Elle a aussi ses opposants, dont les activistes radicaux, libertaires et luddites, ne sont que la pointe émergée. Le grand nombre subit avec un abattement et un désespoir croissants le progrès de la tyrannie technologique. Les plus enthousiastes dans la soumission frénétique se réveillent un jour, épuisés et dégoûtés. À nous de donner et de nommer les raisons de cette opposition afin de la rendre consciente d’elle-même.

Sommaire
p. 2 – Nano news
p. 3-6 – Actualités de la Planète intelligente
p. 7-8 – Intox nano et nano-toxicité
p. 9-10 – Nouvelles de Clinatec
p. 11-14 – Actualités de l’acceptabilité
p.15 – Rubrique luddique
p. 16 - Librairie

***
A lire aussi, aux Editions l’Echappée, Collection Négatif :

    Le téléphone portable, gadget de destruction massive, Pièces et main d’oeuvre (2008)
    Terreur et possession. Enquête sur la police des populations à l’ère technologique, Pièces et main d’oeuvre (2008)
    RFID : la police totale – Puces intelligentes et mouchardage électronique, Pièces et main d’oeuvre (2008 – Nouvelle édition 2011)
    Aujourd’hui le nanomonde – Nanotechnologies : un projet de société totalitaire, Pièces et main d’oeuvre (2008)
    Un siècle de progrès sans merci – Histoire, physique et XXe siècle, Jean Druon (2009)
    A la recherche du nouvel ennemi – 2001-2025 : rudiments d’histoire contemporaine, Pièces et main d’oeuvre (2009)
    Techno, le son de la technopole, Pièces et main d’oeuvre (2011)
    Les Esperados – Une histoire des années 1970, suivi de Le troupeau par les cornes, Yannick Blanc (2011)
    L’industrie de la contrainte, Frédéric Gaillard & Pièces et main d’oeuvre (2011)
    Le soleil en face - Rapport sur les calamités de l'industrie solaire et des prétendues énergies alternatives, Frédéric Gaillard (2012)
http://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/ ... nde_17.pdf


Je ne prétends pas être d'accord avec leur discours. Je suis perplexe car, si leurs critiques sont tout-à-fait défendables, je ne suis pas sûre d'avoir lu des propositions concrètes et positives.
Des avis ?
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Re: Pièces et main d’oeuvre : une conception du progrès

Messagede sebiseb » 28 Aoû 2012, 14:29

Mouais ils ont des réflexions intéressantes mais donnent du grain à moudre à toutes celles et ceux qui argumentent qu'avec une sortie du nucléaire on reviendrait à la bougie.

Je donne toujours cet exemple ;
On peut être contre des bombes atomiques et les centrales "nucléaires" pour produire de l'électricité, sans être contre la recherche et le travail scientifique sur le nucléaire qui a conduit également à pas mal d'outils de diagnostic et de traitement médical. Machines et techniques sans lesquels beaucoup d'entre nous serions morts (peut-être même dans d'atroces souffrances - juste pour en rajouter une couche), et je soupçonne même que certains des militants de "pièces et main d'œuvre" ont un jour bénéficié de ces technologies !
$apt-get install anarchy-in-the-world
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Re: Pièces et main d’oeuvre : une conception du progrès

Messagede Nyark nyark » 23 Oct 2012, 14:27

Bonjour,

Depuis Virgile et Les Géorgiques, Tarente était un lieu commun des poètes. Un jardin au bord de mer. Des fruits, des fleurs et des dauphins. En 60 ans, la société industrielle a fait de cette ville des Pouilles un enfer : la plus grande aciérie d’Europe, l’Ilva, une base de l’OTAN, une banlieue mortifère. 70 000 morts prématurées en vingt ans - du cancer, surtout. la poussière d’acier de l’Ilva, qui sature la ville.

TomJo, rédacteur à La Brique, un journal lillois, en a pourtant ramené un reportage qui n’est pas complètement lugubre ni désolé (à lire ici : http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip ... rticle=390 )

Il y a une différence entre les ouvriers de l’Ilva, à Tarente, et ceux d’Arcelor-Mittal, à Florange, en Lorraine. A Tarente, des habitants et des ouvriers, menés par un "Comité de citoyens et travailleurs libres et conscients", se battent contre l’emploi, pour la fermeture de l’usine. Vous avez bien lu : ces gens pensent que leur vie vaut plus que l’emploi. Scandaleux, non ? Ce n’est pas à Là-bas si j’y suis, l’émission quotidienne du Front de Gauche sur France Inter, qu’on entendrait des syndiqués tenir des discours aussi révoltants.

Justement, ces ouvriers se battent aussi contre les syndicats. Quand leurs dirigeants nationaux sont venus à Tarente, cet été, le 2 août 2012, des ouvriers les ont hués, chassés, et ont pris la tribune. C’est que les syndicats se battent pour l’Ilva, pour l’usine et l’emploi, dont ces ouvriers ne veulent plus. Les syndicats se battent pour le salaire et, parfois, pour l’amélioration des conditions de travail des ouvriers. Non pour la disparition de la classe ouvrière. S’il y avait eu des syndicats d’esclaves, ils auraient combattu de toutes leurs forces l’abolition de l’esclavage. Or, la meilleure chose qui puisse arriver à la classe ouvrière, c’est de disparaître. Pour devenir quoi ?

A Tarente, certains pensent l’après-Ilva, les activités à venir, le gagne-pain, restaurer la vieille ville et les ruines grecques, retourner à la mer... Dans le Manifeste du Parti communiste, Marx et Engels critiquent ces briseurs de machines qui attaquent "non seulement les rapports bourgeois de production", mais "les instruments mêmes de production" ; "ils anéantissent les marchandises étrangères en concurrence, ils cassent les machines, ils mettent le feu aux usines, ils cherchent à reconquérir la position périmée de l’ouvrier du Moyen-Age."

Il n’y a rien de plus périmé aujourd’hui que la société industrielle - dont les ravages menacent l’humanité jusque dans sa survie - sinon les souteneurs du parti industriel : libéraux ou communistes.

Nous n’avons d’autre avenir que sur la ruine de la société industrielle.

Nous, luddites et libertaires, nous sommes du côté de l’avenir.

Merci de faire circuler,
Pièces et main d’oeuvre


Si je résume bien avec mon petit cerveau, les ouvriers qui luttent pour garder un emploi sont ni plus ni moins que des imbéciles, face à une avant-garde éclairée qui casse les machines. Je suis perplexe là...
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Re: Pièces et main d’oeuvre : une conception du progrès

Messagede digger » 23 Oct 2012, 19:10

Je ne crois pas qu'ils soient des "imbéciles" , ni même qu'ils soient considérés comme tels.
L'ouvrierE aliénéE qui vissent des boulons toute sa vie (pour caricaturer) peut considérer que l'usine qui le contraint à le faire pour "gagner sa vie" (comme on dit) n'a pas à être sauvée mais doit disparaitre.
Pourquoi se battre pour garder un emploi qui ruine ta vie ? La plupart du temps, parce que tu n'as rien d'autres. Alors tu prends ton chèque à la fin du mois. (Je parie que tu connais...)
Sauf qu'à un moment, tu peux aussi en avoir ras la casquette et envoyer tout promener. Ce qui te met en porte à faux avec l'idée généralement admise que "un boulot, c'est déjà cà" . Si tu le fais collectivement, en plus...
Et les syndicats qui viennent défendre les "intérêts" des travailleurs sans leur demander ce qu'ils pensent être leurs intérêts et qui se font envoyer promener, je trouve çà réjouissant.
Après, la"ruine de la société industrielle" et tout le tintouin, c'est une autre histoire. Et ce n'est sûrement pas la motivation ni le souci premier de ces gens.
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Re: Pièces et main d’oeuvre : une conception du progrès

Messagede Nyark nyark » 23 Oct 2012, 19:36

Je crois que ce qui est le plus dérangeant c'est le côté manichéen. Cela dit, ce que tu dis n'est pas faux : preuve en est la lutte des Contis (les méchants qui avaient tout cassé dans une sous-préfecture) qui n'a pas été soutenue par la CGT au niveau confédéral.
Pour ce qui est de PMO, un petit lien wiki sur le néo luddisme : http://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9o-luddisme
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Re: Pièces et main d’oeuvre : une conception du progrès

Messagede Nyark nyark » 08 Jan 2013, 20:48

Suite pour info (reçu aujourd'hui) :

Bonjour,

Du 28 janvier au 1er février 2013, nous marcherons dans la Drôme avec les éleveurs et leurs troupeaux, contre le puçage électronique des moutons et des hommes ( http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip ... rticle=401 ).

Depuis les années 2000, une technologie dissimulée et disséminée révolutionne nos vies à notre insu. Rares sont ceux qui connaissent l’acronyme RFID (Radio Frequency Identification).
Les puces RFID sont des tatouages électroniques. Elles permettent d’identifier et de suivre un objet ou un être vivant parmi tous les autres, à distance. Minuscules, elles s’intègrent à la matière (papier, verre, tissu, plastique, etc) et transforment ce – ou celui - qui les porte en objet communicant. En objet. Repérable et traçable par les détecteurs placés dans l’environnement, pour une gestion optimisée des flux et des stocks, de marchandises, d’animaux ou d’humains.

Les RFID sont partout. Dans nos papiers d’identité, nos cartes de transports, les livres des bibliothèques, les arbres des villes, les pass sans contact, des vêtements et produits de consommation. Elles sont aussi sous la peau des animaux domestiques et d’élevage, et de milliers d’humains pucés, volontairement ou par obligation.
Le but de l’industrie électronique, des gouvernements et des vendeurs de tout et n’importe quoi, est de pucer toute chose sur Terre : objets manufacturés, décors urbains, réseaux, paysages « naturels », infrastructures, bâtiments, êtres vivants.
Par exemple, nos compteurs électriques. Les fameux « Linky » permettront de savoir à la minute ce que nous faisons chez nous, de relever notre consommation à distance – et de couper l’électricité pour défaut de paiement. Flicage, automatisation, suppression des rapports humains, et des humains eux-mêmes.
Ou encore les téléphones portables. Pour vous envoyer, de façon ciblée, les publicités des boutiques ou lieux près desquels vous passez.
Les mouchards électroniques seront partout, et partout ils nous remplaceront. L’humain est le maillon faible de la machinerie économique, trop aléatoire, fragile, incontrôlable. Pour optimiser et rentabiliser tous les aspects de nos vies, les puces – connectées au système informatique de collecte et de traitement de leurs milliards d’informations - agiront à notre place. Ce projet d’automatisation et de pilotage centralisé de la société-fourmilière a été nommé « planète intelligente » par IBM, qui vend au pouvoir et aux entreprises les systèmes de puçage et de gestion des données. Après le contrôle et la surveillance, nous voici dans la société de contrainte.

Depuis 2012, les éleveurs de moutons et de chèvres sont contraints de mettre une puce RFID à leurs animaux. Pour une gestion informatisée du troupeau. Vous trouvez indigne de traiter les bêtes comme des conserves de supermarché ? De les « biper » pour les nourrir, les soigner, les déplacer ? On fait aux animaux ce que l’on fera aux hommes. Certains déjà « scannent » leur bras pour s’identifier à l’entrée de leur banque ou pour payer leur bière en boîte de nuit. Sans puce sous la peau, mais pris dans le filet de centaines de mouchards autour de nous, quelle liberté, quelle dignité, quelle autonomie nous resteront ? Voulons-nous laisser la conduite de nos vies à des systèmes automatisés ? Ou voulons-nous encore du hasard, de l’imprévu, de l’improvisation, de l’inconnu ?

Nous refusons de déléguer notre existence aux automates. Nous n’avons pas besoin de machines, mais d’humanité. C’est maintenant qu’il faut refuser la dissémination des RFID : soutenez les éleveurs réfractaires, boycottez les entreprises et magasins qui pucent leurs produits et services (renseignez-vous auprès des employés) et appelez vos proches au boycott, refusez le compteur Linky et les pass sans contact, et faîtes connaître les raisons de votre refus.
Débranchons-nous.

Merci de faire circuler,
Pièces et main d’œuvre

Pour en savoir plus

- RFID : la police totale. Puces intelligentes et mouchardage électronique, Pièces et main d’œuvre (Editions l’Echappée, 2008 et 2011)
- RFID : la police totale, le film, par Subterfuge et Pièces et main d’œuvre (28’).
A voir sur : http://websuterfuge.free.fr/rfid.html
- Mouton 2.0 – La puce à l’oreille, un film d’Antoine Costa et Florian Pourchi.
Projections et DVD sur : http://mouton-lefilm.fr
- Les sites :
http://www.piecesetmaindoeuvre.com
http://nanomonde.org
http://contrelepucage.free.fr
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Re: Pièces et main d’oeuvre : une conception du progrès

Messagede Nyark nyark » 25 Fév 2013, 00:38

Bonjour,

Les éditions L’Echappée publient le 15 février 2013 :

Sous le soleil de l'innovation,
rien que du nouveau !
suivi de Innovation scientifreak : la biologie de synthèse
de Pièces et main d’oeuvre
(collection Négatif, 208 p., 12 euros)


Ceux qui lisent quelquefois les journaux savent qu’il n’est guère de sujet plus invasif ni plus évasif, plus vague mais plus obligé que cette gélatineuse innovation dont les journalistes leur bourrent le crâne, après avoir été eux-mêmes contraints d’ingurgiter de rebutants dossiers de presse.
Or, nous sommes pour une fois d’accord avec les media et leurs commanditaires : il n’y a guère de sujet plus important que l’innovation, cet avatar sémantique, contemporain, du Progrès, pour comprendre le capitalisme à l’ère technologique.

Pour étudier l’océan, vous pouvez l’observer d’un point de vue d’ensemble (théorique), du haut des satellites, embrasser les marées, les couleurs, la surface (les trois-quarts de la Terre), et déduire certaines lois. Ou vous pouvez d’un point de vue pratique, vous jeter à l’eau, analyser la composition d’une goutte de Mer Noire et en conclure qu’elle est à peu près aussi salée qu’une goutte bleue des mers du Sud.
Notre étude de l’innovation joint les deux voies, descendante et ascendante. Du point de vue d’ensemble, elle exploite l’une des idées de Marx les plus refoulées par les « marxistes » : « La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production et donc les rapports de production, c’est-à-dire l’ensemble des rapports sociaux. » (Le Manifeste communiste)
Du point de vue de la matière, notre enquête retrace l’histoire de la technopole grenobloise, de l’invention de la houille blanche aux nanotechnologies et technologies convergentes. D’Aristide Bergès (1833-1903), à Jean Therme (directeur du Commissariat à l’énergie atomique de Grenoble, directeur de la recherche technologique du CEA, président du groupe d’experts sur les « technologies-clés » à la Commission européenne, inventeur de Minatec) et Geneviève Fioraso (ex-adjointe au maire de Grenoble, ex-présidente de la SEM Minatec Entreprises, actuelle ministre de la Recherche et de l’Enseignement supérieur).

Sous le soleil de l'innovation, rien que du nouveau !

Ce que chacun doit savoir sur la perpétuelle expansion et régénérescence du capitalisme.

Tout le monde le crie ; de L’Usine nouvelle au Monde diplomatique ! De la bourse du travail à la Chambre de commerce et d’industrie ! De l’école de management à la Maison de la Nature, en passant – oh oui, surtout - en passant par la Mairie, le Conseil général, la Région, le Ministère, l’Université, l’Europe, la boîte ! – « Sans l’innovation, on est foutu ! »
L’innovation ou la mort !
L’innovation partout, par tous, pour tous, tout le temps !
Sous le soleil de l’innovation :
Une histoire du capitalisme à l’infini.
Une histoire de l’accélération technologique.
Une histoire industrielle et militaire et militaro-industrielle ; une histoire du complexe scientifico-militaro-industriel.
Une histoire de la liaison recherche-industrie-politique.
Une histoire du pouvoir –politique- toujours et avant tout !
Une histoire historique !
Avec des personnages inoubliables, des décors somptueux, des paysages grandioses, de l’action, des guerres, du sang, du sentiment, des rebondissements !
Attention ! Ceci est une histoire vraie, tirée de faits et de personnages réels ! Toute coïncidence avec des évènements, des personnes, des situations ayant réellement existé ne peut donc être l’effet du hasard : c’est vrai !
Attention ! Cette histoire présente des scènes politiquement explicites susceptibles de choquer la sensibilité progressiste, notamment de personnes d’obédience libérale ou communiste, de gauche ou de droite, patronale ou salariale, syndicale, associative et même quelques autres. Nous déclinons toute responsabilité pour les crises de stupeur indignée et de fureur stupéfaite.

Ceux qui écrivent à l’enseigne de Pièces et Main d’œuvre, depuis dix ans et dix livres, n’ont pas d’autre but que de rendre la tyrannie technologique plus tyrannique encore, en l’imposant à la conscience ; et la honte prométhéenne, plus honteuse encore, en matraquant sa publicité.

Merci de faire circuler,
Pièces et main d’oeuvre


A lire aussi, aux Editions l’Echappée, Collection Négatif :

Le téléphone portable, gadget de destruction massive, Pièces et main d’oeuvre (2008)
Terreur et possession. Enquête sur la police des populations à l’ère technologique, Pièces et main d’oeuvre (2008)
RFID : la police totale – Puces intelligentes et mouchardage électronique, Pièces et main d’oeuvre (2008 – Nouvelle édition 2011)
Aujourd’hui le nanomonde – Nanotechnologies : un projet de société totalitaire, Pièces et main d’oeuvre (2008)
Un siècle de progrès sans merci – Histoire, physique et XXe siècle, Jean Druon (2009)
A la recherche du nouvel ennemi – 2001-2025 : rudiments d’histoire contemporaine, Pièces et main d’oeuvre (2009)
Techno, le son de la technopole, Pièces et main d’oeuvre (2011)
Les Esperados – Une histoire des années 1970, suivi de Le troupeau par les cornes, Yannick Blanc (2011)
L’industrie de la contrainte, Frédéric Gaillard & Pièces et main d’oeuvre (2011)
Le soleil en face - Rapport sur les calamités de l'industrie solaire et des prétendues énergies alternatives, Frédéric Gaillard (2012)
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Re: Pièces et main d’oeuvre : une conception du progrès

Messagede Nyark nyark » 19 Juin 2013, 10:41

Et là sur le même sujet :

09h15 le neuf-quinze
Planète indignés

Entre deux figures de l'actualité du moment, le manifestant de pays émergent, et le lanceur d'alerte, faut-il, pour le plaisir de la gamberge matinale, chercher des points communs, des passerelles ? Bernard Guetta s'y exerçait ce matin sur France Inter, entre les manifestants brésiliens qui protestent contre le coût du Mondial, les Turcs contre la bétonnisation d'un parc urbain, et puis aussi les Canadiens et leur "printemps érable", et les indignés de partout. Encore oubliait-il les électeurs de Grillo en Italie, et quelques autres. Points communs ? Jeunes, urbains, tertiaires, pour ne pas dire bourgeois, et surtout, extérieurs aux structures politiques traditionnelles. Et alors ? Sans doute existe-t-il des points communs entre tous ces mouvements sociaux, et sans doute chacun est-il singulier. Il faut se méfier des rapprochements trop faciles. Seul constat évident : gouvernements, partis et médias traditionnels, face à ces mouvements, sont d'abord désarmés. Les antennes de l'ancien monde ne l'avaient pas préparé à ça. Tant mieux.

Simultanément, surgissent comme des champignons les lanceurs d'alerte. Assange, Manning, Snowden, sur la divulgation de secrets politiques, ou, sur l'évasion fiscale, Falciani ou l'étrange hyper-témoin Condamin-Gerbier (1). Leurs points communs avec les indignés des rues de Sao Paulo ou d'Istanbul ? Peut-être aucun autre que le ressort de l'indignation, justement, qui trouve son media d'excellence sur Facebook et Twitter. Sans réseaux sociaux, pas de manifs à Istanbul et Sao Paulo. En Turquie, les Anonymous attaquent les sites du gouvernement, comme ils attaquaient hier les institutions financières qui tentaient d'étrangler Wikileaks. Guère d'autre trace de jonction pour l'instant. Guère de trace, mais tant d'indices !

Faire attention, oui, aux rapprochements éditorialisants trop tentants, et forcément trop rapides. Mais il faudrait être aveugle pour ne pas voir qu'Internet, sous nos yeux, accouche d'un monde nouveau. L'avenir de ces indignations ? Imprévisible. La finance, les Etats, trouveront peut-être des parades pour préserver leurs secrets et leur omnipotence, et peut-être pas. Le match sera au moins aussi intéressant que le Mondial 2014.


(1) http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=5927

Daniel Schneidermann


Bonjour,

Nul ne peut plus nier ce que les opposants à la tyrannie technologique dénoncent depuis des années : les objets intelligents qui envahissent nos vies (ordinateurs, Internet, téléphones mobiles et smartphones, GPS) donnent au pouvoir les moyens de la surveillance généralisée.

En dévoilant des documents secrets, un ex-agent américain révèle que la NSA (Agence nationale de sécurité) espionne les internautes du monde entier, dans le cadre du programme clandestin « Prism » mis en place par George Bush et poursuivi par Barak Obama. Sont visés les utilisateurs d’Internet et des « réseaux sociaux » (Google, Facebook, Apple, Youtube, Yahoo, Skype, DropBox, Microsoft, AOL) soit, à l’ère numérique, à peu près tout le monde.

Les esprits forts diront qu’ils le savaient déjà. Les esprits forts savent toujours tout. Edward Snowden, lui, prouve ce qu’il dit. Et les médias du monde entier ne peuvent faire autrement que de publier ses déclarations, alors que les dénonciations des esprits critiques restaient confinées et refoulées à quelques milieux restreints.


Edward Snowden agit sans le soutien d’aucune organisation, d’aucun parti, d’aucun collectif. Heureusement – il n’aurait rien fait. Son geste relève de ce qu’Orwell nommait la « décence ordinaire ». « Je ne peux, en mon âme et conscience, laisser le gouvernement américain détruire la vie privée, la liberté d’Internet et les libertés essentielles pour les gens tout autour du monde au moyen de ce système énorme de surveillance qu’il est en train de bâtir secrètement. » À 29 ans, il sacrifie sa carrière et sa vie personnelle, choisit la désertion, risque la prison pour trahison (comme le soldat Manning, auteur des fuites vers Wikileaks) voire un « accident ». Il affronte seul les services secrets de la première puissance mondiale. (...)

Pour lire la suite : http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip ... rticle=421

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Re: Pièces et main d’oeuvre : une conception du progrès

Messagede Pïérô » 17 Nov 2013, 17:08

Je suis tombé sur un dossier à charge contre Pièces et main d’œuvre
"Les dérives confusionnistes de Pièces et Main-d'œuvre"
à lire : http://pink.reveries.info/post/2013/09/ ... %C5%93uvre
Image------------ Demain Le Grand Soir --------- --------- C’est dans la rue qu'çà s'passe --------
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Re: Pièces et main d’oeuvre : une conception du progrès

Messagede bipbip » 15 Fév 2015, 01:38

Le coming out masculiniste de Pièces et main d’oeuvre

De la critique de la technologie à la réaffirmation de l’ordre patriarcal



Depuis plusieurs années, nous tâchons de comprendre, pour mieux la combattre, l’une des formes de l’anti-féminisme qui se développe en France : le « masculinisme ». Nous dénonçons la montée des groupes qui défendent les intérêts des hommes et dont l’idéologie se structure autour d’un fantasme qu’on peut résumer ainsi :
- le féminisme est allé trop loin, la société s’est « féminisée » et les femmes ont pris le pouvoir.
- la masculinité est en « crise » et les « vrais » hommes, sont devenus des perdants. Symboliquement castrés, ils ont perdu leurs repères identitaires et leur place dans la société.

Les masculinistes ne se contentent pas de nier l’existence du patriarcat, en tant que système social de domination, au prétexte que l’égalité entre les hommes et les femmes serait "déjà là". Leur imaginaire débordant va plus loin, produisant une fiction : la société « matriarcale » comme envers symétrique de la société patriarcale ; une société dans laquelle les femmes et les valeurs dites féminines asservissent les hommes. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette vision du monde n’est pas seulement défendue par quelques machos militants. Dans le contexte réactionnaire actuel, elle se répand en transcendant les traditionnels clivages « droite » / « gauche ». Et en ce moment, le masculinisme « de gauche » se porte bien. Inutile donc d’aller se perdre sur les forums des « pères perchés », ni même de se fader les 540 pages du dernier best-seller de Zemmour. On trouve à gauche de la gauche, plus précisément dans certains milieux libertaires, anti-industriels et écologistes radicaux, le pire de ce que l’idéologie masculiniste peut produire. Dernièrement, un exemple nous a touché.e.s près. Les « individus politiques » grenoblois de Pièces et main d’oeuvre [1] (qu’on abrègera ici en "PMO") ont publié un texte au contenu antiféministe, homophobe et transphobe qui n’est pas passé inaperçu dans les milieux militants. Intitulé « Ceci n’est pas une femme. À propos des tordus queer », ce texte méprisant est une violente charge contre des personnes et des groupes (femmes, lesbiennes, gays, trans, intersexes...). Mal dissimulée derrière une critique en apparence sophistiquée du Queer [2], ce pamphlet n’est en réalité rien d’autre qu’une attaque des fondements de la pensée féministe contemporaine qui a mis en évidence le fait que la naturalisation des « différences » entre femmes et hommes sert à justifier la domination de ces derniers. Si l’anti-féminisme de PMO n’était pour beaucoup qu’un secret de polichinelle, ce texte marque une étape de plus dans sa dérive réactionnaire. Malheureusement, toucher le fond n’aide pas toujours à remonter à la surface.

Dans ce texte, l’ennemi n°1 de PMO, c’est donc le « tordu queer ». Celui-ci dirigerait le monde aux côtés de ses alliés transhumanistes [3]. « Issu du milieu homo des universités new-yorkaises », il ne serait qu’un « rejeton de la technocratie bourgeoise » qui « écrase et méprise le peuple d’en bas ». Ce peuple, le « tordu queer » voudrait le « rééduquer », d’où « son effort d’entrisme dans l’enseignement, de la maternelle à l’université » [4]. Toujours dans ce texte, PMO brocarde et dénonce : les transsexuel.le.s / transgenres, que « les chirurgiens équipent ou débarrassent suivant les cas, d’un pénis détesté ou désiré », les intersexes (« Nous ne sommes pas tous intersexués, pas plus que nous ne sommes pas tous pieds-bots »), le « lobby LGBT » et « l’élite gay et lesbienne » qui aurait la mainmise sur le monde de la mode et voudrait « imposer l’homonormalité ». La liste de citations de cet acabit serait trop longue. Nous invitons les plus courageux.ses à se faire leur propre avis en lisant "Ceci n’est pas une femme". Nous savons que Pièces et main d’oeuvre a pris pour habitude de diffuser des textes provocateurs et insultants, s’amusant à observer les réactions des un.es et des autres comme les scientifiques qu’ils combattent observent des cobayes dans une cage. Ce jeu ne nous amuse pas. Notre intention n’est pas de reprendre, pour le démonter point par point, le contenu entier de ce texte aussi confus que méprisant, qui révèle une profonde ignorance des sujets évoqués. Nous souhaitons en revanche nous concentrer sur les extraits qui signent le coming out masculiniste de PMO.


Rien ne va plus : les femmes ont pris le pouvoir, les hommes sont dominés.

« Qu’est-ce qui fait courir les hommes ? Qui les oblige à se distinguer, à réussir, à se battre (entre eux), à être forts, beaux, riches, rusés, savants, drôles, artistes, etc. ? Pourquoi doivent-ils prouver leur valeur, ou à défaut inventer des anti-valeurs ? L’humour, la sensibilité, la désinvolture ? (Sartre, Gainsbourg, Woody Allen) Pourquoi doivent-ils être valeureux ? Que leur vaut cette valeur en fin de compte ? Une situation. Une position dans la meute. L’accès aux femmes. À la reproduction. À la satisfaction sexuelle pour ceux qui ne sont pas fous des éphèbes, ni des misogynes terrifiés par le redoutable vagina dentata. » p.16

Entrons donc dans le vif du sujet avec une idée affligeante : selon PMO ce sont les femmes qui créent la compétition entre les hommes et « les oblige[nt] à se battre (entre eux) ». À mi-chemin entre l’anthropologie de comptoir et le documentaire animalier, PMO nous offre une version revisitée du scénario stéréotypé de la conquête amoureuse mettant aux prises des hommes entreprenants et des femmes spectatrices des rivalités masculines. Ainsi, pour PMO, si un certain nombre d’hommes agissent de manière idiote et violente c’est pour « accéder » aux femmes, objets de convoitise (pour la « reproduction » et leurs « satisfactions sexuelles »). Si elles n’étaient pas là, rien ne justifierait de tels comportements. C’est donc de leur faute. En suivant cette logique, les hommes s’entretuent par milliers à cause des femmes, conduisent trop vite à cause des femmes, boivent trop d’alcool à cause des femmes, etc. Ils n’auraient tout bonnement pas le choix de faire autrement. Rendre les femmes responsables des comportements masculins engendrées par le patriarcat relève du procédé typique des masculinistes : inverser le sens des responsabilités et justifier la violence du système de genre. Or, sauf à défier toute logique, ce qui découle d’un système agencé par et pour les hommes ne peut raisonnablement pas être reproché aux femmes.

« Du point de vue féministe, aujourd’hui, naître homme, c’est naître coupable, s’en mortifier sans cesse et atténuer ce péché originel par une vie de contrition et de perpétuelles surenchères d’humilité. Les femmes prennent désormais le maître-rôle, le pouvoir, tandis que les hommes doivent trouver de nouvelles manières de leur prouver leur valeur. » p.17

Dans cet extrait, l’idée-maîtresse du discours masculiniste est explicite : l’homme est désormais une victime (des femmes qui auraient désormais le « maître-rôle, le pouvoir »). Il est sous-entendu que les féministes (peu importe lesquelles d’ailleurs) attendent des hommes qu’ils fassent carpette (« surenchères d’humilité »), se sentent coupables d’être nés hommes et s’en repentent éternellement (« une vie de contrition »). Il s’agit bien entendu d’un cliché très présent dans les discours anti-féministes qui vise deux choses : faire passer les féministes pour des tortionnaires et empêcher les hommes de prendre conscience des privilèges que leur octroie le seul fait d’être né homme dans une société patriarcale. Pour démontrer cette thèse masculiniste, PMO avance une « preuve ». Les femmes ont le pouvoir, du moins du pouvoir, et non des moindres : le pouvoir dans les rapports amoureux.

« Aujourd’hui comme hier, ce ne sont pas les hommes qui accordent leurs faveurs - ou non (…) Un cliché populaire le dit : ’Les hommes proposent, les femmes disposent’. S’il est un domaine où ’l’asymétrie des catégories’ détermine une hiérarchie, c’est bien dans les rapports amoureux, l’une des affaires majeures, sinon la grande affaire des humains. Un domaine où l’Amour sera roi, où tu seras reine. Où les hommes seront toujours plus les chevaliers-servants de leurs Maîtresses-dames (domina), suivant le modèle de la littérature courtoise étendu à l’ensemble de la société. Des esclaves passionnés ; des enthousiastes de la servitude volontaire ; des masochistes (de Sacher Masoch. La Vénus à la fourrure) » p.17

En guise d’argumentation, on a seulement droit ici à une glorification de ce « cliché populaire » qui a malheureusement la vie dure. PMO reprend à son compte le mythe patriarcal de l’amour courtois qui veut que les relations hommes/femmes soient réglées par les codes de la séduction galante qui placent l’homme en situation de vassal : l’amoureux tout dévoué - pour ne pas dire soumis - à sa belle, et qui alterne entre frustration et totale disponibilité. Il faut ainsi comprendre, dit de manière plus triviale, que les femmes « tiennent les hommes par les couilles ». Peu importe la réalité, finalement. Peu importe que les femmes soient poussées à céder aux demandes masculines et à se montrer sexuellement disponibles. Peu importe que la sexualité des femmes soit souvent une sexualité sous contrainte et que le désir féminin reste encore majoritairement subordonné au désir masculin, comme le montrent les études sur les pratiques sexuelles [5]. PMO semble ignorer cette réalité. Pourtant une simple attention aux interactions sexuelles de ses contemporains aurait pu l’éclairer sur le sujet. Alors qu’encore trop souvent les hommes imposent, comment se permettre de dire que « les femmes disposent » ? Ce genre de poncifs masculinistes a un double objectif : 1. occulter la cause de la plupart des violences sexuelles : l’injonction faite aux femmes de satisfaire le désir masculin, et 2. dédouaner les hommes violents qui n’auraient « pas pu » supporter leurs frustrations sexuelles. Contre les fantasmes de PMO sur les hommes « esclaves passionnés », faut-il rappeler le caractère systémique et l’ampleur des violences masculines contre les femmes ? 83000 femmes sont victimes de viols et tentatives de viols chaque année en France. Dans 70% des cas, la victime connait son agresseur (conjoint, ex, parent...). Une femme meurt tous les 3 jours sous les coups de son conjoint [6]. Chevaliers-servants, dites-vous ?


C’était mieux avant : la nostalgie d’une époque virile où les femmes étaient soumises.

« Notre société où les progrès technologiques dévalorisent la virilité et favorisent l’émancipation féminine, on n’en est plus à s’extasier devant les femmes pilotes de drones ou de bombardiers, scientifiques, informaticiennes, cadres, chefs d’entreprise, avocates, médecins, journalistes, politiciennes, etc. L’autorité paternelle abolie, les femmes, majeures à dix- huit ans, libres de faire des études, de travailler, de leur sexualité, d’avoir ou non des enfants, renversent peu à peu, dans tous les domaines et à tous les degrés de la hiérarchie, la suprématie masculine. » p.16

Que faut-il comprendre de ce passage ? PMO passe son temps à critiquer les progrès technologiques. Or, PMO nous dit que ces mêmes progrès conduisent à dévaloriser la virilité et à favoriser l’émancipation féminine. Doit-on en conclure que ces évolutions sont, pour PMO, négatives ? Les vraies valeurs, les valeurs viriles, sont menacées : voilà encore un thème classique des masculinistes. Quant aux femmes, elles prennent un peu trop de libertés – cela est sans doute dû au technocapitalisme et aux machines (le lave-linge peut-être ?). C’est inquiétant, il faudrait s’en soucier. On comprend que ces évolutions sont fâcheuses. On en déduit qu’il faudrait défendre l’ordre social sexuel pour que chacun.e reste à sa place et qu’on ne perde pas tous nos repères. Que PMO se rassure. La « suprématie masculine » n’est pas sur le point d’être renversée. En tant que groupe dominant, les hommes disposent toujours du pouvoir social et du pouvoir sur les femmes. Avancer que la suprématie masculine disparaît peu à peu revient à nier le problème et à ôter toute légitimité à celles (et ceux) qui continuent de lutter contre le système patriarcal. C’est la raison d’être même du mythe de « l’égalité déjà-là ». PMO alimente ce mythe anti-féministe en faisant sa liste des professions qui seraient désormais suffisamment féminisées pour qu’on n’ait plus plus à s’en « extasier ». Rappelons que les femmes pilotes de bombardier ne sont pas légion. Sous-représentées dans la plupart des métiers et fonctions cités (informaticiens, chefs d’entreprises...), elles restent des anomalies statistiques, des exceptions qui confirment la règle (en France : 17% des ingénieurs et 10% des élèves des écoles d’informatique. 6% des dirigeants des sociétés du CAC40, 3% des pilotes de chasse). La plupart des emplois rémunérateurs, des activités prestigieuses, et des fonctions hiérarchiques sont toujours des sanctuaires masculins. Et quand un métier se « féminise » c’est parce que les hommes le désertent et qu’il perd de son prestige social. Quant au plafond de verre, il ne s’agit pas d’un mythe, contrairement à « l’égalité déjà-là ». On ne s’extasie plus devant la mauvaise fois de PMO. Soulignons seulement que ce procédé rhétorique relève d’une stratégie classique des masculinistes : faire passer la marge pour le centre, LE cas exceptionnel pour la norme. On nous parle d’une femme pilote de chasse : et d’un coup, les femmes sont partout, ce sont elles qui ont le pouvoir. En ce qui nous concerne, nous ne souhaitons pas qu’il y ait plus de femmes chefs d’entreprise ou pilotes de bombardier. Nous souhaitons une société sans rapports de domination. Mais ne pas reconnaître que des inégalités entre hommes et femmes perdurent est un positionnement grave. Que les femmes (d’autant plus si elles ne sont pas blanches et avec papiers) constituent le gros du bataillon des pauvres, des emplois subalternes et à temps partiels subis ne semble pas incommoder PMO trop occupé à véhiculer ses fantasmes sur les femmes au pouvoir. Que dire, pour finir, au sujet du passage sur « l’abolition de l’autorité paternelle ? PMO regrette-il le bon vieux temps du règne du Pater familias et de l’éducation à la dure ? Si effectivement l’autorité paternelle, en tant que terme juridique, a disparu au profit de « l’autorité parentale », dans les faits la domination paternelle sur les femmes et les enfants persiste. L’idéologie patriarcale veut que ce soit l’homme qui incarne l’autorité dans SA famille et fixe le cadre pour SES enfants. Les masculinistes nous disent que sans la présence de l’homme et de son autorité « naturelle » les enfants deviennent délinquants, toxicomanes ou, pire, homosexuels [7]. Cette idéologie continue de justifier certaines formes de violences en enfermant les hommes dans cette image du père fouettard, plus à même de dispenser des coups que de donner de l’amour. Est-ce de cela dont PMO se sent nostalgique ?


Sauvons les hommes (hétérosexuels) : Le mâle, seul rempart contre l’indifférenciation des sexes et des sexualités.

« Mais bien sûr, [la reproduction artificielle de l’humain] permettra aussi aux androphobes, révulsées par l’ignoble phallus perfossor, de faire des filles sans recours aux hommes. » p.23

Pour PMO - et les masculinistes - les hommes sont à plaindre. Les femmes ont pris leurs places et les valeurs masculines traditionnelles sont disqualifiées et moquées par les féministes (« phalus perfossor »). Mais le pire reste à venir. Les hommes pourraient à terme être purement et simplement mis hors jeu dans le processus de reproduction. Exit le mâle ! Grâce aux technologies de la reproduction (Procréation Médicalement Assistée, ou « PMA ») et à la complicité du pouvoir bio-médical, les femmes (et les queers !) auraient le pouvoir de faire des enfants entre elles ou toutes seules. Se passer des mâles pour procréer, voilà une angoisse que PMO partage avec les défenseurs de l’ordre patriarcal et de la famille « traditionnelle ». Ce combat contre la « reproduction artificielle de l’humain » (mené de front avec des auteurs appartenant plus ou moins au même courant de pensée, tels Alexis Escudero [8] ou Hervé Le Meur [9]) s’inscrit en effet dans cet imaginaire masculiniste. Il nous faudrait comprendre que les femmes disposent désormais des moyens de répondre « au vieux désir des hommes de faire des fils sans recours aux femmes ». Pour elles, faire des filles sans les hommes, ce serait devenu possible ; l’occasion rêvée pour les féministes bien aidées par la technologie, de se venger, en quelque sorte. La PMA serait donc critiquable parce qu’elle retire du pouvoir aux hommes dans la reproduction : après l’accès des femmes à la contraception et à l’avortement, l’accès à la PMA pour toutes parachèverait le processus. Les hommes perdraient ainsi définitivement le contrôle sur la fécondité des femmes. Voilà ce qui est proprement insupportable, pour les masculinistes comme pour PMO.

« Où l’on voit que l’industrie agro-chimique ne fabrique pas que des obèses, et ne féminise pas que les poissons et les crocodiles. » p.10

Ce passage fait manifestement référence aux pollutions chimiques (notamment hormonales) susceptibles d’entraîner la « féminisation » ou la « dévirilisation » des mâles humains. Cette idée (que l’on retrouve également chez Alexis Escudero) repose sur des études scientifiques tendant à montrer l’augmentation des anomalies sexuelles et la baisse croissante de la fertilité dans les sociétés industrielles avancées : baisse du nombre et de la qualité moyenne des spermatozoïdes, problèmes de développement sexuel de l’embryon, réduction de la taille testiculaire... Les « perturbateurs endocriniens », ces molécules affectant l’équilibre hormonal et que l’on retrouve dans certains produits chimiques (phtalates ou bisphénol A) présents dans les emballages, les produits cosmétiques, etc., seraient les principaux responsables. S’il ne faut pas sous-estimer la gravité du problème, certains comme PMO laissent à penser que la possible « féminisation de l’espèce » est la principale menace. Le pire à venir ne serait pas la fin de l’humanité, mais la venue d’une humanité sans mâle. Une humanité dans laquelle tous les humains sont des femmes ? horreur ! La question des troubles de la reproduction sert ici à alimenter le fantasme de la disparition des mâles. Une vision misogyne et masculiniste sous-tend bel et bien cette critique de « l’industrie agro-chimique » et de nos modes de vie.

« Le chromosome mâle est « petit », « ténu », « fragile », « chétif et peut-être éphémère » ; il ne cesse de perdre des gènes depuis 180 millions d’années - il ne lui en reste que 3 %. Il pourrait disparaître d’ici quelques millions d’années - voire plus vite encore si des généticiens queer prennent en main l’évolution et l’amélioration de l’espèce humaine. » p.11

« Et la généticienne Jenny Graves d’en conclure « que le Y n’est plus indispensable pour assurer ces fonctions « mâles ». » Bon débarras, tiens !... Et prends ça dans les couilles, vieux chromosome patriarcal hétéronormé ! » p.11

« Cela reste vrai à ce jour, seule l’union de gamètes mâles et femelles, fut-ce dans une éprouvette, peut aboutir à la formation d’un embryon. Cela ne le sera peut-être bientôt plus, si les fiévreuses recherches pour fabriquer des embryons à partir de gamètes exclusivement mâles ou femelles portent leurs fruits. On voit le bond en avant pour l’humanité qui pourra ainsi potentiellement se débarrasser de l’une ou de l’autre de ses moitiés, en finir avec la reproduction sexuée, développer une société séparée suivant les limites de genre, imposer l’homonormalité, etc. » p.14

Pour PMO, le problème de la féminisation de l’espèce n’est pas seulement le fait de l’industrie. Il serait également le résultat de l’évolution. Ce texte nous plonge dans un récit de très mauvaise science-fiction dont l’arrière-plan est toujours la disparition du mâle. Peu importe que celle-ci soit vaguement estimée dans 3 millions d’années, l’important est de frissonner. Pour PMO, il y aurait une convergence d’intérêts et de vues entre différents acteurs : les queers qui voudraient effacer les frontières entre masculin et féminin, mais aussi entre mâle et femelle ; l’industrie agro-chimique qui pollue l’environnement ; et les transhumanistes qui rêvent d’humains augmentés. Autrement dit, on serait face à une mystérieuse alliance « d’androphobes » (d’autres auteurs masculinistes préfèrent utiliser le terme « misandres » pour décrire cette haine supposée des hommes) qui auraient en commun la haine du vivant et de la nature. Or ce front commun est une affabulation.

Si la fin du mâle reste une pure fiction, ce qui par contre est bien réel dans ces écrits et l’esprit de leurs auteurs, c’est la peur panique de l’indifférenciation sexuelle, ce vieil épouvantail patriarcal. En d’autres mots, les ennemis de PMO sont celles et ceux qui encouragent la confusion des genres et la remise en cause de la norme hétérosexuelle. Ce qui se joue n’est donc pas le drame auquel on voudrait nous faire croire, à savoir la destruction de l’espèce, mais plutôt le repli d’un courant de la critique radicale sur la défense de la domination masculine.

Collectif Stop-Masculinisme, janvier 2015.

stop-masculinisme.org

contact[arobase]stop-masculinisme.org

http://grenoble.indymedia.org/2015-01-3 ... liniste-de
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Re: Pièces et main d’oeuvre : une conception du progrès

Messagede abel chemoul » 15 Fév 2015, 14:10

Deux remarques:
1) tirer des phrases isolées d'une brochure de 40 pages, c'est un peu malhonnête comme procédé. mais là on fait encore plus fort! on isole des phrases d'un même paragraphe pour en falsifier le sens.
exemple typique:
« Le chromosome mâle est « petit », « ténu », « fragile », « chétif et peut-être éphémère » ; il ne cesse de perdre des gènes depuis 180 millions d’années - il ne lui en reste que 3 %. Il pourrait disparaître d’ici quelques millions d’années - voire plus vite encore si des généticiens queer prennent en main l’évolution et l’amélioration de l’espèce humaine. » p.11


« Et la généticienne Jenny Graves d’en conclure « que le Y n’est plus indispensable pour assurer ces fonctions « mâles ». » Bon débarras, tiens !... Et prends ça dans les couilles, vieux chromosome patriarcal hétéronormé ! » p.11"

ces deux citations n'en sont en fait qu'une, mais les séparer permet de faire croire que la déclaration sur le chromosome Y est de PMO qui flipperait de la disparition de Y alors qu'il est de la généticienne citée, généticienne qui se sert de l'argument biologique pour dire que le mâle n'est peut-êre pas indispensable.
les 'anti-masculinistes" enfoncent le clou sur ce passage en disant:
Pour PMO, le problème de la féminisation de l’espèce n’est pas seulement le fait de l’industrie. Il serait également le résultat de l’évolution. Ce texte nous plonge dans un récit de très mauvaise science-fiction dont l’arrière-plan est toujours la disparition du mâle.

vous avez compris correctement le paragraphe? les anti-masculinistes vous le réexpliquent pour que vous le compreniez de travers dans le sens qui les arrange!
Sérieux, soit ils savent pas lire une brochure soit on touche le fond de la mauvaise foi. Pour se rendre compte de cette petite manoeuvre, il suffit d'avoir lu la brochure, mais comme il devient suspect dans nos milieux de le faire, on va gober ce que dit ce texte forcément honnête et intelligent puisque validé par Indymedia.

2) l'accusation de complotisme devient vraiment une mode désagréable pour discréditer l'ennemi à abattre, ça devient pénible ce genre de méthodes. on cherche le sens complotiste caché à chaque phrase, le côté délirant, quitte à comprendre volontairement de travers le propos de l'autre. cf. point 1

Sinon, la brochure en question est disponible sur le site PMO qu'on n'a pas le droit de copier/coller ici, mais google vous aidera à la trouver... pour ceux qui n'aimeraient pas lire des brochures sur internet, Ceci n'est pas une femme est disponible en version papier sur la table de presse de SUD-étudiant Tours, syndicat hautement rouge-brun s'il en est. :mrgreen:


edit: Et puis merde, puisqu'on a le droit de copier/coller un texte falsifiant le propos des autres, on doit bien avoir le droit de copier/coller l'adresse du texte falsifié!
Ceci n'est pas une femme là: http://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/ ... _femme.pdf
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Re: Pièces et main d’oeuvre : une conception du progrès

Messagede Alex » 23 Fév 2015, 17:56

Juste pour dire que l'impression de "Ceci n'est pas une femme", d'un texte de PMO et d'un autre d'Escudero n'est pas le fait du syndicat Solidaires Etudiant-es Tours mais de deux personnes. Il n'y en a plus de disponibles, et j'estime, à titre personnel, que ça n'est pas notre rôle de syndicat (même étudiant) d'imprimer des textes sujets à controverse -que tu le veuilles ou non, Abel.
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