Le Retour Des Classes Sociales : « Presque Une Lutte Des Cla

Le Retour Des Classes Sociales : « Presque Une Lutte Des Cla

Messagede Nico37 » 24 Avr 2010, 19:45

Paul Bouffartigue est sociologue, directeur de recherche au CNRS. Il a dirigé Le Retour des classes sociales. Inégalités, dominations, conflits, paru à La Dispute en 2004, et codirigé avec Sophie Béroud Quand le travail se précarise. Quelles résistances collectives ?, à paraître également à La Dispute. La lutte des classes continue-t-elle d'exister sans classes mobilisées ? Nous lui avons posé la question.

*********************************************
Peut-on parler de « classe ouvrière » aujourd'hui, face aux transformations du salariat, avec notamment la montée du secteur tertiaire ?

Paul Bouffartigues : Oui et non. Oui, soit que l'on s'en tienne à la définition étroite qui est, de longue date, celle des « ouvriers » dans la classification socioprofessionnelle officielle - en gros, l'ensemble des travailleuses et travailleurs manuels salariés -, groupe qui existe bel et bien numériquement puisqu'il forme un quart de la population active ; soit qu'on actualise l'approche de Marx en se demandant qui sont, « objectivement », les producteurs des richesses aujourd'hui, ce qui conduirait à y inclure la plupart des salariés. Il est vrai que les frontières se sont largement brouillées entre les ouvriers et toute une frange des employés peu ou pas qualifiés, voire au-delà.

Non, si on écarte ces deux définitions, pour ne retenir que celle de la « classe pour soi » de Marx, celle qui est pleinement consciente non seulement de son existence mais également de son « rôle historique ». En particulier, il faut prendre acte que la notion de classe ouvrière n'est plus un opérateur de mobilisation politique, ne fait plus sens pour désigner un sujet politique révolutionnaire.
Devant ces difficultés, les sociologues qui enquêtent sur le monde ouvrier utilisent plus volontiers maintenant la notion de « classes populaires », notion plus pragmatique et plus réaliste que celle de classe ouvrière, qui continue pour autant de faire référence aux clivages de classe, et qui rappelle que ces classes populaires - en gros, les ouvriers et employés - représentent toujours une bonne moitié de la population.

Les travaux récents sur les personnels d'encadrement remettent-ils en cause la thèse de la « moyennisation » de la société française, défendue dans les années 1980 ?

Paul Bouffartigues : Ces travaux montrent que l'espace du salariat intermédiaire est lui-même l'objet d'un processus de polarisation sociale, avec une minorité qui « tire son épingle du jeu », et une majorité qui est sous la pression des nouvelles contraintes, au travail et en dehors du travail, exercées par le capitalisme financiarisé. Sans dramatiser les dynamiques en cours chez les « classes moyennes », comparativement aux effets dramatiques de la crise dans de larges fractions des classes populaires, elles connaissent incontestablement des difficultés nouvelles, même si ce sont surtout les nouvelles générations qui les subissent de plein fouet.

Comment analyser la thèse de l'« individualisation du social », qui a marqué nombre de politiques sociales des vingt dernières années ?

Paul Bouffartigues : Qu'il y ait un processus historique de très longue durée - étudié en tant que tel par Norbert Elias [1] - de développement d'une « société des individus », est incontestable. Mais, comme le montre Robert Castel [2], l'individualisation du social n'a été possible que par le développement de multiples « supports » sociaux. Leur démantèlement, au nom de la « responsabilisation » des individus, perçus comme fondamentalement responsables de leurs malheurs, conduit tout droit à une formidable régression qui accentuera la précarisation des plus fragiles.


On parle beaucoup des groupes sociaux dominés, mais que sait-on aujourd'hui des classes dominantes, en particulier la grande bourgeoisie ?

Paul Bouffartigues : On en sait encore relativement peu de choses, malgré les importants travaux de Monique et Michel Pinçon [3] sur la grande bourgeoisie française. Ce déficit de connaissances reflète d'ailleurs le processus d'abstraction du capital et d'anonymisation de ses propriétaires, qui sont de plus en plus souvent des fonds de pension ou des fonds d'investissement. Quand des ouvriers licenciés séquestrent des cadres dirigeants à l'échelon d'un établissement - cadres qui ne sont que les gérants des affaires des grands actionnaires -, c'est une manière de protester contre cette anonymisation des décideurs, qui sont lointains et qui refusent de rendre des comptes. Reste qu'il y a des liens étroits et multiples entre la grande bourgeoisie traditionnelle, les hauts cadres dirigeants, et les détenteurs du capital financier. J'aime bien l'image de « dernière classe » utilisée par les
Pinçon, pour dire que cette grande bourgeoisie est finalement la seule qui conserve l'ensemble des attributs d'une classe :
communauté de situation, de destin, sentiment d'appartenance, et stratégies multiples de reproduction, stratégies dont font partie les actions en vue d'affaiblir le monde du travail. Au passage, cela confirme que la lutte des classes continue d'exister, mais que la configuration des classes qui résulte de cette lutte est, paradoxalement, caractérisée par l'effacement apparent des classes traditionnelles. A la limite, on a presque une « lutte des classes sans classes »...


Comment articuler la prise en compte des inégalités de genre et de race à l'analyse des groupes sociaux et des dynamiques sociales de classe ?

Paul Bouffartigues : On ne comprend pas grand chose aux réalités sociales concrètes si on ne prend pas en compte la combinaison, mieux l'intrication, de tous les grands rapports sociaux, qui sont d'ailleurs tous des rapports de domination sociale - rapports incluant la lutte contre cette domination. Par exemple le monde des employés est un monde féminin à 80 %, le genre féminin construit cette catégorie sociale. C'est encore plus vrai pour certains groupes professionnels, comme les infirmières. Toute une série d'enjeux et de luttes chez elles consistent à se dégager de l'héritage de la domesticité et du bénévolat qui pèse encore - leurs grandes luttes de la fin des années 1980 avançaient le mot d'ordre « ni nonnes, ni bonnes... » - sans renoncer à la contribution positive du genre féminin à la construction de la « compassion » qui soutient leur professionnalité.
Autre exemple, le travail et les conditions spécifiques de son exploitation, et jusqu'au style des grèves chez McDo sont incompréhensibles sans prise en compte de la jeunesse, et du statut d'étudiant d'une partie de la main-d'oeuvre. Et une fraction d'entre elle est formée de ces « jeunes des banlieues » qui forment également une partie de la clientèle. Dernier exemple, la lutte des travailleuses et des travailleurs sans papiers d'Ile-de-France pour leur régularisation. Elle n'a été possible que parce que ces salariés sont initialement
inscrits dans des rapports de solidarité communautaires, mais au travers de cette action ils parviennent à retourner leur image négative d'« immigrés clandestins » dans celle positive de « travailleurs », et de « sans papiers », c' est-à-dire injustement privé de ses droits légitimes.

Que peut-on dire de la conflictualité sociale en France, avec un éclatement mais aussi un renouveau des luttes, notamment chez les précaires ? Les conflits du travail sont-ils centraux pour comprendre les dynamiques sociales ?

Paul Bouffartigues : Aujourd'hui, la conflictualité sociale se voit d'abord dans la rue, et les salariés n'en ont pas le monopole. La jeunesse scolarisée est de longue date - depuis 1968 au moins - l'une des catégories la plus mobilisée collectivement, et ce de manière récurrente, selon un cycle qui mériterait d'être étudié. La conflictualité sur le lieu de travail est très vivace, mais moins visible que par le passé, car elle prend moins souvent la forme de grèves franches, et plus souvent celle de pétitions, délégations, refus des heures supplémentaires, aux côtés des formes plus traditionnelles de freinage... A mon sens ces conflits demeurent centraux pour comprendre les dynamiques sociales, parce que le travail demeure une expérience socialement et psychologiquement vitale pour les individus. Pour le pire
- en l'absence de conflit collectif, c'est l'individualisation et la personnalisation des tensions qui l'emporte, avec la
montée de la « souffrance » et du « stress » - et pour le meilleur : l'action collective, même quand elle échoue dans l'immédiat, accroît le pouvoir d'agir et fait reculer le sentiment d'indignité et de fatalité.

Quel serait pour vous le rôle d'une sociologie critique ?

Paul Bouffartigues : Travailler en lien - ce qui ne veut pas dire en rapport de subordination - avec les mouvements et les acteurs sociaux : mettre à disposition la masse des savoirs critiques accumulés à l'Université sur le monde social ; apprendre de l'expérience sociale, tout particulièrement dans les moments « chauds » des conflits, traditionnellement trop peu explorés, ce qui signifie développer une connaissance critique qui ne soit pas désespérante mais réappropriable par les acteurs sociaux, dans la mesure où elle peut mettre au jour les contradictions dans la domination ; contribuer, modestement, aux tentatives pour repenser l'alternative sociale...

Propos recueillis par Violaine Bertho (AL93)


Notes :

[1] Norbert Elias, La société des individus, Fayard, 1991.
[2] Robert Castel, Les métamorphoses de la question sociale. Une chronique du
salariat, Folio essais, 1999.
[3] Voir notamment leur contribution dans Le retour des classes sociales.
Inégalités, dominations, conflits.

http://www.alternativelibertaire.org
Nico37
 
Messages: 8488
Enregistré le: 15 Sep 2008, 09:49

Re: Le Retour Des Classes Sociales : « Presque Une Lutte Des

Messagede anouchka » 07 Jan 2012, 14:48

Au sujet du rapport entre lutte des jeunes de banlieue et lutte des classes, et aussi de "l'ascenseur social", la "mixité sociale" et "l'égalité des chances", un article du Monde libertaire déjà ancien (2003) mais dont je ne renierais pas grand chose:

ZEN, LES PAUVRES!
Un soir, sur le chemin du métro, je tombe en arrêt devant une affichette : "Quelle réussite pour les jeunes des quartiers populaires ? Réunion-débat organisée par le C.C.I." (Convergences citoyennes Ivry, un collectif apolitique qui se propose d'améliorer la vie sociale dans la cité), animée par Antoine Spire, de la L.D.H., et Azouz Begag, auteur du Gône de Chabah. À priori, rien d'alléchant. Quoique... Le thème me paraît propice à tous les débordements. Et si personne ne se charge d'apporter de critique politique, je prendrai mon courage à deux mains !

Le jour dit, la salle est bourrée à craquer. Cent, cent cinquante personnes ? Des prolos de tous âges, de tous sexes et de toutes couleurs, des B.C.B.G., des jeunes Beurs, des inclassables... Il ne manque qu'un raton-laveur. À la tribune, un Black barbu (de la L.D.H.), un quinquagénaire au double menton suffisant (Antoine Spire), un Beur du genre ravi de la crèche (Begag). Je m'attends au pire.

Le Black barbu ouvre le tir. Les vraies raisons de la misère, de l'illettrisme, de la violence dans les cités ? Tout bonnement, l'image négative que les médias renvoient aux "jeunes de banlieue". Si ces derniers sont dans la merde, c'est qu'ils n'ont pas confiance en eux ! Les intervenants du débat vont donc s'efforcer, avec l'aide présumée du public, de réparer cette injustice - la seule, la vraie, dont est victime la jeunesse issue de milieux défavorisés. Un peu partout autour de moi, je commence à entendre des chuchotements exaspérés. Sans mystère, ceux qui ont plutôt un look bourgeois écoutent d'un air chatouillé ; les prolos et les immigrés serrent les poings et les mâchoires.

Le quinquagénaire prend le relais. Il est journaliste à France Culture. Il s'appelle Antoine Spire. Retenez bien ce nom : car ce monsieur n'a rien trouvé de moins que le remède miracle aux inégalités sociales ! "On parle trop souvent des jeunes de banlieue délinquants, chômeurs ou précaires. À force de discours déprimants, on les maintient dans une "complaisance victimatoire" (sic). Pourquoi ne parle-t-on pas de ceux qui sont devenus chefs d'entreprise, artistes, universitaires ? Pourtant, ceux-là existent aussi ! Il faut refuser la fatalité, mettre en avant "l'individu", et baratin et blablabla... et je cède la parole à Azouz Begag qui illustre bien mon propos."

Voilà donc un garçon que l'on agite un peu partout comme un phénomène de foire : "Le Reubeu qui a réussi malgré des parents illettrés." Cet "idiot utile" a bien compris ce que l'on attendait de lui. Suit un interminable récit de son enfance difficile, agrémenté d'anecdotes totalement hors sujet. Tout content de lui, il signale qu'en dépit de ses handicaps (qui ajoutent à son mérite !), il a su dire "Je", il a su évoluer tout seul, il a encouragé ses potes à suivre son exemple : "Les bibliothèques, c'est gratuit !"

C'est alors q'un jeune homme du M.I.B. (Mouvement de l'immigration et des banlieues) vient s'installer à la tribune (tout au long de son intervention, Spire et Begag deviseront ostensiblement !). D'une voix rauque de colère, il parle du racisme, du quotidien dans les banlieues, des conditions d'éducation pour les enfants d'immigrés, et conclut : "À vous entendre, ce n'est pas la peine de donner de meilleures conditions de vie et d'éducation aux pauvres, puisque les plus forts arriveront quand même à se tirer d'affaire !" Applaudissements nourris, côté "pouilleux" de la salle.

Puis, à ma vive satisfaction, les "pouilleux" se bousculent pour rentrer dans la gueule de cette brochette de branquignols qui sont venus leur donner des leçons de réussite sociale. Un ouvrier au chômage gueule, rouge et vibrant d'indignation : "Vous me dites que si je suis dans la merde, c'est parce que je suis con et feignant ? Que ça n'aurait pas fait de différence si j'avais eu des parents riches ?" Un jeune Beur crie qu'on l'a mis de force dans une filière technique, qu'il félicite Begag de son talent et de son courage, mais le prie de la ramener un peu moins, par égard pour tous les pauvres nases qui sont restés sur le carreau. "Allons, c'est plus compliqué que ça, sourit Spire. Vous pourriez profiter de la société vous aussi, avec de la volonté..."

Le gars du M.I.B. arrache le micro : "Bien sûr, il y en a qui arrivent à courir avec un boulet de cent kilos attaché au pied ! Mais est-ce qu'on doit s'étonner si la plupart n'y arrivent pas ?"

Spire : "Il faut une grande souffrance pour devenir aussi aigri, pour caricaturer la société comme vous le faites..."

Huées dans la salle. Imperturbable, Spire continue : "Dire que la société va mal, c'est de la désinformation ! Bien sûr, ce n'est pas encore parfait, mais tout va de mieux en mieux depuis trente ans..."

Une femme le coupe, révoltée : "Quelles sont vos sources ? J'aimerais le savoir ! Et les chiffres du chômage, et ceux de la précarité ? Venez donc un peu dans ma cité, voir de plus près tous les veinards qui se régalent de votre société "presque parfaite !""

Spire, onctueux : "Bien sûr, il y en aura toujours quelques-uns qui resteront au bord de la route... Mais ce n'est pas en leur répétant que tout va mal qu'on les poussera à évoluer !"

Je n'en peux plus. Il était temps qu'on me donne aussi la parole et, coup de chance, c'est mon tour ! Je suis tellement en pétard que je manque lâcher le micro.

J'ai deux gosses qui vont dans la Zep, juste en face. Bien sûr, je voudrais qu'ils s'en sortent au mieux... Mais je ne ferais pas l'erreur de confondre solutions individuelles et solutions politiques ! Il ne s'agit pas de nier les mérites des individus et associations qui tentent d'améliorer le sort des exclus de la croissance. Mais comment peut-on s'imaginer que la solution réformiste pourrait s'étendre à l'infini ? Je voudrais vous parler d'un film : Les lascars du L.E.P. électronique. Une bande de jeunes d'un L.E.P. veut se mêler au mouvement de 86. Ils se font jeter, car leur discours dérange les étudiants : "On n'est pas plus cons que vous, on veut pas aller à l'usine !"

Bien sûr, ils pensent d'abord à s'en sortir individuellement. Et puis ils se rendent compte d'une chose : il faut bien des gens pour faire tourner les usines et pour ramasser les poubelles. La société serait dans une belle merde, s'il n'y avait que des avocats, des journalistes, des écrivains, des P.D.G. sans employés !

Begag a dit que c'est important d'être cultivé, même si certains étudiants travaillent dans un McDonald's. Mais quand on a fait des études, on ne veut plus de ces sales boulots. Six mois, un an, peut-être, en attendant mieux... Mais on ne se résignera pas à être caissier jusqu'à la retraite. C'est pourquoi il faut que beaucoup restent suffisamment incultes pour accepter leur condition. Faut des esclaves, faut du bétail ! Vous trouvez qu'on ne parle pas assez des pauvres qui ont réussi ? Le mythe du self made man est aussi vieux que le monde capitaliste ! Il existe pour faire croire aux pauvres qu'il y a "égalité des chances", que ceux qui se font exploiter sont des idiots pas motivés. L'ennui, c'est que pour cette société, non seulement c'est impossible que tous aient un métier agréable et bien payé, mais surtout, ce n'est pas souhaitable !

Les pauvres ne pourront pas "évoluer" au-delà d'une certaine limite, tant qu'on n'aura pas changé radicalement de société !

Applaudissements... Et silence côté tribune. L'argumentation des "lascars" a toujours le don de clouer le bec aux réformistes. Que répondre ? Que les plus bêtes, les moins motivés iront travailler en usine ? Donc qu'il faut espérer que tout le monde n'évoluera pas trop...

J'aurais voulu parler aussi du concept d'"égalité des chances", qui veut que les plus "doués" soient fabuleusement récompensés, les plus faibles atrocement punis...

Mais je dois passer le micro à un B.C.B.G. Il pontifie : "Il faut rechercher la "paix sociale"." S'ensuit un chœur de hurlements : "C'est facile de garder son calme quand on n'est pas victime d'une guerre que les pauvres subissent sans arrêt !"

Quand le débat est terminé, Antoine Spire et ses acolytes s'en retournent fort déconfits. Ils étaient pourtant venus tout pleins de bonne volonté, sincèrement apitoyés par le sort des jeunes de banlieue déprimés... Le lendemain, assise à une table voisine dans un bistro du centre ville, j'entends un participant au débat raconter sa version des faits :

"Ça aurait pu donner un résultat ; malheureusement, il y avait des éléments perturbateurs..." Coup d'œil torve dans ma direction. Quant à moi, je suis revenue de ce débat remontée comme une pendule : grâce à lui, j'ai eu l'impression d'assister à la lutte des classes !

Le Monde libertaire, janvier 2003

http://fa-ivry.forlogaj.tk/article130/zen-les-pauvres
Avatar de l’utilisateur-trice
anouchka
 
Messages: 397
Enregistré le: 10 Déc 2011, 08:34


Retourner vers Débats de société

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun-e utilisateur-trice enregistré-e et 6 invités