Maladie et capital, Médecine et repression, patient controlé

Maladie et capital, Médecine et repression, patient controlé

Messagede arvn d » 03 Aoû 2009, 14:21

Texte "Maladie et Capital"

MALADIE ET CAPITAL
par
Alfredo M. Bonanno


La maladie, c'est-à-dire, un mauvais fonctionnement de l'organisme, n'est pas propre à l'homme. Les animaux tombent malades, et même les choses à leur manière, présentent des défauts de fonctionnement. L'idée de la maladie comme anormalité est un classique qui a été développé par la science médicale.
La réponse à la maladie, principalement grâce à l'idéologie positiviste qui domine encore la médecine d'aujourd'hui, est celui de la guérison, c'est-à-dire, une intervention extérieure choisie parmi des pratiques spécifiques, visant à rétablir les conditions d'une certaine idée de la normalité.
Pourtant, ce serait une erreur de penser que la recherche des causes de la maladie a toujours été en parallèle à cette nécessité scientifique de rétablir la normalité. Pendant des siècles, les remèdes ne vont pas de pair avec l'étude des causes, qui parfois ont été absolument fantastiques. Les remèdes ont leur propre logique, surtout lorsque ils sont fond és sur des connaissances empiriques de la force de la nature.

A une époque plus récente,une critique du sectarisme de la science, y compris la médecine, s'est basée sur l'idée de la totalité de l'homme: une entité composée de divers éléments - intellectuelle, économique, social, culturel, politique et ainsi de suite. C'est dans cette nouvelle perspective que la dialectique matérialiste et l'hypothèse du marxisme lui-même se sont insérés. Cette analyse d’un homme qui n'est plus divisée en secteurs comme l'ancien positivisme nous avez habitué, a de nouveau été enfermé par le déterminisme marxiste. La cause de la maladie a donc été considérée comme due exclusivement au capitalisme qui, en aliénant l'homme à travers le travail, l’exposai à une relation distordue avec la nature et la «normalité», l'autre côté de la maladie.
A notre avis, ni la thèse positiviste qui voit la maladie comme étant due à un défaut de fonctionnement de l'organisme, ni la thèse marxiste qui voit les choses comme étant dû à des méfaits du capitalisme, est suffisante.
Les choses sont un peu plus compliquées que cela.
En principe, nous ne pouvons pas dire qu’il n'y aurait plus la maladie dans une société libérée. Nous ne pouvons pas dire que, dans cet heureux événement, la maladie elle-même se réduirait à un simple affaiblissement de certains hypothétiques forces qui est encore à découvrir. Nous pensons que la maladie fait partie de la nature de l'état de la vie de l'homme en société, c'est-à-dire, il correspond à un certain prix à payer pour corriger un peu des conditions optimales de la nature en vue d'obtenir l'artificialité nécessaires à la construction même des sociétés les plus libres .
Certes, la croissance exponentielle de la maladie dans une société libre où l’artificialité entre les individus serait réduite au strict indispensable, ne serait pas comparable à celle d'une société fondée sur l'exploitation, tel que celui dans lequel nous vivons maintenant. Il résulte de cela que la lutte contre la maladie fait partie intégrante du conflit de classe. Pas tellement parce que la maladie est causée par le capital - ce qui serait une déclaration déterministe, donc inacceptable, -, mais parce qu'une société libre serait différente. Même dans sa négativité, elle serait plus proche de la vie, de l'être humain. Ainsi, la maladie serait une expression de notre humanité, tout comme elle est l'expression de notre terrifiante inhumanité aujourd'hui. C'est pourquoi nous ne nous sommes jamais accordés avec la thèse un peu simpliste résumée dans l'expression «faire de la maladie, une arme", même si elle en est une qui mérite le respect, notamment en ce qui concerne la maladie mentale. Il n'est pas vraiment possible de proposer au patient un traitement qui est basé exclusivement sur la lutte contre la classe ennemie. Ici, la simplification serait absurde. La maladie, c'est aussi la souffrance, la douleur, la confusion, l'incertitude, le doute, la solitude, et ces éléments négatifs ne se limitent pas à l'organisme, mais aussi l'attaque la conscience et la volonté. Pour élaborer des programmes de lutte sur une telle base serait tout à fait irréaliste et terriblement inhumain.
Mais la maladie peut devenir une arme si on la comprend à la fois dans ses causes et ses effets. Il peut être important pour moi de comprendre ce que les causes externes de ma maladie sont: les capitalistes et les exploiteurs, l'État et le capital. Mais cela ne me suffit pas. J'ai aussi besoin de clarifier ma relation avec ma maladie, qui ne pourrait pas seulement être la souffrance, la douleur et la mort. Cela pourrait aussi être un moyen de mieux comprendre moi-même et les autres, ainsi que la réalité qui m'entoure et ce qui doit être fait pour la transformer, et aussi avoir une meilleure compréhension d’ issues révolutionnaires.
Les erreurs qui ont été faites par le passé à ce sujet proviennent d'un manque de clarté en raison de l'interprétation marxiste. Cela etait basé sur la prétention d'établir une relation directe entre la maladie et le capital. Nous pensons aujourd'hui que cette relation doit être indirecte, c'est-à-dire, en prenant conscience de la maladie, non pas de la maladie en général comme une condition d'anormalité, mais de ma maladie comme un élément de ma vie, un élément de MA NORMALITÉ.
Et puis, de la lutte contre cette maladie. Même si les combats ne sont pas toujours victorieux.


Traduction d’après l’ article « Illness and Capital » in Willful Disobedience Volume 4, number 3-4, Fall-Winter 2003

http://www.geocities.com/kk_abacus/vb/wdv4n3-4.html#illness
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Médecine et répression ??

Messagede RickRoll » 20 Oct 2009, 11:28

Critique d'un document du CNJM, datant de mai 68
Source

Je l'ai vu en traînant sur le forum anarchiste, et Kartoch le présentait comme étant une critique toujours valable. Ça me pose de gros problèmes, et je pense qu'il faut démonter ce discours.
Est-ce que je juge la situation coloniale en Afrique en me basant uniquement sur des documents vieux de 40 ans ?

Médecine et répression

Dossier Mai 68

Ce n’est pas un «accident» qui a réveillé pour un temps le consommateur dépolitisé, un accident dont la cause serait la brutalité policière. Pas plus que la révolte étudiante ne se réduit au fanatisme de «quelques enragés», la répression policière ne peut être réduite au sadisme des «flics» et à la «bêtise» de leurs chefs ; et pas plus dans un cas que dans l’autre, il ne s’agit d’un fait isolé, anomalie momentanée et sans lendemain de notre harmonieuse civilisation.

Cette civilisation est au contraire le déguisement habituel que prend la répression permanente pour se dissimuler et pour se perpétuer ; car habituellement cette répression n’a pas l’apparence révélatrice et lumineuse d’un gendarme casqué mais des uniformes moins choquants, mieux acceptés, souvent même désirés comme la blouse du médecin ou la toge de l’enseignant.

Au lieu de verser des larmes sur les blessés, car les blessures doivent être pour nous la leçon du courage qu’elles signent, il vaut mieux s’intéresser aux maladresses de Roche, par exemple, qui nous permit de vivre si intensément que police et université ont la même fonction : maintenir et reproduire l’ordre bourgeois.

La structure sanitaire partage avec les deux précédentes et quelques autres (structure judiciaire par exemple) un rôle de cimentage et de colmatage des fissures qui pourraient apparaître dans notre édifice social. Cette fonction répressive et adaptatrice de la structure sanitaire que nous voulons révéler ici, peut être montrée à ses trois niveaux d’organisation.

I. La répartition sociologique du travail sanitaire

Le médecin croit être le patron là où il n’est que le contremaître. Les permissions de «toucher» au malade qu’il délivre parcimonieusement aux autres travailleurs sanitaires, comme autant de bribes de son «pouvoir», sont les bons points dont il dispose pour récompenser les bonnes relations qu’il entretient avec ses «subordonnés». Les limites de ces permissions sont les interdictions que le médecin émet comme autant de diktats et dont il fait reposer la justification sur un savoir dont il serait le seul et unique dépositaire.

Pourquoi, par exemple, faire passer la frontière qui délimite le pouvoir de l’infirmière entre la piqûre intramusculaire et la piqûre intraveineuse ? Parce que le médecin se doit de masquer l’absence de fondement scientifique de son «art», qui lui fait établir des distinctions aussi arbitraires ; sinon cette absence de fondement scientifique révèlerait la nature idéologique du savoir médical et sa soumission à l’idéologie dominante : l’idéologie bourgeoise.

De cette contrainte, qui met le médecin dans l’impossibilité d’une critique radicale de sa méthode et de son objet, c’est-à-dire tout simplement qui lui retire la liberté de penser, le système idéologique lui donne compensation, à l’inverse des autres travailleurs sanitaires, en le rattachant à la classe bourgeoise et en lui donnant l’illusion de détenir, seul, le pouvoir thérapeutique, le contraignant ainsi à être le gardien de cette idéologie.

II. Le contenu et l’organisation des études médicales

Les études médicales n’apportent qu’un savoir fragmentaire : études du corps malade et du corps sain, amputant l’homme de deux dimensions essentielles : l’homme social et l’homme sujet de désirs (exclusion des sciences humaines, demi-exclusion de la psychiatrie). Études qui se font sous la forme, non d’un apprentissage critique, mais d’acquisition par la mémoire d’une pseudo-science qui ne trouve sa matière que par un recours désordonné à des concepts venus d’autres sciences et qui perdent dans ce transfert toute cohérence. L’importance accordée à la présence hospitalière et surtout le mode d’intégration de l’étudiant est révélateur : d’emblée, celui-ci endosse le statut du médecin, on l’appelle «Docteur» dès le premier jour, il ne pourra dorénavant que tendre vers cette image mythique, toute possibilité de critique ou de contestation lui est retirée, ainsi que d’une remise en cause de son mode de relation avec ses futurs «subordonnés».

L’institution fondamentale des études médicales reste de toute façon le concours, dont la fonction est de syncrétiser cette acquisition d’un pseudo-savoir et d’un statut mythique.

III. Les modalités de prise en charge de la maladie par la société et la place qu’elles assignent au médecin

Il apparaît qu’un des rôles de la Faculté de Médecine soit de préparer les étudiants à leur tâche réelle : à partir d’une conception biologique, elle forme des médecins au service de l’oppression capitaliste dans la mesure où il leur est interdit de contester l’état de maladie dans ses dimensions socio-économiques.

La société capitaliste, sous le couvert d’une apparente neutralité (libéralisme, vocation médicale, humanisme non combattant…) a rangé le médecin aux côtés des forces de répression : il est chargé de maintenir la population en état de travail et de consommation (ex. : médecine du travail), il est chargé de faire accepter aux gens une société qui les rend malades (ex. : psychiatrie).

Quoique l’indépendance du médecin soit proclamée (et défendue par l’ordre des médecins… qui ne dit mot lorsque les forces de l’ordre s’opposent au ramassage et au traitement des blessés) cette indépendance est extrêmement réduite du fait qu’il est chargé non pas tant de lutter contre la maladie, mais de la prendre en charge en l’excluant de la vie sociale. Une véritable contestation de la maladie, impliquant un élargissement considérable de la notion de prévention, deviendrait rapidement politique et révolutionnaire : car elle serait contestation d’une société inhibitrice et répressive.

Centre national des Jeunes Médecins
13, rue pascal, Paris 5e
RickRoll
 

Re: Médecine et répression ??

Messagede RickRoll » 20 Oct 2009, 11:59

Je ne suis pas d'accord avec de nombreuses affirmations de cet article.

Déjà, première chose, cet article fait état de l'enseignement et de la pratique médicale en 1968 en France. Elles ont heureusement évolué depuis, pour le bénéfice des patients.

Je vais noter ce qui a évolué.

et dont il fait reposer la justification sur un savoir dont il serait le seul et unique dépositaire.

Il est vrai que certain-es infirmiers-ères ou aides-soignant-es sont capables de faire plus de choses que certain-es médecins. Il n'empêche que ces derniers ont une formation spécifique qui repose sur un savoir théorique, scientifique, que n'ont pas les aides-soignant-es et les infirmiers-ères, ou qui est plus approfondi chez les médecins (séméiologie, approfondissement de la physiologie, de l'anatomie, de la pharmacologie...)

Sur les gestes techniques, je partage en grande partie la critique de l'article. Par contre sur l'expertise, je pense que le-la médecin a une expertise spécifique.
Pourquoi, par exemple, faire passer la frontière qui délimite le pouvoir de l’infirmière entre la piqûre intramusculaire et la piqûre intraveineuse ?

C'est plus le cas, les infirmier-ères font des intramusculaires et des IV...
amputant l’homme de deux dimensions essentielles : l’homme social et l’homme sujet de désirs (exclusion des sciences humaines, demi-exclusion de la psychiatrie).

Ce n'est plus le cas il y a un enseignement spécifique de la psychiatrie (qui tient la même place que la pneumologie par exemple) et on commence à voir un enseignement de sciences-humaines de plus en plus important depuis une dizaine d'années.
Études qui se font sous la forme, non d’un apprentissage critique, mais d’acquisition par la mémoire d’une pseudo-science qui ne trouve sa matière que par un recours désordonné à des concepts venus d’autres sciences et qui perdent dans ce transfert toute cohérence.

Je ne suis pas d'accord.
De plus en plus les étudiant-es en médecine doivent lire et critiquer des articles médicaux, faire du travail de recherche personnel, confronter des théories...
Le recours à d'autres science est la base de la médecine occidentale actuelle, qui permet de soigner certains cancers, de faire des greffes, travailler sur des vaccins... La personne humaine est étudiée à l'aune des sciences et cela permet au contraire une vision cohérente, du moléculaire jusqu'au fonctionnement global.

De plus les étudiant-es en médecine font de nombreux stages (à partir de la 3e année ils-elles passent la moitié de leur temps dans les services). La formation n'est donc pas seulement théorique, mais en grande majorité pratique.
on l’appelle «Docteur» dès le premier jour, il ne pourra dorénavant que tendre vers cette image mythique, toute possibilité de critique ou de contestation lui est retirée, ainsi que d’une remise en cause de son mode de relation avec ses futurs «subordonnés».

Aucun personnel n'appelle les étudiant-es docteur. Ce sont les patients qui le font. Tout comme ils ne disent pas "bonjour M.-Mme l'étudiant-e infirmier-ère" mais "bonjour M.-Mme l'infirmier-ère".
Les relations avec les autres personnels sont de plus en plus égalitaires (le-la médecin est de plus en plus considéré-e comme un élément comme un autre d'une "équipe de soin").
il est chargé de maintenir la population en état de travail et de consommation (ex. : médecine du travail), il est chargé de faire accepter aux gens une société qui les rend malades (ex. : psychiatrie).

Oui c'est le rôle du-de la médecin de permettre aux gens de réintégrer la société. En ce moment c'est réintégrer la société capitaliste (donc la réintégration passe par un retour au travail et à la consommation), mais le principe sera le même dans une société libertaire.
Le-la psychiatre n'est pas chargé-e de faire accepter aux gens une société qui les rend malades, il-elle est chargé-e d'alléger leur souffrance morale au sein de cette société. Nuance.

Pour finir, les médecins ne représentent pas une réalité homogène : 50% sont en libéral, mais 50% travaillent à l'hôpital... Ce qui fait qu'ils-elles n'ont pas les mêmes intérêts ni les mêmes revendications...
Il existe d'énormes disparités de revenus nets, qui peuvent aller de 1000€ par mois pour un-e médecin généraliste libéral-e à la campagne, à plus de 20 000€ par mois pour certain-es radiologues...
Le système médical en France est bancal, les médecins étant financé-es par la sécu (donc la collectivité) mais n'ayant aucun compte à lui rendre.

Ainsi je trouve cet article daté, on ne peut le considérer comme une critique valable de la médecine actuelle. Ce serait dommage que des personnes tirent des conclusions définitives erronées, à partir de cet article, par méconnaissance du sujet.
RickRoll
 

Santé connectée, patient contrôlé

Messagede bipbip » 25 Mar 2018, 14:21

Santé connectée, patient contrôlé

Numérique : Santé connectée, patient contrôlé

Les données de santé sont toutes les informations qui existent, souvent de manière informatisée, sur notre état de santé individuel. Les volumes de ces données augmentent de manière exponentielle, et les problèmes que cela cause sont multiples.

Il y a cinq ans, on prenait rendez-vous chez son médecin traitant ou chez un ou une spécialiste en tapant son numéro sur un clavier et en l’appelant. Maintenant, il y a Mondocteur.fr. De plus en plus de médecins poussent, voire obligent, leurs patients et patientes à utiliser ce site web. Voyons voir ce qu’il nous propose.

En se connectant, on arrive sur une interface qui permet de choisir un ou une médecin. On a accès directement à tous les créneaux disponibles, et en quelques minutes, on a notre rendez-vous pour demain ou pour dans un mois. Comme c’est simple  ! Mais, si l’on y regarde de plus près, l’obligation de passer par cette plateforme pose quelques problèmes de taille. L’absence d’intermédiaire humain et les inégalités face à l’utilisation d’internet en sont deux importants, mais c’est le troisième qui va nous intéresser.

Il s’agit de la question des données que nous générons via ce site web. Qui y a accès, et pour faire quoi  ? Ces données existent, matériellement. Et si un jour, il était possible à notre assureur de les avoir à disposition, que penserait-il de ce rendez-vous avec un cardiologue  ? Et cet employeur pour qui vous passez un entretien, que penserait-il de ce rendez-vous pris chez un cancérologue il y a un an  ?

Cet exemple anodin soulève les questions principales liées à la santé dite «  connectée  »  : elles sont sociales, et pour que la santé reste accessible à toutes et tous, il faut les comprendre.

Les enjeux de la santé connectée

La santé connectée, ce sont tous les outils numériques qui sont utilisés aujourd’hui, ou le seront demain, dans le cadre de la santé. Les arguments en sa faveur sont principalement de trois types. Tout d’abord, elle permettrait de lutter contre les déserts médicaux. Par exemple les consultations par télémédecine permettent d’échanger avec son médecin par l’intermédiaire de son ordinateur. Un deuxième argument porte sur l’amélioration de la prévention  : en analysant nos données cardiaques, une montre connectée pourrait nous dire s’il est temps d’aller faire un dépistage. Enfin, l’autonomie des patients est visée, en lien avec des impératifs économiques. Ainsi, l’application Diabeo, couplée à un patch à coller sur le bras, aide les patientes et patients diabétiques à gérer seul.es leurs doses d’insuline.

Mais voilà, ces données qui semblent ainsi servir notre santé, peuvent être utilisées contre nous. L’Abilify MyCite est le premier médicament connecté à être autorisé sur le marché américain. Il est prescrit dans le cadre d’un traitement de la schizophrénie et des troubles bipolaires. En quoi est-il connecté  ? Il contient un capteur qui envoie l’information de l’ingestion du médicament à un serveur. Ceci signifie que le médecin peut suivre l’observance du traitement par le patient, c’est-à-dire qu’il peut savoir si le patient prend bien le traitement qui lui a été prescrit. Ces données pourront certainement servir à dérembourser les médicaments des patientes et patients qui ne les prennent pas, pas assez régulièrement, ou de la mauvaise manière.

Inégalités face au remboursement

Mais ce qui se passe aux États-Unis nous semble souvent bien éloigné, et ce n’est pas avec notre bon vieux système de santé que ce genre de chose arriverait… Et pourtant  ! En 2013, un arrêté prévoit le déremboursement du matériel de soin aux malades souffrant d’apnée du sommeil… L’appareil en question pouvait en effet envoyer les données d’observance du traitement. L’arrêté a été annulé par le Conseil d’État en 2014. On voit que l’on n’est jamais bien loin du flicage des patients pour des questions, toujours, d’économies. Ces méthodes permettraient de «  responsabiliser  » les patientes et patients  ? Rien ne prouve qu’elles améliorent l’observance  ! En revanche, elles rompent l’égalité face au remboursement des médicaments. Dans tous les cas, ces mesures répressives sont prises de manière autoritaire et sans concertation avec les associations de malades.

Car le problème de fond est bien là. Que ces données existent, c’est un fait. Qu’il va y en avoir de plus en plus gros volumes, c’est certain. On peut faire le choix de refuser toutes ces technologies, mais ce serait un choix de société qui nécessiterait de vrais débats, inexistants actuellement en-dehors peut-être de quelques institutions. On peut également faire le choix d’accepter ces technologies, car on déciderait que notre santé le nécessite.

Dans ce dernier cas, ces décisions ne peuvent qu’être collectives. Or, l’État, suivant les intérêts privés, fait tout pour que nous soyons seul.es face à ces choix.

Ainsi, un grand plan est actuellement monté pour séquencer les génomes des patientes et patients français, c’est-à-dire pour lire leur ADN, nos ADN. Ce plan a pour but d’augmenter no­tre connaissance de certaines maladies, pour pouvoir mieux les traiter. Mais les données de génome sont extrêmement sensibles, et même un contrat de confidentialité peut difficilement nous garantir totalement qu’elles ne tomberont pas en de mauvaises mains. D’ailleurs, les assureurs ne s’y trompent pas et financent les recherches dans ces domaines. Le Premier ministre, dans son discours du 17 juillet 2017 sur le sujet, a expliqué que le «  respect du consentement individuel dans l’utilisation des données de santé générées  » était une interrogation légitime. Le problème est dans ce mot, «  individuel  ». Imaginons un patient, dans le bureau de son médecin, lequel lui apprend qu’il a une maladie grave et lui propose de séquencer son génome pour en savoir plus. Dans ce moment de fragilité, de faiblesse face à la maladie, mais aussi de solitude, combien de patientes et patients pourront évaluer les risques et les avantages d’accepter de livrer leur génome  ? Combien de patientes et patients seront suffisamment entourés et informés pour avoir réellement le choix et la liberté de répondre «  oui  » ou «  non  »  ? Ce processus individualise une question qui ne peut qu’être collective. L’inexistence de réels débats sur ces sujets dans notre société porte à croire que nous ne serons pas en mesure de réaliser ces choix de manière éclairée.

Le système de santé est une question collective. L’individualiser sert les intérêts de celles et ceux qui veulent en faire un business.

Adèle (AL Montreuil)


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